n° 03654 | Fiche technique | 47326 caractères | 47326 8281 Temps de lecture estimé : 34 mn |
19/11/23 corrigé 19/11/23 |
Résumé: L’amour peut rendre fou. | ||||
Critères: fh intermast fellation pénétratio policier -policier | ||||
Auteur : Cyber Syr Envoi mini-message |
Pourquoi je me sens toujours attiré par ce lieu ? En fait, pourquoi je me pose cette question ? Je connais tellement bien la réponse. C’est là, juste en dessous, que je l’ai rencontrée. Amélie. Le « fabuleux » destin d’Amélie. Tous les jours, je me sens tiré vers ce lieu que je devrais pourtant tant oublier. Tout me fait mal ici depuis un mois : la douceur de l’air au-dessus de la Garonne, les couleurs roses renvoyées par les digues de brique, la vue des joggers qui courent sur la promenade en bas, le long du fleuve… Et cette cheminée, au loin, au-dessus du stade, symbole de ma souffrance. Mes plus belles joies corrompues par mon tortionnaire le plus implacable.
Pourtant, tout semblait nous sourire. Une rencontre un matin sur les bords de la Garonne. Je la vois de loin, toute à son effort, ses cheveux blonds sur les épaules. Déconcentrée par ma vision, elle se foule une cheville devant moi. Rencontre, présentation, assistance. Tout cela finit dans mon appart par un massage attentif sur la cheville claire. Et le massage qui finit en caresses. Ma langue qui découvre son sexe parfumé et nos corps qui finissent dans une union puissante. Six mois de plaisirs, tout entier à notre bonheur. Et puis il y a eu ce jeudi soir. Dernières caresses, derniers baisers, derniers regards. Enfin, on ne le savait pas. Je pars bosser ce soir-là. Le lendemain matin, elle rejoint l’hôpital pour prendre son poste d’infirmière. Je rentre me coucher. J’espère la voir, mais elle est déjà partie. 10 h 17, je suis réveillé par une explosion, l’Explosion, mais je ne sais pas encore ce que c’est. Les deux jours qui suivent sont devenus flous dans mon esprit. Je me revois aider les voisins, nettoyer les vitrines de l’épicerie d’en dessous, je me revois pester en voyant le message d’Amélie sur le répondeur :
Tout va bien, mais je ne rentrerais pas ce soir. Trop de boulot. Je t’embrasse.
Et puis, il y a eu ce coup de téléphone vers les 18 h le samedi après-midi.
Monsieur R ? La Police nationale. Vous connaissez Mlle Amélie N ? … Elle a eu un accident. Elle s’est endormie au volant et a percuté un pylône. Pouvez-vous venir à l’Hôpital ?
La dernière fois que je l’ai vue : étendue sous ce drap blanc, victime d’avoir soignée des gens jusqu’à l’épuisement. Depuis, plus rien n’est pareil. Les premières nuits, il me semblait sentir sa peau douce et fruitée que j’ai tant caressée de mes lèvres. J’entendais même parfois ses petits cris stridents de jouissance. Je ne peux plus que vivre avec les souvenirs de nos soirées folles. Quand juste après la vaisselle, les mains encore mouillées, je la serrais contre moi pour sentir ses petits seins s’écraser contre mon tablier. Je la sentais fondre sous les baisers dont je couvrais son cou et ses épaules souvent nues. Je me souviens de ses petites protestations vite oubliées quand avec ma langue, je caressais son épaule et tirais les bretelles de son débardeur pour dégager petit à petit sa poitrine pointue. Ses petits seins déjà tout raidis de plaisir quand j’y posais mes lèvres avant de continuer mon exploration vers la lisière de sa jupe, sur son ventre musclé et doux. Son aide pour enlever les derniers remparts avant son intimité. Son abandon dans mes bras pour que je la dépose sur le canapé avant de parcourir ses petites lèvres roses avec ma langue avide de miel. Ses petits poils courant autour de ma langue avant qu’elle crie son plaisir, qu’elle me fasse subir le même bonheur et qu’on finisse dans un accouplement torride pendant toute la soirée. Et chaque fois que je rentre sous la douche, je revois le final de nos soirées, ensemble à nous remettre de nos jouissances et à préparer celles de la nuit à venir.
Les seuls frissons que je ressens à présent sont ceux du vent d’autan qui remonte la Garonne avant de me frapper sur ce pont qui domine mes plaisirs. Un jour peut-être je trouverais le courage de passer la rambarde de pierres blanches. Mais je suis trop lâche, ou trop touché pour le faire. Alors je reste là, debout sur ce pont, pour fuir mon quotidien, pour rester le moins souvent dans cet appartement plein de souvenirs.
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Ah, le plaisir d’aller à pied au Commissariat à travers ces quartiers populaires puis le long du canal du Midi. Un moment de plaisir dans un monde de brutes, comme dirait l’autre. Le calme avant de plonger dans le grouillement d’un Commissariat. Avant de retomber dans les réalités de la misère humaine. Et aujourd’hui, c’est particulièrement vrai. Le Chef veut me voir. Depuis mes stages à Interpol, il m’appelle toujours dès qu’il y a une merde dans la région. Un café plus tard, me voilà dans son bureau. L’Équipe dépliée, la pipe au bec. Sans doute un reste de Maigret.
