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Temps de lecture estimé : 18 mn
04/04/02
Résumé:  D'un 14 juillet à l'autre, de feux d'artifices en feux d'artifesses, le destin d'Alice tangue de la vie à l'amor et de la mort à la vie.
Critères:  h fhhh extracon inconnu voisins médical enceinte fépilée bizarre jardin magasin amour fsoumise exhib noculotte strip odeurs fmast gangbang humour
Auteur : Ohjeff  (Pour Alice et clara, avec toute ma sympathie. Babs itou.)      
A la vie, à la mort


13 juillet


Bon sang ! Quelle histoire ! Quand je vais raconter ça à Clara, on ne pourra plus la tenir.

La voiture des voisins est devant leur maison : je me dis tiens, Catherine est là, je vais lui demander les coordonnées de son ostéo. Comme personne ne répond à mon coup de sonnette, je fais le tour par le jardin. En deux temps, trois mouvements, je tombe sur Daniel, le mari. Il est dans le plus simple appareil et dieu sait qu’il l’agite, son appareil !

Que fais-je ? « Oups », « Oh », « Hop », « Mummpfff » ? Je ne me rends pas compte. En tout cas, il ouvre les yeux trop tard pour stopper la guerre atomique. Je pense que sa main se crispe sur le manche, ça déclenche un soubresaut, il m’envoie une rafale laiteuse. Quel jet généreux ! On dirait un clip pour du yaourt explosif.

Et une, et deux, et trois ! Mon digne voisin éjacule à ciel ouvert tandis que dans son oeil vitreux danse une aurore boréale de surprise, désarroi, panique générale.

Je m’arrête à ces couilles poilues. De bien petites choses ; on dirait deux vieux kiwis. Pauvre biquet, pôvre naufragé de la branlette ! S’en remettra-t-il ?



Je tourne le dos au désastreux avant qu’il ne ramollisse. Tout ramollo ! Ho ! ho ! ho ! ho !


Je dois passer au magasin de Clara. En chemin, la vision lubrique se superpose aux détails de la circulation. Je ris toute seule mais à l’arrivée, Clara me déconnecte à sa manière. Elle est dans la vitrine !

Concentrée sur sa tâche, penchée en avant, immobile, on pourrait la confondre avec un mannequin. Elle est pieds nus, jupe minimaliste, un petit haut à fines bretelles ne cache rien du nombril expressif ni des seins mutins. Un comble pour une boutique de lingerie : elle ne porte pas de soutif !

Je toque à la vitre et lui fait signe qu’on voit ses roploplos. Du tac au tac, elle me fusille sur place en levant sa jupette : coup de bassin en avant, ses grandes lèvres très, très dégagées me flinguent. Volte rapide, son popotin opportun me donne le coup de grâce. Stop, Clara !

Des voitures passent, des gens vont chercher leur pain ou leurs médicaments. La place de l’église est encore animée. Mon air ahuri la stimule. Plus je rougis, plus je la déchaîne. Mes inhibitions sont pour elle une perpétuelle provocation.

Dans un sourire de défi, Clara plante ses yeux dans les miens. Hop ! Eclipse : le petit haut prend son envol. Là voilà seins nus. Ils sont menus et en même temps si ronds, si mobiles. Elle s’arrange toujours pour les agiter sous les yeux du peuple si bien qu’on ne voit qu… Nôôôôn ! Elle mime un strip-tease, elle… elle dégrafe la jupette, l’ouvre, la laisse tomber. Je suis plus pétrifiée que le poteau d’éclairage d’à côté. Elle s’assied en tailleur, sa vulve satinée m’observe fixement.

Un couple s’est approché. Je suis en apnée depuis combien de temps ? Je dois avoir le diaphragme dans les chaussettes.



La femme désigne quelque chose tout à fait à gauche de l’étalage.

Rrrhhhôôôôôh ! Le scandale !



