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n° 02719Fiche technique16267 caractères16267
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Temps de lecture estimé : 12 mn
23/08/01
corrigé 20/07/07
Résumé:  Un agrégat de considérations oiseuses et sans grand intérêt
Critères:  bizarre amour nonéro
Auteur : Jerome492
The End

Ce texte a commencé par un vieux repiquage sursaturé des « Ramones », à m’en bousiller les tympans, le tout en m’enfilant des tequilas bien frappées. Ensuite, il a fallu passer aux choses sérieuses. J’ai retrouvé ce bon vieux disque de la mythique Nico (Non, rien à voir avec le critique ;-), la légendaire femme fatale du Velvet Underground, avec ce morceau d’anthologie « The End » que j’ai programmé en boucle sur la platine, d’où le titre de mon récit.


Je sais, c’est vraiment se foutre du monde que de pondre une pareille merde, c’est de la provoc à l’état pur, il n’y a pas une once d’érotisme dans tout ça et, en plus, ça ne vaut pas tripette. C'est juste un témoignage du no man’s land qui sévit parfois entre vous et moi.


Maintenant que les critiques sont nombreux, je compte me retirer, prendre ma retraite, ne plus vous emmerder par d’insipides considérations oiseuses… Je pars sur la route, tout droit vers le paradis des surfeurs, rejoindre mon amoureuse, je veux sauter sans parachute, trouver ce bon vieux Jack Kerouac, le très divin Steinbeck et ses souris et ses hommes, et me beurrer la tronche avec cet enfoiré de Bukowsky dans un bordel minable avant de visiter tous les Tropiques, Cancer et Capricorne inclus… Toutes choses que je ne ferai sans doute jamais, mais que j’aurais probablement aimé faire !







Je suis en train de regarder un des derniers films de John Woo.

J’ai déjà regardé tous les films de John Woo, les putains de films de John Woo, mille fois, et ceux de Quentin Tarantino encore plus souvent. Et, si j’avais un putain de flingue, je ferais exploser la téloche, cette putain de téloche, je me ferais aussi exploser la cervelle, ma putain de cervelle, et celle de mes voisins. J’aimerais être un fait divers, un truc qui choque, mais qu’on oublie vite. Le beau carnage, photographié par la presse, tableau surréaliste. En 2036, il se vendra aux enchères chez Christie’s.


« Je t’aime et tu ne le sais pas. »


D’ailleurs, je ne te connais pas. Tu es lointaine, irréelle, incertaine et je voudrais pourtant tout faire pour te séduire, mais je ne le peux pas. Que vais-je encore inventer ? Toujours du dérisoire ! Je sais, c’est con, c’est débile, tout le monde va trouver ça con et débile et « tout le monde aura raison ». Je me demande parfois si je suis fou. En tout cas fou de toi. Pourtant, je ne te connais pas, alors tu t’en doutes, mais tu ne le sais pas, ou alors tu ne veux pas le savoir. Tu te bouches les yeux et les oreilles et tout ce que tu peux, tu ne veux surtout pas me voir, même si je hurle devant toi.


Putain, mais il est con ce mec, il est complètement con !


J’ai appelé Lucia au fil, l'italienne dont je t'ai parlé, Lucia de Verona et ses yeux de velours. On sent presque son parfum quand on lui parle au phone. Les enfoirés des télécoms, Kat X Terminator, ceux qui m'envoient sans cesse des lettres de rappel. Pour la peine, je suis resté un temps infini en ligne, afin de faire péter le compteur et de compléter ma dette. Nous nous sommes bien marrés, elle en italiano et moi dans ma propre langue, mais parfois tout simplement en anglais. On a inventé une espèce d’entité mirifique qui nous observait sur table d’écoute. Il y avait un petit scribouillard qui écoutait vraiment tout ce que nous étions en train de nous raconter, mot pour mot, et son chef qui interprétait psychanalytiquement nos propos. Je lui ai fait croire qu’ils étaient en train d’observer son appartement avec des jumelles :



Encore une putain de note téléphonique que je ne paierai jamais.


Il fait nuit, je suis dehors, dans la nuit noire, je pense à toi… C’est trop injuste que tu sois si loin et si inaccessible. Tu dois le faire exprès, tu aimes me faire souffrir. C’est certain, tu es l’ombre de mes tortures !


