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Temps de lecture estimé : 40 mn
04/01/05
Résumé:  Trop de choses séparent Anne et Julien
Critères:  fh amour nonéro
Auteur : Bertrand D  (Rêveur solitaire)            Envoi mini-message
Lutte des classes



Dans l’avenue illuminée, une pluie fine et froide poussée par une bise glacée frappe les rares passants. Une mince silhouette féminine avance rapidement. Maître De Saint Just rentre à son domicile de for mauvaise humeur. D’abord ce temps ce début d’hiver n’incite pas à la joie. Son appartement doit être glacé, car depuis le court circuit de la semaine dernière où tout a failli flamber, l’électricité est coupée, et donc la chaudière ne fonctionne plus. L’électricien consulté doit passer ce soir pour apporter le matériel nécessaire à la remise en état de l’installation. Et là dessus, le patron de l’étude où elle travaille, lui a expliqué qu’il ne pouvait pas malheureusement lui signer le contrat qu’il lui avait promis. Le fils de son associé vient de terminer ses études, il prend la place. Ce salaud a attendu le vendredi soir, dernier jour du stage, pour le lui dire. Donc elle n’a plus de salaire, même pas une prime de remerciement, pas de possibilité de payer les travaux.

Pourtant, tout allait bien pour Anne-Sophie jusqu’à maintenant. Issu de bonne famille, relativement aisée, fille de colonel, elle a pu, avec son frère aîné, suivre des études sans problèmes. Réussite au bac sans difficulté, mais sans mention, fac de droit, licence. À vingt six ans, elle a hérité de l’appartement de sa grand tante, vieille fille, qui était aussi sa marraine. Elle a prêté serment d’avocat. Tout allait pour le mieux.

Pourtant elle ne partageait pas les idées de sa famille. Son frère, sorti sous-lieutenant de Saint Cyr, droit dans ses bottes, entame une carrière militaire comme son père. Mais Anne Sophie, elle, n’est pas aux ordres. Et c’est sa liaison affichée avec un copain de fac, Patrick, qui a provoqué le clash.

Heureusement, qu’il y a Patrick. Elle se considérait comme laide, grande, maigre comme un clou, un visage ordinaire, sans relief, avec des seins de gamine, un petit cul de lapin. Sans réelles relations avec les garçons. Et un jour le miracle s’est produit. D’abord, simple voisin de cours, un soir, après une réunion entre copains, il l’a raccompagnée, est monté chez elle. Ils avaient bu tous les deux et pour la première fois un garçon l’a touchée, déshabillée, caressée et dépucelée. Elle désirait franchir le pas depuis longtemps, mais aucun homme ne s’était jamais intéressé à elle. Moment un peu douloureux, mais par la suite, on s’y fait.

Boursier, Patrick habitait avec un copain dans un studio. Elle lui a offert l’hospitalité. Et depuis trois ans ils vivent ensemble. Elle se rend bien compte qu’en réalité il profite d’elle. Pour la baiser certes, mais aussi pour le logement, la nourriture. Car il est sans travail, et il est probable qu’il rencontre d’autres filles quand elle n’est pas là. Leur relation ne peut durer longtemps ainsi, c’est sûr. Ils ne se parlent presque plus, il sort sans elle, ni même la prévenir.

Elle habite dans le centre ville, un bel immeuble du dix neuvième siècle. Pas de loyer, mais la tante n’avait pas les moyens d’assurer l’entretien de l’appartement et l’héritage s’est révélé un gouffre sans fond. L’électricité a grillé manquant de provoquer un incendie. Il faudrait aussi changer toutes les fenêtres qui laissent passer les courants d’air, reprendre toutes les peintures, bref tout refaire.

Arrivée au bas de chez elle, Anne Sophie s’abrite du mieux possible pour taper sur le clavier du digicode. Elle monte rapidement au deuxième étage. Sur le palier Patrick tire la porte. À ses pieds, deux grands sacs marins.



Et sans même l’embrasser, il descend rapidement l’escalier.

Elle le regarde partir, écœurée, mais au fond d’elle-même soulagée, elle savait que cela se terminerait ainsi. Mais que cela arrive aujourd’hui !

Elle entre, allume la lampe de chantier que lui a branché l’électricien. Au fait, il ne va pas tarder à arriver. Comment lui dire qu’elle ne peut pas faire les travaux. D’autant qu’il vient apporter le matériel. Elle s’affaisse sur une chaise dans le vestibule, sans bouger.

Les coups frappés à sa porte la tire de sa torpeur. Elle ouvre, il est là.



