n° 07192 | Fiche technique | 19979 caractères | 19979Temps de lecture estimé : 13 mn | 08/03/04 |
Résumé: Une rencontre "littéraire" | ||||
Critères: fh douche | ||||
Auteur : Epizod (...un piège tabou, un joujou extra, qui fait crac boum hue..) Envoi mini-message |
Cette fille m’écrit que mes histoires érotiques commencent bien, le début léger, mais que ça s’aggrave quand on entre dans le vif du sujet, elle développe mais bref, au final, tout ça (elle dit "tout ça" en parlant de mes œuvres !!!) est de niveau inégal, les récits entre eux, et à l’intérieur d’un même récit. Sur les parties cul, je suis lourd. Et un peu gras. Vache, pour qui elle se prend cette conne ? Elle en a écrit, elle ? Non, me répond-elle, je sais que je n’ai pas vraiment de talent pour l’écriture et puis je suis un peu vampire, je préfère me nourrir des autres. T’en foutrais du vampire, moi, lui réponds-je derechef, résistant à l’envie, facile et qu’à mon avis elle goûterait peu, de lui suggérer d’exercer ses talents sur autre chose que mon cou, j’ajoute que les conseilleurs ne sont pas les payeurs, je suis méchamment inspiré, bon, je défends mon honneur d’auteur, merde, je vais pas me laisser emmerder, moi l’intermittent de la littérature de cul, même si c’est dans l’air du temps, par une groupie anonyme de Bram Stocker.
Donc nos rapports sont mal engagés. Et si l’on n’en vient pas aux noms d’oiseaux, c’est néanmoins incisif et mordant. Via nos messageries respectives, on rend coup pour coup. Parfois, et c’est heureux, un peu d’humour s’en mêle, peut-être pour alléger la pesanteur de bras de fer. Partant de mes, selon elle n’est-ce-pas, piètres talents dans le domaine mais de nos goûts respectifs pour la littérature, érotiques ou pas, on débat sur des auteurs, des préférences de style, des titres de bouquins. On se trouve quand même quelques points communs. Elle adore John Fante, elle marque un point. Elle aime Paolo Cuelho, elle le reperd aussitôt.
Nos échanges durent ainsi depuis trois-quatre semaines, deux jours en général séparant chaque correspondance. Le délai nécessaire à chercher chacun de notre côté les bonnes vacheries à envoyer à la partie adverse ? La longueur des mails croît, la gamme des sujets s’élargit. Mon sourire derrière l’écran aussi.
Car, et je ne vais pas lui avouer, certainement pas, je finis par prendre goût à notre dialogue électronique. La bagarre se calme au fil du temps. On s’est donné un peu trop de baffes dirait-on, faut qu’on récupère. Mine de rien, par bribe d’informations recueillies de-ci delà et en lisant entre les lignes, j’en apprends un peu plus sur elle.
Elle habite comme moi Paris ou pas loin, suppose-je au vu de ses allusions aux expos dans telle ou telle galerie ou musée, qu’elle a vu, aimé, ou bof, ou pas, parce que qu’on produise de telles merdes, OK, mais comment une galerie peut accepter de les exposer ??? Et y’a même des gens qui les achètent.
Elle a 31 ans, ça elle me l’a écrit. Plusieurs vagues allusions à un même mec, en terme peu flatteurs, me laisse penser qu’un, de son point de vue, salaud, l’a un peu ébranlée récemment. Elle travaille comme documentaliste dans un service d’archives. Je la charrie sur ce que cette information m’inspire sur son physique : grande fille sèche à lunettes, le cheveux gras, un poireau sur le menton, une jupe en flanelle grise, des collants couleur chair, trop heureuse de se réfugier dans des sous-sols poussiéreux au milieu de ses vieux papelards. Le cliché la fait moyennement rire, voire la vexe, c’est tout faux à part les lunettes, tu verras bien si on se voit un jour. Ha. Tiens.
Pourquoi pas est ma réponse. En fait, si c’est elle qui la première aborde cette possibilité, j’y avais évidemment déjà pensé. Mais enfin, même si ça pourrait être sympa si elle est aussi intéressante que nos échanges peuvent le laisser croire, il reste une chance que je me fasse accroire. Et ce serait encore plus sympa si elle était jolie, mais si pas ? Donc j’attendais de voir, je ne sais pas quoi. Mais si elle me tend une perche …
Nos mails suivants continuent leurs tranquilles explorations, mais l’idée de se rencontrer y revient maintenant systématiquement, même si on sent que l’un et l’autre hésitent. On doit avoir les mêmes appréhensions, la sienne, j’imagine, tournant autour de l’idée qu’un mec si lourd dans sa façon d’écrire sur le cul (la garce !) a toute les chances de l’être de manière général.