Le type jette un œil blasé sur les mannequins. On voit le clito de Clara, c’est fou ! Ses tétons dardés oscillent imperceptiblement. Comment fait-elle ? Les secondes s’écoulent. Ça y est, il… Je m’exclame d’une voix de fausset :



Je ne connais ces gens ni d’Eve ni d’Adam mais il faut sauver la situation. Je montre à mon tour la tenue de gauche tout en m’appuyant sur la vitre pour faire écran. Je dois paraître bizarre.

Ils me dévisagent. J’insiste :



Je suis deux tons au-dessus de ma voix normale. Mais il est vrai que je n’ai toujours pas respiré. Allo, les urgences ? Envoyez un poumon d’acier, des bonbonnes, une tente à oxygène : il y a une nénette pas nette-nette sur la voie publique ! Quant à l’offusquée :



Les voilà partis, je pourrais m’asseoir par terre mais un propulseur de survie m’éjecte dans la boutique. En ouvrant la porte à la volée, j’inspire tout l’air jusqu’aux cabines d’essayage du fond. C’est moi ou le courant d’air qui fait voler tous les jupons, chemisiers, calicos et nuisettes ?

Elle descend, triomphante. Plus nue que nue : 22 ans, belle à tomber, coquine à rendre frappadingue. Je suis bien hétéro pur sucre, moi ? D’où me vient ce remue-ménage sous-marin ? Je perds mes repères. Elle m’embrasse, elle sent bon, elle est douce, ses bouts m’effleurent, je regarde l’arrondi de son pubis lisse, cette fente exhibée. Je titube, bée, bêle :



J’en perds mon latin. Je déglutis, la gorge encore serrée, les pupilles dilatées, je… Je bave, non ? Je m’essuie. Je suis toute mouillée. Oh là là ! Quelle journée !

Philippe survient, mètre ruban autour du cou, très décontracté. Qu’il est beau, cet homme ! Il se penche sur moi pour m’embrasser ; je me dresse sur la pointe des pieds. D’un coup, le magasin disparaît derrière ses épaules. Je dois avoir les nerfs à fleur de peau car je ressens une espèce d’onde émanant de lui, qui se transforme sur moi en frisson. Je suis sûre que tout le fin duvet de mon dos s’est hérissé. Un pincement dans la poitrine m’annonce la crise cardiaque. Allo, les pompiers, c’est encore moi. Je vais claquer ! Prévoyez les deux fers à repasser chargés à mille volts. George Clooney aux manettes, hein ! Je ne veux que lui !

Il me regarde, - non ! pas George ! -, je me noie dans le bleu. Allo ! Un canot de sauvetage et une bouée, je vais me pâmer là. (non ! pas Anderson ! C’est pas la peine).

Bon, ben sa femme est nue dans le magasin ; il pourrait peut-être faire quelque chose, non ?



Ce n’est pas une voix qu’il a, c’est un vibrato de contrebasse. J’ai l’extérieur qui se dilate et l’intérieur qui se liquéfie. Allo ! Laissez tomber : c’est un comas dépassé.

Je reviens sur terre d’un dernier looping neuronal. Un looping loupé. Plutôt une vrille ! Ma chandelle est morte.


Quelques essayages étourdissants plus tard, je suis invitée à manger. Pierre, prévenu sur son portable, nous rejoindra directement.

On ferme ! Rideau de fer, verrou, alarme, éclairage-vitrine, veilleuses en boutique. Clara a récupéré ses effets à effets.


Leur appartement est à l’étage. C’est mignon tout plein.



Ô bel homme ! Tu peux me faire boire tout ce que tu veux. Où dois-je m’agenouiller ?



Oui, c’est ça bel étalon : mets-moi un doigt, deux, trois. Tout ! Mets-moi tout. Mets-moi toi ! Mets-toi z’en moi ! Mets-moi en émoi de tes doigts moites. Et Chandon… Sous la pluie.

Ah ! Voilà Pierre. Il arrive à temps, celui-là.



Quelques larmichettes de porto plus loin, je raconte ma fin d’après midi olé-olé. Les rires fusent à l’unisson. Toute ma tension part en éclats. Oh ! Que ça fait du bien !

Les coquins me mettent en boîte. Ils ont beau jeu de me taquiner. Je rougis, je proteste, je tente de me faire plus libérée que je ne suis. Sans faire illusion.

