n° 00942 | Fiche technique | 19136 caractères | 19136 3386 Temps de lecture estimé : 14 mn |
03/09/00 corrigé 13/07/07 |
Résumé: Une fête, un samedi soir. Elle y retrouve quelques-uns de ses amis. Elle est soudain attirée par un bras de fer qui se déroule dans un coin de la salle. | ||||
Critères: #nonérotique #vengeance campagne boitenuit fête contrainte fellation pénétratio | ||||
Auteur : Valérie_Maingat Envoi mini-message |
Je me suis résolue à publier ce petit texte pas spécialement érotique (peut-être même tout le contraire) que j’ai écrit il y a déjà quelques années, simplement pour illustrer le fait que la morale n’est pas toujours aussi limpide qu’il y paraît et qu’en toutes choses il importe de moduler !
Quoi qu’il en soit, il ne s’agit nullement d’un récit autobiographique, même s’il y a toujours quelque part une part de vérité !
Mais des meilleurs préceptes, dogmatiques à ce point, naîtra toujours une obsédante tyrannie. N’assomme donc pas les autres de toutes tes vérités quand bien même elles seraient tellement belles qu’il serait évident de t’en féliciter. Divulgue donc doucement, tendrement ta morale, use de stratagèmes, de méandres, de volutes, noie-la bien tout au fond d’un beau flou artistique et laisse-leur l’intime surprise de cette découverte, ce n’en sera que plus magique et révélateur de la nécessité qu’elle a à s’imposer !
Principes ou balivernes ? Roger-Logan Stern – 1953
… Deux heures déjà que j’étais dans la salle de bain et que je me pouponnais ! Deux heures de fichues, de gaspillées, je n’allais quand même pas sortir avec le monstre qui me regardait dans la glace !
« Oh ! et puis zut, ma vieille, ressaisis-toi, tu vas pas flancher, pas maintenant ! Tu ne vas pas encore jouer la larve et rester dans les jupes de maman ! »
J’avais déjà fait le coup la dernière fois ! Une horreur ! Durant un mois, je n’avais fait que ressasser ça dans ma tête. J’avais eu faux sur tous les tableaux sur ce coup-là, y compris le petit sourire en coin de ma meilleure copine.
« Allez, ressaisis-toi ma vieille, serre les dents. »
Je regarde dans la glace, qui voudrait de ça, de cette bouille ronde de campagnarde ? Tu m’étonnes qu’ils te croient attardée, t’as hérité de tous les traits grossiers de ta mère, avec en plus ceux de ton père, et tout ça se transmet de génération en génération. Jamais je ne voudrais avoir d’enfant…
« Allons, arrête ! Tu dis n’importe quoi ! Tu n’es pas pire qu’une autre ! »
Pas mieux non plus.
« Regarde Maryse, elle non plus n’est pas… »
N’est pas quoi, au juste !
« Et pourtant elle sort, elle a un petit ami et ce n’est pas le premier ! Il faut toujours que tu te fasses une montagne de tout, que tu te mettes des barrières supplémentaires. Mince alors, si tu n’étais pas si compliquée ! »
Déjà deux fois que je refaisais mon maquillage. Encore raté ! La fois précédente, j’avais abusé sur les couleurs et je faisais carrément clown, caricature, à la limite de la fille mauvais genre. Résultat des courses : j’avais été hyper-mal dans ma peau et durant toute la soirée, j’avais l’impression qu’on me regardait, qu’on me détaillait et j’étais là, gauche et stressée, le ventre noué, à attendre de pouvoir m’en aller… Cette fois-ci il fallait tout faire pour éviter ça, ne pas abuser sur le fond de teint, le rouge à lèvres ou le ricil, mais en mettre suffisamment pour masquer les imperfections et rendre ce visage à peu près présentable, sinon désirable !
Josée était passée me prendre. Évidemment je n’étais pas prête.
Alors j’avais accéléré le mouvement. Mettra, mettra pas, j’hésitais entre une jupe bien sage et une tenue un peu plus décolletée. Au dernier moment j’ai opté pour la seconde solution, peut-être parce qu’elle tournait autour de moi et que ça m’agaçait. Finalement, lorsque je me suis retrouvée auprès d’elle dans sa voiture, je l’ai regretté… mais il était trop tard pour faire marche arrière.
