n° 00615 | Fiche technique | 26905 caractères | 26905 4546 Temps de lecture estimé : 19 mn |
28/06/00 corrigé 14/07/20 |
Résumé: Valérie caresse son petit chaton par une chaude soirée d'été... Ne va-t-elle pas elle-aussi bientôt devenir chatte ? | ||||
Critères: #conte ffh bizarre voir exhib fmast | ||||
Auteur : Valérie_Maingat Envoi mini-message |
Avez-vous déjà observé le petit bout du nez d’un chaton ? Oui, sans doute. Je trouve cela hyper mignon, craquant. Je trouve que c’est presque ça le summum de la volupté, ou alors ça en fait partie, un petit coin de ciel bleu dans un monde de brutes. Vous vous direz probablement : « Oh, cette pauvre Valérie, ce qu’elle peut être gnangnan quand même, une vraie conasse, elle préfère ses histoires à l’eau de rose aux litres de foutre qui dégoulinent sur des trous du cul merdeux ». Depuis que je suis née, je passe de toute façon pour une emmerdeuse, ce n’est pas ma mère qui vous contredira, mais en vérité je vous le dis, par tous les saints et les archanges, je suis ainsi, comme le Christ en croix, j’ai horreur de vomir…
Je jouais donc ce soir-là avec Black Panther, un de mes quatre chatons, surnommé ainsi en référence à sa couleur bien sûr, mais également aussi au fait que ce petit salopard m’avait sauvagement mordue lorsque dans les premiers jours je l’avais séparé des couches de sa mère. Pour sûr, il avait du mordant, et j’espérais vivement qu’en grandissant il deviendrait comme cette belle chatte, un vrai chasseur sauvage et sanguinaire, un félin impitoyable toujours à l’affût de la moindre souris. Non pas que j’apprécie de voir souffrir ces pauvres petites bêtes, mais parce que je suis depuis toute jeune fascinée par la beauté terrible du carnivore fondant sur sa proie.
Véra était la chatte de la maison depuis six ans déjà. Mes parents l’avaient adoptée suite à la mort prématurée de Ronchon, un gros minou pataud qui passait ses journées à ronfler dans le grand fauteuil du salon en regardant la télé, ma mère lui avait inoculé le virus de Dallas. Son décès accidentel traumatisa tellement ma sœur, encore jeune, que les parents décidèrent à contrecœur de prendre à nouveau un chat. Mon père eut beau vociférer et arguer qu’avec trois chiens ce ne serait pas évident, que ce serait encore une charge supplémentaire et qu’il y avait toujours quelqu’un quelque part pour lui mettre des bâtons dans les roues, ma mère ne céda pas pour autant, que n’aurait-elle pas fait pour sa petite fille chérie !
Nous décidâmes, ma sœur et moi, pour une fois d’un commun accord de l’appeler Véra, prénom d’une vieille tante acariâtre qui ne disait jamais bonjour à qui que ce soit, comble de l’impolitesse. La petite chatte était ainsi, d’une indépendance à toute épreuve et royalement dédaigneuse des humains, méprisante comme c’est pas permis. Dans un premier temps, ma mère s’opposa fermement au choix de ce surnom (on ne sait jamais, des fois que la tante vienne dîner un soir !), mais que pouvait-elle faire face à deux chipies. Véra resta donc Véra.
Quelques années plus tard, ma sœur avait grandi, chiens et chats ne l’intéressaient plus depuis belle lurette, elle préférait aller en boîte, ou mieux, dans ces satanés raves gavés de substances illicites. Elle avait sans doute ainsi l’impression de vivre SA vraie vie en copiant ses contemporains écervelés ; et moi, pauvre conne qui n’ait jamais été friande de ce genre de brouhaha, c’est moi qui me retrouvais de corvée d’animaux à la maison, les chats, les chiens, les cochons d’Inde et même les poissons, ce qui était finalement normal, j’étais la seule à les aimer. Je m’étais prise d’affection pour cette chatte en particulier, sans doute en partie parce qu’elle n’avait guère besoin de moi, j’étais un peu jalouse de son indépendance. Je passais des journées entières à l’observer lorsque j’étais chez mes parents. D’une part, il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire dans ce trou à rat (la plaine beauceronne à perte de vue, vous parlez d’un tableau !), d’autre part le comportement de la petite bête m’émerveillait. Je traquais ses allées et venues dans les granges de la ferme. Elle bondissait dans tous les sens, elle était comme folle, j’admirais cette joyeuse insouciance.
