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n° 05865Fiche technique100068 caractères100068
Temps de lecture estimé : 55 mn
18/03/03
Résumé:  Un homme, marié depuis 10 ans, est tenté par une femme qui lui offre de vivre ses fantasmes.
Critères:  fh frousses extracon hotel voyage douche amour volupté cérébral voir exhib fellation
Auteur : Michel_C      
Un écart de conduite



Thérèse et Jules



Jules


Jules appartenait à cette catégorie d’individus pour qui, la routine du quotidien s’est progressivement transformée en une belle prison dorée, chaude et confortable. Au fil des années, cet homme de trente-trois ans, aux cheveux châtains et aux yeux bleus, s’est graduellement enlisé dans le train-train de l’ordinaire.

Adepte du vélo de montagne et du ski de fond, Jules occupe un emploi de fonctionnaire dans un bureau du gouvernement depuis huit ans. Il contribue à une excellente caisse de retraite et paie des cotisations syndicales qui le mettent à l’abri d’un éventuel congédiement. Son travail est routinier et monotone. Son niveau de stress est tout à fait inexistant.

Thérèse, son épouse, œuvre comme psychothérapeute dans une école secondaire depuis six ans. Sa tâche est épuisante, pour ne pas dire accablante. Elle a un nombre élevé de cas problème. Les contretemps sont nombreux et la tension constante.

Mariés depuis dix ans, ils possèdent deux merveilleux enfants, une maison, un chalet et un chien de race. Les travaux domestiques sont clairement partagés. Lui, passe l’aspirateur et lave les parquets, nettoie la salle de bain, et répare à l’occasion une poignée de porte ou un interrupteur défectueux. Elle, époussette les meubles, s’occupe de la lessive et de la literie, et entretient la cuisine. Ils se partagent la préparation des repas et le bain des enfants. La distribution des tâches est équitable et personne ne voit rien à redire à cela.

Leur vie est réglée au quart de tour, autant dans leurs habitudes individuelles que dans celles qu’ils pratiquent ensemble. Ils fréquentent à l’occasion un couple d’amis, vont en vacances avec leurs enfants au moins une fois par année, font leurs courses ensemble le jeudi soir, et regardent chacun leurs feuilletons télévisés, lui dans la salle de jeu et elle, au salon.


Dans le même ordre d’idées, leur vie sexuelle respecte aussi un protocole établi au fil des ans. Ils font l’amour une fois par semaine, le dimanche soir sauf si les règles de Thérèse sont au rendez-vous, ce qui ne manque pas d’arriver chaque mois puisque l’horloge biologique de Thérèse est réglée sur le vendredi de la pleine lune.

La plupart du temps pour ne pas dire toujours, ils prennent la position du missionnaire bien que parfois, au cours du débat amoureux, Thérèse se retourne et offre à Jules sa belle croupe légèrement rondelette. Cette posture accorde un surcroît d’érotisme à son mari, surtout quand l’orgasme de ce dernier se fait attendre ou que l’heure tardive risque d’hypothéquer la nuit normale de sommeil. Habituellement, l’activité dure une demi-heure, parfois trente-cinq minutes, rarement plus.

Le rituel est établi depuis plusieurs années, toujours le même. À 21 :30 heures, ils abandonnent leur émission de télé et s’acheminent vers la chambre à coucher. Jules prend le côté gauche du lit, Thérèse, le droit. Assis, dos à dos, ils se déshabillent en discutant de la vie des enfants ou de la journée qui s’achève.

Une fois nus, ils se glissent sous les couvertures. C’est le seul moment de la semaine où ils se retrouvent ainsi, nus sous les couvertures. Thérèse se couche sur le dos. Jules se tourne vers elle, une étincelle amoureuse dans le regard. Parfois, ils roucoulent, rarement plus de cinq minutes. Jules finit toujours par arrêter son regard sur le visage de sa femme qu’il trouve très beau. Pour lui, le temps n’altérera jamais la beauté qu’il lui accorde. Elle est la plus belle et le demeurera toujours. Il le lui dit et elle ne manque jamais de le remercier en lui passant doucement la main sur la joue. Il lui rend le geste, ce qui a pour conséquence de faire naître un début de tendresse gestuelle. Elle ferme les yeux et tourne la tête vers lui. C’est le signe d’assentiment qu’il attend. Il glisse alors sa main droite, les doigts écartés, dans la chevelure de Thérèse. Elle aime ça et il le sait. Il lui caresse ainsi le cuir chevelu du bout des doigts, remontant de la nuque à la tempe gauche, contournant délicatement l’oreille dont il en effleure le pavillon avec l’extrémité du pouce. Elle affectionne ce geste. Il continue jusqu’à ce qu’un petit frisson parcoure l’enveloppe corporelle de sa femme. Il adore la faire frémir sous ses doigts. C’est sa femme et elle est très importante pour lui.

Il se penche sur elle et l’embrasse tendrement. Le contact des lèvres est caressant, doux et chaleureux, un mariage complaisant où la langue n’a pas à intervenir, une communion de tendresse où la passion des premiers émois appartient au passé, un présent qui a oublié la flamme du baiser passionnel.

Il glisse ensuite sa main droite sous les couvertures. Il a constaté au fil des ans que Thérèse a développé certains petits fantasmes qui attisent sa libido féminine. Elle a les seins beaucoup plus sensibles à l’érotisme lorsque la main de son époux se faufile furtivement sous les couvertures, chatouillant du bout du pouce des mamelons déjà excités psychologiquement par le fantasme de la main baladeuse.

Il lui caresse par la suite l’abdomen, doucement, effleurant délicatement la toison pubienne du bout des doigts. Là aussi, il a découvert que Thérèse apprécie un mariage de gestes et de fantasmes. Elle retourne la tête, permettant à Jules de lui mordiller le lobe de l’oreille droite pendant qu’une main virile se glisse entre deux cuisses maintenues rapprochées par le croisement des pieds. Il sait qu’elle aime ce petit geste mâle qui s’impose.

Alors, elle cède et ouvre les jambes, abandonnant la pseudo-résistance qu’elle semblait manifester. Il place alors sa main, à plat, entre ses deux cuisses et engage un mouvement de retour. Il applique une pression un peu plus forte au majeur, l’obligeant à se faufiler entre les lèvres déjà humides de sa femme. Le mouvement est lent et juste. Des années d’expérience ont enseigné à Jules les subtilités de ce mouvement artistique. L’effet escompté est au rendez-vous. Thérèse prend une profonde respiration et cambre les reins. Une première vague, délicate, mais frémissante, vient de passer.

C’est à ce moment-là que Jules glisse le bras gauche sous la tête de sa femme et la ramène contre son corps. Il la sent bien à lui, abandonnée au plaisir naissant. Il recommence son geste, lentement, voluptueusement, pour qu’elle puisse en profiter pleinement. Il perçoit son frémissement à chaque mouvement de la main. Il peut même prédire le moment de l’envol. Sa respiration et le tressaillement de plaisir en sont un excellent indice. Il l’accompagne dans son plaisir, pilotant adroitement le véhicule de son érotisme.

Il la sent bien, blottie au creux de son bras gauche, envahie par de douces sensations corporelles. Il affectionne particulièrement son abandon au plaisir lors de l’envolée. Il se trouve chanceux d’être encore capable de lui faire oublier pour quelques instants les préoccupations quotidiennes.

Parfois, en de rares occasions, surtout en vacances et ailleurs que dans le lit conjugal, Jules a le pressentiment que Thérèse a le goût d’une deuxième envolée. Il a un sixième sens pour ces choses et, toujours généreux de sa personne, il lui procure volontiers un deuxième orgasme avec autant d’attention et de minutie qu’au premier. Mais, cette situation est vraiment occasionnelle.

Jules souhaite toujours qu’au retour d’une félicité raisonnable, Thérèse étende la main gauche et lui ramasse délicatement les attributs. Il l’avait informé, au début de leur relation, qu’il chérissait ce geste, surtout lorsqu’il est couché sur le côté et que la chaleur du lit provoque une distension du scrotum. Il est particulièrement friand de cette sensation lorsqu’elle jongle du bout des doigts, avec ses deux testicules libérés d’un enclos habituellement plus restreint.

Pour Jules, se faire peser et soupeser les bourses dans le creux de la main de sa femme est l’un de ces petits plaisirs intimes de la vie de couple, un petit délice qui fait échec aux écueils de la routine et permet au mariage de survivre au quotidien. Il devient le passif, le goûteur, l’épicurien qui jouit des faveurs de sa femme. Il aime la main ferme de sa Thérèse qui lui dégage le gland. Il adore cette poigne qui vient extirper le plaisir de ses entrailles pour l’accumuler dans une verge gonflée de fantasmes érotiques.