Ça m’aurait étonné, aussi ! Me voilà avec une bombe sur les bras. Et si on arrive à quelque chose, c’est lui qui récupérera la couverture, alors que si cela traîne et que d’autres jeunes filles finissent brûlées à l’acide, ce sera ma pomme qui sautera. Triste loi de la hiérarchie. En tout cas, c’est râpé pour la soirée foot prévue chez Louis avec les copains. Pour une fois que ma Lucie était en déplacement et que je pouvais jouer au beauf devant la télé. Ce n’est pas qu’elle me bride d’habitude, mais entre Thierry Rolland et la peau brune et chaude de ma femme, je fais en général rapidement le choix. Heureusement qu’elle n’est pas là de la semaine, finalement : j’aurais moins envie de rentrer chez moi le soir et je pourrais poursuivre mes investigations tard dans la nuit…
Voilà le Doc et son exposé morbide et précis à la fois. J’ai beau avoir traité des dizaines d’affaires sordides, j’ai toujours autant de mal à écouter ses conclusions. Surtout quand c’est une jeune fille, blonde, mignonne… enfin, d’après les photos, parce que ce qu’il reste ne donne plus très envie de l’avoir dans son lit. Aucune trace de coups, mais des traces de rapport sexuel. Enfin, c’est vite dit parce qu’en fait, le Doc a repéré un léger dépôt sur les parois du vagin qui pourrait correspondre à celui d’un préservatif. Mais rien de tel n’a été trouvé chez elle. C’est bien la première fois que je verrais un meurtrier violer sa victime avec un préservatif. Enfin, pourquoi pas… à ne pas exclure, de toute façon.
Allez, en route avec des équipiers pour l’enquête de voisinage. Un appartement dans un immeuble anonyme du centre-ville. Je sens que je vais en apprendre des tas en interrogeant les voisins. Ce n’est pas sûr que la plupart ne sachent autre chose sur cette fille que le nom de la boîte aux lettres :
Hélène S. Petit appartement d’étudiant.
Des cours qui ne serviront plus à grand-chose. Du bordel, mais rien de bien particulier pour une étudiante. Pas un meurtre crapuleux, c’est sûr ! D’ailleurs, son portefeuille a été retrouvé plein sur la table de la cuisine.
Pas manqué ! Personne n’a rien remarqué. Personne ne l’a jamais remarqué dans l’immeuble d’ailleurs. Tout juste ont-ils été dérangés par les va-et-vient des policiers pendant la nuit… Triste réalité d’une ville qui disparaît petit à petit. Peut-être qu’on aura plus de chance chez Pizz’30 qui est en bas de l’immeuble. Forcément, cette Hélène allait se chercher des pizzas de temps en temps. Très gentille, assez ouverte, elle discutait facilement. Non, pas de petit ami connu. Si, une fois ou deux, on l’a vu avec des mecs, mais elle ne semblait pas s’y attacher.
Allez, retour au Commissariat pour le rapport, et pour étudier le dossier à tête reposée après un petit coup de fil à Louis pour annuler le match de ce soir !
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Qu’est-ce que je fais là ? Comment y suis-je venu ? Ça va pas fort, mon petit Jean. Bon, ben, on va reprendre le métro pour rentrer en centre-ville. Toujours ces absences. Elles ont commencé juste après ce week-end maudit. Ce doit être le contrecoup. Je ne vais pas déranger un psy juste pour ça, c’est la douleur, ça va passer avec le temps. De toute façon, j’ai pas trop envie de parler de ça à quelqu’un. Même les copains, j’ai du mal à leur parler. Ridicule sentiment masculin, sans doute un reste de machisme qui consiste à cacher notre douleur. Comme si on n’avait pas le droit de souffrir nous aussi. Comme si les larmes étaient réservées aux femmes ! Pourtant, j’ai envie de chialer, là, dans la rame grise qui court sous les rues de la ville. Merde, faut que je me reprenne. Louis m’a laissé un message pour que j’aille voir le foot chez lui ce soir. Il a acheté des pizzas et il y aura toute la troupe. Je ne suis pas sûr de vouloir les voir. Surtout, je me vois mal m’enthousiasmer sur des actions de foot. Je sais pourtant qu’il faudrait que j’y aille. Il faut que j’arrête de m’enfermer sur moi-même. Il faut que je sorte à nouveau, que je regarde les jolies filles, comme cette jolie brune là-bas assise sur le strapontin. Un joli petit visage d’ange avec un petit piercing sur le nez. Des petites lunettes rondes qui mettent en valeur son visage rond. Trop tard, elle descend. Je ne vais quand même pas la suivre. De toute façon, je ne me sens pas très séduisant. Allez, je rentre à la maison pour me nettoyer et je vais chez Louis. Cette fille m’a redonné le peps. Autant en profiter.
Toujours l’épreuve de la douche. Trop grande pour moi seul. J’en ai pourtant pris pendant quatre ans des douches tout seul ici, mais six mois de douches en communs avec Amélie pèsent plus lourd dans la balance. Je crois bien que l’eau est plus salée que d’habitude. Ça fait du bien de se lâcher, de relâcher la pression qui me pèse toujours plus sur le cœur. Je vais peut-être même réussir à me faire beau pour aller jusque chez Louis. Le besoin de séduire reste un réflexe qui survit à toutes les épreuves visiblement.