Plusieurs fois, j’ai surpris mon père l’envoyer valdinguer d’un grand coup de pompe minable et affligeant, ça me foutait inévitablement dans des colères noires, je n’ai jamais pu de toute façon supporter ce vieux con ! Aussi quand j’ai déménagé pour de vrai, lorsque je suis montée à Paris pour poursuivre mes études, je l’ai emmenée avec moi.
Dans les premiers temps, j’ai eu peur il est vrai qu’elle ne fasse pas long feu en changeant ainsi radicalement d’environnement. Elle aurait pu s’échapper, se perdre ou même se faire tuer, mais elle s’est au contraire remarquablement bien adaptée à la vie citadine. J’habitais alors un vieil immeuble, au dernier étage, donnant juste sur les toits, et elle partait souvent en expédition, parfois toute la journée. Lorsque je m’absentais, je laissais le Velux entrouvert, laissant à la copropriété le soin de payer la note de chauffage, je n’ai jamais eu aucun scrupule à ce sujet…
Pour la seconde fois depuis qu’elle était avec moi, elle avait eu une portée, nous nous étions toujours vivement opposées avec ma sœur à ce que nos animaux de compagnie soient castrés. Elle devait sûrement frayer avec n’importe quel chat de gouttière, car cette petite chatte racée donnait vraiment naissance à la pire racaille rôdant sur les toits. La première fois elle eut deux chatons que j’avais généreusement distribués à mes copines de fac, et cette fois-ci, trois. Le petit noir était tellement mignon que j’avais pris la décision de le garder, les deux autres avaient bien heureusement trouvé eux aussi acquéreurs.
Depuis sa naissance, je passais plus de temps à jouer avec le petit chat qu’à réviser mes cours par ailleurs peu captivants. De toute façon, je n’ai jamais été très douée pour les études, et surtout, j’avais toujours la tête ailleurs, perdue le plus souvent dans mes rêves… À quoi sert de vivre une vie basée exclusivement sur un plan de carrière ?
Je lui faisais faire des cabrioles, je le coursais dans l’appartement, une vraie petite foldingue, à se demander lequel d’entre nous deux était le plus joueur… Et évidemment, il y avait ces moments de câlins intenses dans lesquels je mettais toute mon affection, et à ceux qui me répondront « Mal baisée », je rétorquerai : « À quoi sert d’être bien baisée si c’est pour être mal aimée ». Dans la population des mecs fiers de leurs performances physiques, j’avais déjà donné… Je ne parle pas des vantards – ce ne sont pas les plus à plaindre –, mais même pour les autres, quelle tristesse ! Avez-vous déjà essayé de monter des scénarios intéressants sur Minitel ? 90 % d’échec et 10 % de désillusion. À 23, 24 ans, j’étais déjà un tantinet blasée et je comprenais très bien que certains jeunes en viennent à se suicider. Qu’est-ce que la vie ? À quoi sert d’exister ? Qui suis-je ? Ou autres questions métaphysiques que les matérialistes n’entendent pas, simplement parce qu’ils ne savent pas qu’il faudra bien mourir… C’était ma période noire, black is black, destroy, comme on veut, je désirais m’évader… Je trouvais presque un sens à la vie dans les soubresauts de cette petite peluche toute chaude, et c’est ce qui m’a sauvée !
