n° 03598 | Fiche technique | 4707 caractères | 4707 758 Temps de lecture estimé : 4 mn |
09/02/02 corrigé 05/11/23 |
Résumé: Touche de peinture poème en prose. | ||||
Critères: #poésie fmast | ||||
Auteur : Liervol (Femme 37 ans, passion des ambiances, des mises en scènes) Envoi mini-message |
Poésie |
Une porte close,
Une lanterne dans le soir,
De lourdes tentures de velours rouges, des barres de laiton massives pour les soutenir
Des femmes lascives aux longs cheveux, des brunes, des blondes,
Des rousses, des chignons vite refaits, des visages trop maquillés
Innocence des sourires, insolence des soupirs, latence des désirs,
Des hommes de tous les âges, des pardessus, de longs manteaux, des chapeaux
Du notaire au gendarme, la parade des gardiens de la vertu venus s’encanailler.
Le défilé des filles de joie venues consoler la morale.
Mélange de gris et de couleurs, soies et dentelles au milieu des tissus de laine, des cotons blancs, débauche des uniformes, éclat des satins, fumées des cigares, odeurs d’alcools,
Éclats de rire, gémissements intimes, parfums du sérail, mais aussi encens et néroli,
ambre gris.
Bas de soie répondant à des cravates sur des sofas écarlates pendant que les épouses
Veillent au coin du feu, interdites de ces jeux.
Regards de braise, intensité du pouvoir sur le vouloir
Nudité offerte à des hommes trop vêtus délaissant le devoir pour le plaisir
Tolérance d’une société faite par des hommes pour des hommes
Hypocrisie qui sépare la mère et la putain
Offrande de la chair sous les dessous, éclairée par des lustres de vermeille,
Jeu de la bougie sous le globe, de la flamme qui lèche les moindres recoins, serpente.
Écarte les jambes, soupèse la lourdeur des seins, reconnaît chaleur et humidité, s’introduit.
Statues de luxure au centre d’un théâtre romain
Touché de la peau, caresse du feutre, geste du cuir, sur les corps nus,
Jambes déliées, corps en croix, mirage saphique, raffinement mondain
Cénacle damné, espace de liberté pour une société brillante d’artistes
D’écrivains, d’hommes du monde, de militaires.
Cézanne a réglé d’une toile, Vincent a connu une nouvelle crise
Gauguin vient de nous quitter pour les marquises, il va y mourir
J’entends au fond de ma mémoire dans les ports d’Amsterdam
Je te sais là-bas, Jacques
Mais mourir, n’est pas de mise aux marquises…
La main, le chapeau, le gant, parfois la ceinture
Gestes impudiques, les escaliers se montent
Les filles sont faciles, une ou deux, plusieurs, quelle importance ?
La vie est là sans plus d’apparence
D’un contour d’estampes japonaises dans la masse des couleurs
Dans le réalisme de l’image : la capture de la mentalité
Les hommes aiment les filles faciles
La vie est là
Les filles montent
Lautrec peint…
Seule devant mon miroir
Deux bougies allumées dans le soir,
Je remonte ma jupe de velours
Assise dans mon fauteuil j’écarte mes jambes
Indiscrète, je m’assure que tu es là en face de moi de l’autre côté de la glace
Je ne porte rien que mes bas et ce porte-jarretelles en dentelle rouge
Comme une prostituée, docile, je veux lire ton désir
Je glisse mes doigts au centre de cette fente humide
Je me caresse et je m’ouvre un peu plus encore
J’imagine ton envie, ton sexe qui se gonfle et l’instant où tu entres en moi
Mon bas ventre frémit et je gémis sous la vague qui joue avec mes doigts
La chaleur m’envahit, mon majeur se fait plus précis
Je m’étale et je ressers mes cuisses, j’ondule mon bassin, je me fais chatte
Je me cambre, mes muscles s’allongent, j’entrevois ma fourrure
Comme les lobes d’un abricot, je sépare mes fesses
Je t’offre un passage
Mes mains enserrent mes seins et ma langue s’offre une sucrerie
Je suce, je lèche, je salive du goût de ta peau
Je me relâche, je m’abandonne à mon désir
Experte, je mouille mon doigt et j’affirme mon besoin
Maintenant, c’est tout mon corps qui t’appelle,
Je me suis laissé tomber, avachir
Je me suis laissée aller comme un pantin désarticulé en attente de son maître
Il n’y a plus que ce doigt qui s’agite en moi
Avance-toi, prends-moi
Je n’ai besoin que de ça
Viens me salir
Viens fouiller mon corps, viens affranchir les secrets de mon âme
Savoir l’espace d’un moment si je suis femme si je suis chienne
Savoir laquelle je préfère
Savoir où je te réclame
Si j’accorde ma cadence à la tienne, si je reprends vie,
Si je deviens autre quand tu me possèdes
Fais que je t’appartienne, même si ce n’est qu’un trop court instant
Fais que je sois tienne, que nous ne soyons plus qu’animaux
Que tu sois le roi et moi la femelle !
Pour ton plaisir, deviens mon client,
Par mon désir, je me suis choisie catin
Putain privée
D’une maison dont je t’ai donné les clefs de toutes les chambres
Et dans ce clos, ne règne que tes inclinaisons.
Et derrière ces murs, tout veille à ton assouvissement.
Henri de Toulouse Lautrec disparut
Il y a tout juste cent ans
Il naquit une même année un autre siècle,
vécut mon âge
N’alla jamais plus loin que 1901
Lautrec
Peignait ces maisons-là
Peignait ces filles de joie…
Célébrait ces plaisirs
D’un jet de fusain
Signait nos envies
De taches de couleurs
Signait la vie
Rapportait nos réalités…
Je t’aime.