C’était une très grande soirée, très hétéroclite aussi, quelqu’un avait loué la salle des fêtes, nous étions des dizaines là-dedans avec une sono infernale qui nous assourdissait, les bruits de basse résonnaient dans mon cœur. Je me demandais déjà comment j’allais tenir ainsi toute une soirée. Il y avait des gens qui dansaient, demi-obscurité, beaucoup d’autres qui fumaient, nuage de fumée, qui criaient, qui trinquaient, des connaissances bien sûr, pas mal d’inconnus également. Bref, l’avantage c’est qu’on pouvait passer totalement incognito au milieu du brouhaha, l’inconvénient c’est qu’on ne savait trop quoi faire.
On a commencé par rejoindre les copines de la fac, par bavasser, ou alors les amies d’enfance, celles du primaire, finalement c’était toute ma vie qui était là autour de moi, tout mon village, toutes mes connaissances, tous mes amis et puis aussi plein d’invités étrangers…
Ensuite nous nous sommes séparées, certaines sont parties danser. Moi j’ai décliné toutes les invitations, parce que je suis con, que c’est comme ça, que je ne pourrai jamais rien changer. Alors Frédéric est venu près de moi pour discuter. Frédéric, c’est mon ami d’enfance, il a toujours été follement amoureux de moi, amoureux transi, il est gentil, mais je ne sais pourquoi il ne m’a jamais attirée. Il discute de tout, de rien, il en profite pour me mater avec ses yeux glauques, non, là, je suis vache mais c’est vrai qu’il est myope comme une taupe. Non, sincèrement, en plus, je l’aime beaucoup, c’est un très bon copain, je ferais n’importe quoi pour lui… sauf me retrouver dans son lit, non pas qu’il soit moche ou… Non, simplement ça n’accroche pas, je l’adore, mais pas sur ce plan-là… J’accepte de danser avec lui, même un slow pour lui faire plaisir, j’accepte même qu’il me serre un peu trop contre lui, ce n’est pas lui rendre service, mais ça s’arrête là…
Ensuite nous rejoignons le bar, il me présente un de ses amis de fac, un beau parleur, le style casse-pied que je n’apprécie guère. Il me parle en matant les filles qui dansent sur la piste, sympathique ! Aussi bien pour elles que pour moi. Et puis j’ai horreur de ce ton m’as-tu-vu, prétentieux, je n’ai qu’une hâte, celle de m’arracher. Un peu plus loin, un petit attroupement s’est constitué. À défaut de mieux, je file là-bas.
Deux mecs assis face à face autour d’une table font un bras de fer. Les autres autour d’eux les encouragent. Le style macho/ringard/fan de Johnny, maillot à bretelles et tatouages, le style gros méchant qui va tout casser si tu touches à sa mob, le style aussi à chercher des histoires quand tu le regardes de travers ! D’ailleurs, ils traînent tous les samedis à la recherche de la baston, mettent la main aux fesses des filles, de préférence accompagnées, simplement pour faire sortir les autres mecs de leurs gonds. Enfin, pour l’instant je ne sais pas trop si ces deux-là sont ainsi, mais c’est du moins l’impression qu’ils me donnent, ces gros balourds. L’un d’entre eux paraît pourtant plus jeune, plus fin. L’autre transpire comme un bœuf, sous son t-shirt Marcel, une large auréole de transpiration malsaine, tout aussi révoltante que les miettes dans son épaisse barbe broussailleuse…
L’autre est certes plus fin, le visage fermé et anguleux mais rasé de près et un certain charme dans la sauvagerie à la James Dean. Avec sa boucle d’oreille, il en est presque craquant.
« Attends, ma fille, tu vas quand même pas t’enticher d’un casseur. »
À un moment, en plein effort, son regard croise l’assistance, j’ai presque l’impression d’être mise à nu. Je ne sais plus trop s’il m’a fait un clin d’œil ou si j’ai tout imaginé. Mais il perd du terrain et se concentre à nouveau.