La journée avait été moite, orageuse, étouffante. Je n’avais qu’une vieille douche souffreteuse à l’époque, un jet poussif et des carreaux fendus aux jointures malsaines qui ne m’inspiraient rien qui vaille. Il fallait vraiment le vouloir pour ne pas se complaire dans la crasse. En d’autres lieux, d’autres temps, chez mes parents par exemple, j’aurais déjà pris deux douches depuis le début de l’après-midi pour me débarrasser de toute cette sueur qui me collait au corps et me donnait cette impression de puer. J’ai jeté un œil dans la petite salle d’eau, mais là, vraiment pas, c’était vraiment trop naze, beaucoup de propriétaires faisaient décidément du fric à Paris avec des appartements limite insalubres. Révoltant, mais je n’avais vraiment pas les moyens de dépenser plus. Déjà mon budget était en dépassement, mon compte bancaire dans le rouge, nous les petites gens nous vivons vraiment comme des cloportes… Quant à la possibilité d’émigrer en banlieue dans une cité naze, trois heures de trajet par jour et la peur au ventre, je n’osais même pas y penser…
J’ai soulevé un bras, mon t-shirt ample était tout trempé dessous… vraiment pas ragoûtant comme tableau ! J’ai toujours été forte sans être véritablement obèse, mais en tout cas en surcharge pondérale comme on dit de nos jours, pas vraiment complexée par mon état, pas non plus très à l’aise dans mon corps. Je ne suis en tout cas pas (et je n’ai jamais été) une obsédée de la perte de poids, on est comme on est après tout, il faut s’assumer tel quel. Un des problèmes et non le moindre des personnes un tantinet opulentes est qu’elles sont beaucoup plus sensibles à la chaleur et beaucoup plus sujettes à suer, c’est en tout cas mon cas. En plein été comme à présent, je me supporte à peine !
J’ai donc ôté mon t-shirt, l’ai jeté sur la pile de linge sale et me suis retrouvée en soutien-gorge, fenêtre ouverte qui plus est. Si le voisin d’en face était là probablement à cette heure, il allait encore s’en payer une bonne tranche et plonger ses yeux pleins d’envie sur mon corps de déesse… Je l’avais surpris plusieurs fois en train de me mater, mais qu’importe si ça lui faisait plaisir, à moi cela ne me faisait pas de mal, tant que nos échanges se limitaient à un voyeurisme gentillet ! De toute façon, d’après ce que j’avais pu en voir, ce n’était vraiment pas mon style, trop coincé dans ses vêtements sans attrait, je préférais un style un peu plus bohème… Le voisin d’à côté par exemple, celui qui habitait l’appartement qui faisait le grand U, un grand type aux cheveux longs qui semblait toujours planer, perpétuellement dans la lune, mais avec un grand sourire angélique. Malheureusement, je l’avais croisé plusieurs fois avec une fille dans l’escalier, une petite brune aux yeux immenses, et du coup, j’avais abandonné tout espoir.
Peut-être était-ce en août, car la nuit tombait déjà assez tôt. J’étais affalée à moitié nue dans mon fauteuil et la pénombre gagnait l’appartement, m’entourant peu à peu de mystère. Pour la ixième fois, Black Panther essaya de se hisser en haut du fauteuil à force de griffes. Il semblait inépuisable malgré son jeune âge. Je le saisis entre mes mains et le portai entre mes seins, petite boule de duvet toute douce tandis que ses petites griffes me rentraient dans la chair en me faisant trembler. Je ne sais trop pourquoi, mais ce contact m’électrisa. Je frémis malgré moi. Il se mit à ronronner, fier de son coup, sans aucun doute, et entreprit d’escalader ma figure. Il était si mignon… Je me suis mis à penser, je n’étais plus ici, perdue dans un univers de félins en observant un maigre croissant de lune qui scintillait au-dessus des toits. On dit souvent que la pleine lune incite à tous les excès, mais je sais, en ce qui me concerne, que la quasi-obscurité d’une nuit sans lune est beaucoup plus propice à mes divagations. Protégée à l’abri du noir, je me sens littéralement la reine de l’univers !
Tout en continuant de caresser le petit chaton, je me sentais peu à peu devenir chatte, sensuelle, dangereuse, mordante, pleine de crocs et de griffes acérées. Je me voyais déjà longeant les gouttières en train de sauter de toit en toit dans un silence attentif, prête à bondir sur ma proie. Malgré – ou peut-être à cause de – la moiteur de ma peau, le contact du chaton me faisait frémir. Par-dessus tout, cette sensation parfaite que procure cette fourrure duveteuse, une douceur on ne peut plus idéale.