Et je tombe dans le panneau classique : la timide qui relève un défi. Ils pourraient parier leurs vies que je ne suis pas cap mais ils ne savent rien de toute une existence d’occasions manquées, de regrets, d’hésitations, de marginalisation.

L’alcool sirupeux, l’ambiance déchaînée, l’impression que tout est possible, les émotions, tout contribue à me faire basculer.



… Hésitations. Ils comprennent que le moment est décisif. C’est jouissif pour les audacieux, le moment où la coincée passe à l’acte. Malice féminine oblige, c’est Clara qui tranche :



Je ne peux pas reculer. Prise de vitesse, je capitule. Une demi-heure nue en vitrine et je n’aurais plus l’air d’une dinde. Il est 23 heures 30 : à cette heure-là, je ne risque plus rien et Clara sera bien attrapée.



Tandis qu’elle déploie d’impressionnantes ressources de maquillage, ces messieurs installés dans des fauteuils bas se rincent l’œil en sirotant des bières. Dénuder mes seins, descendre ma culotte devant eux… Il n’y a pas une médaille d’or pour ce genre d’exploit ? Je n’ai jamais laissé à Pierre une telle occasion de me reluquer. Alors deux hommes à la fois, dont le beau, le grand, le trrrrrès charmeur Philou… alors là ! Je coule sur le canapé.

Je suis assise tout au bord pour éviter une immense tache. À force de serrer les cuisses, je me sens idiote. Mais décoince-toi, imbécile ! Libère-toi un peu, m… ! Ou tu resteras une oie blanche toute ta vie. Ça suffit à la fin !

J’écarte plus que nécessaire. Ça ne leur échappe pas. Le regard étonné de Pierre cherche le mien avant de replonger. Que voient-ils ? On dirait que Philippe commence à me prendre au sérieux.

Mon dieu, j’ai un alien dans le ventre. Je mouille, je mouille ; la houpette à poudrer me chatouille les seins. Je croise les jambes et les presse très fort, je… je crois que je vais jouir. Oh !… Mmmm…


Oh, misère ! J’ai joui en public.

Ils ne s’en sont pas aperçus. Pfffouh ! Je ne suis pas morte. Oh que c’était fort ! Comme un rêve érotique.



Tiens, c’est drôle mon cœur est débranché en même temps que le système électronique. Je ne palpite plus. Je suis dans une tenaille. Combien de bars ?

Tous les trois sont habillés et dans la pénombre. Aaaargh ! Non, c’est pas possible. Les spots sont surpuissants. C’est pire qu’être sur la place au soleil de midi. Je ne peux pas faire une chose pareille !



C’est Pierre qui me pousse, le traître ! Il me tapote les fesses.



Philippe me tend la main pour me guider. C’est décisif. Un zombi nu lève la jambe et pénètre sous les sunlights. Je vais claquer, je vais claquer !

Je suis empotée. Comment je dois me tenir ? Mon dieu, aidez-moi !



Ils pouffent à qui mieux mieux. Des pétards éclatent dans la ville. Il va être minuit ! Pourvu que personne ne sorte ! Que personne ne bouge ! Les mains en l’air ! ! !

Debout, les bras ballants, j’ai l’air de ce que je suis : une cruche avec des bras. Je transpire ; quelque chose coule entre mes cuisses. Une cruche qui fuit !

Bon ! Ne pas rester debout. D’ailleurs mes jambes cèdent. Je m’agenouille. À quatre pattes, en pleine lumière dans une vitrine du centre ville, je cherche une attitude.



Pan ! ! Tchaaaf ! ZZZZZZ ! Eclairs verts, rouges, flashes. Ça pétarade de partout. D’où ça vient ? Hââââh ! J’hystérise :



Ils se marrent comme des petits fous. Pierre, salaud, me paieras ça : je ne te le pardonnerai jamais. Jamais !



Elle est marrante ! Je repars en apnée. Le Grand Bleu, c’est de la rigolade. Je suis la championne du solo de vitrine. J’écarquille les mirettes ; je dois avoir les pupilles d’une bête prise dans des phares de voiture. Je suis dans les phares ! Effarée, effarouchée, effrayée.

