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n° 03510Fiche technique19075 caractères19075
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Temps de lecture estimé : 13 mn
27/03/24
corrigé 27/03/24
Résumé:  La rencontre de deux êtres, quelques part dans le ciel, au-delà des nuages...
Critères:  fh avion amour volupté intermast préservati pénétratio
Auteur : Yourie      
Quelque part dans le ciel, au-delà des nuages

Les portes se sont ouvertes, l’embarquement commence. Je rentre enfin chez moi, New York m’attend ! Un employeur persuasif et une tournée européenne m’ont éloignée d’elle, ma « Big Apple », depuis déjà deux mois… Pour ainsi dire presque aussitôt après l’attentat, qui, le choc passé, n’a laissé en moi qu’une immense soif de vivre et de profiter à fond de chaque minute, chaque seconde, chaque instant.


Me voilà dans l’avion, remontant l’allée, cherchant ma place. Dans quelques heures, nous serons arrivés. Dans quelques heures, je retrouverai ma vie, calme, paisible… Une image surgit soudain dans ma mémoire, les « Twins » qui s’effondrent… Non, je ne veux pas y penser, pas maintenant, pas encore ! Voilà mon siège. J’ouvre mon sac, sors mon livre, mon stylo, mon carnet. Allez, maintenant, une petite séance d’étirements pour réussir à mettre le sac dans le compartiment à bagages. C’est l’histoire de ma vie ! Avec mon minuscule mètre cinquante-trois, les choses me semblent parfois très hautes et un peu inaccessibles.



Un frisson me parcourt l’échine, comme un choc électrique, à ce bref contact. Du coin de l’œil, j’aperçois un homme immense vêtu d’un uniforme. Je le sens dans mon dos, son corps épousant le mien, le dominant de sa mâle stature. Je perçois même sa chaleur, pourtant il ne me touche pas. En quelques secondes, le sac est rangé. L’homme a reculé et je me retourne, mon regard tombant sur un large torse caché par une chemise d’un blanc immaculé, une cravate, des ailettes, un badge… mes yeux enregistrent tout cela en remontant vers son visage.



Je me laisse, un peu trop lourdement, retomber sur mon siège.


« Allons, ma vieille, secoue-toi ! Pense à Marc, que tu viens de quitter… », me chuchote mon esprit. « Dans un mois, il viendra te rejoindre ! Tu l’aimes, ton jeune Italien. »


Je chasse toute pensée de mon esprit et ouvre mon carnet, afin d’y inscrire quelques notes. Les gens se placent autour de moi et l’avion se remplit. Bientôt, nous décollerons, survolerons l’océan et je retrouverai mon Amérique, ma belle « Amerloquie », comme dirait Marc. Un sourire fleurit sur mes lèvres en pensant à lui et se fige aussitôt, car, en relevant les yeux, je croise un regard vert, pétillant de malice.



Bon sang, où ai-je la tête ? Faut-il en plus que je me fasse remarquer et que je bredouille comme une collégienne ? Allez, fini de rêver !!! Concentre-toi et écoute, que diable !!!


Une hôtesse explique aux passagers les mesures de sécurité. Pas très rassurant tout cela, surtout en ce moment, et mon esprit s’évade encore. Si l’on doit s’écraser, eh bien, je garderais en mémoire Monsieur « Yeux verts ». Il est debout dans l’allée, écoutant sa collègue, ou faisant semblant de l’écouter ! Tu parles, il doit les connaître par cœur, lui, toutes ces consignes !


Je me demande soudain s’il a peur, parfois. Depuis le onze septembre, tout le monde appréhende de voyager en avion, mais eux, tous ces gens qui travaillent à bord, comment vivent-ils cela ?

Il semble plutôt calme. Il est grand, plus d’un mètre quatre-vingts sans doute, il a de la prestance, de la classe… Il est bel homme et il le sait. Pas de véritable prétention ni de réelle arrogance, mais une assurance tranquille…


Le vrombissement des moteurs me tire de ma léthargie et je redescends de ce petit nuage rose sur lequel je planais.


L’avion commence à bouger. « Yeux verts » et sa collègue s’assoient à leur tour, face à nous. Je range mon carnet, mon stylo, et me cale dans mon siège.

Le plaisir va commencer et je veux en jouir pleinement.