Un peu plus tard Black s’est scratché. Il a glissé le long de mon corps, a perdu appui sur ses coussinets et est retombé sens dessus dessous sur la vieille moquette usée. Il ne s’était pas fait mal, ils se font rarement mal ainsi, mais il a bondi tel un ressort et, surpris par la tournure des événements, il s’est retrouvé sur ses pattes et a bondi vers son panier. Du coup, je me suis relevée, l’atmosphère était étouffante, je suis allée me pencher en soutien-gorge à la fenêtre, il n’y avait pas un souffle d’air… Cela viendrait sans doute, mais au petit matin… en attendant, il faudrait bien s’en satisfaire.
Rentrant à nouveau dans la studette, l’idée folle de me mettre entièrement nue s’imposa soudain à moi. Je ne le faisais d’ordinaire jamais, mais il faisait tellement chaud ce jour-là, et puis, de toute façon, l’appartement était désormais plongé dans une quasi-obscurité et je ne risquais véritablement plus rien. L’instant d’après, mes sous-vêtements sont allés alimenter le tas de linge sale. Je me suis sentie un peu con, presque indécente et surtout mal à l’aise dans ce corps que je ne maîtrisais pas et qui me semblait également quelque peu étranger. J’étais seule avec moi-même et pourtant si gauche ! Allons, ma fille, ressaisis-toi. Je suis allée voir dans l’armoire, sur le point de trouver quelque chose pour cacher ma nudité…
C’est là que j’ai trouvé cette espèce de boa, vous savez ces trucs imitation fourrure avec des longs poils blancs, le nom m’échappe… J’avais dû piquer ça à ma mère qui ne savait plus qu’en faire, je trouvais ça original et marrant, surtout infiniment doux. En tout cas, ça se porte plutôt lorsqu’il fait frisquet, pour éviter une angine, mais là, précisément, ce qui m’attirait était cette intense douceur. Je ne pus résister à la tentation de le prendre ni à celle de le faire glisser le long de mon corps, sur mes seins, dans mon cou et même tout doucement entre mes cuisses. Si quelqu’un m’avait surprise ainsi, il m’aurait sans doute prise pour une cinglée, mais mon épiderme était tout en alerte et je ne me souciais plus vraiment du qu’en dira-t-on, d’autant plus que j’étais seule et que ces sensations étaient tellement agréables, tellement fines, je n’avais jamais ressenti un contact aussi sensuel, c’était un peu comme un second éveil à la volupté… Je me suis sentie chatte, carnivore, prête à bondir, j’avais l’image d’une panthère noire au corps musclé et luisant bien ancrée dans la tête. J’ai fermé les yeux et j’ai pensé à Véra, quelque part aux aguets sur les toits, scènes de traque, je l’imaginais plongeant vaillamment sur un énorme rat aux incisives cruelles.
Je suis allée jusqu’au velux et j’ai passé ma tête dans le trou. La lune n’était plus qu’un lointain mirage. Les nuages arrivaient par l’ouest, annonciateurs d’orage. Ça allait faire du bien, mais pour l’heure l’atmosphère restait particulièrement oppressante. Les toits en désordre anarchique s’étalaient devant mes yeux fascinés, un bric-à-brac d’antennes tordues et de faux niveaux : c’était donc là le domaine des chasseurs, il faisait presque nuit…
Je suis redescendue, me suis étirée comme une tigresse en fermant les yeux et en imaginant encore que je glissais entièrement nue dans un épais tapis bouclé, des poils immenses, une véritable forêt vierge qui frôlait mon corps et dans laquelle je m’enfonçais lentement, véritable petite panthère noire à l’affût.