C’est moi qui franchis finalement le pas suivant, ça m’a semblé la chose à faire alors, en lui laissant sur un mail mon numéro de portable.
Lequel sonne deux jours après l’envoi du message en question, pour annoncer :
Je n’imaginais pas cette voix sur un anachorète revêche. Elle est chaude et un peu grave. Elle n’a pas l’accent du sud. Ouf. J’ai du mal a supporter l’accent du sud dans la bouche d’une fille.
Je passe sur cette conversation, qui brilla par sa platitude et sa banalité. Finalement, c’est au moins le cas pour moi, discuter de vive voix après un mois d’échanges épistolaires, est un peu intimidant. Au final, on se fixe un rendez-vous pour samedi prochain, c’est dans trois jours, pour aller boire un verre.
Entre les deux, pas de mails.
Le bar, c’est elle qui l’a choisi, est tendance, un truc des Costes probablement, vu le style. C’est chaleureux, l’éclairage indirect est doux.
Les couples ou les groupes autour des tables sont plutôt branchouilles, il y a beaucoup de jolies filles, sapées classe. Les serveuses et serveurs ne dépareillent pas. Ce n’est pas déplaisant, même si c’est un peu m’as-tu-vu. Mes basquets font un peu tâche.
Je m’assois seul à la table où me conduit une sculpturale et souriante serveuse blonde qui arrive certainement de très à l’Est ("J’attends quelqu’un", je ne rajoute pas "si elle ne s’est pas dégonflée"). Non, elle ne s’est pas dégonflée. Elle arrive très peu de temps après moi, se plante devant mes basquets bleu électrique qui constituent notre assez plausible signe de reconnaissance. Elle regarde mes pieds. Je ne regarde pas les siens. Enfin, peut-être, je veux dire je ne sais pas ce que je regarde, c’est-à-dire elle bien sûr, le haut de ses pieds, c’est-à-dire oui ses jambes, et aussi ses, qui sont, elle est, je … putain je perds mes moyens. Cette fille peut bien lire tous les auteurs à la con que porte la planète, elle n’est pas prête de perdre tous les points qu’elle vient de marquer. Elle a effectivement des lunettes. Et c’est effectivement le seul élément qui la rapproche de mon délire récent. Elle pense semble-t-il à la même chose que moi :
Le un peu fait-il allusion à son discret maquillage qui met en valeur une bouche très joliment dessinée et de grands yeux bruns ? Ou sa jupe ajustée qui met parfaitement en valeur une taille et des hanches fines et de belles jambes ? Ou le décolleté de son chemisier ? Cette fille a un charme fou, qu’accentue à mon goût ce que d’aucuns considéraient comme un défaut, des oreilles légèrement décollées. Derrière l’une, elle a glissé ses longs cheveux bruns. Avec ses lunettes élégantes, elle a un look d’étudiante sexy.
Un martini blanc pour moi et un daïquiri pour elle sont censés venir nous aider à nous mettre un peu plus à l’aise. Parce que quand même, même si l’ambiance et les thèmes de conversation ont évolués ensuite, on a commencé tous les deux par s’engueuler sur la façon dont j’écrivais des scènes de cul. C’est là, en arrière plan.
Les deuxièmes boissons parviennent à faire ce sur quoi les premières avaient un peu ramé. La discussion est maintenant bien engagée, on se sourit de façon plus détendue.
Elle s’est effectivement fait plaquer il y a six mois, un type avec qui elle envisageait de se marier, et qui d’un coup a été gagné par la peur de l’engagement. Classique. Elle n’a pas apprécié. Re-classique. Elle aime danser, de préférence la salsa portoricaine. Elle adore la Bretagne et les tempêtes. Elle aime les films de Besson. Pas moi. Elle a de mauvais rapports avec sa mère, qui s’occupe trop de sa vie. Elle adore les pâtes. Moi aussi. Elle aime les massages des pieds, confidence partie de ce que, légèrement penchée vers la table, c’est ce qu’elle est en train de faire discrètement à son droit, qui souffre de ses nouvelles chaussures. Le geste est ravissant.