Peut-être que Nathalie, la femme de Louis, sera là. Nathalie qui a choisi la sécurité de l’enseignant à la vie plus débridée de CDD à accumulation, de petits boulots d’occasion que je lui proposais il y a quelques mois. Je ne peux pas franchement la blâmer. Je ne dois pas être facile à vivre, même si Amélie avait réussi à tenir six mois… Encore un autre souvenir féminin qui me reste. Suis-je si vieux ? Suis-je fini pour n’avoir plus que des souvenirs et plus de femmes ? Ses petits seins blancs à peine en relief que je caressais de mon sexe raide devant ses yeux bleus avides. Son corps pulpeux. Ses cheveux roux qui sentaient souvent l’encens. J’ai toujours eu du mal à refréner mon érection quand je la voyais depuis notre séparation, même si Amélie avait contribué à soigner cette érection maléfique. C’est la première fois depuis qu’Amélie n’est plus là que je la revois, mais quand elle m’ouvre la porte de leur appartement, rien ne se passe. Bonjour-Bonsoir, mais rien sur le bas de mon ventre. À peine une gêne, justement à cause de cette absence. J’espère qu’elle ne s’en rend pas compte. Quelques copains sont déjà là. Hector a amené sa nouvelle copine. Une par semaine ou presque. À côté, je suis un moine trappiste. Pas mal sans plus. J’ai vu largement mieux récemment. Louis m’annonce que Arthur ne sera pas là « Au boulot à cause d’un meurtre horrible qu’il m’a dit ». Pauvre Arthur. OK visiblement sa Lucie a des qualités, sexuelles en particulier, mais quand ce n’est pas sa femme qui le retient à la maison, c’est son boulot. Un flic prisonnier… le comble, non ? Tiens, la blondasse d’Hector tend l’oreille :
Elle se referme comme une huître, en train de réfléchir. Louis rompt le silence pour proposer l’apéro et les pizzas.
Le match palpitant m’a fait oublier ma condition quelques instants – c’est à peine que je remarque que la copine d’Hector part au milieu en s’excusant auprès de son copain –, jusqu’à mon retour dans mon appartement vide de célibataire… Un dernier coup de whisky, et au lit… seul. Des images traversent mon esprit, Amélie qui s’engueule avec la blondasse d’Hector. Ça finit en bagarre. Les voilà qui se battent toutes les deux comme des harpies, presque nues. Du bruit dans l’escalier. Je me réveille. Quelle trique… ! Amélie ou la blondasse ?
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Pas terrible, le kebab de cette rue. Rien à voir avec celui d’Ali. La nuit est déjà tombée et il commence à faire froid. Forcément, malgré la douceur des jours, on est déjà en octobre. J’allais aller me chercher une pizza à côté du Commissariat quand le Doc m’a appelé. Un autre meurtre. Très ressemblant. Une fille défigurée à l’acide. Une blonde. Enfin, d’après le Doc, une fausse blonde. D’autant plus que la carte d’identité l’appelle Djamila. Et roule la voiture. Gyrophare hurlant. Pourquoi ? Elle ne va plus s’enfuir…
Même constat que chez Hélène. Sauf que le meurtrier a oublié sa capote pleine sous le lit. On va pouvoir faire quelques tests ADN, peut-être… Ne sait-on jamais, s’il était fiché ! En plus, coup de bol, les voisins ont vu des choses. Faut dire que dans ces quartiers, c’est pas comme dans le centre-ville. Les gens voient les choses. Après, pour leur en faire parler, c’est pas toujours commode, mais en tout cas, ils voient. Et la Djamila, elle en prend pour son grade : « Ça devait lui arriver » ; « Elle fréquentait n’importe qui, des Gaulois, des Rebeus, même des youp’ » ; « Avec ses cheveux décolorés, elle devait faire la pute »… Bref, pas franchement la petite fille sage du centre-ville comme la première victime. D’autres heureusement remontent le niveau. Elle était serviable, gentille, même si elle avait pas mal de petits amis occasionnels. Oh non, sûrement pas une prostituée… elle vivait simplement et n’en avait pas plusieurs par jour. Juste qu’ils ne restaient pas plus d’une semaine avec elle. Mais personne ne l’avait vue rentrer cet après-midi, ça ne nous avançait pas beaucoup tout ça.
Ce qui est sûr, c’est que la nuit est foutue. Il va falloir éplucher tout ça et recouper avec le dossier Hélène.
Tiens, le vibreur dans la poche. Sans doute Lucie.
- — Allo ?
- — Commissaire Arthur H. ?
- — Arthur, oui, Commissaire, pas encore. À qui ai-je l’honneur ?
Une voix de fille, un peu pimbêche sans doute :
- — Julie R. Je suis journaliste à la Dépêche.
Le mot de trop. Je raccroche vigoureusement et enfourne le portable dans la poche après l’avoir arrêté. Comment cette journaliste a-t-elle eu mon numéro perso ? Et pourquoi appelle-t-elle ? Peut-être est-ce pour autre chose. Je n’aurais pas dû raccrocher, ça risque de lui mettre la puce à l’oreille.
Je reprends le portable. Le numéro de la journaliste y est encore en mémoire.
- — Allo ?
- — C’est le futur commissaire Arthur. Je viens de passer sous un tunnel et on a été coupé.
- — Mais bien sûr. Je vous appelais pour le meurtre…
Faire le naïf pour allumer les contre-feux et savoir ce qu’elle sait et ce qu’elle veut. Risqué, mais indispensable.
- — Le meurtre ?
- — Faites pas l’innocent. J’ai appris qu’on avait retrouvé un cadavre pas mal amoché.
- — Vous en savez des choses…
- — C’est mon métier.
- — Et le mien c’est d’enquêter dans le silence. Excusez-moi de ne rien vous dire d’autre. Bonsoir Madame
- — Mademoiselle.
Je raccroche enfin. Peine perdue. Le portable résonne. Je vais te l’accueillir avec les honneurs.
- — Allo ?
- — Inspecteur H., vous me paraissez bien nerveux. Ici le Procureur.
- — Bonjour Monsieur le Procureur.
- — Je viens d’apprendre qu’il y a eu un nouveau meurtre. Le même assassin, vous croyez.
- — Sans doute Monsieur le Procureur.
- — On joue notre place, vous le savez. Surtout que les parents de la première victime sont des notables très connus. Imaginez que la prochaine victime soit du même tonneau. Alors attention aux fuites. Et trouvez vite l’assassin.
- — Mais oui, Monsieur le Procureur. Comptez sur nous.
Je raccroche encore plus énervé. J’ai toujours détesté les magistrats qui considèrent qu’il y a deux types de victime : les Hélène et les Djamila. Pour moi, c’est toujours une jeune fille qui part trop tôt. Puisqu’il ne veut pas de pub, je vais le servir.