Et lorsqu’elle ouvre les jambes, Jules comprend. C’est le moment! Il s’étend alors sur sa femme et la pénètre doucement. Il s’enfonce totalement, mariant deux pubis réchauffés par la douce chaleur conjugale. Au début, son mouvement est lent, incluant une pause entre chaque pénétration. Mais le geste s’accélère progressivement, s’harmonisant aux mouvements respiratoires que les deux partenaires essaient de faire coïncider. La plupart du temps, Jules réussit à maintenir le rythme et demeurer dans la vague ascendante de son épouse. Elle parvient à l’orgasme et la contraction des muscles vaginaux entraîne son mari vers l’éjaculation. Mais parfois, à l’occasion, Jules perd le contact et Thérèse s’envole seule pour le 7e ciel.

Il ne veut pas la priver de l’orgasme. Alors, il continue le mouvement, jouissant psychologiquement du plaisir de sa femme… Mais, il sait aussi que son tour viendra, qu’au retour de la volupté sexuelle, Thérèse se retournera et lui offrira le merveilleux spectacle de sa croupe callipyge. Un surplus d’hormones abreuvera alors son érotisme et, les deux mains sur le haut des hanches de sa femme, il la possédera par des mouvements brusques et saccadés. Au début de leur relation amoureuse, il n’osait pas trop s’exprimer par ces gestes qu’il qualifiait de phallocentriques. Mais il réalisa assez vite que sa femme y prenait du plaisir, un plaisir qui parfois, pouvait s’exprimer de façon beaucoup plus intense que la méthode dite conventionnelle.

La vue de cette croupe merveilleuse, tenue en otage par deux mains solidement cramponnées au galbe des hanches et les râlements de plaisir provoqués par l’intimité et la profondeur du contact corporel, contribuent fortement à relever l’érotisme parfois hésitant de Jules. Il sent son plaisir prendre racine au plus profond de ses entrailles, drainant toute l’énergie disponible et entraînant avec chacune de ses éjaculations une plus grande pureté du plaisir. Et souvent, dans cette situation, la dernière éjaculation a la propriété d’engendrer un degré de satiété fort acceptable.

Mais, quoi qu’il en soit, l’amour et la tendresse manifeste qu’il a assidûment voués à Thérèse ont toujours été un excellent baume aux coups ratés.


Thérèse


Thérèse appartient à cette catégorie de femmes qui croit à la vie de couple et à l’égalité des sexes. C’est une femme intelligente qui cerne bien la psychologie mâle de son mari et, dans cette optique, afin de conserver un équilibre à l’intérieur de son couple, elle essaie autant que possible de composer avec les priorités de chacun.

Mariée depuis dix ans, elle sent bien que son mariage commence à perdre de l’altitude. Extérieurement, rien ne se voit. Le quotidien se porte très bien. Ils sont satisfaits du partage des tâches domestiques, s’entendent merveilleusement bien à propos des valeurs éducatives à transmettre aux enfants et la situation pécuniaire du couple ne présente pas de conflit.

Ils jouissent également d’un statut social raisonnable et passent même pour un très beau couple parmi leurs pairs. Elle se paie à l’occasion un costume griffé et apprécie énormément la fierté vestimentaire de son Jules. Ils ne fréquentent pas beaucoup les soirées mondaines, mais ne ratent jamais une occasion d’assister à une soirée donnée par l’un ou l’autre des employeurs.

Son intuition ne l’a jamais trompée. Elle ressent une espèce de malaise lors de certaines activités du couple, même s’ils appartiennent à un rituel fort apprécié des deux partenaires. Elle anticipe avec inquiétude une monotonie routinière qui s’incruste insidieusement dans leur vie. Elle sait que si l’ennui se met de la partie, leur union est vouée à l’échec. Mais ils sont tellement bien, à la chaleur de leurs habitudes. Pourquoi innover et risquer de faire rater une si belle entente alors que la connaissance des goûts et des habitudes de l’autre semble leur accorder une certaine sécurité?

Elle connaît les fantaisies de son mari et il soigne les siennes. Ils ont développé une certaine connaissance de l’intimité du partenaire. Elle sait comment exciter son mari et il connaît très bien ses avenues sexuelles privilégiées.

Évidemment, le rituel est toujours le même. Mais c’est un rituel gagnant. Lorsqu’ils se déshabillent de chaque côté du lit et qu’ils se glissent sous les couvertures, Thérèse sent très bien la douce excitation des corps, prêts à recevoir leur dose de plaisir. Et lorsque Jules se penche vers elle pour l’embrasser, elle s’explique très bien l’infinie délicatesse du geste, cette communion amoureuse qui transcende le langage corporel.

Et l’amour dont il fait preuve dans ses caresses de la nuque! Elle se sent cajolée, dorlotée par une main bienveillante, soucieuse de procurer du bonheur et de la tendresse. Et lorsqu’il glisse sa main sous les couvertures pour aller lui caresser les seins… quel fantasme! Elle a toujours gardé en elle le souvenir de la première fois, au cinéma. En l’embrassant, il avait glissé sa main sous son gilet et avait promené ses longs doigts fins sous l’armature du soutien-gorge. Elle n’avait jamais oublié cette contorsion de la main qui voulait absolument atteindre le bout du sein. Elle a toujours entretenu ce souvenir sensoriel du mamelon titillé entre le pouce et l’index. Même au travail, lorsqu’elle se remémore ce souvenir tactile, elle ressent un léger frémissement dans le bout de son sein.

Lorsqu’ils se sont connus, à la fin de leur adolescence, Jules n’avait jamais touché une femme et elle avait dû lui suggérer certaines délicatesses à tendance érotique. Elle n’a jamais regretté le moment, où, dans un élan d’impatience, elle lui avait indiqué comment lui caresser l’abdomen, doucement, délicatement du bout des doigts, effleurant la toison pubienne pour provoquer une douce impatience. Elle lui avait aussi enseigné comment caresser sa partie la plus érogène et comment provoquer une montée de plaisir en glissant son doigt entre deux lèvres suintantes de désir. Jules avait été un élève modèle : il avait appris du premier coup.

Et profitant de la situation, il lui avait confié, sous le sceau de la confidence, l’un de ses petits fantasmes : il aimait bien se faire soupeser les bourses. Elle aussi, à l’époque, avait appris rapidement. Elle avait découvert, au fil des années, que dans les moments relativement restreints dans le temps, ce petit geste affectueux accélérait tangiblement la montée du désir. D’ailleurs, elle a conservé cette composante au rituel amoureux, cette épice savoureuse qui prédispose si bien son époux.

Elle avait aussi découvert que ce geste noyait certaines intentions que son mari pouvait cultiver lorsqu’il la caressait. En effet, elle n’aimait pas qu’il goûte, dans le plein sens du terme, au fruit de la passion. Un jour, dans un état d’ébriété qui délie les langues, Jules lui avait posé la question « Pourquoi? Tu ne veux plus!». Elle lui avait tout simplement répondu qu’elle avait toujours trouvé ce geste animal et qu’elle avait une certaine répugnance pour ces pratiques. Jules n’avait pas insisté.

Évidemment, au fil des années, chacun avait innové un peu, à l’intérieur des normes qui s’étaient enracinées. Thérèse n’avait pas manqué d’apprécier la main cavalière de Jules qui s’impose entre ses cuisses. Elle aime bien l’homme rose qu’est devenu son mari, mais ne dédaigne pas un soupçon de virilité dans les gestes sexuels.

Tout comme elle a découvert que le petit fantasme de son conjoint n’est que la pointe de l’iceberg. Batifoler avec les attributs de son mari lui ouvre le portail d’une sexualité secrète. Lorsqu’elle empoigne un peu plus énergiquement les bijoux de famille et qu’une érection déjà tangible s’affermit, elle est tout à fait consciente du contrôle érotique qu’elle détient. Et si elle continue le manège de la poire qu’on presse et qu’on relâche, histoire de continuer à dresser le petit étalon fougueux de son mari, elle contrôle aussi un fantasme, celui de l’hédonisme génital de son Jules.

Elle reconnaît bénéficier d’un certain plaisir à stimuler son conjoint de la sorte. Mais, c’est plus une joie à caractère psychologique qu’érotique, une satisfaction personnelle qui se situe au-delà de la sexualité : elle malaxe son Jules par la partie la plus sensible.

Enfin, pour donner encore un peu plus de corps à l’érection, et aussi pour ramener son mari dans sa relation de couple, elle lui dégage le gland d’un mouvement ferme. Parfois, elle l’astique lentement, parfois rapidement. Et lorsqu’elle sent la verge de son mari à point, d’une dureté suffisante pour se rendre à l’éjaculation, elle ouvre les jambes.

Il connaît la marche à suivre. Il l’enjambe et la pénètre délicatement. Elle aime ce mouvement lent, mais ferme qui lui pénètre le corps. Elle prend plaisir au rythme qui s’accélère. Elle adore visualiser ces deux testicules frappant à coups répétés sur son plancher pelvien. Elle sent bien la fermeté du pénis contre les parois de son vagin, mais c’est vraiment la combinaison du martèlement des testicules et du frottement des deux pubis qui provoquent sa montée orgasmique.