J’ignore comment j’en suis venue à ouvrir la porte et à passer sur le palier. Je savais que le couple de voisins était parti en vacances, il n’y avait rien à craindre de ce côté-là. En tout cas, je n’aurais jamais commis une telle folie si j’avais eu toute ma lucidité, je n’ai jamais été particulièrement exhibitionniste et là c’était vraiment trop risqué de se balader entièrement nue dans une cage d’escalier. Mais je me rêvais chatte, je n’y pouvais rien…
Près du cagibi, il y avait une porte dérobée qui menait sur les toits. Accessoirement elle servait également d’issue de secours et était donc parfaitement déverrouillable ! Je l’avais d’ailleurs empruntée deux ou trois fois lorsque, inquiète de ne pas voir revenir Véra, j’étais partie à sa recherche. Inutile de dire que je ne l’avais pas retrouvée, elle était revenue bien sagement quelques heures plus tard, complètement indifférente à mon inquiétude. Sur les toits, en plein jour, c’était un véritable spectacle de désolation qui s’offrait à nous, briques noircies, murs de bétons qui s’effritent, barres de fer rouillées, cet univers-là était totalement laissé à l’abandon. Il faut dire que rares étaient les promeneurs, quelques ramoneurs avant l’hiver ou alors des installateurs d’antennes, mais je n’ai jamais vu personne se balader avec un fusil à lunette !
Protégée par la nuit presque noire, je me suis aventurée sur la terrasse, vêtue en tout et pour tout d’une vieille paire de baskets en piteux état, mais pour le reste entièrement nue. Quand j’y repense, je trouve ça complètement fou, moi qui suis d’ordinaire plutôt pudique, mais ce soir-là je n’étais plus véritablement moi-même, je m’étais faite chatte, plutôt lionne ou mieux panthère, toutes griffes sorties et prête à mordre, et c’était ici mon territoire de chasse. Je me suis faufilée de long d’une plaque de zinc qui longeait le mur gris, m’arrêtant un instant pour attacher mes lacets, non pas par précaution, mais pour être au maximum opérationnelle, prête à bondir de liane en liane dans la jungle tropicale, puis j’ai gravi sans plus attendre l’échelle métallique qui menait au niveau supérieur.
De là-haut, on voyait beaucoup mieux, je surplombais cette vaste étendue déserte qui allait me servir de territoire de jeu. À droite de la lumière et un peu plus loin en contrebas des portes en fer qui menaient vers d’autres immeubles. Moi qui suis plutôt lourde, je marchais pourtant avec une douceur exquise comme si j’avais été sur coussins d’air et pratiquement aucun bruit ne résonnait sous mes pas. J’ai continué ma lente progression sans me poser de question, me faufilant avec une dextérité peu commune entre les obstacles, bien décidée à explorer tout cet univers… Je ne savais plus trop si j’étais féline ou loup-garou et si tout ça n’allait pas se terminer au bout du compte par un bain de sang, une messe noire sous la lune diaphane, mais pour l’heure l’astre était absent et il s’agissait de découvrir ce Nouveau Monde.
Protégée par la pénombre, j’ai osé un œil dans la verrière. Il y avait là un couple assis sagement sur un sofa, scotché à la télé comme deux robots, rien de bien palpitant en fait. Je ne m’attendais sans doute pas à découvrir des scènes orgiaques qui ne m’auraient de toute façon pas spécialement stimulée, mais de là à me satisfaire de cette convenance télévisuelle ! J’ai contourné l’obstacle et suis redescendue de l’autre côté, vers les toits, toujours avec la facilité d’une chatte, étonnant pour une fille aussi peu sportive que moi, mais cette nuit-là j’avais des ailes… J’ai ouvert une porte qui plongeait vers une cage d’escalier des plus sinistre. Une seconde a résisté à mes assauts, la troisième grinçait vraiment trop et j’allais me faire repérer, alors j’ai continué ma route à la recherche de ma proie.
De temps en temps, je m’arrêtais, je regardais alentours, les appartements en contrebas, dans l’espoir de découvrir quelque chose d’intéressant. Il y avait bien quelques ombres tapies dans la nuit, une fois aussi une tête émergea d’un balcon. Souvent aussi je tendais l’oreille, à l’affût du moindre bruit.