- — Allo ?
- — Mademoiselle R. ? Inspecteur H. au téléphone
- — Déjà ?
- — En fait, vous en saviez un petit peu. Rendez-vous vite près de l’Université du Mirail. Vous n’avez qu’à chercher les lumières bleues clignotantes, vous direz que vous êtes tombés dessus par hasard. Et ne me demandez pas personnellement, par pitié… Au revoir.
Le Coca à peine avalé que voilà que débarque une Clio blanche à la Starky. Sûrement la gratte-papier. Je m’éloigne un peu pour observer sans être vu. Le Doc en profite pour me mettre le grappin et faire son exposé morbide. Du coin de l’œil, j’observe la petite blonde aux cheveux courts qui descend de la Renault. Pas mal, la gamine !
Un agent vient vers moi.
Il me tend une cassette. Je la mets dans le radiocassette de la voiture. Juste un petit rembobinage. Des bruits lointains. Un couple qui fait l’amour on dirait. Une intuition me fait dire qu’il faut que je l’écoute plus consciencieusement.
La fille enregistrait ses ébats. Fétichisme ou prévention en cas de pépin ? Ce qui est sûr, c’est qu’on va avancer…
Mais du coup, j’ai perdu de vue la gratte-papier. Où est-elle passée ? Rien de pire que de perdre un journaliste sur les lieux d’un crime. Ah, la voilà qui interroge les voisins. Vite désamorcer la pompe. Je vais interrompre ce moment de célébrité du papy à casquette.
Je l’emmène sur le côté pour la sortir du champ de vision, pour ne pas me compromettre avec elle, mais aussi pour qu’elle ne voit pas trop de choses. Pas mal, la nana ! Pas trop mon genre, je préfère les brunes, mais pourquoi pas !
Elle m’échauffe sérieusement avec son air arrogant.
Ou quand l’intérêt du sexe rejoint celui de l’information. J’ai une furieuse envie de la baiser, et elle de récolter des informations pour son journal. Ça risque d’être juste pour l’édition de demain. Et de toute façon, elle ne sait pas sur qui elle est tombée. J’en saurais plus sur elle après une partie de jambes en l’air que le contraire. Je ne vais pas l’emmener chez moi. Je ne mêle jamais amourettes et Lucie.
Son appartement est chic. Ça doit rapporter ce genre de journalisme. À moins que ce soit papa et maman. Les premiers pas m’ont confirmé qu’elle était prête à beaucoup pour m’amadouer et obtenir des infos. À peine dans l’appart, elle est déjà en train de me masser le sexe à travers mon pantalon, et cinq minutes et quelques caresses plus tard, elle l’a déjà dans la bouche en me faisant une belle pipe. Quand elle avale tout, je suis alors sûr que je pourrais réaliser ma première sodomie depuis que je suis avec Lucie, qui ne supporte pas cette pratique. D’autant plus qu’il est déjà tard et que le bouclage du journal est dans moins de deux heures. Elle est pas mal foutue comme fille ! Petite et menue, mais avec des seins bien portants et des fesses bien rondes. Et très accueillante. Je n’ai même pas essayé la face avant. Direct dans son petit trou. Oh, ce n’est pas son premier accueil. Elle sait y faire, pas de doute. Elle a quand même l’air de souffrir un peu vu les grimaces que je vois dans le miroir en face de nous, mais après tout, si elle ne dit rien, c’est qu’elle le veut bien. Bon, allez, je vais lui faire prendre son pied. Elle le mérite quand même. Son sexe est à portée de main et je peux aller le caresser. Il ruisselle quand même de son miel et la grimace de son visage vire de plus en plus à des halètements avec des rougeurs sur les joues. Elle est assez mignonne comme ça, mais j’aime bien qu’on me regarde quand je fais l’amour à quelqu’un, alors je lui tire un peu les cheveux vers l’arrière pour qu’elle relève la tête et me regarde la pilonner dans la glace. Je joue vraiment mon macho. Ça défoule, et comme je ne respecte pas trop celles qui ne se respectent pas, pas de scrupules à avoir. Quand je sens monter le jus dans mon sexe, je me retire et arrose abondamment ses fesses et son dos. Ne voulant pas qu’elle perde complètement sa soirée, je m’agenouille derrière elle et la mène à la jouissance avec ma langue sur son sexe doux et fruité.
23 h 30… Quand elle reprend ses esprits, c’est pour râler.
Elle ferait presque pitié, nue avec ses seins aux grosses aréoles. Comme le Proc me fait vraiment chier, il faut que j’aille au bout. Je lui raconte quelques bricoles, comme on donne un peu de viande à un fauve avant de le lancer dans l’arène. Elle va pouvoir les mettre dans son canard. Je ne raconte pas tout pour laisser le meurtrier dans l’inconnu de notre enquête. Elle plonge sous la douche. Pendant qu’elle se refait une tête plus conforme, je lui demande comment elle a eu mon numéro. Elle fait son incorruptible… Ah, la déontologie des journalistes ! Et on se sépare sans que je sache qui m’a trahi. La nuit va être longue au commissariat.