Parfois elle sent un certain relâchement du contact, une légère perte de sensation dans la communion physique. Elle comprend que son Jules s’empêtre dans son propre rythme, qu’il se laisse distancer et qu’il ne parviendra pas à l’orgasme en même temps qu’elle. Mais elle connaît la complaisance de son mari. Elle sait qu’il a remarqué son incursion dans le non-retour et qu’il poursuivra la cadence jusqu’à l’orgasme de sa partenaire.

Elle ne déteste pas à l’occasion ce coup de malchance. Cela lui permet de se retourner et de présenter à son mari une croupe dont elle est fière. Elle aime bien sentir les mains chaudes de Jules sur ses hanches. Elle apprécie la douce violence qu’il exerce dans son va-et-vient, cette copulation animale qui fait monter l’orgasme en flèche, brutalement et sans retenue.

Elle aime entendre le râle de son mari, lors de la dernière éjaculation : une complainte remplie de satisfaction. Elle adore le soupir de satiété qu’il émet lorsqu’il se laisse tomber sur le dos, psychologiquement repu, l’érotisme assouvi. Elle le sent tellement amoureux dans ces moments.


Jules au loin


Lorsqu’il vit cette belle grande rousse, Jules réalisa immédiatement du danger qu’elle représentait. Le coup d’œil troublant qu’elle lui porta, avouait tout. Il reconnaissait bien ce regard qu’il avait déjà immortalisé dans sa mémoire, un certain jour de septembre, il y a dix ans. Ce même regard avait été le prélude à une nuit d’enfer, une nuit mémorable sur laquelle il avait entretenu ses meilleurs fantasmes. Il se souvenait bien de cette chambre d’hôtel, en vacances, au début de leur fréquentation. Thérèse et lui avaient passé l’après-midi dans les sentiers pédestres à s’aguicher réciproquement par des paroles éloquentes et des gestes frôlant l’indécence. Le soir venu, en sortant de la douche, elle l’attendait là, nue, assise sur le lit, cette expression de convoitise non retenue dans le regard, ce désir franc, dépourvu de toute pudeur, cet appel à une sexualité typiquement hormonale, la plus pure dans sa fonction biologique.

La réceptionniste de l’auberge l’avait dévisagé avec la même étincelle dans les yeux. Jules crut a priori au fantasme : ce type de regard nécessite certains préliminaires qui harmonisent l’intimité les participants.



Elle le regarda sans sourciller, l’air sérieux, évaluant sans doute l’effet de cette remarque. Stupéfait, Jules feignit l’innocence. Il était toutefois conscient qu’un afflux sanguin lui montait au visage. Il lui avouait ainsi qu’il avait saisi l’allusion. Il lui balbutia un remerciement pour la clé de chambre, ramassa sa valise et se retourna pour quitter le comptoir de l’accueil.



Un merci discret, égaré, à peine audible finit par sortir de la bouche de Jules.

Ce clin d’œil était de trop. Il réactivait une dimension endormie, pour ne pas dire léthargique de sa personnalité. Depuis la toute première relation qu’il avait eue avec Thérèse, il avait fait une croix sur la gent féminine. En fait, toutes les autres femmes de la planète étaient sans intérêt… sauf qu’aujourd’hui, cette belle grande rouquine venait revitaliser en lui, la flamme d’un érotisme oublié. Cette étincelle de désir présent dans le regard, exhibant un appétit à peine retenu, toute cette sensualité débordante lui était balancée de plein fouet sans avertissement.

L’esprit perplexe, Jules prit la direction de sa chambre. Elle se situait à l’extrémité de l’aile sud. Une chambrette exhalant des effluves de détergent apparut derrière une porte grinçante. Deux lits superposés et un vieux bureau témoignaient de la sobriété des lieux. Des rideaux, décolorés par l’acharnement des rayons du soleil n’aspiraient plus qu’à un rôle de guenille.

Il défit sa valise, la pensée obsédée par cette offre à peine masquée. Comment résister à la prochaine offensive… ou plutôt comment se convaincre de résister. Cette femme était particulièrement séduisante et la perspective de se payer une aventure dans l’interdit exerçait un envoûtement sur son imaginaire. Ce regard libidineux embrasait chez lui une sensualité oubliée et le goût du fruit défendu, sans barrière et sans tabou, activait tous les fantasmes qu’il avait pu élaborer ces dernières années. Il l’avait vu là, derrière le comptoir de réception, le buste altier, le décolleté invitant. Il n’avait pas eu la chance d’observer le reste du corps, mais il lui était facile d’imaginer le galbe des jambes et la rondeur de la croupe.

Ce dernier clin d’œil, aux frontières de l’indécence, lui revenait continuellement en tête. Sans effort, son esprit la déshabillait comme dans un strip-tease. Avec un petit effort, il pouvait même y ajouter de la musique et de l’ambiance. Il retrouvait, après dix ans de tranquillité émotive, la douce fébrilité du rêve éveillé. Il s’imaginait le nez entre les deux cuisses de cette femme, inhalant de tout son saoul un doux parfum féminin, rassasiant son érotisme d’une nourriture interdite depuis plusieurs années. La réminiscence de certaines sensations s’imposait à lui : celles d’une langue sur le contour d’un gland, celles de lèvres humides électrisant un pénis avide de retrouver des sensations d’une jeunesse oubliée. Il se voyait dans une position amoureuse que sa Thérèse n’acceptait plus depuis de nombreuses années. Il visualisait cette femme criant son plaisir, gesticulant, hurlant son orgasme dans un état avoisinant le délire. Il se voyait provoquant l’hystérie gestuelle de l’insoutenable. Pendant ces quelques instants, il devenait l’amant complet, Cupidon, Kama et Priape en une seule personne.

C’est en refermant la fermeture éclair de son sac de voyage que l’image de Thérèse lui revint à l’esprit. C’était comme s’il se réveillait au beau milieu d’un rêve. Il se sentit un tantinet honteux d’avoir eu de telles pensées. Sa belle Thérèse, celle qui prenait tant de place dans son cœur, ne lui avait jamais rien caché… sauf évidemment, ses petits fantasmes… tout comme lui qui cultivait ses propres images érotiques, conséquences inéluctables aux interdits sexuels qu’elle lui avait imposés. Au fil des années, il avait fini par se convaincre que rien dans ce bas monde ne pouvait être parfait, en particulier la sexualité d’un couple. Il fallait donc, dans la mesure du possible, s’ajuster avec son conjoint en partageant le plus équitablement possible les frustrations. Thérèse refusait certains gestes, mais en avait trouvé d’autres qui compensaient. Et, par-dessus tout, elle l’aimait. Elle était heureuse avec lui. Il n’en doutait pas un instant. Et cela valait bien les quelques sacrifices auxquels il était soumis.

L’idée de blesser sa Thérèse lui était insoutenable et il n’était pas question de rompre l’équilibre de son mariage. Il reconnaissait bien se complaire dans ce rêve éveillé, mais il savait, au plus profond de lui-même qu’il fallait beaucoup plus qu’une simple allusion de disponibilité pour lui faire sauter la clôture. Toutefois, flirter avec le rêve ne lui apparaissait pas comme une marque d’infidélité… un petit écart de conduite, tout au plus.

Et le sentiment profond d’être une source d’érotisme pour cette femme flattait admirablement bien son ego. L’idée lui vint, un court instant, d’aller vérifier jusqu’où cette gérante était animée par des intentions arrêtées. Mais le risque énorme. S’il mettait le pied dans cet engrenage et qu’une force érotique tente de l’entraîner, il n’était pas certain de pouvoir opposer une grande résistance à ses propres démons, lesquels lui faisaient souvent miroiter l’extase de ses fantasmes.

Jules jeta un regard critique sur l’apparence vieillotte et minable de sa chambrette. Il comprenait l’hésitation de ses collègues. Habituellement, la liste des volontaires pour une formation à l’étranger, comme certains se plaisaient à le dire, était passablement consistante. Pas cette fois! Son patron était venu le voir et l’avait désigné comme volontaire…



Jules ne connaissait pas cette auberge. Tout ce qu’il en savait, c’était qu’elle faisait partie de la liste des auberges suggérées pour des activités scolaires. « Modeste et confortable, dans un décor enchanteur » étaient les qualificatifs qu’il avait lus dans le guide touristique. Ouais! Pas de salle de bain privée, pas de téléphone dans la chambre, une cafétéria qui sert de salle à manger et un matelas qui s’apparente plus à une paillasse qu’à un futon.

La première rencontre avec le responsable du stage devait avoir lieu à 13 heures. Jules avait tout juste le temps de se rendre à la cafétéria pour y prendre un sandwich et un café. Il ne pouvait pas se permettre d’arriver en retard à cette première rencontre.