Désormais, je connaissais ma quête : seule la vision d’une scène de sexe parviendrait à calmer mes ardeurs. Je venais de m’en rendre compte soudain, mes yeux fouinaient partout à la recherche d’un couple en train de copuler. Je ne savais plus trop d’où me venait cette idée, mais elle était là, désormais bien ancrée en moi, une envie folle de volupté qui me poussait à accomplir cette folie. Peu importe mon corps nu, peu importe que l’on me voie, j’avais trop envie, d’un désir insatiable, un appétit vorace, prête à tout pour assouvir cette envie profonde…
Derrière une cheminée, alors même que je pensais que cet étrange désert ne parviendrait jamais à combler mes espérances, je tombai soudain avec une scène d’un érotisme torride… De l’autre côté de la rue, juste en face de moi, une baie vitrée grande ouverte, un appartement à demi-éclairé, un couple complètement nu sur un lit était en train de se déchaîner. Je devinais presque la sueur perlant sur le corps de la fille qui chevauchait son mâle sans aucun complexe, ses seins lourds rebondissaient sur son torse à chaque allée et venue. Elle était belle et luisante, quoiqu’un peu loin pour que je puisse véritablement en juger, mais ce que je ne voyais pas je le devinais. Cette chevauchée lente, interminable, frénétique, d’une beauté extraordinaire, me fascinait. J’avais les yeux rivés sur ce couple et, tout en les regardant, j’en arrivais presque à me masturber. Oubliant où j’étais, qui j’étais, ce que je faisais là, seul mon désir m’inspirait, mon envie tout comme elle de chevaucher un beau mâle et de me laisser aller à toutes les voluptés.
Un peu plus tard, ils ont changé de position. Elle s’est mise à quatre pattes, il est venu derrière elle et l’a prise sans plus attendre. La femelle s’est retournée et l’a regardé d’un regard félin, plein d’envie, totalement offerte à son mâle. J’étais fascinée, ma main glissait désormais fiévreusement entre mes cuisses chaudes. Je me sentais humide, mouillée, excitée comme jamais, mais je restais malgré tout relativement sage, me contentant de titiller légèrement mon bouton d’amour. Mais cette simple caresse suffisait à m’électriser au plus haut point et je me sentais déjà partir vers d’autres mondes, voguer vers d’autres cieux, hors de l’espace et du temps, belle amazone perdue au milieu d’une forêt tropicale.
J’ai regardé jusqu’au bout, jusqu’à leur jouissance, jusqu’au point de non-retour, jusqu’à ce que leurs deux corps s’affalent l’un sur l’autre, avant qu’ils ne s’en aillent ailleurs, sans doute pour aller prendre une douche. J’avais joui quelque peu moi aussi, pas une grande jouissance évidemment, pas un orgasme qui vous ébranle entièrement de part en part, non un orgasme tranquille, mais aigu et piquant, suffisant pour me tétaniser les cuisses, moi qui étais restée debout, ce qui n’est pas des plus pratique… J’ai même senti un spasme en frôlant mes tétons.
Le retour à la réalité a été long et pénible. J’ai attendu encore dans l’espoir de les voir revenir puis je me suis résignée, le spectacle était terminé, il me restait à rentrer à ma tanière…
J’ai entrepris de faire le chemin du retour, je ne pensais vraiment pas avoir été aussi loin, complètement à l’opposé du pâté de maisons, sous la cheminée pointue le petit carré sombre que j’apercevais, ce devait être ma fenêtre… J’étais vraiment folle d’être venue jusqu’ici, qui plus est dans cette tenue. En plus, ça ne paraissait plus aussi évident qu’à l’aller. À un moment donné, ma chaussure a glissé sur une plaque de zinc et j’ai pris peur. Panique à bâbord, plus de peur que de mal c’est certain, mais ça jette un froid, forcément ! Alors, de chatte aventureuse, je me suis faite tortue portant difficilement sa carapace dans ce monde hostile. Je commençais à désespérer de parvenir un jour entière chez moi et progressais avec difficulté sous la nuit noire. Plus si noire que cela d’ailleurs, un coup de vent avait chassé les nuages et le frêle croissant de lune apparaissait de nouveau, rendant ma nudité obscène ! Ma pauvre fille, mais qu’est-ce que tu fais là dans cette tenue ? T’es t’y pas bredaine quand même ?