J’adore le décollage, cette sensation de vitesse, de liberté… vitesse de plus en plus grande qui me colle au dossier et fait courir le sang dans mes veines… L’avion roule sur la piste… Je souris… J’anticipe… Je sens mes seins se tendre sous mon chemisier de soie… Un regard vert croise le mien, s’accroche, s’intensifie… Un plaisir immense, indescriptible, envahit mon corps… Mes yeux soudés aux siens, le plaisir monte, monte encore… Il devine ce qu’il se passe… il le sent… je le sais, mais je m’en moque et laisse le plaisir grimper, grimper encore, enfler comme une vague et devenir excitation, exaltation et presque jouissance à cet instant unique où, s’arrachant au sol, l’avion se redresse, magnifique et glorieux comme le sexe d’un amant, et pénètre l’espace de toute sa puissance.


Le souffle plus court, les yeux plus hagards, nous émergeons doucement de cette bulle dans laquelle, complices, nous nous étions lui et moi intimement barricadés.

Autour de nous, la réalité reprend ses droits. Sur un petit sourire de connivence, de presque tendresse, je le vois se lever et disparaître derrière une cloison.


Je referme les yeux, je veux garder l’instant… Combien de temps a-t-il duré ? Quelques secondes, quelques minutes ? Un souffle, un rien, qui pourtant m’ont semblé portion d’éternité.

Il est de ces moments magiques où le temps se suspend… Il est des instants fous où un regard dit tout.


Derrière mes paupières closes, le vert tendresse est là, redisant en silence :



  • — Je partage ton trouble… je sais à quoi tu penses.
  • — C’est bon, si tu savais.
  • — Je le sais… je le vois… je connais ton désir.
  • — Alors, reste avec moi, et vivons-le ensemble.
  • — Si je le pouvais, je te prendrais, là, maintenant… tout de suite !
  • — J’en ai envie aussi.
  • — Je le sais… Je le sens.


Assise sur mon siège, les yeux toujours fermés, je sens cette moiteur bien connue et déjà si présente au creux de mes cuisses et je l’imagine, lui, à genoux devant moi, les ouvrant tendrement pour venir s’y désaltérer.


Télépathie… connexion… simple coïncidence, je l’ignore, mais une voix masculine et déjà presque familière me fait tout à coup sursauter, me libérant de mon fantasme.



Un dernier frôlement, une presque caresse, et il s’éloigne dans l’allée. Le souffle court, je reste immobile, incapable du moindre mouvement. Si je prends la tasse, je vais la renverser, c’est certain. Le mieux est de ne pas bouger. Pas encore. Tant pis pour le café, je le boirais froid, si je le bois.

D’abord, me calmer… contrôler ces frissons qui me creusent le ventre. Taire ce désir qui me taraude, noue ma gorge et enserre ma poitrine.

Une profonde et silencieuse inspiration, puis, doucement… tout doucement, une longue et lente expiration… Voilà, c’est bien ma fille, on recommence… Allez, encore une fois !


De nouveau maîtresse de mes émotions, je me hasarde à jeter un coup d’œil aux alentours… Dans un espace aussi restreint, les voisins profitent du moindre instant d’intimité et je me demande, soudain, si certains ont vu notre petit manège. Il semblerait que non. L’un plongé dans un livre, l’autre dégustant son café, ils paraissent bien loin de se douter de mon trouble.


Rassérénée, je prends la tasse, et alors que je m’apprête à la porter à ma bouche, mon regard tombe sur un petit papier plié, caché entre tasse et soucoupe. Un regard à droite, un autre à gauche, mine de rien, et le message est dans ma main.


D’abord, avaler le café, et ensuite on verra. Calmement, je sirote le breuvage et si je le trouve malgré tout un peu tiède, le papier, lui, me brûle la main. Un regard à gauche… à droite… tout va bien et j’entrouvre mon poing.


Mes doigts tremblent en le prenant… J’aimerais prolonger l’instant… Celui où, à la fois excitée et effrayée, j’essaie de deviner son contenu, muselant ma curiosité, freinant mon impatience. Je redeviens cette petite fille sur les bancs de l’école, et comme elle, je me mets à rêver de mots doux, de baisers et de cœurs… Mais je n’ai plus dix ans et le passé s’efface…


En revenant sur terre… Ah, mais non, impossible, comment revenir sur terre, je suis dans un avion !!! Un regard par-ci… un autre par-là ! Je quitte ma rêverie et ouvre le message.


Il y a une araignée sur le dossier du siège.


Je bondis comme un ressort en poussant un petit cri et me retrouve dans l’allée, heurtant un corps robuste, et je serais sans aucun doute tombée si deux bras puissants ne s’étaient vivement refermés sur moi.



Et le voilà qui m’entraîne vers le fond de l’appareil sous le regard amusé des autres passagers, pendant qu’une hôtesse se met à la recherche de ladite bestiole. Dès que nous sommes à l’abri des regards, il me prend contre lui.