La réunion eut lieu dans un petit local, surchauffé et mal éclairé. Trois longues tables occupaient presque totalement l’espace. Des rangées de câbles électriques installés à la presse, serpentaient entre les pattes de ces tables et finissaient par aboutir à des portables qui attendaient leur utilisateur. Le spécialiste, envoyé par le ministère, trônait debout derrière son ordinateur. Pas un mot, pas un regard vers Jules. L’austérité et d’ascétisme qui s’en dégageaient se mariaient très bien avec l’apparence des lieux. Jules prit un siège près du mur, un endroit où le regard d’un conférencier s’aventure rarement. Il jeta un coup d’œil au portable qui l’attendait et sourit à la lecture d’un vieux graffiti de « bébé boomer » sculpté à même la table : « Dieu est mort… Nietzsche » Et, en dessous, quelqu’un avait ajouté au crayon-feutre : « Nietzsche est mort… Dieu ». Le graffiti voisin était beaucoup plus jeune : « Alain saute Julie ».

L’après-midi fut long, chaud, monotone et inconfortable. Il n’apprit rien de neuf sur les protocoles de communication et la voix monocorde du formateur eut un effet soporifique. Après une demi-heure d’écoute concentrée, Jules n’aspirait plus qu’à une bonne douche et à une balade dans les sentiers de la montagne.

À 16 heures, il sortit du local l’esprit totalement lessivé par des explications incomplètes ou inutiles. Il se présenta au préposé de l’accueil pour demander l’emplacement des douches. Il fut même très heureux de ne pas avoir à s’adresser à la rouquine. Il n’avait pas le goût de réfléchir, encore moins de prendre une décision sur les intentions qu’elle lui avait laissé entrevoir.

Par contre, elle était là, un peu plus loin, assise à un bureau, manipulant une calculatrice d’une main et un crayon de l’autre. Elle était assise, très décontractée, la jambe étirée à l’extérieur du bureau. Une jupe ample et légère, en soie semi-transparente, habillait un jupon dont le rebord de dentelle cintrait le contour du genou. Un mollet nerveux, svelte, plongeait dans un soulier de cuir verni. La légèreté de la jupe laissait bien entrevoir la forme des cuisses et du bassin. L’imagination de Jules avait été en deçà de la réalité.

Un sixième sens dut l’avertir, elle tourna la tête et remarqua le regard scrutateur de Jules. Un sourire sans équivoque lui traversa les lèvres. Il dirigea son attention vers le préposé.



Jules ne put s’empêcher de placer son attention dans la zone périphérique gauche de son champ de vision. Il savait qu’elle le regardait et soutiendrait son regard s’il la dévisageait. Il pressentit l’occasion toute désignée de croiser le fer des intentions sans trop prendre de risques. Il évalua rapidement qu’il pouvait se permettre cette petite escapade. Il n’avait pas à chercher son regard : elle attendait le sien. Il tourna la tête, la regarda franchement, la parcourut du regard de la tête aux pieds et des pieds à la tête, lentement, effrontément et sans pudeur. Il la gratifia en fin d’un clin d’œil sensuel, le plus engageant qu’il put trouver dans sa mémoire. Elle ouvrit grand les yeux et demeura bouche bée devant ce geste. Jules tourna les talons et quitta le comptoir de réception.



Jules détestait les douches communes, mais il n’avait pas le choix. Toutefois, ce moment de la journée lui accorderait sans doute une certaine intimité.

Il eut l’agréable surprise de trouver une salle remplie de douches individuelles comportant un double compartiment qui permettait à l’utilisateur de se dévêtir en toute pudeur. De longs rideaux de toile opaque faisaient office de portes entre chacune des divisions. Cela lui convenait très bien.

Il se dévêtit, ouvrit le robinet et plongea sous le pommeau de la douche. L’eau était bonne et le jet puissant. Jules entendit du bruit dans la salle, mais n’en fit aucun cas. Il n’était sans doute pas le seul à vouloir se laver du flot de paroles incompréhensibles du formateur. Il fredonna même une comptine qu’il avait enseignée à ses enfants.

Il augmenta la puissance du jet. Il chanta plus fort. Un écho canon lui retourna la comptine. Une voix féminine et mélodieuse semblait provenir du compartiment adjacent à la division connexe de sa douche. Mais le bruit sourd du jet d’eau sur sa tête étouffait la source de l’écho. Il continua toutefois à chanter, mais baissa le volume. L’écho se tut.

Propre, la quiétude dans l’esprit, il ferma le robinet et ouvrit le rideau. Au fond du compartiment sec, la belle grande rousse se tenait adossée au mur de séparation. Le pied gauche relevé, appuyé sur le siège de déshabillage, elle affichait ouvertement un bout de cuisse. De plus, un bouton de corsage avait perdu toute retenue et exhibait audacieusement le contour d’un sein ferme. Le rideau était très bien rabattu, les isolant totalement de la salle commune. Elle assiégeait son intimité.



Elle le déshabilla du regard, avec la même lenteur et la même impudence.



Avant même que Jules ne pût répliquer quoi que ce soit, la porte de la salle commune s’ouvrit et un groupe de personnes entrèrent. Au son des voix qui s’entremêlaient, ils devaient être plusieurs. Dans un amalgame de rires et de commentaires, Jules devina facilement que ces personnes appartenaient à son groupe de formation.



Jules se sentit coincé. Il balbutia à voix basse sa comptine.



Jules se reprit et engagea la comptine comme s’il était sous la douche. Il se sentait ridicule. Entièrement nu, face à cette femme, en train de débiter une chanson enfantine, il ne trouvait pas la situation agréable. Et la peur d’être surpris par une tierce personne accentuait son inconfort.

Les nouveaux arrivés se dispersèrent parmi les douches vacantes. Jules entendait le bruit des rideaux qu’on déplace. Il craignait toujours de voir le sien s’ouvrir d’un geste brusque. Il chanta plus fort et chercha sa serviette de bain. La grande rousse la tenait derrière elle.



Pour comble de malheur, quelqu’un du groupe avait reconnu sa voix… et il fallait que ce soit le voisin de douche immédiat.



Jules sentit le contact de la serviette sur ses épaules. La gérante l’essuyait délicatement. Elle épongea le dos, les fesses sur lesquelles elle s’attarda quelque peu. Elle se colla à lui.



Et, d’un geste en harmonie avec la douceur de sa voix, elle glissa délicatement la main entre les cuisses de Jules et vint lui essuyer gentiment les bourses. Jules se sentit faiblir. Deux seins fermes lui électrisaient le dos. Elle se colla encore plus à lui et lui mordilla le lobe de l’oreille.



Tandis qu’elle essuyait, ou, plutôt, mignotait de la main droite le scrotum de Jules, sa main gauche s’était furtivement engagée sur le contour extérieur de la cuisse, s’aventurant dangereusement vers une verge en expansion. Son mouvement de la main était lent, mais engageant. Jules n’osa pas baisser la tête et regarder cette main qui se rapprochait de son intimité, mais les images érotiques qui s’imposaient à son esprit accéléraient le processus de turgescence.



Et elle se colla encore plus à lui.



Jules tourna la tête vers Hélène.



Hélène continua son investigation du corps de Jules, déterminée plus que jamais à lui montrer ce dont elle était capable. Elle lui essuya de la main le devant de la cuisse et l’abdomen, prenant bien soin d’éviter tout contact direct avec le pénis de Jules.

Pour comble de malheur, Paul était dans une douche, quelque part, là, dans cette salle.



Piqué, Jules ne voulait surtout pas passer pour un avare.



Haussant les épaules, il regarda Hélène qui venait de mettre fin à son geste chaleureux. Ses yeux exprimaient de la tristesse et de l’assentiment : elle comprenait la situation.



Jules réalisait qu’il était pratiquement acculé au pied du mur. Ou il mettait fin à ce début d’aventure ou il acceptait l’idée d’être infidèle. Avec cette Hélène, il n’y avait pas de demi-mesure.

Il s’habilla à la hâte et sortit des douches en même temps que Claude.

La soirée fut bien, pas plus. Ils revinrent tous, éméchés vers les petites heures du matin. Seul Paul, le conducteur, avait conservé toutes ses facultés.

Jules se laissa tomber sur sa paillasse. Le conflit physiologique issu d’une surdose de café et d’alcool l’incommodait passablement. Le sommeil se présentait bien, mais aussitôt les portes de la conscience traversées, il revenait à la surface… ou presque. C’était comme dormir tout en ayant conscience de son environnement. Le temps n’existait plus. Sa pensée vagabondait entre les souvenirs érotiques de ses premières relations avec Thérèse et les fantasmes récents qu’il cultivait à l’égard de la gérante des lieux.

Combien de temps resta-t-il ainsi? Il ne put le dire. Toutefois, lorsqu’il remonta à la surface, les sensations corporelles étaient suffisamment réelles pour qu’il soit tenté d’ouvrir les yeux. La chambrette dormait dans la pénombre du lampadaire extérieur. L’odeur de détergent lui revint et il sut qu’il était parfaitement réveillé. Il se leva et regarda par la fenêtre. L’aurore pointait déjà. La nuit lui avait semblé si courte.