Puis se tournant vers son ouvrier :



Anne le regarde et lui avoue :



L’ouvrier, les bras chargés entre dans l’appartement, demande où est-ce qu’il peut déposer ses colis. Elle lui indique la cuisine, d’un air désespéré. Il pose son chargement, son écharpe se prend entre deux cartons et tombe. Pressé d’en finir, il repart chercher le reste des paquets.

Anne-Sophie, effondrée, sort son carnet de chèque et règle l’artisan. Ce dernier, rassuré, attend son ouvrier. Puis rapidement tous deux quittent l’appartement.


Dans la camionnette, le patron estime qu’il ne s’en est pas trop mal tiré : il s’est fait payer, aura sa commission auprès du fournisseur. Et comme ce n’est pas le travail qui manque, lundi il pourra aller attaquer un nouveau chantier.



Extrayant sa grande carcasse de la voiture, il remonte le col de sa veste de cuir, ressentant bien l’absence de son cache-col. Arrivé devant l’immeuble, il se demande comment entrer. Abrité de l’autre côté de la rue, sous l’auvent d’un café, il surveille la porte. Un couple s’approche de l’immeuble, frappe sur le digicode. Julien traverse en vitesse et s’engouffre derrière eux, grimpe rapidement jusqu’au deuxième étage. La minuterie s’éteint comme il arrive sur le palier. Pas de sonnette, il frappe à la porte. Pas de réponse. Il insiste longuement : rien. Pourvu qu’elle ne soit pas partie. Il tente de tourner la poignée, elle cède, la serrure n’est pas verrouillée, il entre.

Immédiatement une odeur de gaz le surprend. Une fuite, ne pas toucher la lampe de chantier. Il bondit à la première fenêtre, l’ouvre, et ainsi que dans toutes les pièces. Traversant la cuisine, il voit l’avocate appuyée contre la cuisinière à gaz avec tous les robinets ouverts. Merde, elle se suicide ! Il l’attrape comme un colis de linge et la met sur le rebord de la fenêtre ouverte, la tête à l’extérieur. Puis coupe le gaz.

Il sonne aux deux logements du palier leur demande d’appeler les pompiers.


« Moi qui voulait rentrer bonne heure chez moi, j’ai gagné, pense Julien. »

Les secours sont arrivés et ont rapidement emmené la victime. L’interne l’a rassuré, elle n’a pas eu le temps de beaucoup inhaler, il est intervenu à temps.

Par contre la police les suivait de près. Il a fallu qu’il explique la raison de sa présence. Maintenant il attend qu’on prenne son témoignage. Les flics, Julien ne les fréquente pas trop. S’il a eu déjà affaire à eux, ce n’est pas pour des délits. Mais des histoires quand il était à la DDAS.

Ses origines l’ont complexé. Grand, costaud, il serait plutôt beau garçon. Mais sa timidité lui fait courber la taille, et puis il a des difficultés à s’exprimer en groupe, il n’ose pas, il se rend compte que son vocabulaire est limité et surtout qu’il utilise beaucoup de mots d’argot.

Enfin ils l’ont libéré. Ce soir il avait prévu de travailler à son mémoire pour le BTS. Il prépare ce diplôme par la filière professionnelle, ayant plus de cinq ans de métier. Depuis six ans qu’il est dans la boite, il est apprécié de tous. Il habite deux petites pièces dans un vieil immeuble au centre ville dans un quartier qui va être rénové. Il amène quelquefois des filles après le bal, mais jamais aucune ne l’a vraiment emballé. Son seul dada, c’est sa bécane, son ordinateur. Il l’a acheté d’occasion à une entreprise. C’est un modèle ancien, mais il le modifie sans arrêt, changeant de processeur, de disque dur, c’est un plaisir pour lui. Et puis il lui est bien utile pour ses cours. L’ennui, c’est quand il lui faut frapper du texte, il n’est pas très rapide, avec deux doigts. Et surtout, il a des difficultés à rédiger en français, c’est d’ailleurs le principal reproche de ses professeurs.

Ce soir, il est sur l’ordinateur, mais ce n’est pas pour bûcher. Il préfère jouer pour se détendre. Pas de gros scores, il n’est pas en forme et il a la tête ailleurs. Il réfléchit à cette histoire. Cette fille qui a un bon métier, un appart’, du pognon et qui se suicide, il comprend pas. Couché, il tarde à s’endormir et pense à elle. Avec les tuyaux qu’ils ont du lui mettre, elle doit pas être à la fête…


Julien se réveille avec la gueule de bois. Pourtant il n’a pas bu hier, il ne boit jamais ! Puis lui revient l’histoire de la fille. Elle n’est sûrement pas morte. Il ne va pas pourtant aller chez le flics le demander ! Il est intrigué et va essayer à l’hôpital, on le renseignera peut-être. Il prend sa vieille R5 pour s’y rendre.