J’ai envie de le battre, ce macho, pour cette peur et cette humiliation publique, mais déjà sa bouche est sur la mienne, chaude, douce… ses dents mordillent tendrement ma lèvre, sa langue cherche ma langue, l’enlace, danse avec elle. Il aspire mon souffle, m’offre le sien, et libérées de leurs entraves, mes mains s’accrochent à ses épaules puis se nouent à son cou, tandis que les siennes me soulèvent, me plaquent contre lui avant de remonter sur mes seins pour les modeler, les agacer…



Il m’entraîne dans les toilettes et là, referme la porte, ouvre le robinet avant de s’accroupir devant moi, sa bouche sur mon ventre, ses mains relevant mon chemisier, découvrant mes seins dont ses lèvres s’emparent avec avidité.



Je me suis retournée et, tremblante, réajuste mes vêtements puis me passe le visage à l’eau froide.



Je remonte l’allée jusqu’à ma place, et de le sentir derrière moi me donne du courage… Alors que je suis presque arrivée à mon siège, une dame me sourit. Un peu mal à l’aise, je lui retourne malgré tout un petit sourire aussi.



J’ai réussi à le dire sans rougir, mais sans vraiment le regarder.



Me voilà de nouveau à l’abri, assise au creux de mon fauteuil. Machinalement, je regarde ma montre. Dans deux heures, il sera là-bas. Youri… C’est un joli prénom, un peu exotique, original… Youri… oui, ça me plaît bien. Je songe à ce qu’il vient de se passer.


Pour le message aux mots tendres, tu repasseras, ma vieille ! mais j’ai malgré moi un sourire attendri. Ma foi, il a le sens de l’humour et de l’imagination. Et puis, la douceur de sa bouche, la douceur de ses mains, la douceur de ses yeux, et ce désir qui n’en finissait pas de monter et de monter encore…


Irais-je le rejoindre ?

Quelle folie !!! Pourquoi le ferais-je ? Pour un instant de plaisir dans les minuscules toilettes d’un avion ? Pour un trip excitant, sans doute, mais si dangereux à une époque où l’amour peut tuer et passablement scandaleux si quelqu’un venait à nous surprendre ? Pour éteindre ce feu qu’il a, sans le vouloir vraiment, su si bien allumer en moi ?


À mon insu, quelques vers d’Antoine Pol envahissent ma tête, puis la voix de Brassens, les accords de guitare…


Mais si l’on a manqué sa vie

On songe avec un peu d’envie

À tous ces bonheurs entrevus

Aux baisers qu’on n’osa pas prendre

Aux cœurs qui doivent vous attendre

Aux yeux qu’on n’a jamais revus…


Pourquoi irais-je ?

Pour ne pas avoir à regretter de ne pas l’avoir fait ? Pour vivre encore un peu avant d’être trop vieille, trop fanée, trop usée ? Ou simplement parce que je suis vivante, là, maintenant, et que demain, dans un mois, je ne le serai peut-être pas. Saisir l’instant et vivre chaque jour comme s’il était le dernier. Vivre intensément.


Parfois, il suffit d’un rien pour que tout s’arrête. Il suffit d’un avion qui percute une tour. Il suffit d’un virus. Il suffit d’une guerre, d’une bombe. Il suffit d’un fou dans une école, une garderie, une université. Il suffit d’un chauffard ivre ou d’un simple voyou. Il suffit d’un grain de sable pour tout faire dérailler. Parfois, un rien suffit et la vie est brisée.


Irais-je le retrouver ?

Et Marc, mon ami, mon aimé, pourquoi ne peut-il m’inspirer une telle passion, un tel désir ? Ne puis-je pas me contenter de son amour, de sa tendresse ? Pourquoi risquer de tout gâcher, de tout casser, de tout détruire ?


Qu’a-t-il de plus, lui, ce Youri dont je ne sais rien, ne connais rien ?


Irais-je le rejoindre ?


Les aiguilles courent sur ma montre. Un quart d’heure et il sera là-bas. Je sens toujours cette excitation, ce désir bien présent… J’ai envie de ses mains sur moi… Je veux sentir la chaleur de sa peau contre la mienne… Contre toute logique, j’ai envie de lui… Je me fous de l’endroit, pourtant peu romantique… Je me fous des gens, de ce qu’ils penseront… J’ai envie de lui… c’est tout !!! Le cœur a ses raisons que la raison ignore… Le corps a ses raisons aussi…


Je me lève et me dirige vers le fond de l’appareil. Parfois, un regard se pose sur moi, mais les passagers vaquent à leurs occupations. Pourquoi en serait-il autrement ? Je ne suis pas le centre du monde ni de leur monde. Je croise un homme qui revient des toilettes… Mon esprit s’égare, mais une autre fois, peut-être, m’amuserais-je à imaginer ce que lui pouvait y faire.