Il s’habilla lentement, très lentement en pensant à la journée qui débutait. Assis sur son lit, le rasoir électrique en mouvement, il se demandait bien comment il allait composer avec les offres de la gérante. Une aventure hors des sentiers battus, cette espèce de petit égarement hors censure qui revitalise une sexualité endormie, exerçait un attrait plus grand qu’il ne l’aurait voulu. Il y a plusieurs années, il avait fait une croix sur certaines pratiques sexuelles. Il savait que sa Thérèse avait apposé une interdiction rituelle sur certains gestes et qu’elle n’y reviendrait pas. Il s’était fait à l’idée de ne plus jamais les vivre.

Mais là, l’occasion se présentait. Allait-il la laisser échapper? Il n’avait pas l’intention de faire du mal à Thérèse tout comme il n’avait pas le goût de poursuivre sa relation de couple dans le mensonge. Mais il espérait, au plus profond de son être retrouver les sensations que procure une langue sur un pénis, se réapproprier le goût que pouvaient avoir certaines sécrétions féminines. Il aimerait tant reconnaître les doux parfums de la passion, ces phéromones qui excitent divinement l’érotisme.

Le choix était d’autant plus déchirant lorsqu’il se remémorait les paroles que la gérante lui avait murmurées dans la douche.



Mais le cœur n’y était pas. Il n’avait pas plus le goût de fuir que de rester. Il maudissait tout simplement la situation dans laquelle il s’était enlisé.

Comme dans bien des situations qu’il avait déjà vécues, il opta pour la solution la plus simple : attendre et composer avec les éléments au fur et à mesure qu’ils se présentent.

À 7 heures il prit la direction de la cafétéria. Claude était déjà installé devant un superbe petit déjeuner de bûcheron qu’il engouffrait comme s’il n’avait pas mangé depuis des semaines.



Jules se prit un café et un muffin, histoire de ne pas passer l’avant-midi l’estomac vide.

La formation fut tout aussi ennuyeuse. De plus, Tsé-tsé semblait avoir mal dormi, ce qui n’améliorait en rien ses performances d’orateur et de pédagogue. Lorsque midi arriva et que le groupe sortit de la pièce pour aller se nourrir, chacun des participants en connaissait moins qu’à leur arrivée, le matin. En fait, le formateur les avait plus emmêlés qu’autre chose. Un soupçon d’agressivité était au rendez-vous. Chacun mangea son assiette de spaghetti, pâteux et à demi froid.

Jules évita le coin de la réception. Il préféra sortir à l’extérieur par une porte arrière, évitant autant que possible de rencontrer la gérante. L’air était frais et le soleil caché derrière une épaisse couche de nuages. Une irrésistible envie de sauter dans sa voiture et de retourner chez lui le tenaillait. Cette femme lui faisait peur. Le clin d’œil qu’il lui avait retourné était de trop. Maintenant, elle était convaincue qu’il avait arboré sa disponibilité et attendait le retour de l’ascenseur.

Jules retourna au local de formation un peu avant les autres. Il voulait envoyer un courriel à Thérèse avant le début de la formation de l’après-midi. Les portables étaient tous branchés sur Internet.

En bougeant la souris pour désactiver la mise en veille de son appareil, il vit apparaître la fenêtre du bloc-notes. Un court paragraphe y figurait :

« Je serai à la chambre 139 à partir de 16 heures. J’ai une situation particulière à t’offrir. C’est une proposition honnête. De plus, si cela t’intéresse d’étudier certains protocoles de communication, je suis tout à fait disposée à expérimenter de nouvelles approches. »

Voilà, se dit-il. La balle est dans mon camp. Le choix m’appartient et il va falloir que je le fasse.

L’après-midi fut long, terriblement long. Il n’entendit rien de ce que présenta le formateur. Son esprit était trop préoccupé par la décision qu’il devrait prendre à 16 heures. Il s’en voulait d’hésiter. Il en voulait à sa femme pour les interdits qu’elle lui avait imposés. Il en voulait aussi à cette femme pour le choix qu’elle l’obligeait à faire. En fait, il en voulait à tout le monde en commençant par lui-même.

Et que voulait-elle dire par situation particulière, proposition honnête?

Lorsque le glas de 16 heures sonna, il était toujours aussi indécis. Il retourna à sa chambrette et s’étendit sur le lit. Pendant plus d’une quinzaine de minutes, il ressassa le problème sous tous les angles qu’il avait déjà étudiés. Non! Pas tous! Il lui vint l’idée de tirer à pile ou face : pile, je vais la voir, face, je reste ici. Enfin, il jugea qu’il se devait de la rencontrer, ne serait-ce que pour lui expliquer l’imbroglio dans lequel il s’était enlisé et connaître la situation particulière qu’elle voulait lui offrir. Il décida donc de se rendre à la chambre 139 et de discuter avec elle. De cette discussion naîtrait certainement la décision à prendre.

La chambre 139 se trouvait, en toute logique, au premier étage, dans l’aile des chambres 120-140. Un coin tranquille, peu fréquenté par les touristes. Jules remarqua que la distance entre les portes était beaucoup plus grande, que la moquette recouvrant le plancher du corridor était neuve! De beaux lustres projetaient leurs rayons sur des murs fraîchement peints. La chambre 139 se situait à l’extrémité du corridor.

Il se présenta devant cette porte le cœur serré et les jambes molles. L’idée de tourner les talons fut forte, presque insoutenable. Mais, il se devait de s’expliquer avec elle, du moins, le croyait-il sincèrement.

Il frappa doucement. Trois petits coups… qu’il espérait peut-être passer sous silence … Trois petits coups qui décideraient peut-être de l’avenir de son couple.

Des bruits de pas se firent entendre. Elle était là. Un bruit de serrure que l’on déverrouille claqua. Une chaîne à glissière tinta. Une poignée grinça légèrement et la porte s’ouvrit.

Elle était là, debout devant lui, belle comme un cœur, une robe de coton lui moulant parfaitement les hanches. Un décolleté, plongeant, mais pas trop, attirait facilement le coup d’œil. D’autant plus que le soutien-gorge faisait corps avec la robe et n’étranglait pas le buste de son hôte. Un petit mouvement vers l’avant ne pouvait qu’attiser un regard libertin. Une coiffure, légère, bouclée lui procurait cet air de jeunesse, symbole d’une liberté sexuelle moderne.



L’intérieur de cette chambre n’avait rien à voir avec la chambrette qu’occupait Jules. Un luxe discret, mais réel transpirait son odeur de raffinement. Les meubles, le lit, les rideaux, tous des éléments de qualités qui s’harmonisaient en un ensemble chaleureux.



Jules prit place dans un grand fauteuil près du lit. Elle, par contre, s’assied sur le rebord du lit, les jambes croisées, la posture droite.



Elle se pencha pour ouvrir la petite porte de la table de chevet. Jules ne put s’empêcher d’avoir une vue plongeante du décolleté : deux belles rondeurs, tachetées de petits points de rousseur occupaient les lieux. Un frisson de sensualité le traversa. Il avait toujours été sensible à ce phénomène. Un sein nu, exposé à tout vent sur une plage, n’a aucun intérêt ou si peu. C’est une matière flasque, souvent déformée et sensible à la gravité et à l’inertie. Par contre, là entrevu subrepticement, à moitié emmitouflé à travers les épaisseurs de tissus, il provoque un effet foudroyant. Il se présente comme un joyau, protégé dans un écrin créé exclusivement pour lui. Son effleurement des yeux a beaucoup de charme, de volupté. Il s’offre comme la caresse d’un trésor souvent inaccessible, alimentant les rêves des rêveurs et les chimères des timides… Et il est moins engageant que la parole ou le geste.

Jules observa Hélène dans son mouvement. Elle ne semblait pas avoir prémédité le geste. Un coup du hasard? Peut-être! Son mouvement avait été naturel et, une fois la bouteille d’apéritif en main, elle s’était relevée avant de se retourner vers Jules. Elle attrapa deux verres qui traînaient sur la table de chevet et les remplit.



Jules réalisa que s’il voulait s’en tenir à de simples explications de ses états d’âme, la conjoncture des événements glissait étrangement dans l’univers de la précarité. Cette femme se comportait comme si, d’office, il était tout à fait consentant. Pourtant, elle avait bien pris la peine le lui préciser qu’elle était disposée à en discuter… Mais! Discuter de quoi? De l’amour que Jules ressentait pour sa femme… Des remords qu’il craignait s’il allait plus loin dans cette aventure? Ridicule tout ça! Ce prétexte n’était sans doute que le petit coup de pouce dont il avait besoin pour traverser le seuil de cette porte. Elle lui avait donné. Lui l’avait accueilli avec plaisir. Et la situation particulière à offrir, était-ce l’appeau qui avait touché sa sensibilité?