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Encore. Encore ce rêve troublant. Amélie et la Julie d’Hector. Pourquoi toujours elles deux ensemble ? Tellement différentes. Chaque fois que je me réveille, l’heure n’a guère avancé. Vingt minutes, une heure, la nuit va être longue à ce rythme. Je devrais peut-être prendre un cachou pour dormir. Ils sont sur la table. J’en attrape un et l’avale avec le peu de whisky qu’il me reste. Pas terrible comme association, mais j’ai la flemme d’aller chercher de l’eau. Amélie… J’espère que la nuit va être plus longue…
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Je suis installé sous ma lampe de bureau. Je me suis fait une cafetière de café. Le magnétophone devant moi, le volume à fond, ou presque, pour entendre la cassette trouvée chez la seconde victime. Je dois ressembler à Bruce Willis dans « Sixième Sens » quand il écoute les fantômes sur les cassettes. Sauf que ce ne sont pas des fantômes. Enfin, pas encore pour la jeune femme qui prend son pied. Il ne s’agit très clairement pas d’un viol. Je pense qu’elle est rentrée avec lui dans l’appart, car quand l’enregistrement démarre, elle lui crie :
Au fond du couloir.
Les toilettes, sans doute. Ce sont toujours les toilettes qui sont au fond du couloir. Il revient. Des bruits de corps qui se rapprochent. Je l’entends lui demander :
Déjà, tu n’es pas un romantique, toi.
Elle ne semble pas le connaître plus que ça.
Le romantisme, c’est bon pour ceux qui croient encore en l’amour.
Un désabusé, voire un désespéré. Les pires. Ça se confirme :
Tu me plais avec tes yeux sombres et mélancoliques.
Quelques banalités. Ils s’éloignent de la chaîne HI-FI. Un grincement de sommier. Les voilà au lit.
Tu es très belle. Tes seins sont superbes !
Puis, des halètements. Il la prépare, sans doute. Avec sa langue ? Avec son doigt ?
J’adore les filles rasées. C’est plus doux sous la langue.
J’ai ma réponse. Elle ne va pas révolutionner le cours de l’enquête, mais bon… Peu après :
Je vois que tu as tout sous la main. Même une capote pour les rencontres de passage. C’est rare un homme qui pense à ça.
L’enregistrement est parfois aussi inaudible qu’une cassette de ben Laden, mais c’est clairement une relation de passage classique, sans contrainte, sans arrière-pensée de meurtre. Pourtant, c’est bien lui qui les tue. Ou alors, c’est le hasard. Attendons. Les cris de jouissance ressortent bien sur la bande. Il jouit, visiblement, ce qui explique la capote pleine. Elle aussi, semble-t-il, même si c’est moins marqué. Peut-être l’habitude des HLM et de leurs murs au rabais.
Qui peut m’appeler à cette heure-ci au bureau pour me sortir de mon enquête ? Pas une nouvelle victime, quand même ? Ce n’est que le Doc. Il bosse encore ! Lui aussi semble pressé de trouver ce salaud.
- — Arthur ? Bon, ta fille d’hier matin, elle est morte d’avoir avalé de l’acide. Si tu voyais l’intérieur, c’est assez désastreux. Ça ne pardonne pas ce genre de chose. À moins qu’elle ait confondu sa bouteille de gin avec une bouteille d’acide, elle ne peut pas avoir ingurgité ça toute seule. Tu piges ?
- — Et c’est le même truc qui l’a défigurée ?
- — Le même, aucun doute. Mais il a été passé exprès, voire avec minutie, sur le visage et les seins, ce ne sont pas seulement des dégâts collatéraux.
- — Merci, Doc. Tu pars ?
- — Non, j’ai l’autre à regarder. Je veux être sûr que c’est la même chose.
- — Bon courage !
- — À toi aussi.
Heureusement que dans ce job il y a de l’entraide entre collègues. Ce serait intenable sans ça. Et heureusement que j’ai ma Lucie. Les collègues célibataires sont ceux qui craquent les premiers. Lucie. Tolérante sur mes écarts de fidélité. La main sur le cœur, comme on dit. Excuse-moi pour ce soir avec cette pétasse de journaliste. Que j’ai envie de te serrer nue contre moi ! J’ai envie de te parler, de t’embrasser. Reviens vite de ta conférence. Quand tout cela sera fini, on se prendra quelques jours dans un chalet rien que pour nous deux.
Faut s’y remettre. Ils en étaient où déjà ? Ah oui, ils venaient de jouir une première fois. Un bruit de plastique sur le plancher et elle qui lui dit qu’elle va le nettoyer ! Tiens, le Doc trouvera peut-être des traces de sperme dans la bouche si l’acide n’a pas tout nettoyé. Voilà aussi pourquoi la capote est restée sous le lit : il n’a pas dû la retrouver avant de partir. Visiblement, la fellation remplit son office. Le voilà qui jouit à nouveau. Efficace, la petite Djamila, visiblement. Il me semble qu’il a crié « Amélie » en jouissant. En effet, elle semble réagir peu après :
Tu as parlé d’Amélie. Une copine à toi ?
Pas de réponse. Des bruits de pas.
J’ai une surprise pour toi.
Il est tout près de la chaîne. Un sac qui s’ouvre. Un bruit d’eau dans un verre.
Tiens, c’est aphrodisiaque.
L’ACIDE. À tous les coups.
- — T’es sûr que c’est potable ?
- — Bien sûr, je vais partager le verre avec toi. Commence, toi !
Erreur fatale. L’acide a dû l’attaquer rapidement, car elle crie assez rapidement. Il doit étouffer les cris, car on l’entend moins après. Étonnant que les voisins n’aient rien entendu. À moins qu’ils n’aient pas fait le rapprochement. Plus rien. Elle doit être morte. Étouffée ou bouffée par l’acide ? Après tout, quelle différence ? Le résultat est le même… Il est encore dedans. Je l’entends qui tourne dans la pièce. Je ne sais pas ce qu’il trafique. Sans doute s’occupe-t-il des seins et du visage de sa victime. Je l’entends murmurer. Ce n’est pas très audible. Il est loin.
… lie… comme ça… les tiens… beaux…
Des bruits de sanglots, on dirait. Un meurtrier qui pleure, voilà autre chose. Il monte un peu la voix.
Pourquoi j’ai fait ça ?