Aux urgences il a expliqué son affaire. Quand la secrétaire a su que c’était lui le sauveteur, elle a cherché volontiers. Peut-être aussi parce que c’est un beau garçon. Elle l’a rassuré, lui a donné le numéro de la chambre.

Un peu perdu dans tous ses couloirs, il se renseigne et arrive enfin au but. Il frappe, n’obtenant pas de réponse, il entre. La fille est dans le lit, toute pâle.



Une heure après, Anne, vêtue d’un tailleur, signe une décharge au bureau, le docteur ne voulait pas la laisser sortir. Mais il n’a pas envie de se battre contre une avocate. Et puis, après tout, elle a signé une décharge.

Julien a un peu honte de l’amener jusqu’à sa bagnole, un peu cabossée, la peinture fanée. Pourtant Anne ne remarque pas la voiture mais plutôt la prévenance du conducteur qui lui ouvre la porte. Cela l’étonne d’un ouvrier.

Il conduit sans échanger une parole. Il trouve une place pas très loin de l’appartement. Pas très sûre, Anne est obligée de lui prendre le bras. Ils forment un drôle de couple : lui grand fort un peu voûté, vêtu d’un survêtement, elle, très droite mince dans un tailleur chic. S’il est gêné, sa compagne ne l’ait pas.

Le peu de parcours qu’ils ont à faire a épuisé Anne. Se cramponnant d’un côté à la rampe de l’autre au bras de son compagnon, elle monte difficilement. Brutalement elle s’écroule. Julien la prend dans ses bras, ce petit corps ne lui pèse pas beaucoup. Il ouvre la porte, puis la conduit dans sa chambre, l’allonge sur le lit.

L’appartement est glacial. Il la couvre du mieux possible, mais se rend compte qu’elle ne peut rester ainsi. Elle grelotte et regrette déjà d’avoir quitté l’hôpital.



Et cinq minutes plus tard, elle entend démarrer la chaudière. Elle se recroqueville dans sa couche et pense qu’elle a de la chance d’avoir trouvé ce type serviable.


C’est l’odeur de café qui la tire de son sommeil. Julien est là à côté d’elle et lui présente une tasse.



Julien se sent offensé, ces gens de la haute ne pensent qu’au pognon !



Décidément, pas moyen de discuter, elle ne comprend rien.



Anne se retourne dans le lit et ferme les yeux.


Une odeur sympathique vient la tirer de sa torpeur. Elle se lève et se dirige vers la cuisine. Le couvert est mis, une boite de pâté ouverte, une omelette, des crêpes. Elle qui n’a jamais été capable de cuisiner le moindre plat, elle est stupéfaite.



Elle a un peu mangé, lui a tout raclé. Ils prennent un autre café en silence, aucun n’osant prendre la parole. Anne est perdue, jamais elle n’a eu l’occasion de rencontrer en tête à tête un simple ouvrier, c’est un autre monde ! De son coté, Julien pour la première fois se trouve face à quelqu’un de la haute. Il voudrait la dépanner, mais n’ose lui proposer. Pourtant, il se décide :



Et il part chez lui. Il est à la fois heureux d’avoir pour une fois un peu de compagnie et de rendre service, mais il n’est pas à l’aise. Et il songe à son mémoire qui n’avance pas. Tant pis, il s’y mettra ce soir et demain.


Connaissant le code de la porte d’entrée, il monte, entre sans frapper. Pas de bruit. Par la porte de la chambre entrouverte, il la voit endormie sur son lit. Il ne la dérange pas et se met au travail.


Anne se réveille dans le noir. Elle cherche à éclairer sa lampe de chevet, puis se souvient de la panne. Pas de bruit, l’ouvrier n’est pas revenu. Il n’a peut être pas pu entrer, ou il l’a trouvée endormie et est reparti sans bruit. Ou bien il l’a tout simplement laissée tomber, elle ne l’intéresse pas.

S’éclairant de sa lampe de poche, elle se dirige vers l’entrée. Un rais de lumière filtre sous le battant. Le bruit de la porte qui s’ouvre avertit Julien de l’arrivée d’Anne. Il est en train de raccorder des fils au tableau de disjoncteurs.



Et une heure plus tard, une installation volante est mise en place.



Ils ont discuté longtemps. Il la voit tellement perdue qu’il a pitié d’elle. D’un autre coté, si elle pouvait l’aider, ça l’arrangerait bien.