Pour le moment, je ne pense qu’à moi… Égoïste ? Oui, tout à fait… Je ne veux penser à rien d’autre. J’ai simplement envie de ses yeux qui plongent dans mon âme, envie de son souffle, envie de son désir. Youri et moi serons seuls au monde, l’espace d’un instant.


Alors que j’arrive devant les toilettes, une porte s’ouvre, un bras surgit comme un diable de sa boîte et m’attire à l’intérieur.


À peine un souffle « Marika », et sa bouche se pose sur ma bouche, impatiente, avide, et j’entrouvre la mienne, la lui offre, aussi pressée que lui, afin que nos langues se caressent, s’emmêlent, se reconnaissent. Un premier baiser, mouillé, profond… Un premier baiser pour un premier plaisir.


Ses mains redessinent mon corps, en apprennent les creux, en découvrent les courbes, tandis que sur sa poitrine je défais les boutons, écarte la chemise, et sous mes doigts, soudain, une douce toison, pour un autre plaisir, le mien… J’abandonne sa bouche et pose ma joue sur son torse, puis mon nez, me délectant de leur douceur, de leur mâle parfum, à ces poils qui me rendent folle… Mes lèvres se séparent et ma langue le goûte, légère, aérienne, elle caresse son ventre… Un souffle, un gémissement, j’ouvre le pantalon et le fais glisser doucement sur ses hanches, entraînant avec lui un boxer imprimé… Un frisson, un soupir, ma langue glisse encore, dessinant chaque pli, même le plus infime… Une plainte étouffée, quelques frissonnements, elle caresse son sexe orgueilleusement dressé, le parcours, le remonte… De légers tremblements, et puis un presque cri quand ma bouche brûlante se referme sur lui et le lèche, le happe, l’aspire, le mordille, pour un autre plaisir… le sien qui devient mien à le sentir trembler et l’entendre gémir.


Soudain, il se détache, me saisit, me soulève, me plaque contre lui… Un baiser passionné et mes seins sur son torse se frottent doucement… puis ses mains vagabondes remodèlent mon corps, le galbe d’une hanche, la rondeur d’une cuisse, et je sens le velours de sa langue qui glisse en même temps sur ma peau enfiévrée… Audacieuse, elle explore le plus petit recoin, jusqu’à venir se perdre au mystérieux triangle de ma féminité… à la secrète source où elle plonge, nage, et lentement s’abreuve, insatiable, assoiffée… Et ce plaisir qui monte, qui dure et s’éternise, et ces frémissements qui n’en finissent pas.


Je le prie, le supplie et l’implore, je vais mourir d’amour, d’attente et de désir… Il me prie, me supplie et m’implore, de désir et d’attente, il va mourir aussi… Il me hisse sur lui, me serre à m’étouffer, s’assoit sur les toilettes, puis me fait descendre, doucement, lentement sur son membre dressé et vient enfin plonger de toute sa puissance dans mon sexe qui bat comme un cœur affolé… Je me soulève un peu lorsque lui se retire pour mieux venir se perdre au plus profond de moi, dans une symphonie de plaintes et de soupirs, nous entamons la danse lascive ou effrénée de nos êtres en partance pour l’île Volupté.

Où commence son corps ? Où se finit le mien ? Il est un instant fou où l’on ne peut le dire, ne devenant qu’un seul au cœur de ce délire et que s’efface alors tout ce qui n’est pas nous… Une ultime envolée, nous touchons aux étoiles, j’étouffe mes sanglots, il avale mes cris, nous bloquons dans nos gorges d’agonisantes plaintes, et nos corps agités par de violents frissons nous mourons foudroyés au sein du firmament… Et nous restons ainsi, confondus, emmêlés, collés, anéantis, du dernier de nos souffles au plus petit frisson, accrochés l’un à l’autre jusqu’à l’apaisement.



Plus tard, rhabillés, recoiffés, nous sommes de retour à la réalité. J’ajuste sa cravate, il caresse ma joue, je griffonne des chiffres sur un bout de papier. Au fond de la poubelle, le sachet vide d’un préservatif comme unique témoin de ce qu’il s’est passé. Un dernier baiser, une ultime caresse et je rejoins mon siège pour ne plus le quitter.

Quelques heures encore, puis nous touchons la piste, et je sors de l’avion sans me retourner.


Nous reverrons-nous un jour, au hasard d’un vol ou d’un rendez-vous ? L’avenir le dira…


Quelque part dans le ciel, au-delà des nuages, nous avions fait l’amour, nous avions fait l’urgence… Nous avions, simplement, saisi l’instant.