Hommes et femmes alentour sont excités comme des bêtes et encouragent chacun leurs leaders. Le public s’enthousiasme… Sur la table, muscle saillant contre muscle saillant, je suis comme fascinée par cet échange bestial aux biceps triomphants. Je n’ai jamais ressenti ça auparavant. J’espère moi aussi secrètement que la boucle d’oreille va terrasser la grosse brute et écraser son gros bras sur la table. Il en prend bien le chemin, la tension monte dans les muscles, la sueur perle sur leurs fronts, ils soufflent, ils grognent, ils s’acharnent, le spectacle en devient émouvant, l’assistance retient son souffle !
Finalement mon leader a gagné, la brute épaisse au bout du rouleau a lâché prise et, désormais en retrait, il fait grise mine.
Tout le monde applaudit, congratule, je suis un peu en retrait, presque déçue que tout ceci s’achève. Il n’y en a plus que pour mon héros, entouré par deux minettes.
« Allons, connasse, réveille-toi, c’est pas pour toi, ce genre de type, en plus c’est pas ton style. »
Je suis déjà passée à autre chose, j’ai retrouvé une ex-copine de lycée qui fait un stage d’horticultrice. Elle compte faire sa vie ici, au village, il n’y a qu’ici qu’elle se sent bien… Un fossé entre nous, moi qui n’ai qu’une hâte, celle de m’arracher… Et en plus elles m’agacent toutes ces nanas, elles savent tout de la vie, elles ont plein de certitudes, connaître le Grand Amour, fonder un foyer, avoir des enfants, réussir leur vie professionnelle… Je me dis que je dois être anormale, je me pose trop de questions !
Il est là, mon héros, penché sur moi, qui me dévisage avec un grand sourire, tout près de ma joue son bras musclé. J’en bégaye, je suis troublée, je me liquéfie sous son regard de feu :
Dragueur invétéré, il me fait horreur ce type, pas tant que ça, je ne sais plus trop où j’en suis. Il me propose un verre, nous sommes seuls à l’écart… Et je ris, je ris, je ne sais pas ce qu’il me raconte mais je ris, j’ai peut-être déjà trop bu. De temps à autre, je jette un œil sur sa boucle d’oreille ou sur son bras musclé. Il porte un tatouage en haut de l’épaule, mais ça reste discret ! Toute une symbolique rebelle, je suis presque attirée.
Il me dit que je suis la plus belle, je n’en crois pas un mot mais c’est ça que j’ai envie d’entendre et nous nous retrouvons tout d’un coup dehors, il m’entraîne sur sa moto, une grosse Harley customisée à mort, avec peintures personnalisées, chromes étincelants et aussi les inévitables lanières de cuir, une heure plus tôt j’aurais trouvé ça dérisoire et hilarant. J’accepte d’aller faire un tour, je suis complètement folle.
« Merde, qu’est-ce qui te prend, ma fille, tu as perdu la raison ? »
Le moteur crache un gros bruit sourd et s’engage sur l’allée. En deux minutes nous voici perdus quelque part dans la nuit noire, sur une petite route à travers champs. Il est devant moi, tout contre moi, merde, qu’est-ce que je suis venue faire ici… Surtout quand il s’arrête près d’un bosquet !
Il commence à me tripoter, je dessaoule un peu, je n’ai pas très envie, je n’ai plus très envie, je n’ai jamais eu envie, en fait. Enfin, je ne sais pas, je me suis mise dans de beaux draps, il me tient contre lui, commence à me déshabiller, à dévoiler mes seins. Non, je n’ai pas envie, pas comme ça, en tout cas, pas un petit coup à la sauvette avec un inconnu. Je me débats un peu mais il me retient très serrée, je n’arriverai jamais à m’en dépatouiller. Je proteste, je lui dis d’arrêter, que je ne veux pas. Je ne fais vraiment pas le poids et lui est très musclé. Il me traite de salope, de garce, d’allumeuse, je sais qu’il n’a pas tout à fait tort en plus… Et comme je continue de résister, il glisse violemment ses doigts dans ma culotte et les enfonce d’un coup sec en moi.