Pour parachever le tout j’entendis un grincement sur ma droite, comme une fenêtre qui s’ouvre. Je me suis retournée effrayée, j’ai effectivement vu une fenêtre entrouverte de l’autre côté de la cour et il y avait bel et bien deux ombres devant l’ouverture… qui me dévisageaient. Deux petits connards qui me mataient. J’étais verte. Ceci dit, ils ne devaient pas bien me voir, ils étaient loin, des ombres diffuses et par conséquent en ce qui me concerne, c’était pareil. Néanmoins, j’étais persuadée qu’ils devaient avoir remarqué qu’il s’agissait d’une femme et qu’elle se promenait nue sur les toits, quelle honte ! Plaise au ciel qu’ils n’appellent pas la police…
De plus, je pris soudain conscience que lorsque je tournerais au coin, juste avant de regagner ma terrasse, je ne serais jamais aussi près d’eux et que là ils pourraient me voir distinctement et pourquoi pas me reconnaître…
J’étais partagée entre la peur de la police et la peur d’être identifiée, les deux allant d’ailleurs de paire. D’un côté je me disais qu’il fallait me dépêcher et qu’après ce serait fini, mais d’un autre côté j’avais plutôt envie de la jouer plus fine et de ruser… et, pourquoi pas, de faire un petit détour pour ne pas être découverte.
Je me suis planquée un moment, essayant de me concentrer sur la stratégie à adopter, puis je suis repartie et j’ai bifurqué, j’ai changé de direction en espérant trouver ainsi un autre passage, mais je me suis rapidement retrouvée face à un à pic, vertigineux ! « Allons ma vieille, prends ton courage à deux mains, descends cette satanée échelle et rentre vite chez toi. »
Désormais, j’étais beaucoup plus près d’eux. En tournant la tête, je voyais presque le contour de leurs visages ainsi que leurs expressions. Ils dodelinaient de la tête, ils n’en perdaient pas une miette, les petits salauds, ils s’abreuvaient du spectacle que je leur offrais. Autant que je pouvais en juger, c’était deux mecs assez jeunes, je ne les connaissais pas, leur appartement donnait sur une autre rue, je m’en foutais de ces mecs, mais j’avais surtout soudain l’impression d’être une grosse vache, une espèce de monstre de foire en but à la risée du public. Il me restait à descendre cette maudite échelle métallique complètement rouillée, acte délicat s’il en est durant lequel ils auraient tout loisir de me détailler en s’égosillant à perdre haleine.
« Alors là ma vieille, tu l’as bien cherché. Il te reste à porter ta croix… »
J’ai entrepris la descente en essayant de ne plus penser à rien. J’imaginais leurs yeux glauques posés sur mes formes débordantes « Berk berk, si vous avez jamais vu une paire de nichons… alors ». À mi-chemin, l’un d’eux s’est mis à siffler, tout fort. L’autre a enchaîné en criant quelque chose, de quoi réveiller tout le quartier à cette heure tardive… Quelle honte ! Je me suis dépêchée, mais sentant sans doute que j’allais bientôt leur échapper, ils se sont mis à crier de plus belle. Je n’entendais pas les mots très distinctement, mais mieux, je les devinais, des choses comme « Ouuuhhhh la grosse salope » « Ouaaahhh la vicelarde ». Je ne pouvais forcément être que la pire des pétasses pour me trouver ainsi dans cette tenue…
Je me suis presque tordu la cheville en m’écroulant par terre, mais là, pas le temps de pleurer sur mon sort, j’étais droit sous les feux de la rampe. J’entendais déjà d’autres voisins qui, réveillés en pleine nuit par les cris des jeunes gens, leur beuglaient aux fenêtres un flux d’invectives. Ça allait finir par réveiller tout le quartier et se terminer en bagarre générale si ça continuait…
J’ai juste eu le temps de me mettre à l’abri. Une fois sur la terrasse, seul un hélicoptère de la police aurait pu découvrir mon état. Mais, pas plus rassurée que cela, je me dépêchai malgré tout de rejoindre ma chambrette et de m’y enfermer à triple tour !
Véra était déjà rentrée… Cette nuit-là, elle avait décidé de ne pas partir en chasse…