Sa position ouvre des perspectives sur sa poitrine, en tout cas sur une élégante dentelle blanche qui la borde. On n’est pas mal chez les Costes.
Je m’en serais douté, répond la sérénité de mon silence qui la regarde dans ses deux yeux magnifiques, lesquels se disputent l’attention de ma convoitise avec ses jolis seins, blancs comme des collines enneigées par la neige. Je ne sais pas pourquoi, ou peut-être que si, je pressens qu’on va reparler de notre pomme de discorde initiale, et alors que je me prépare à l’entendre discourir sur la piètre qualité de mes talents érotomanes, je construits dans ma tête cette phrase cucu la praline et inepte, la quintessence de ma médiocrité.
Bingo :
Haha.
Moi, je suis mi-vexé mi flatté. Elle a lâché son pied.
Le mélange d’air un rien méprisant et surtout irrité que prend son visage m’informe immédiatement que j’aurai mieux fait de m’abstenir. Va falloir commander une troisième tournée.
C’est parti :
Elle est encore plus adorable en colère. Elle rougit, ramène régulièrement sa mèche derrière son oreille, qui tout aussi régulièrement en repart. J’en prends plein mon grade, mais je souris de ce spectacle. Je lui masserais bien le pied.
L’armistice est décrété quelques minutes plus tard, autour de la troisième tournée. Elle souffle, réajuste sa mèche. Etrangement, après les premiers instants de gêne de cette rencontre, c’est comme si, et j’ai l’impression que le sentiment est réciproque, après ces nouvelles controversées qui nous avaient en quelque sorte connecté, moult mails et cette rencontre dans ce bar, on se connaissait depuis un bail. On se sourit. Je me sens bien. C’est en tout cas le plus beau moment d’une rencontre, quand je sens, dans des dosages que seul un chimiste de génie pourrait définir mais je m’en fous, la complicité, le bien-être, le désir d’en savoir plus sur elle, sous elle, et avec elle, ce qu’elle sent, qu’elle goût elle a. Et que cela semble possible.
On décide avant de partir du bar qu’on va chez moi. On ne se dit pas pour quoi y faire, peu importe.
Elle marche pieds nus dans la rue, ses chaussures neuves, qui lui font mal, à la main. Elle me dit «Je suis contente d’être venue ce soir, même si tu poses des fois des questions à la con». Je sais, c’est le drame de ma vie. Et je suis content aussi qu’elle soit venue. Donc, on est tous les deux contents. Puis elle me demande : «Dans une de tes histoires, tu dis que tu as fait l’amour avec deux femmes, c’est vrai ou pas, je veux dire pas forcément l’histoire, mais que tu l’as déjà fait ?». Je lui réponds. Elle me pose d’autres questions sur mes histoires, pourquoi ces sujets, telle situation, la part de vrai et de fantasme. Je satisfais, autant que possible, sa curiosité.
Chez moi : elle a mal aux pieds, ils sont sales, il faut qu’elle les lave. Je l’accompagne à la salle de bain. Elle s’assied sur le bord de la baignoire, les pieds à l’intérieur. Elle fait couler l’eau et frotte ses pieds crasseux des trottoirs de Paris et endoloris. Ses longs cheveux tombent sur son visage et le cache. C’est un chouette spectacle. J’ôte mes chaussures, mes chaussettes et entre à mon tour dans la baignoire. Je lui prends le savon des mains. Ses pieds sont petits, fins. Je les frotte, passe mes doigts entre ses orteils, les étire, passe le savon sous la plante, masse le creux de l’astragale. Je lève la tête vers elle. Ses yeux sont fermés, elle semble dormir. Lorsque ses pieds sont propres, j’approche le droit de ma bouche. Mon geste la bascule légèrement en arrière, elle se retient au lavabo proche. Ma langue contourne chacun de ses orteils, s’immisce entre eux, les mordille. Les petits sujets s’agitent successivement entre mes dents, je les lèche. Ses mollets son superbes, galbés.
Bon sang, qu’est ce que je fais ? Je caresse les doux mollets, l’attache fine des chevilles, je lèche les pieds de la fille qui a traîné dans la boue mes talents d’écrivain. Ses orteils semblent se plaire dans le nid chaud et humide que je leur offre à tour de rôle, pas de jaloux. C’est peut-être une version gentiment trash du calumet de la paix. C’est bien, faisons la paix. J’envisage même sérieusement de ne pas m’arrêter-là. Elle le fera peut-être, elle. Pas tout de suite apparemment, si je traduis bien ses ronronnements de chatte.