Je me retrouve bientôt à quatre pattes dans l’herbe et aussitôt il pénètre en moi avec violence, sans aucun égard pour ma personne. Nous sommes restés tout habillés, je me sens comme une poupée, comme un jouet, un trou à boucher. J’ai mal, je ne suis même pas mouillée, il est d’une telle brutalité ! Je crois qu’à ce moment, j’ai arrêté de résister, comme si je consentais. J’ai serré les dents, j’ai pris mon mal en patience… Je passe "à la casserole" mais à ce moment-là, je m’en fiche complètement, j’ai la tête ailleurs, il pourrait même me sodomiser (heureusement il ne l’a pas fait). Et il ne se contente pas de me baiser, il parle ce crétin, les mots orduriers l’excitent, il me dit que je suis une vicieuse, que ça me plaît d’allumer les mecs, que je suis un boudin et, qu’avec la tête que j’ai, j’ai intérêt à me laisser faire et que je devrais être bien contente de recevoir ses faveurs. Plus tard il me retourne et me termine en missionnaire (tandis que je ferme les yeux), avant de m’asperger le visage et de me faire lécher.
Voilà, c’est fini, un quart d’heure montre en main peut-être, une éternité pour moi. Il se rajuste et m’invite à remonter sur la moto en me gratifiant d’un « Ça t’a plu, hein, avoue, grosse cochonne ! » Ça, il aurait pu s’en passer. J’ai susurré un « Oui », histoire d’avoir la paix, et puis nous sommes rentrés. J’ai prétexté un arrêt au pipi-room, histoire de ne pas m’afficher avec lui, et puis je me suis éclipsée sans rien dire à personne. J’ai fait les sept kilomètres qui me séparaient de la ferme de mes parents à pied, seule dans la nuit noire, je n’arrêtais plus de pleurer.
« Je m’en veux. Je m’en veux d’avoir cédé si facilement à ses avances, je m’en veux de ne pas avoir assez résisté… Je hais la terre entière. »
Ensuite j’ai oublié cette histoire, autant que faire se peut. Quelques mois plus tard, j’ai été me faire faire un test HIV, au cas où. Et puis c’est tout, j’avais repris mes études, beaucoup plus consciencieusement que d’habitude, preuve que quelque chose ne tournait pas très rond !
J’ai retrouvé sa trace incidemment. Simplement, un soir, en rentrant de la fac, je suis tombée nez à nez avec sa moto. Elle était garée avec d’autres, face à un petit bar d’une rue piétonne. Je ne l’avais vue qu’une fois, et encore sur la place faiblement éclairée, mais j’ai reconnu le dessin sur le réservoir d’essence. J’ai traîné quelques minutes dans le coin, en faisant attention de ne pas me montrer. Mais finalement je suis rentrée chez moi. Mais ça me travaillait, je tournais en rond dans la chambrette, alors je suis passée chez Maryse, je l’ai tannée pour qu’elle me prête sa voiture et je suis retournée là-bas, pour l’épier.
J’ai attendu longtemps, ils sont sortis très tard, quatre mecs du style loubard et quatre blondasses évaporées, quatre écervelées qui trémoussaient leurs petits culs en gloussant. Je crois que c’est ce qui m’a le plus écœurée !
Ensuite ils sont montés sur les motos et ont démarré. Je n’ai eu aucun mal à les suivre, ils étaient au ralenti, ils frimaient, j’avais même du mal à tenir mes distances pour ne pas me faire repérer. Sur la place des maraîchers, ils se sont arrêtés à nouveau à la terrasse d’un café. J’ai dû encore attendre deux heures avant de les voir redémarrer. Finalement ils se sont séparés et j’ai suivi, ma proie qui m’a entraînée dans le dédale de ruelles du centre-ville. C’est certain qu’à ce moment-là, il lui aurait suffi de se retourner pour me voir. Mais il était en train de faire le mariole avec sa pétasse et était sans doute à cent lieues de penser que j’allais me venger.
Il est rentré sous un porche et s’est enfoncé dans une petite cour intérieure. J’ai garé la voiture un peu plus loin, à l’écart des réverbères. J’ai fouillé dans la boîte à gant. Tout ce que j’ai pu trouver, c’est un tournevis de bonne taille. Je l’ai pris, je suis sortie et me suis approchée. Je ne savais pas trop ce que j’allais en faire. Depuis des semaines je rêvais de le crever. Parfois, je me réveillais en sueur, en me découvrant les mains couvertes de sang, en entendant dans la rue une sirène de police. J’avais toujours du mal à sortir du cauchemar et à me dire que ce n’était pas la réalité.