Mon dieu ! Ce sont des jeunes. Une demi-douzaine de Maghrébins déchaînés. Ils ont des cannettes, ils sont bardés de pétards, de fusées. Ça va barder. Je geins entre mes dents :



Pan ! Pâh pâh pâh ! Pif ! Pafffff ! Tchâââââ ! Ffffflllaaaaaffff ! Pscchchchchchch ! Chââââfff ! Dzzzzzz ! Dzzzzââââ ! Zzzzzwwwiiiiiizzzz !

Maman ! Papa ! Jésus, Marie ! La place est illuminée. C’est un orage de couleurs, un déluge de feu, le Viêtnam ! J’attends le napalm.

Il y a trois talibans devant la vitrine. Ce n’est pas leur secteur ! Je suis faite. Je ne peux pas les suivre du regard ; j’essaie la vision périphérique : pas féérique. Enfin, pour eux si : dans une minute, ils vont découvrir la belle bourgeoise en levrette, les seins lourds, la croupe écartelée, vulve rose, petit trou serré. Je veux mourir.



Pan ! bang ! Pflââââ ! Déchaînement d’alarmes, de feux d’artifices. Les deux voyous hésitent. Avec leurs casquettes et vêtements de sport griffés, c’est Roland Garros à présent. Va-et-vient des têtes. Un coup à droite : une dame maquillée comme une occase, collier en or, lèvres brillantes, de la femelle de velours en peau de lait, jambes écartées, fesses au ciel, mamelles gonflées. Mais pourquoi je ne meurs pas ? Un coup à gauche : les autres sont déjà dans le véhicule, ça y est, le moteur vrombit.



Les freins retiennent à peine les poussées de l’accélérateur. La B.M.W. rugit, prête à bondir. Ils partent, ils partent ! J’entends une sirène de police. Ils s’en vont !

Claquements de portières, le bas de caisse tape la bordure de trottoir. Des étincelles fusent. Allez en enfer !

Jésus, merci !




Elle joint le geste à la parole et se deshabille. Tsssic-tsssac, elle est re-nue. Pierre n’a rien vu de plus beau depuis son premier sapin de Noël. Qu’est-ce qui me retient de lui flanquer une claque ? Je crois que je n’ai plus de force.

Philippe pousse la Yamamoto sur le trottoir. Il l’enfourche. La selle est large ! Clara, tu… C’est fait ! Cuisses grand-large, elle plaque sa poitrine contre la colonne de son homme, l’étreint, joue collée entre ses homoplates, le contourne d’une main, dézippe, extirpe 20 cm de phallus vivant. Encore une colonne.

Quelle vision ! Je veux la même, je la veux moi aussi ! … Ils sont partis. Cheveux et bite au vent. Pôm, pôm, pôm ! Wrrroum.


Ce soir je prends le comprimé entier pour m’endormir. J’ai besoin d’être assommée.

Rideau !


14 juillet


Onze heures du matin. Où est le robinet d’eau froide ? Cachets, please. Deux ! Ouh là !

Je suis revenue du Viêtnam en passant par l’Afghanistan, je suis la femme à Rambo ! Tiens, où est-il celui-là ? Que je l’étripe. je vais lui arracher les yeux… Oôôh ! Pas de gestes brusques.



Ce n’est qu’une petite note rajoutée in extremis en bas de page. J’ai déjà compris. Non ! C’est pas eux ?




28 septembre.


Il pleut. L’automne est pourri. Je n’ai rien vu de l’été. Phil vit toujours. Il ne retrouvera jamais l’usage de ses jambes. Ce grand mec n’est plus qu’une moitié d’homme. Il chiale tout le temps. J’ai perdu 5 kg. Tu parles d’un régime amaigrissant.

Je n’ai pas refait l’amour depuis. Je rêve de Clara toutes les nuits. Entre les feux d’artifices, les chutes de motos, les voyous qui me poursuivent, je ne dors plus.

Le plus dur, c’est l’hôpital. Je n’y suis pas allée cette semaine. J’attends Pierre.