Tout en parlant ils ont ouvert une boite de pâté et fini le pain. Il lui a promis de venir le lendemain matin de bonne heure avec ses dossiers. Elle verra si elle peut l’aider.


À huit heures, il frappe timidement à la porte. Celle-ci s’ouvre immédiatement, à croire qu’elle l’attendait la main sur la poignée. Il a amené sa serviette, mais aussi des croissants et un carton de lait.

Il fait un peu moins gris, et même quelques rayons de soleil entrent dans la cuisine pendant qu’ils déjeunent. Elle a mis un pull très simple pour ne pas le choquer et une jupe assez courte. Julien a pris son bleu propre. Pour la première fois elle peut examiner un homme « du peuple » comme dirait son père. En dehors des vêtements, rien ne le différencie de ses copains. Ah si quand même, sa carrure, son air emprunté, ses grandes mains, ses gestes un peu brusques. Mais son visage est agréable, surtout quand il sourit, ce qui est rare.

Après tout, une avocate, c’est une fille comme les autres se dit Julien. Dans sa maison, elle s’habille comme les autres femmes. Elle n’est pas terrible, assez pâle, maigrichonne. Ses nichons ne risquent pas de tomber et elle n’a pas un gros cul. Elle serait pourtant baisable. Mais ce n’est pas pour moi.

Elle l’a amenée dans son bureau, lui demandant de montrer ce qu’il a à taper. Timidement, il lui tend les quelques feuilles qu’il a rédigées. C’est une écriture régulière bien formée et déjà Anne y devine un caractère solide. Elle lit lentement, sans un mot. Julien est tendu, regrettant déjà de lui avoir montré son travail.

Quand elle a terminé, elle lui dit de s’asseoir.



Julien est occupé par son travail. Il opère rapidement, comme s’il était à la tâche. Il n’ose pas aller dans le bureau, inquiet de ce que pense cette intellectuelle.

Elle a relu le texte, le temps que son ordinateur soit branché. Puis a commencé à frapper. À dix heures, sans bruit elle est sortie pour faire quelques courses. Elle est revenue sans que Julien ne se soit rendu compte de son absence.

Peu avant midi, il frappe timidement à la porte du bureau. Elle est devant l’ordinateur en train de se relire.



Elle est stupéfaite. Toutes les prises sont montées, comme elle l’avait décidé avec le patron de Julien. Et pas de désordre ni de traces des travaux. Il a quand même du savoir vivre.



Julien ne reconnaît rien de sa prose. Elle n’a rien ajouté, rien retranché, mais tout saisi. Et pourtant ce n’est plus le même texte. Mais maintenant c’est clair, on comprend de suite. Elle a même mis des mots qu’il ne connaît pas trop. Il relit deux fois, se demandant s’il ne rêve pas. Même en travaillant toute la semaine, il ne serait jamais arrivé à faire ça. Il n’y a pas à dire, dans leur monde, on connaît beaucoup de choses !

Il revient timidement à la cuisine. Anne ne l’a pas entendu. Elle branche tous les appareils ménagers qu’elle possède. On croirait une petite fille devant un jouet, un ménage.



Et se haussant sur la pointe des pieds, elle l’embrasse sur la joue. Pour elle c’est une réaction normale, logique pour remercier un copain qui vous a rendu service. Elle réalise soudain que cela ne se fait peut-être pas dans son monde à lui, elle a du le surprendre.

Julien est foudroyé. Une fille comme elle qui vient de l’embrasser pour ce qu’il a fait! Il n’osera jamais le dire aux copains, ils ne voudraient pas le croire !

Elle le regarde, lui sourit. Il comprend que c’est sa manière de remercier. Il lui sourit aussi. Tous deux éclatent de rire.


Au cours du repas, ils ont longuement parlé. Il lui a dit qu’il pourrait lui monter son installation à temps perdus, mais ce serait assez long. Elle a d’abord refusé, puis lui a proposé un échange. Quand il aura rédigé quelques pages, il les lui apportera et pendant qu’elle les frappera, il travaillera. Ils sont allés dans le bureau. Elle a repris son texte, lui expliqué, comme un professeur, les raisons de toutes les modifications qu’elle a apporté. Soigneusement il a écouté, pris des notes, inscrit les mots qu’il ne connaissait pas.


La nuit est tombée, mais il fait clair dans la cuisine qui est terminée. Julien a placé une prise provisoire dans la chambre, une autre dans le bureau. Ainsi, elle pourra vivre normalement. Il a pris son numéro de téléphone. Et il est parti, lui serrant seulement la main, ayant espéré un baiser qui n’est pas venu. Elle l’aurait fait avec un copain, mais n’a pas osé avec lui.