Maintenant, comment rebrousser chemin? Comment dire à cette femme qu’il n’avait aucune envie de satisfaire ses fantasmes avec elle alors que son corps en entier le désirait au plus haut point ? Comment gravir une pente abrupte alors qu’il la dévalait à la grande course? Comment dire non au plongeon dans cet univers de volupté qu’il croyait perdu?



C’était ça sa situation particulière qu’elle voulait lui offrir : un jeu.

Le regard de cette femme était franc et sans équivoque. Jules savait qu’elle respecterait ses règles du jeu. En fait, il avait beaucoup plus confiance en cette femme qu’en lui-même. Il jouait avec le feu et il le savait. La situation était si excitante… si nouvelle.



Elle se leva et ouvrit une porte qui donnait accès à une superbe salle de bain. Elle ouvrit la penderie et en sortit un magnifique peignoir de ratine blanche.



Jules se souvenait bien des paroles de cette femme, la veille… et de son attitude dans la douche. Il la regarda, tenant le peignoir à bout de bras, un air angélique dans les yeux.



Jules fut un peu dérouté par ces propos, mais comprit la distinction qu’elle apportait entre gestes et paroles. Le jeu s’annonçait beaucoup plus subtil qu’il le croyait.



Jules compara la qualité de cette salle de bain à celle des hôtels cinq étoiles. Un étalage de bouteilles, shampoing, savon de corps, lotion après-rasage et autres étaient alignés le long du meuble-lavabo. Plusieurs grandes marques y figuraient. Il choisit un shampoing et un savon tout à fait inconnu pour prendre sa douche, mais appliqua une lotion après rasage dont l’odeur légèrement épicée semblait bien convenir à sa personnalité.

Il se peigna, ajusta son peignoir se jeta un dernier coup d’œil dans le miroir et sortit de la salle de bain. Hélène avait respecté sa parole. Elle était assise dans le grand fauteuil, les jambes croisées, un sourire indéfinissable sur les lèvres. Elle regardait Jules, un regard plein de désir, de tendresse, mais aussi plein de stratégie.



Hélène se leva, s’approcha de Jules, se suspendit à son épaule et lui embrassa doucement le lobe de l’oreille. Elle glissa la langue sur le contour extérieur du pavillon pendant que son genou droit essaya de se faufiler entre les deux jambes de Jules. Jules sentit une pression au bas-ventre et cela lui procura de grands frissons. Elle retourna par la suite s’asseoir dans son grand fauteuil.



Jules ne put que demeurer muet face à cette remarque. Cette femme était si sûre d’elle. Et il se sentait tellement vulnérable entre ses mains. Par contre, il avait tellement envie de se laisser emporter par la vague.



Jules ne put faire autrement qu’admettre l’exactitude de ces faits . Il était tout simplement fasciné par la situation. Mais il savait aussi que, lorsque viendra le temps de quitter les lieux, ce serait difficile. Il la voyait devant lui, chaleureuse, disponible, prête à satisfaire au moins l’un de ses fantasmes. Et elle, belle comme un cœur par-dessus tout.



Hélène se leva, ramassa la bouteille d’apéritif et vint remplir le verre de Jules.



On frappa à la porte.



Elle revint avec un chariot d’hôtel sur lequel deux plateaux recouverts de cloches en argent y étaient disposés. Deux bouteilles de vin accompagnées de coupes en cristal ornaient l’ensemble. Elle plaça le tout sur la petite table près de la fenêtre, ferma les rideaux, disposa les chaises l’une en face de l’autre et se retourna vers Jules.



Jules se leva, regarda autour de lui. Hélène savait très bien ce qu’il cherchait des yeux. Heureusement, ils étaient demeurés dans la salle de bain, pendus sans doute au crochet derrière la porte. Elle connaissait cette crise de panique qui agressait la majorité des hommes fidèles. Cette dernière survenait toujours à un moment déterminant du jeu. Une espèce d’intuition les avertissait du danger et souvent, plusieurs d’entre eux quittaient précipitamment les lieux. La stratégie de la douche et du peignoir lui donnait un certain répit pour récupérer la situation. Si elle réussissait à le convaincre de rester, le pire obstacle du jeu était surmonté.



Jules hésitait. Il n’avait plus l’assurance du début. Il se sentait extrêmement vulnérable sous ce peignoir. Une situation complètement stupide, un jeu totalement absurde. Il se sentait très loin de chez lui. Il s’ennuyait de sa Thérèse, de la sécurité de ses petites habitudes. Comment allait-il expliquer la situation à sa femme? Comment allait-il supporter de la voir si déçue?



Jules approcha de la table, hésitant. Le jeu ne l’intéressait plus du tout. Il cherchait tout simplement un moyen honorable de mettre fin à tout ça.

Hélène le perçut bien. Elle crut même un instant qu’il allait quitter la chambre en peignoir. Il lui fallait à tout prix contenir la panique qui s’emparait de cet homme. Elle retira les cloches des couverts et le pria de s’asseoir.



Jules s’approcha de la table, lentement, hésitant dans ses mouvements. Il s’écrasa sur sa chaise, lourdement, quasi vaincu. Il savait qu’il ne devait pas attendre. Le risque était rendu trop grand, l’adversaire, trop puissant. Et il savait que cet ennemi à vaincre était ce goût de vivre certains fantasmes, traverser ces interdits qu’il avait à tout jamais enterrés.

Il réalisa, une fois assis, que son peignoir s’était entrouvert et qu’une partie intime de son anatomie pouvait être facilement observable. Il remarqua aussi qu’Hélène s’en était aperçue, mais n’avait rien dit. Elle aurait pu relever ce geste, le coincer dans le jeu… mais elle ne l’avait pas fait. Peut-être ne mentait-elle pas lorsqu’elle disait que, si la situation l’exigeait, elle se contenterait d’un souper.

Jules regarda cette femme se verser un verre de vin. Elle semblait totalement détendue. Thérèse aurait fait ce geste avec la même désinvolture… après dix ans de vie commune.



Son sourire franc calma l’atmosphère.



Jules était torturé entre l’idée de s’enfuir à toutes jambes et celle de lui sauter dessus et de lui faire l’amour comme un forcené. Son goût de fuir était énorme, mais l’attrait qu’elle exerçait sur lui l’était tout autant. Sa façon de l’érotiser était infaillible. En une phrase, dans les douches, elle avait ramené à la surface des démons qu’il avait mis des années à enfouir.



Jules échappa sa fourchette. Elle lui avouait tout bonnement qu’il était allé trop loin, que l’abandon était devenu impossible! Elle le regardait dans les yeux et ne souriait pas. Risquait-elle le tout pour le tout en lui disant cela? Ou avait-elle réalisé qu’il aimait trop sa femme pour se permettre une aventure?

Il se pencha pour ramasser sa fourchette. Son regard balaya l’environnement sous la table et il la vit, les jambes entre-ouvertes affichant impunément une absence de petite culotte. La surprise fut énorme, suffisamment grande pour lui permettre de se cogner la tête sur le coin de la table, renversant du même coup sa coupe de vin.

De retour à la surface, il regarda Hélène éponger le vin répandu.



Jules en cueillit une avec sa fourchette et la porta à sa bouche.



Jules leva les yeux et vit cette femme, mordillant une grosse crevette embrochée sur sa fourchette.



Jules leva les yeux. Hélène avait déposé sa crevette dans son assiette et le regardait, les yeux inquisiteurs. Un silence accablant enveloppa la chambre. Tout lui devenait hostile, étranger. Il récupéra toute l’énergie disponible en dedans de lui pour se lever et quitter la pièce. Hélène sentit venir le geste.



Jules s’exécuta. Il ne comprit pas pourquoi, mais il recula sa chaise. La situation était devenue trop étrange, un peu comme dans un rêve où le personnage s’interroge sur le moment du réveil. Hélène se leva, s’approcha de lui, glissa le genou droit entre ses jambes et, d’un mouvement habile de hanches, s’assied, la vulve à califourchon sur sa cuisse. Il sentit toute la chaleur de ce sexe en furie lui parcourir le corps. Elle lui prit délicatement le visage entre ses deux mains et approcha sa bouche de la sienne. Ses lèvres étaient humides, chaudes, sensuelles. Jules répondit délicatement à cette avance par un léger mouvement des lèvres. Elle glissa sa langue sur celle de Jules. Le baiser devint passionné.

Au bout d’une éternité savoureuse, alors que ce protocole de communication quasi oublié reprenait vie en lui, Jules se détacha d’elle.



Et elle l’embrassa de nouveau avec autant d’ardeur et de fougue qu’au premier baiser. Jules s’abandonna au plaisir et devint pendant plusieurs secondes le participant le plus actif. Il glissa ses mains le long des cuisses d’Hélène, frôlant la région pubienne de ses pouces. Il la sentait réceptive à ses caresses. Il glissa ses mains sur le contour des hanches, atteignit les fesses et les empoigna à pleine main. Un élan de passion s’intégra au baiser.