Je sanglote, je renifle, j’ai une idée folle. Mieux : une détermination.



Une jambe suspendue, le type d’en face est enrubanné comme une momie. Le premier en entrant respire bruyamment. Le second est inerte. Je chuchotte :



Je passe une main sur son front glacé. Torse nu, il étale son grand corps crucifié aux rayons de lune. Phil !

Il saisit ma main. Ses yeux brillent.



Son geste rageur a balayé le drap. Sexe recroquevillé, jambes flasques, couturées. Minute de vérité.

On peut crier dans un murmure :



Ma bouche se perd sur le vaste désert de sa poitrine. Ma main précède mon esprit, empaume ce sexe émouvant. Je l’embrasse, c’est une sorte de bouche à bouche vital. Mes lèvres s’affolent jusqu’à son visage. Je n’ai qu’une idée : communiquer ma chaleur, rattraper son âme.



Je le couvre de baisers. Ma langue se noue à la sienne. Nos salives se mêlent, j’arrache mon chemisier, je lutte contre tout ce qui me sépare de lui.

Je veux le corps à corps. L’embraser en l’embrassant. Mes seins contre les siens, mon pubis contre son sexe, son visage dans mes cheveux.



Je me retourne ; je me colle à lui, je dégouline, je me trémousse.

La momie me regarde. Et alors ! Philippe n’est pas mort, il reprend goût à la vie. Ce sera MON goût ! Sa langue me fouille, m’allume, me galvanise. Je monte, je viens, j’ai mal de plaisir, c’est plus que je ne peux supporter, ça m’emporte.

Je n’avais pas joui depuis le 12 juillet, jamais aussi fort. Je me sauve à l’aube. Ni culotte, si soutif. Comme Clara. Il vivra parce que je serai toujours là pour lui.


22 novembre


Pierre m’insupporte. Ses regards fuyants ou désapprobateurs me dégoûtent après ceux, dévorants, de la nuit. Je n’ai que faire de son prêchi-prêcha. Ah ! Je pourrais le claquer, ce geignard : « Mais enfin, Alice, sois raisonnable! » et « Repose-toi un peu », « Mais qu’est-ce que tu fais là-bas toute la nuit ? », et gnagnagna et patati et patata !

L’envie de me toucher lui a passé. Mes yeux se sont décillés sur ce qu’il est vraiment : un gras-mou doté d’une sensibilité de cocker.

Quand va-t-il se décider à retourner chez sa mère ? Ou chez Martine ! Elle ne demande que ça. Ils feront une bonne paire de rondouillards. L’an prochain, ils se marient, elle pond quatre kilos de mouflet dans la foulée et ils construisent dans un lotissement bien cul-cul.

Allez ! Casse-toi chez Casto et oublie-moi : je ne vaux pas un clou. Va en bricoler une autre.


31 décembre


Le personnel du centre de réadaptation fait le maximum pour apporter un peu de bonheur dans les salles de souffrance et de désespoir.

Je viens presque toutes les nuits. Tant pis si les autres me regardent. Certains ne se gênent même plus et se branlent sans relâche. Je fais ce que commande Philippe. Il est si émacié. Son regard vitreux braqué sur moi, il en veut toujours plus. Je ne veux pas qu’il meure. Je m’exécute, la mort dans l’âme pour le maintenir en vie. Quel paradoxe !

Je dois toujours être nue dans la chambre. Chaque malade a le droit de demander une posture. J’écarte, j’exhibe, je me penche en avant, je pétris mes seins. On me met le thermomètre ou le doigt. Je suce, je branle. Accroupie de lit en lit, je chevauche les sexes ou les visages. Ils s’enfoncent encore et encore. Ils vont, ils viennent, coulissent sans relâche. Certains ont des sexes énormes, d’autres l’ont très long ; on dirait que toute leur énergie se tient là. En trois mois, j’ai fait jaillir plus de sperme que dans toute une existence d’honnête femme.