Un peu tard, mon gars, pour le repentir.
Je t’ai trahie, mon Amélie. Excuse-moi. Je ne voulais pas lui faire l’amour. C’est elle qui m’a ensorcelée.
Cette Amélie revient souvent. Et cet acide, où peut-il le trouver ?
- — Allo, Doc ?
- — Oui, Arthur, qu’es a quo ?
- — L’acide du gars, c’est quoi et ça a sert à quoi quand on ne s’en sert pas comme crème de beauté ?
- — On en trouve pas mal. Ça peut servir comme dissolvant dans des industries un peu lourdes, genre colle ou peinture. Ils s’en servent en quantité pour nettoyer les locaux par exemple.
- — Et un particulier ?
- — Il peut trouver ça dans n’importe quel Castorama. On s’en sert pas mal en bricolage, dans tout ce qui est nettoyage de vieux trucs, genre décapage ou compagnie. Rien de tel pour nettoyer. T’as qu’à voir la tête des gamines avec ce truc pur. Même si tu le dilues un peu, ça reste efficace.
- — Et la petite du Mirail, c’est dans le même état que l’autre ?
- — Oui, l’intérieur ressemble, en moins atteint. J’ai l’impression qu’elle a été étouffée par privation de l’arrivée d’air…
- — En clair ?
- — Qu’on lui a mis un truc sur la tête pour l’empêcher de respirer…
- — Ou de crier (la cassette !).
- — Oui, ou de crier. Mais ce n’est pas de la strangulation, pas de trace sur le cou.
- — Rien d’autre ?
- — Non, comme l’autre. Traces de capote à l’intérieur. Ah si, elle… enfin, son pubis…
- — Il était rasé ?
- — Oui, c’est ça, et il y avait un ou deux poils bruns collés sur son sexe. Pas les siens, je pense, mais sans doute de son assassin.
- — OK, ça réduit la zone de recherche. Un brun qui bosse dans une boîte de peinture ou qui est client chez Casto. Il ne doit y en avoir que quelques dizaines de milliers dans la région. Facile…
- — Il y a autre chose. On a trouvé des fragments de terre dans l’appart de la deuxième victime qui ne semblent venir d’aucune de ses chaussures à elle. Sans doute de l’assassin. Vu la couleur et la matière, j’ai un petit doute sur sa provenance. Je dois appeler un copain aux services municipaux. Je te rappelle dès que j’en sais plus.
Enfin du concret. Pourvu qu’il n’ait pas trouvé de blonde à son goût depuis hier après-midi.
Presque 8 h, les collègues commencent à arriver. Je dois avoir une tête à faire peur. Je rentrerais bien faire un petit somme ou prendre une douche, mais je ne peux pas prendre le risque qu’une nouvelle fille finisse en croyant prendre du plaisir. De toute façon, c’est trop tard. Je viens de voir passer mon chef, l’air furieux, le journal à la main. Et je crois qu’il n’avait pas que l’Équipe. L’article de Julie doit être coriace…
Pas manqué. Cinq minutes plus tard, je suis en face de lui. Pas besoin de pipe aujourd’hui, il fume des naseaux sans elle. Il tend le journal.
Selon la Police, ce meurtre odieux serait le deuxième d’une série qui pourrait continuer dans les jours à venir.
Heureusement que je lui avais dit de ne pas me citer ni d’affoler la population. Sympa, la Julie ! Cela dit, ce n’est pas elle qui signe l’article. Ça doit marcher comme chez nous, dans les journaux : les chefs s’approprient les réussites des scribouillards. Le Proc n’a pas encore dû prendre son petit-déj’…
La Police semble avancer avec une certaine efficacité et a mis ses meilleurs inspecteurs sur l’affaire. Question de priorité, sûrement…
Allez, je lui pardonne à la petite…
Je passe le reste de la matinée, avec ma barbe de deux jours, dans les rues de la ville rose, sous le soleil, à faire le tour de mes indics. Au cas où. Je suis sec et je ne veux pas avoir le Proc au téléphone.
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La lumière me réveille enfin. Ces cachous me font du mal, c’est sûr, mais au moins je peux dormir. Presque midi. Faut que je me prépare. J’ai promis à mon frère de venir bosser au magasin. Je ne suis plus très régulier depuis un mois, mais il faut que je me reprenne. Il ne va pas me nourrir à vie sans que je participe un peu à son commerce de brocante. J’adore pourtant rendre la vie à des objets que l’on croyait périmés. Si quelqu’un pouvait me faire la même chose…
Un petit en-cas. Me revoilà sur ce pont maudit. Avec la Garonne qui me nargue, la cheminée rouge et blanc arrogante au fond et la promenade magique à mes pieds. Dire que je suis obligé de le franchir tous les jours. Et que tous les jours il me transperce le cœur. Voilà le magasin. Philippe est content de me voir. Il se fait un peu de souci pour son petit frère. Il n’a pas tort le pauvre, mais avec son ex-femme, son actuelle, ses gosses et son magasin, il a aussi d’autres soucis. Il m’a gardé quelques ferronneries de cheminée trouvées dans un grenier gersois à nettoyer. Il sait ce que j’aime. Je me précipite dans l’arrière-boutique, à l’abri des regards, du tumulte et je me prépare à mon nettoyage. Grattage, décapage, dissolution. Toutes les techniques y passent. Il y a du boulot. Tant mieux, j’en ramènerais à l’appart pour bosser ce soir et finir le décapage. Je pourrais presque penser que je revis.
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C’est en mangeant mon kebab de chez Ali devant ma bière que j’ai eu l’idée. Ma pauvre mine avait l’air de faire pitié à Claude. Il avait beau me raconter les nouvelles du quartier avec son accent chantant et rocailleux qui rendent poétique la moindre altercation sur la place Arnaud Bernard. Sa place. Son territoire. Rien n’y faisait, je gardais le regard sombre. Trop sombre pour lui. Alors il m’a sorti la dernière de ses acquisitions : une magnifique boîte à musique en bois rare décorée à l’orientale.