Dans la cour intérieure, il y avait plusieurs portes, plusieurs escaliers, des lumières étaient allumées. J’ai décidé de toutes les explorer, sans trop savoir ce que je cherchais. Alors je suis montée, redescendue, plusieurs fois, les escaliers en bois grinçaient, je m’arrêtais à chaque palier, je relevais les noms, je prenais la température, décelais un trait de lumière sous les portes, il y avait bien une dizaine de solutions possibles, je n’allais pas tous les tuer.
J’ai fini par redescendre, j’allais m’en aller quand j’ai vu un bonhomme sous le porche, un gros bedonnant en maillot de corps qui fumait une cigarette. Lorsqu’il m’a aperçue, il s’est comme approché de moi, je ne sais pas trop ce qu’il voulait, peut-être rien à vrai dire, mais une jeune femme seule en pleine nuit face à un homme baraqué, style rugbyman aux épaules larges…
Je suis allée droit sur lui, méchante comme c’est pas permis, je lui ai pointé le tournevis sous la gorge en criant un « Casse-toi connard ! » qui venait du fond du cœur. C’est vrai qu’à y bien réfléchir, il lui aurait suffi d’un geste pour écarter le danger et me filer une bonne fessée. Mais je devais avoir l’air tellement hargneuse et déterminée qu’il s’est écarté en me laissant passer. Je ne pense pas que ce soit mes yeux injectés de haine qui l’en aient convaincu. Simplement il a dû percevoir que j’étais à ce moment tellement incontrôlable que j’en devenais dangereuse.
Je suis rentrée chez moi le cœur battant. J’ai bu deux ou trois verres de lait, après j’en ai vomi. J’étais mal, très très mal, complètement perturbée… Je ne savais pas trop par quoi, d’ailleurs, mais dans un état de nervosité tel que j’étais prête à faire n’importe quoi. La preuve, je me suis relevée et suis allée me promener en pleine nuit, sur les quais, au bord de la rivière bouillonnante qui crachait à mes pieds. Il fallait que je me venge pour diminuer la tension.
J’ai attendu plusieurs jours, un mois peut-être, avant de retourner là-bas. J’avais peur que le gros rugbyman m’ait repérée et j’avais envie que tout ceci se fasse un peu oublier. Je pense que j’allais mieux, oui, quelque part j’allais mieux, d’ailleurs j’avais cessé de me noyer dans mon travail et recommençais à sortir avec les copines, je me sentais beaucoup plus sereine, beaucoup mieux dans ma tête.
D’ailleurs, cette nuit-là, je me suis préparée calmement, t-shirt, pull, pantalon, baskets, le tout sombre, pour me fondre dans la nuit. J’ai parcouru à pied, presque en me baladant, les deux kilomètres qui me séparaient de chez lui et j’ai pénétré sans hésiter dans la petite courette. Par chance, la moto était là, dans un coin.
J’ai enfilé mes gants, j’ai sorti mes outils et ai commencé à m’en occuper, calmement, sans précipitation, en essayant de faire le moins de bruit possible. Je pense que même si le gros était ressorti pour fumer sa clope j’aurais malgré tout continué. J’ai commencé par la selle, que j’ai lacérée au couteau de cuisine, m’attaquant ensuite aux lanières, que j’ai soigneusement découpées, puis je suis passée à la peinture, que j’ai attaquée au poinçon, le plus lentement possible pour éviter de réveiller quelqu’un… J’ai continué mon travail de sape des heures durant, en y prenant un plaisir évident. J’avais même pris soin de voler un flacon d’acide, au labo de chimie, pour en asperger les parties sensibles du véhicule.
Ensuite, toujours aussi calmement, j’ai rassemblé mon matériel, je l’ai rangé dans mon petit sac à dos et suis rentrée calmement chez moi en sifflotant, en riant de cette bonne blague, en me payant même le luxe de jouer à la marelle dans les flaques d’eau, comme une gamine un peu foldingue.
Le lendemain, j’avais retrouvé ma bonne humeur et ma joie de vivre, comme si le mal était désormais exorcisé…