Comme ils s’enfoncent en moi, comme ils vibrent ! Je m’épuise de plaisir honteux. Je me sens salie, visqueuse ; ma poitrine, mon ventre, mes cuisses, mes fesses, sont amidonnées. Quand au matin je me sauve, j’exhale le foutre à deux mètres. Les cheveux plaqués, les hanches griffées, les muqueuses douloureuses, je ruisselle.

Cet « au-delà » est pour Philippe le moyen de me posséder. Par procuration, par le pouvoir de son désir, par ma soumission sans bornes.

A chaque fois que j’ai résisté, j’ai failli le perdre. Un matin, on l’a trouvé sur le matelas complètement imbibé de sang : j’avais fui trois nuits d’affilée. L’infirmière en chef sait tout. C’est elle qui m’a prévenue. Quand je suis entrée dans la chambre ce soir-là, il a juste dit :



J’ai ouvert ma robe et j’ai tout fait. Sucé le vieillard, grimpé le puceau, caressé mon clito accroupie sur la table centrale, devant dix ahuris. Seulement pour l’apaiser. Pas le baiser…


Je ne suis pas dégoûtée. J’ai souvent des orgasmes. Chaque jouissance est pour lui. Je m’arrange pour le regarder. Dans ces moments, nos regards sont rivés l’un à l’autre. Une fée pourrait marcher sur le rayon qui nous unit.


Clara ?

Je sais que ça finira mal.

Pierre m’a quittée.

Clara, si tu nous vois, donne-moi la force ! Je me perds !


On a tiré un feu d’artifice sur le toit du centre. Pour une fois, il n’a rien demandé. Blottie contre lui, je me suis endormie vers une heure du matin. L’infirmière de garde m’a secouée.




5 janvier.


… Phil s’est endormi pour toujours. Deux boîtes de cachets. Le froid de son être m’avait envahie et ne m’a plus quittée. On l’a autopsié. Puis on l’a brûlé. Au funérarium, quand j’ai aperçu son papa, la ressemblance m’a fait tomber dans les pommes.


Clara ! Il t’a rejointe ? Tu l’as repris ? Qu’est-ce que je vais devenir ?



24 février :


Dieu existe : je suis enceinte. C’est sûr ! D’ailleurs, je me suis encore évanouie deux fois ; sans parler des nausées.

Evidemment que je veux le garder ! Quelle question ! Il faut me remplumer un peu ? Mais wouiiii, tout ce que tu veux, toubib ! Des fraises aux saucissons, en passant par les radis et les concombres : je te mangerai dans la main, gentil docteur. Je vais manger la terre entière.

Qui est le père ? Mais qu’est-ce que ça peut vous faire, hein ? C’est un champion de natation, voilà ! Il a nagé plus vite et plus fort que les autres : la palme à la plus forte pulsion de vie. C’est Monsieur Spermato d’Or, le seul, l’unique, l’élu. Qu’importe qu’il s’agisse d’un jeune amoché, d’un vieux, d’un handicapé, d’un accidenté, d’un rescapé de suicide. Tous plus émouvants et plus humains les uns que les autres.


La vie continue, dans mon ventre contenue.


15 mars


Tu t’appelleras clara. Avec un petit « c » jusqu’à ce que tu deviennes à ton tour une reine toute puissante. Je t’aime. Tu peux compter sur moi. Toujours. Toujours. Toujours, ma petite amour, ma fille d’amour, ma mignonne.

Clara ?


12 juillet.


Il fait une chaleur étouffante. C’est pour bientôt. Je veux que ce soit cette nuit : il ne peut pas en être autrement !

L’interne est un ange blond, bouclé, baraqué, super gentil.

Il m’a dit qu’il était stagiaire au Centre de rééducation en novembre et décembre derniers. Qu’il s’y racontait de drôles de choses à mon sujet.

Il a ajouté que ça lui était bien égal, que je pouvais compter sur lui, que… Il a rougi. Quel amour ! Pour la première fois, j’ai ri.

Bon ! Ca s’est terminé en crise de larmes mais chacune de ses fréquentes visites est un rayon de soleil.

clara, ma tout petite, tu dois bien connaître sa voix, dis-donc ! Que dis-tu ? Hein ? Quoi ?… Qu’il ferait un papa de rêve ? Oh, la coquinette !