Hélène rompit le mariage des lèvres, mais détacha la ceinture du peignoir et se glissa la main entre les pans du vêtement. Elle y rencontra une verge en érection, au meilleur de sa forme. Elle l’empoigna fermement. Doucement, elle en rabattit le prépuce. Par un mouvement de hanches, elle se glissa le bassin vers le genou de Jules. Elle s’attarda quelque peu sur une rotule qui lui épousait bien le plancher pelvien. Le plaisir monta. Chaque mouvement des hanches lui humectait un peu plus le genou de ses sécrétions amoureuses. Elle finit par se glisser complètement hors de sa zone de plaisir et se retrouva, la bouche à portée d’une verge totalement distendue.

Jules, écrasé sur sa chaise, les yeux fermés et la tête basculée vers l’arrière, attendait l’instant ultime, ce moment si souvent vécu… ou désiré… dans ses fantasmes. Cette phrase, depuis qu’elle avait été prononcée dans les douches, l’obsédait. Elle lui laissait entrevoir la possibilité de vivre ce moment, encore une fois, peut-être une dernière fois, mais au moins une fois. Il allait goûter au plaisir de la douce caresse d’une langue sur un pénis, ce contact électrisant qui draine toute la sensualité du corps, qui localise le plaisir à un seul endroit.

Le contact se fit, à la fois doux et violent. Les sensations du pénis étaient divines. Les souvenirs de ses premières vacances avec Thérèse lui revinrent. Il sentait la poigne ferme qu’Hélène exerçait à la base de son pénis. Il goûtait pleinement au plaisir du glissement de lèvres humides sur le contour du gland. Il savourait la chaleur de cette main qui s’était glissée sous les testicules et les empoignait fermement. Il savourait un plaisir double : celui de sa Thérèse lorsqu’elle lui pétrissait les bourses et celui de la réalisation de son fantasme, la fellation. La montée du plaisir vint rapidement, un peu trop au plaisir d’Hélène.



Jules comprit instantanément son allusion : un strip-tease privé. Il y avait déjà pensé, il y a plusieurs années, au début de leur mariage, mais Thérèse ne se trouvait pas assez bien faite pour se plier à ce caprice, et Jules l’avait accepté. Il l’avait même oublié au fil des ans.

Il ne se fit pas prier. Il quitta la petite chaise de table et prit place dans le grand fauteuil moelleux. Hélène tamisa les sources lumineuses et brancha le téléviseur sur un canal audio. Une douce musique de chambre envahit la pièce. L’atmosphère était parfaite. Elle s’installa à quelques mètres de Jules et entreprit son petit numéro. Elle n’en était pas à son premier spectacle. Elle se dévêtit avec grâce et sensualité, souplesse et assurance. Ses mouvements étaient calculés et s’harmonisaient bien avec la musique ambiante.

Elle débuta par faire glisser délicatement la fermeture éclair de sa robe. Jules pouvait observer le geste par l’intermédiaire du miroir en pied accroché au mur derrière elle. Il ne pouvait pas y avoir une meilleure disposition des meubles pour ce petit spectacle. Quel que soit l’angle sous lequel elle se présentait à lui, il avait toujours la possibilité de la voir sous un autre angle. Même l’éclairage semblait avoir été étudié. Les jeux d’ombres qui serpentaient sur le corps de cette femme possédaient un cachet hautement érotisant.

Elle rabattit la bretelle droite de sa robe, prenant un soin minutieux à ne rien exposer de plus qu’une épaule légèrement pigmentée. Elle fit de même avec le côté gauche du corps, soutenant sa robe de son avant-bras. Le mouvement de hanches, dans ses pas de danse était très suggestif. Les gestes coulaient d’eux-mêmes. Elle les harmonisait au rythme de la musique les enrichissant parfois de pauses qui rehaussait l’aspect érotique du geste. Mais, dans tous ces mouvements, le regard de cette femme se portait toujours sur Jules. Elle ne le quittait pas des yeux et, au fur et à mesure qu’elle se dévêtait, qu’elle laissait glisser doucement le haut de sa robe sur le contour de ses seins, son regard devenait plus perçant, presque inquisiteur.

Jules vit apparaître deux beaux seins, juste comme il les aime, féminins et proportionnés à l’ensemble. Si elle lui tourna le dos, ce n’était pas par pudeur ou par timidité, c’était pour lui permettre d’orienter son regard vers le miroir afin qu’il puisse l’observer à loisir sous un angle différent. Sans compter le merveilleux spectacle de deux belles fesses se découpant dans l’échancrure de la fermeture éclair. Hélène laissa glisser doucement sa robe sur ses hanches. Jules découvrit une merveilleuse croupe, ondulant au rythme de la musique. Deux belles jambes profilées suivirent lorsqu’elle laissa tomber la robe. À leur droite, de belles formes symétriques se profilaient dans le miroir. Et, à son centre, un joli triangle brun-roux brillait de tout son érotisme. Hélène se retourna lentement, Jules glissa son regard sur son visage. Elle le fixait toujours, se dandinant au son de la musique. Elle le sentait très agité dans son fauteuil.



Le corps de cette femme n’était pas à proprement parler un modèle de beauté fatale. Il était beau, comme la plupart des corps de femme de 35 ans qui ont reçu un peu d’attention et de soins. Il n’était pas parfait. Il avait ses petites zones d’irrégularités et la loi du temps avait commencé à faire son œuvre. Mais ça, aux yeux de Jules, ce n’était rien. Ce corps aurait pu avoir une quinzaine d’années de plus, il aurait été tout aussi séduisant. Il possédait encore ce que la majorité des corps de femme ont oublié : le goût de plaire sexuellement à un homme. Et, à cela, Jules en était extrêmement sensible. Chaque geste, chaque mouvement qu’elle faisait là, nue devant lui, l’assaillait sexuellement. Il en était perturbé à un tel point qu’il avait de la difficulté à demeurer en place. Il frétillait dans son fauteuil, bougeait sans cesse, n’avait plus de position.

Il lui fit part de ses sensations, franchement, sans détour ni faux-fuyant. Il lui avoua même qu’il n’avait jamais pensé à développer un tel fantasme avec l’image de sa Thérèse. Pour lui, elle ne se serait jamais pliée à un tel caprice de sa part. Et comme ses fantasmes étaient toujours nés d’une réalité devenue inaccessible, le fantasme du strip-tease n’était jamais venu au monde.



Elle en fut très touchée.



Elle s’approcha de lui, défit la boucle du peignoir, l’ouvrit et vint s’asseoir sur son érection, face à lui. Le fauteuil était suffisamment large pour qu’elle puisse le chevaucher de la sorte. Il voyait dans le miroir, son pénis disparaître entre les deux fesses de cette femme. Elle fit un petit mouvement de hanches et il se sentit glisser en elle. Elle se pencha légèrement sur le côté, lui permettant d’admirer à loisir leurs deux corps enlacés dans cette intimité amoureuse. Elle l’embrassa dans le cou, lui mordilla les oreilles et ondula du bassin. Il la saisit par les fesses. Deux corps se déhanchèrent au rythme de leurs vagues sexuelles. Le miroir ne manqua aucun des mouvements.

Jules prit conscience de l’ampleur de son érotisme lorsqu’il sentit monter le plaisir. Hélène le perçut également. Elle ralentit son mouvement ondulatoire, s’assied de tout son poids sur le sexe de Jules et ne bougea plus des hanches. Jules avait les deux mains occupées à caresser les seins d’Hélène. Elle appréciait ces caresses, ce pénis qui la pénétrait chaleureusement. Mais ce qu’elle goûtait le plus, c’était cette réconciliation que Jules établissait avec son érotisme profond, ces sensations enterrées par des années de gestes routiniers qui remontaient à la surface. Elle avait l’impression que cet homme faisait l’amour pour la première fois. Elle n’avait pas menti lorsqu’elle avouait aimer les hommes qui adorent leur femme. C’était ces mêmes hommes-là qui, après plusieurs années de routine conjugale, deviennent psychologiquement asexués. Elle adore leur asséner un coup de pied sur la cage aux fantasmes, histoire d’en faire surgir une sexualité oubliée.

Jules n’était pas différent des autres. Au fil des années, il avait perdu cette fébrilité sexuelle qui domine le corps lorsque le désir devient très intense. Son érotisme s’était réfugié dans certaines images, assez restreintes en quantité, mais suggestives, que sa conjointe lui autorisait de vivre à l’occasion. L’inaccessible se transmuait en fantasmes.

Hélène s’était servie de ces mêmes fantasmes pour dérouter les convictions de Jules. Elle ne voulait pas les détruire. Elle était beaucoup plus curieuse d’en connaître l’authenticité, la profondeur. Elle était parfaitement consciente des forces en jeu. L’amour qu’il entretenait pour sa femme était réel, pur et sain. Mais, lorsqu’elle le vit prendre le peignoir pour aller prendre sa douche, elle sut qu’il céderait à la tentation, qu’il accepterait de vivre ses rêves sexuels. En fait, Jules désirait plonger dans un érotisme qu’il n’avait pas vécu depuis longtemps.