Je rêvassais, j’ai dû pousser un mec, un autre s’en est mêlé… J’ai bousillé le rétro de leur bagnole pourrie, avec son look hyper-frime. Par simple haine, par pure vengeance, violence gratuite, je méprise ces mecs en costard avec leurs grosses bagnoles. Je sais, je n'aurais pas dû. Ensuite, ils m’ont coursé, car ils voulaient ma peau. J'ai réussi de justesse à leur échapper. Je me suis retrouvé hors d’haleine près d’un hangar désaffecté avec des envies de meurtres plein la tête…


Une connerie de plus, tu vas encore m’en vouloir, on ne peut pas me faire confiance ! Une fois de plus, je fais vraiment tout pour que tu me détestes. À défaut de m’aimer, je veux peut-être que tu me haïsses ! Tu ne comprends pas pourquoi je suis comme ça, tellement désespéré. Tu me trouves dangereux, tu as même peur de moi, tu voudrais bien que je te lâche enfin.


D'abord, pourquoi toi ? Pourquoi est-ce que je te colle ainsi ? Tu en as parlé à tes amis, ils t’ont dit de te méfier de moi. Pour eux, je suis imprévisible, difficilement contrôlable, totalement incontrôlable, tu dois mettre un maximum de distance entre toi et moi… Je crois qu’ils ont raison. Mais, je souffre à en crever de cette distance… Je crève d’amour pour toi. Cet amour est trop pesant, alors tu n’en veux pas. Pour rien au monde ! Tu veux te détacher, car tout ça t’insupporte ! En plus, tu ne me connais même pas, et tu ne veux surtout pas me connaître, et c’est très bien comme ça. Pour toi, je ne suis probablement qu’un petit mec, avec des petites idées et des petites manigances merdeuses, qui déblatère sur sa petite vie. Une pauvre petite crevure !


Il y a également beaucoup de choses qui clochent derrière tout ça. Pourquoi je t’aime ? Qu’est-ce que j’aime chez toi, alors que je ne sais rien de toi ou alors pas grand-chose ? D’ailleurs, est-ce bien toi ? Non, ça ne peut pas être toi, juste une construction délirante de mon esprit torturé… C’est complètement irréaliste tout ça ! J’ai accumulé mille petits détails sur toi. Je te suis à la trace. Je suis fan… exclusivement de toi. Tu te demandes bien pourquoi. Mais, qu’est-ce que je te trouve puisque je ne te connais pas ? Pourquoi cet acharnement ? Je te piste et je t’analyse, je t’empêche de vivre ta vie, il faudrait que j’arrête tout ça.


Je me suis encore retrouvé dans la rue, fringué comme un clodo, une bouteille de vodka à la main. À moitié bourré, je ne pensais qu’à toi.



Les volets se sont ouverts, les riverains m’ont incendié.



Un type un peu plus jeune a lancé « On s’en fout que tu l’aimes ! » avec une pointe d’humour un rien grinçant, alors je me suis tiré. Il s’en fout, sans doute, mais moi pas.


Arrivé sur le boulevard, j’invectivais les passants. J’avais balancé ma chemise dans le caniveau en les haranguant. Et, quand j’ai vu les flics, ce sont eux que j’ai insultés. Ils cherchaient à me calmer, ils m’ont même menacé, mais ça m’était égal, tout m’était égal… Je m’en foutais, d’eux, de tout, de la vie en général. Alors, ils m’ont embarqué, je beuglais dans le commissariat comme un porc qu’on égorge, toutefois j’étais tellement beurré que je n’ai pas tardé à sombrer dans l’inconscient.


Une loque ! Je ne suis qu’une loque ! Une vieille loque alcoolique. Tu es poursuivie par une loque ! Une espèce de grosse limace baveuse qui rampe péniblement. Je me suis irrévocablement fourvoyé à tes yeux. Je n’avais guère de chance au départ, mais cette fois-ci, c'est foutu, à jamais foutu, la vie ne vaut plus la peine d’être vécue, car, sans toi, la vie n’est rien d’autre qu’une lourde pesanteur qui m’oppresse.


Pourquoi je t’aime ? Pourquoi je m’accroche ainsi à toi ?


Et, pourquoi ce mec s’est-il planté sur l’autoroute ? Pourquoi y avait-il du sang partout ? Pourquoi sa femme avait-elle les yeux hagards ? Elle avait presque un nichon à l’air, mais c’était même pas sexy ! J’ai failli vomir quand j’ai vu tout ça ! Je me suis arrêté malgré tout. Les putains de flics sont arrivés, les ambulances aussi, tout plein de personnels compétents. Ils nous ont mis à l’écart. Je me suis assis sur le bas-côté. Un type est passé, il avait tout vu, tout entendu et tout compris, je lui ai taxé une clope que j’ai fumée en m’efforçant de paraître intéressé par son discours. Mais, c’est à toi que je pensais.