Au bout de quelques minutes, elle me repousse vers le fond de la baignoire et se met debout dedans. Elle me regarde en souriant, avec sa touche d’intello sexy. Elle dégrafe sa jupe, qui va s’envoler à côté de la baignoire. Les lunettes atterrissent dessus. Elle est en culotte et chemisier devant moi, l’ensemble de couleur blanche. J’ai un peu de mal à détacher mon regard de ses jambes, à 50 cm de mon nez, ses charmants genoux puis ses cuisses fermes, mais la vue d’ensemble est elle aussi captivante. Je suis captivé. Trop. Je n’ai pas le temps de réagir, enfin je mets trop de temps à me demander ce qu’elle bricole, quand elle décroche la pomme de douche, ouvre l’eau et m’arrose copieusement. La garce. C’est froid. Cette fille est givrée. La bataille pour m’approprier la pomme s’engage, je manque me casser la gueule, elle se marre, m’envoie le jet en pleine poire, j’attrape son poignet, putain, elle me mord ! et elle y va franco. Il me faut 30 bonnes secondes pour récupérer l’objet en épargnant raisonnablement la demoiselle. À mon tour je l’asperge, elle me tourne le dos pour se protéger en se poilant de plus belle. Merde, on fout de la flotte partout. On finit allongés, transis de froid, dans le fond de la baignoire, moi sur elle, moi encore tout habillé et elle avec sa tenue légère blanche qui lui colle à la peau. Elle frissonne. Malgré l’inconfort de la position, je règle le mitigeur et nous arrose maintenant d’eau chaude. La sensation est divine maintenant, entre la chaleur de l’eau et la douceur du corps contre le mien. J’embrasse sa nuque, ma langue remonte vers son oreille qu’elle pénètre. "Excuse-moi" me dit-elle "c’est l’eau froide". "Quoi ?". "Je fais pipi". Bon.
Après la douche, la vraie cette fois, elle a faim. Moi aussi. Après la pizza surgelée, je veux faire l’amour. Elle aussi.
J’en ai mal à la mâchoire à promener ma langue sur tout son corps et à la mordiller. Elle n’est semble-il jamais rassasiée. "Reste un peu plus longtemps là". Elle ronronne encore. "Fais-le là". "Comme ça, j’adore». Elle me tourne le dos, s’installe à son aise. Pas besoin de mots alors pour préciser l’endroit qu’elle m’indique. Et là maintenant. Ici, elle est chatouilleuse, rien à faire. Mais là elle veut. Là aussi, et si je mordille ça lui plait encore plus. Son goût remplit ma bouche, son odeur mon nez.
"Tu veux que je te le fasses avec ou sans les lunettes", me dit-elle avec un clin d’œil coquin. Avec. Mes mains se promènent sur son corps pendant ce temps. Sa peau est douce, je retrouve les recoins humides que je visitais plus tôt avec ma langue, je m’attarde sur ses fesses, puis remonte sur son dos en suivant les points de beauté qui le parsèment.
Elle sent que ma résistance à ses limites, et elle ne veut pas aller vers ces limites. Elle veut les tester ailleurs et s’installe en conséquence.
Son charme m’émeut, alors que ces jolis genoux rejoignent ses attendrissantes oreilles. Ses joues sont rouges. Je m’attelle à lui donner d’agréables raisons de tenir dans la durée cet impudique effort. Elle est tout disposée à recevoir mes arguments, qu’elle exige à un moment plus percutants. On se regarde droit dans les yeux.
Lorsqu’elle quitte mon regard, c’est de façon radicale. Elle se retourne. On la dirait féline prête à bondir, alors qu’elle s’avoue proie et m’offre sans équivoque le choix de la manière dont je porterai l’estocade. Je choisis. Elle se livre.
Plus tard, allongé sur son dos poisseux, je promène ma main sur le haut de sa nuque fine, sous ses cheveux. Ma cuisse effleure son entrejambe humide, je l’écoute me dire qu’elle se sent bien là. Elle aimerait dormir ici. Pas d’objection. Elle me demande si je compte écrire sur notre rencontre. «Je ne sais pas». «Si tu le fais, tâche de t’en sortir mieux que les autres fois». Je ne sais toujours pas. Quand on s’endort, je l’étreins.