Mais il risquait de vivre beaucoup de remords. Et, en cela, il serait un peu perdant. Il aurait une certaine difficulté à s’en remettre. Toutefois, il n’irait pas se pendre sur le chemin du retour. Elle y veillerait avant de le quitter.



Elle l’entraîna par la main. Elle s’étendit dans une position qui laissait peu de place à l’imagination. Il comprit ce qu’elle lui offrait.

Il ne se fit pas prier. Bien que son envie d’aller directement à la source de son fantasme soit très puissant, il ne voulait pas passer pour un goujat. Il lui embrassa d’abord les seins qui répondirent très bien à sa stimulation, lui caressa doucement le ventre, à la limite du pubis, histoire de créer une douce impatience, ce qui ne manqua pas de se traduire par un léger frémissement épidermique et se glissa enfin la main entre les cuisses de sa partenaire. Il appliqua les techniques qu’il avait maîtrisées au cours de son mariage et ramena sa main en appliquant une plus grande pression au majeur. Hélène réagit sexuellement à ce geste. Alors là, il s’autorisa la permission de glisser ses lèvres vers cette source de plaisir tant convoitée.

Il allait enfin goûter au plaisir qu’évoquaient ces images fantasmatiques. Il allait retrouver un érotisme dominé par l’odorat et le goût. Il se délecterait les yeux à la vue de ce petit triangle roux et savourerait le plaisir d’empoigner le pommeau de deux belles fesses.

Ces sensations l’agressèrent l’une après l’autre, turbulentes et impétueuses. Elles se présentèrent en gerbes émotives, électrisant chacune des cellules de son corps. Les doux parfums érotiques des phéromones l’excitèrent au plus haut point. Le goût, légèrement salin de son intimité le combla. Il l’explora de la langue, chaleureusement, en douceur. Il y trouva un petit bouton de plaisir. Il en explora tous les contours, délicatement, du bout de la langue. Il prit un malin plaisir à le titiller, l’exciter, le gonfler par des caresses soutenues. Les mouvements de cette langue se mariaient très bien aux vagues intérieures qui naissaient.

Jules retrouvait enfin la félicité de cette communion. Il pouvait de nouveau ressentir au plus profond de lui, la montée d’un plaisir clitoridien, un plaisir violent, sans retenu ni pudeur. Les mains bien agrippées aux fesses, le nez écrasé contre la toison pubienne de son hôtesse, il assista à la naissante de cette vague de plaisir, la sentit grandir à travers les tressaillements du corps, puis essuya un raz de marée qui déferlait en gémissements.

Hélène ne s’était pas trompée en voyant Jules pour la première fois dans le hall de l’auberge. Elle l’avait même repéré avant de voir son nom sur le registre. Il avait cet air, légèrement distrait, perdu même. Rien ne le distinguait des autres clients. Pourtant, elle avait su reconnaître en lui ce volcan de sensibilité. Elle n’était pas déçue. Cet homme avait su faire vibrer, au plus profond d’elle, cette note de musique si difficile à rejoindre, ce plaisir fuyant, impalpable, particulier au corps de certaines femmes. Seuls quelques hommes pouvaient la rejoindre dans son plaisir et pas nécessairement les plus performants sexuellement. Elle avait découvert, au fil des ans que le parfait mari, soucieux du bonheur de sa femme, légèrement introverti, peu sûr de ses performances sexuelles, mais rempli de fantasmes, était sans doute celui qui était le plus à l’écoute de son corps de femme, dans ce type de plaisir qui lui était si souvent inaccessible.

Elle se doutait bien que tout ce jeu de la séduction, de même que sa tendance à l’exhibitionnisme créaient une atmosphère propice à sa propre érotisation. Mais il fallait un peu plus, et ça, son partenaire de la soirée le possédait.

Jules ralentit doucement le mouvement de la langue. Elle revenait d’une envolée passablement turbulente. Il était fier de lui. Il releva la tête et la regarda reprendre son souffle. Elle semblait sortir d’une torpeur divine. Son regard croisa le sien. Il exprimait la supplication.

Jules avait déjà vu ce regard, à quelques reprises. Il fut flatté de la requête. Il reprit sa position et recommença son petit rituel. Il avait retrouvé cette communication, issue d’un passé anesthésié, cette capacité de vibrer au rythme de l’autre. Il n’eut aucune difficulté à saisir la vague naissante de sa partenaire, à s’y installer confortablement et à s’envoler vers le 7e ciel.

Et de deux… et de trois… et de quatre… et de cinq… …

Jules n’avait pas l’intention d’être celui qui mettrait fin aux envolées. Chaque orgasme s’apparentait à de la haute voltige, mais épuisait un peu plus sa partenaire. Jules se disait qu’au seuil de la souffrance, elle lui signifierait son état de satiété.

Elle mit du temps, beaucoup de temps à y parvenir.



Et elle repoussa la tête de Jules. Il n’en fut pas choqué.

Il s’assied sur le bord du lit et attendit. Un parfum de plénitude flottait dans la pièce. Hélène se tourna, prit la position du fœtus et pleura silencieusement.

Elle mit plusieurs minutes à recouvrer ses esprits. Lui, immobile sur le bord du lit, l’observait. Elle était tellement belle, dégageait tellement de féminité. Il s’était écoulé tellement d’années depuis la dernière fois. Il ne se rappelait presque plus l’expression d’une telle satisfaction. Le seul souvenir qu’il put y rattacher fut l’expression du visage de sa Thérèse, ce matin-là, il y a dix ans, après une nuit d’intenses activités amoureuses. Elle avait été tellement radieuse au retour de sa félicité. Il se remémora l’impulsion qu’il avait eue. Il s’était alors penché vers elle pour lui donner un petit baiser sur la joue. Elle lui avait murmuré à l’oreille : « Viens en moi, pénètre-moi ».

Ils avaient éprouvé tellement d’amour dans l’union de leur corps. La fusion de leurs sensations, rehaussées par des sentiments de don, d’abandon et de partage avait été investie d’une grande certitude. Alors que l’aurore pointait ses couleurs rosées, ils s’étaient avoué, leur intention de fonder une famille.

Et là, il revoyait cette même expression de félicité sur le visage d’une inconnue… Il était parvenu, avec cette femme qu’il ne connaissait que de prénom, à établir une communion qu’il n’avait cru possible qu’avec sa Thérèse.

Sa pensée se cristallisa sur l’image mentale de sa femme. Elle avait toujours été la plus belle et le demeurait encore. Il se sentait loin d’elle, s’en ennuyait beaucoup. Il aurait tellement voulu vivre cette communion avec sa femme. Mais…

Il attacha son regard sur les courbes de ce corps, étendu devant lui, dans toute sa féminité. Elle était très attrayante, il en convenait. Son organisme, saturé de testostérone n’aspirait qu’à s’unir à cette femme, libre et consentante. Son érection en était presque douloureuse.

Mais, dans sa tête, Thérèse déambulait d’une pensée à l’autre, décolorant la vivacité du désir et semant sa graine de remords. L’érotisme avait beau teinter ses pensées, Thérèse trouvait toujours le moyen de s’y faufiler et d’y laisser de la tristesse. Jules réalisa alors qu’il ne pouvait pas aller plus loin.

Il se leva et prit la direction de la salle de bain. Il en ressortit quelques minutes plus tard, habillé et prêt à partir. Hélène s’était relevée et le regardait. Il lui sourit, gentiment, honnêtement et quitta les lieux, sans un mot.

Le lendemain matin, ce fut de légers coups frappés à la porte qui extirpèrent Jules de ses remords. La porte s’ouvrit lentement. Il vit apparaître le visage d’Hélène.



Elle entra et vint s’asseoir au pied du lit. Elle portait un jean surmonté d’une blouse attachée au cou.



Hélène sortit une enveloppe de sa poche de jean et la tendit à Jules.



Jules la regardait ébahi. Elle lui expliquait la situation, froidement.



Son sourire moqueur n’insulta pas Jules. Il savait qu’elle avait en grande partie raison. Sa Thérèse était plus présente que jamais. Il avait hâte de la retrouver.



Et elle sortit de la chambrette.

Jules regarda l’enveloppe, la tourna dans tous les sens et finit par en sortir une feuille de l’intérieur. Quelques phrases y étaient écrites à la main :

« Ton mari t’adore. Je vous souhaite beaucoup de bonheur. Gros bisou. Camille.

P.S. Je t’envoie un courriel la semaine prochaine. »


Évidemment, Jules ne saurait pas ce que contiendrait ce courriel. Mais, il savait ce qu’il devait faire.

Il s’habilla à la hâte, ramassa ses vêtements, les empila dans sa valise et reprit le chemin de la maison… sans assister à la dernière séance de formation de Tsé-tsé. Il n’avait plus qu’une pensée : retrouver sa Thérèse. Il avait toujours été heureux avec elle mais, il le réalisait vraiment qu’après avoir déchiré le voile de ses fantasmes.