Je ne voudrais surtout pas qu’il t’arrive quelque chose comme ça, un accident définitif. L’autre jour, j'étais inquiet, car je n’entendais plus parler de toi. C’est curieux ! Pourtant, je suis particulièrement insensible : lorsque mon père est mort, j’ai presque dit « Ah bon ? », comme si je n’en avais rien à foutre, et je me suis regardé dans une glace pour simuler un air peiné, afin de donner le change à l’église… Je suis vraiment un être inhumain, parfois je suis un monstre, c’est pour ça que l’on me tient ainsi à l’écart ! Personne ne peut m’aimer, même toi, tu ne le peux pas, surtout pas toi, après tout ce que je t’ai fait endurer.


Ce soir encore, je me demande ce que je pourrais faire pour te séduire, pour te contenter, pour te rendre heureuse. Peut-être m’évaporer, tout simplement, faire en sorte que tu n’entendes plus jamais parler de moi. Je voudrais seulement me racheter, seulement tout effacer, repartir enfin sur de bonnes bases… Me donner entièrement à toi, tout te donner ! Sans mentir, sans tricher, peu importe que je paraisse débile et malhabile. Même si je suis grotesque, tant pis. Tout le monde autour pourra s’esclaffer et, toi aussi, tu pourras te moquer. C’est un risque à prendre. Pour toi, je prendrai tous les risques, pour toi, qui que tu sois.


Je ne sais pas au juste à quoi tu ressembles, je ne l’imagine même pas. Comme tu es, tu es forcément bien. Même hideuse, même pire que tout, la plus affreuse de toutes les créatures, peu m’importe, je t’aime de toute façon plus que tout. En plus, tu n’es même pas ainsi, alors tu ne me décevras pas.


Il faut que je m’arrête, je te bouffe ta liberté, mais je n’y arrive pas. Il faut que je dorme, que j’arrête de penser à toi. Mais même en m’endormant, j’imagine une multitude de choses à ton égard. Je sais, je ne devrais pas.


Fini, stop, n’y pensons plus ! Mais, moi, j'y pense encore.


Déjà, l'idée revient. J’ai envie de t’écrire un petit mot, une lettre, un roman, une encyclopédie du mot "amour" en 300 volumes. Je clamerai mon amour sur tous les panneaux publicitaires, dans tous les spots télé de toutes les chaînes de la planète. Lorsque tu lèveras les yeux, tu verras une banderole tirée par un avion et ce sera encore moi. Ça deviendra tellement insupportable qu’on lancera des mandats par Interpol, un milliardaire américain donnera même une prime d’un milliard de dollars au premier qui me descendra. Je voudrais qu’il me crucifie pour qu’ensuite, on rajoute une étape au chemin de croix et que les cloches sonnent à toutes volées au même instant dans toutes les églises…


NON ! Je m’en fous complètement de tout ça. J'offrirais tout l’or du monde pour rester un instant avec toi. D’ailleurs, je vais TOUT abandonner rien que pour toi. Tout le reste est inutile. J’ai commencé à balancer des trucs çà et là, sans aucun regret. Tout me semble superflu. Je vais tout distribuer, même l’argent, tout éparpiller comme s’il s’agissait de mes propres cendres : Tu retourneras poussière, qu’il disait, le prophète !


Je suis entré dans un bâtiment, n’importe quel bâtiment. Mes pérégrinations m’ont entraîné là. Les lumières se sont mises à clignoter, les sirènes se sont déclenchées, mais j’avançais impassible, dans un univers kitch et infiniment vide de toute âme. Je ne pensais à rien ou je pensais à toi, parfois d’ailleurs, c'est la même chose. Ton bureau pourrait être un endroit comme ça.


En bas les choses ont commencé à bouger, j’avais encore de grandes chances de me faire attraper et de me retrouver pour la seconde fois en taule à quelques jours d’intervalle, mais ça aussi, je m’en foutais. J’ai ouvert des bureaux, des classeurs, des dossiers… J'ai imaginé que ce bureau, là, était celui d’un de tes collègues et qu’il te harcelait, qu’il te faisait du rentre-dedans. En plus, ce salopard était marié ; dans son tiroir, il y avait une photo de sa femme, une grande blonde décolorée sur le retour. Je l’ai glissée dans mon blouson, puis j’ai balancé les dossiers un peu n’importe où dans la pièce, il y en avait vraiment partout. J’aurais pu continuer ainsi très longtemps à vider toutes les étagères, à tout bazarder, à tout balancer. Dommage qu’il n’y ait plus d’encriers, j’aurais pu faire un beau tableau abstrait.