Génial, ce Claude. Même sans sa musique. Bien sûr, bricolage, décapage. Il y a aussi les brocanteurs. Et puis ça me changera. Je vais aller faire un tour dans le quartier chic des brocanteurs, derrière la Cathédrale Saint-Étienne. Peut-être que là-haut on m’inspirera.
Je mets la bière sur mon compte. Heureusement que le Fabulous Café remplace l’État pour le traitement de ses fonctionnaires de police. Et je prends la direction de la Croix Baragnon, passant rapidement de Toulouse la Sarrasine, Toulouse la Rouge à Toulouse des hôtels particuliers et des meurtriers de Calas. Philippe est là. Jean, son frère, est là aussi. Il a quand même une sale tête depuis la mort d’Amélie. Tiens, encore Amélie. C’est vraiment la mode de ce prénom. Le film, celle de l’assassin, celle de Jean… Ils me demandent si l’enquête avance depuis hier soir et me demandent si c’est le truc dont ils parlent dans le journal. Je fais la moue et dois bien avouer que c’est le cas. Ils me confirment l’utilisation de l’acide chez les brocanteurs, mais semblent surpris qu’on puisse attaquer des gens ainsi.
Un client rentre et je les laisse à leurs affaires. Je repars à pied vers mon Commissariat. Un peu de marche sous ce soleil me libérera l’esprit. Devant le Capitole, des couples amoureux insouciants. Des jeunes filles blondes aussi. Seules ou accompagnées. Le meurtrier est peut-être là, à repérer sa prochaine proie. Insupportable. J’accélère le pas.
La voix d’Hector. Je me retourne. Surprise. Sa compagne est plus rouge qu’une pivoine. Julie !!! Au bras d’Hector. Je comprends mieux d’où vient la fuite… Sympas, les copains… Remarquez, elle doit être plus mal que moi après ce qu’il s’est passé hier soir.
Je regarde Julie de façon plus appuyée.
Il n’a pas compris mon allusion. Elle, par contre, aimerait bien être cachée dans quelques caves du Capitole.
On se fait la bise. Puis Hector me glisse à l’oreille :
Je n’ose lui répondre que je sais bien tout ça.
L’appel de Julie est clair, non ? En plus, elle est assez excitante : son débardeur soutient difficilement ses seins libres et son petit gilet de mi-saison ne cache pas tout. Excitante, à défaut d’être mignonne… Pauvre Hector, ne t’attache pas à elle, surtout pas…
Quand j’arrive à mon bureau, un peu en sueur de m’être dépêché, je trouve un post-it du Doc :
Arthur. La terre qu’on a trouvée est un mélange de boue et de sable. Ce sable, il n’est pas naturel dans la région et on m’a confirmé qu’il se trouve sur la Prairie des Filtres. Vu qu’il n’a pas plu depuis un mois, la boue provient peut-être des bords de la Garonne et le meurtrier aura collé du sable des allées sur des semelles couvertes de boue. Recherche un mec qui se promène par là-bas.
La Prairie des Filtres. Un espace vert en bordure de Garonne, au pied du Pont-Neuf. Pas mal de monde y circule. Pas mal de marginaux aussi. Mais c’est mieux que rien.
Le Pont-Neuf. Saint Cyprien. L’acide. Les brocanteurs. Amélie. Un homme brun, paumé, désespéré. Non, ce n’est pas possible. Ce doit être un hasard. Je dois vérifier quand même.
La cassette, vite. Je mets à fond. Oh non, ça peut être sa voix. Elle ressemble en tout cas. Qu’est-ce qu’il murmure à la fin quand il doit refaire le visage de sa victime ?
Tu étais plus jolie, Amélie.
Le souffle de l’enregistrement couvre en partie les détails de la voix.
Pas comme ça, un peu plus mince. Et tes seins. Ils étaient plus beaux, pas aussi gros.
Le doute diminue. C’est impossible. Pourquoi lui ? Je n’ai jamais vu quelqu’un de plus gentil, de plus sincère. Il collectionnait les filles, mais il se croyait amoureux à chaque fois et souffrait chaque fois qu’il leur disait que c’était fini. C’est impossible qu’il mente. Je ne peux pas le croire. Sûrement pas un menteur. Encore moins un assassin.
- — Allo, Philippe ?
- — Re-salut Arthur, tu avances ?
- — Dis-moi, Philippe, Jean est toujours là ?
- — Non, il vient de partir.
- — Chez lui ?
- — À ce qu’il m’a dit, oui.
- — Il emporte parfois de l’acide avec lui ?
- — Parfois oui, pour bosser chez lui.
- — Il ne t’a pas paru bizarre depuis deux jours ?
- — Ça fait un mois qu’il me paraît bizarre. Tu sais bien pourquoi. Depuis deux jours, je dirais même que ça s’arrange plutôt. Pourquoi, il y a un problème ?
- — Non, non, juste une vérification. Je te laisse. À plus.
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Les cachous me fatiguent. À force d’en prendre, je n’arrive plus à me concentrer. 3 heures passées sur ces ferronneries m’ont épuisé. Heureusement que Philippe me comprend et qu’il sait que j’aime bosser chez moi. L’air frais des bords de la Garonne me réveille un peu. C’est là, il y a six mois que je l’ai croisée pour la première fois. Pourquoi ? Pourquoi elle ? Pourquoi moi ? Jamais je ne retrouverais une femme comme elle. Et ces absences, de plus en plus fréquentes. Courtes au début, de plus en plus longues comme hier. Je n’en peux plus. Je vais te rejoindre Amélie. Plus que la Montée au Marché aux Poissons et je serais sur le Pont. Et cette fois, plus rien ne pourra m’empêcher de passer le muret de pierres blanches. Je te rejoindrais. Il fait chaud à présent. De plus en plus chaud. Je me sens partir, dormir. Comme avant les absences. Je dois résister. Je dois tenir. Voilà, je suis au sommet du Pont. Je m’assois sur le muret et brutalement, me tourne.