Quand j’ai entendu les pas dans l’escalier principal, j’ai pris peur, je suis redescendu tranquillement par l’escalier de secours jusqu’au dernier sous-sol. J'ai fureté un peu, j’ai dévissé une grille et je me suis retrouvé dans un conduit à ramper comme un rat, avant d’émerger à l’air libre…


Un moment, ça m’a amusé d’imaginer la tête du petit bureaucrate lorsqu’il allait retrouver ce bordel lundi matin, mais finalement, ça ne m’a même pas arraché un sourire.


Je me veux spécialiste des endroits déserts, ce sont des lieux que je maîtrise parfaitement. J’ai remarqué que dans ce style de situation, mon esprit réagit au quart de tour, ni trop ni trop peu d’adrénaline. Pour le reste, c’est une partie de poker entre eux et moi, cela m’excite toujours, sinon je ne le ferais pas, et même avec les chiens dont j’ai pourtant la frousse.


Le lendemain, toujours ce long week-end, je me suis introduit dans un appartement au deuxième étage, en me glissant par une gouttière sur un balcon. J’avais l’impression qu’une de tes amies devait habiter là, celle avec qui tu corresponds fréquemment par e-mail pour échanger quelques petits secrets. L’armoire était remplie de robes assez banales, j’ai trouvé un album de photos, je me suis demandé si elle était déjà venue chez toi et si elle avait des souvenirs de toi, il y avait même un billet d’avion usagé et quelques petits bijoux. Je n’ai pas pris l’argent, je n’ai rien pris du tout, juste une petite culotte usagée qui sentait vraiment très fort et j’ai aussi dégotté son journal intime sur un petit cahier, mais je l’ai laissé sur place après avoir passé l’après-midi à le feuilleter. Elle est revenue vers 22 heures. Lorsque j’ai entendu la clef dans la porte, j’ai juste eu le temps de me relever et de m’éclipser par le balcon en emportant sa culotte. Quoi qu’il en soit, je veux bien la lui poster dans une petite enveloppe ou la lui rembourser.


Je ne mangerai plus, je me laisserai crever. J’ai déjà perdu plusieurs kilos et je vais continuer. C’est une juste punition justement méritée.


Mon patron m’a convoqué parce qu’il voulait qu’on parle de mon avenir. Je lui ai rétorqué que lui n’avait, en tout cas, probablement aucun avenir. Il en est resté bouche bée, ce crétin, sur le cul, ce gros beauf, comme deux ronds de frite, complètement estomaqué. Être arrivé à ce poste et n’avoir rien que des idées banales dans la tête, quelle tristesse ! Ses études ne lui ont enseigné que la pauvre normalité et aucune autre possibilité. Je ne sais pas s’il va me virer, qu’est-ce que j’en ai à cirer ?


Ma responsable directe m’a dit que j’avais sans doute besoin de repos. Oui, madame, d’un repos infini, j’ai besoin de dériver sans but, comme un triste clodo, je suis démotivé. Je ne pense pas qu’il puisse en être autrement, ce n'est pas cette dame bien sous tous rapports et sa petite vie de chiotte qui vont me stimuler. Cela dit, elle est plutôt jolie, ma sup. J’ai vu son mari, ses enfants et son chien. Il paraît même qu’il lui arrive aussi de coucher avec des collègues de travail, c'est ce qui se dit dans les couloirs. Lesquels, je ne sais pas, mais grand bien leur fasse, à ces veinards ! Ça leur évite de se tripoter dans les toilettes !


Les messages s’accumulent sur mon répondeur. Je ne réponds bien sûr… jamais. Sidonie est même venue frapper à ma porte, j’ai fait le mort, je n’ai pas daigné répondre, elle doit être très déçue, la pauvre, je m’en veux pour tout ça, mais c’est inévitable. Sidonie est un « bon coup », parait-il. En plus, elle est d’une gentillesse phénoménale, elle mérite tout ce qu’il y a de mieux sur Terre. C’est pour ça que je ne veux plus la voir.


Je veux que l’on m’oublie, que tout le monde m’oublie et perde mes souvenirs. Je veux partir sur la route, loin, très loin, errer sans fin jusqu’à ce que je te rencontre par hasard ou alors jamais, crever dans un fossé, dans une lente agonie glacée, l’instant de réfléchir à ce processus de morsure fatale…