Je suis heureux. Je la rejoins…
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Vite, une bagnole. Cette fois, le gyrophare s’impose. Direction Saint Cyprien. Avec un peu de chance, je le croiserais. Pourvu qu’il ne rencontre pas une nouvelle victime d’ici là. Sur le chemin, j’appelle chez lui. Personne. Mon passe ouvre sa porte. Volets fermés, lit défait, habits traînants de partout. Un vrai repère de célibataire. Un bidon vide dans un sac de sport ouvert, pas de doute de l’acide. Dans le même sac, un pinceau et une boîte de capote entamée.
- — Allo, Doc ? Tu peux connaître la marque des capotes qu’on a trouvées chez la fille ? OK, merci.
Merde, ce sont bien les mêmes. Plus de doute à présent. J’imagine déjà le procès de Jean. Les preuves étalées. Une capote usagée et la boîte entamée. Superbe… Pauvre Jean. Il faut que j’aille à sa rencontre. Pour lui éviter une nouvelle connerie. Vite. Je redescends et pars en direction du Pont-Neuf. Je regarde partout pour voir si je le vois quelque part. Rien. Pas de Jean. Et merde.
Pourvu qu’il n’en fasse pas une autre. Je suis sur le pont. Pas le temps d’admirer le panorama. C’est la foule des grands jours sur le trottoir. Chercher Jean au milieu de cette foule bigarrée, au milieu des rollers, patinettes, vélos et autres voitures stationnées. Un attroupement sur le Pont. Ils regardent en bas. Je crains le pire.
Je sors une photo de Jean rigolant lors d’une soirée passée ensemble il y a quelques semaines.
Et merde. Et puis c’est peut-être aussi bien comme ça. Il a rejoint son Amélie. Il ne connaîtra pas la boue qui précède la mort sociale d’un assassin. Personne n’aura compris qu’on puisse devenir fou d’amour. J’espère qu’il a souri en pensant qu’il allait la rejoindre.
Je fais demi-tour, laissant les agents s’occuper de repêcher son corps. J’appelle mon Chef. C’est fini, Chef. Je l’ai retrouvé. Dans la Garonne. Il s’est suicidé du Pont-Neuf. Oui, Chef, certain. Et l’ADN nous apportera la preuve finale. Le dossier est clos. Salut Chef.
À peine raccroché, je compose le numéro du portable de Julie. Tu veux un scoop, un vrai ? Rendez-vous chez Jean. T’as qu’à demander à Hector où il habite. Il le sait mieux que mon numéro.
L’appart fait encore plus vide à présent. Quel gâchis… ! Je regarde un peu les photos sur la table de nuit. Jean et Amélie. Enlacés au bord de la mer. Je la garde. Il faut que j’appelle Philippe. Il faut que ce soit moi qui lui dise. Trop tard. Le téléphone de Jean sonne. C’est lui. Il cherche son frère. Surpris, il est un peu agressif en m’entendant. Je lui explique la fin de Jean. Qu’il valait mieux peut être ça. Il raccroche, dépité, dégoûté sûrement.
Je ne dois pas être beau à voir quand Julie débarque.
Sans un mot, elle enlève son gilet et le débardeur qui m’avait troublé tout à l’heure devant le Capitole. Ses seins étaient un vrai appel au viol. Et comme j’ai une furieuse envie de me défouler. Ça tombe bien : elle est nue devant moi et commence à se caresser doucement. Elle me déshabille à mon tour. Je ne dois pas être beau à voir après 36 h de boulot quasiment non-stop. Ce ne doit pas être un obstacle dans la course au scoop, puisqu’elle se dirige tout droit vers son sexe un peu raidi et entreprend de lui donner une forme plus respectable avec une bouche bien experte. Ses mains caressent mon sexe, mes fesses. Malgré ce que je viens de vivre, je suis rapidement prêt et dispo. Je la retire brutalement de mon sexe, quand je me sens vraiment prêt et je la renverse sur le lit. Je l’embrasse sur les seins, les mordille. Je descends vers son sexe peu poilu pour lécher son miel. Je dois reconnaître que je prends plus de plaisir qu’hier soir. Mes mains continuent de caresser son ventre, ses seins. Je les malaxe même, les triture violemment, les pince à lui faire sortir des petits cris de douleur. Elle mouille de plus en plus. J’attrape le paquet de capotes qui traînait et protège mon sexe.
Et je la pénètre sauvagement. Par devant, cette fois. Elle gémit tellement, si fort. Comme une folle. Elle jouit très vite, enserrant mon sexe dans son écrin humide et chaud. Encore un petit effort et je jouis à mon tour, vidant mon sexe dans le capuchon de caoutchouc. Pas mal, finalement, cette fille ! Un bon coup, comme on dit.
Hector avait raison. Pas farouche non plus, et vicieuse. Je retire la capote et la vide dans sa bouche ouverte. On se couche côte à côte sur le lit de Jean. Heureusement qu’avec la mort de mon ami, l’enquête est close, sinon, les experts du Doc auraient trouvé des choses bizarres chez le suspect n° 1. Elle sort une cigarette de son sac et se met à fumer en mettant sa tête sur mon buste.
J’allume la télévision. C’est le journal sur une des chaînes.
… mois après l’explosion de l’usine AZF de Toulouse qui a fait 29 morts, la ville rose…
J’éteins. 33 pas 29…