À peine séparés, chacun de son côté s’est mis à chantonner, heureux de la journée qu’il venait de passer. Attendant surtout la prochaine rencontre.


Trois semaines ont passé. Ils se sont retrouvés quelques soirs et surtout chaque week-end, travaillant chacun l’un pour l’autre. Pourtant leurs relations n’ont pas évoluées. Simplement ils s’appellent par leur prénom, mais se vouvoient toujours. À chaque séparation elle voudrait l’embrasser, ce qu’il espère, mais elle n’ose pas.

Ce samedi, il sonne à la porte en bas, bien qu’il connaisse le code. Elle l’attendait derrière la porte qu’elle ouvre dès qu’il apparaît sur le palier.



Il est surpris par cet accueil enthousiaste.



Tout à coup elle réalise qu’elle l’a tutoyé, un simple ouvrier ! Que va-t-il penser !

Julien a lui aussi entendu le tutoiement. Il la voit gênée. Alors il se lance aussi.



Ils se regardent puis éclatent de rire ensemble.



Elle se hausse sur la pointe des pieds pour l’embrasser. Il la saisit comme une plume et la monte à sa hauteur. Dans le mouvement les lèvres dérapent et se retrouvent. Pourtant aucun des deux n’ose franchir la barrière des dents, et c’est un baiser amical.

Quand il la repose, tout est changé. Ils se sentent proches, solitaires et solidaires malgré leurs différences, ils se retrouvent moins seuls. Tout devrait les séparer, mais ils se sentent proches.


Julien a monté les dernières prises qui manquaient, installé le lustre dans la salle de séjour, le radiateur d’appoint dans la salle de bain. Elle a tiré les dernières pages du mémoire, rassemblé le tout dans une chemise.

Les travaux d’électricité sont terminés. Le mémoire est frappé. Plus aucun motif ni occasion de se rencontrer. Leur rencontre totalement inattendue, improbable, se termine aujourd’hui. Il s’est rendu compte qu’il aimait être avec elle, parler, que ce serait une compagne idéale. Mais pas d’illusion à se faire, il n’est rien pour elle.

Anne a été embauchée dans un cabinet et cette fois-ci elle a de bonnes chances d’y rester. Elle a tous les éléments pour être heureuse.

Vers seize heures ils n’ont plus rien à faire. Il va la quitter, probablement définitivement.



Elle l’embrasse sur la joue et le pousse dehors.


Cette invitation le gêne, il ne sait comment s’habiller ni comment se conduire en public avec elle. Et puis, il n’a pas l’habitude du restau, surtout qu’elle va l’amener dans une boite chic. Mais d’un autre coté, c’est un moyen de prolonger leur contact, de la quitter agréablement.

Il a mis son plus beau pantalon, un polo assez discret et son blouson de cuir. C’est tout ce qu’il a de mieux. Pourvu qu’elle ne se sape pas, sinon, la honte ! Elle l’attend derrière la porte, dans une tenue chic mais discrète : chemisier uni, une jupe sous les genoux et un genre de caban qui doit valoir tout de même assez cher.

Elle l’a amené dans un petit établissement tout proche, bien, mais pas huppé. Il est un peu rassuré. Le patron qui doit la connaître, leur a réservé une table dans un coin discret. Julien laisse à Anne le choix du menu car il lui avoue ne rien connaître de ces appellations compliquées, de toute manière il aime tout.

La présentation des plats le surprend, mais leur goût lui plaît bien. Elle a commandé une bonne bouteille de bordeaux, malgré ses protestations, il lui a pourtant dit qu’il ne buvait que de l’eau. Mais ce sera pour moi lui dit-elle, un jour comme aujourd’hui, ça s’arrose.

La salle se remplit d’une clientèle discrète. Pas mal de couples un peu âgés. Ce sont des connaisseurs, amateurs de bonne chère à prix relativement modique.

Durant le repas, elle lui demande quelques précisions sur sa vie, comment se fait-il qu’un homme comme lui n’ai pas poursuivi des études car elle a reconnu ses capacités. Alors, il se raconte, probablement qu’il ne la reverra jamais alors autant lui dire la vérité.



Il aimerait bien lui aussi connaître son histoire, mais il n’ose le lui demander.

Le niveau de la bouteille a commencé à baisser, Anne s’est versé un troisième verre.



Parler donne soif, Anne vide à nouveau son verre.



Elle vide son verre et se met à pleurer. Julien est gêné, les clients vont croire que c’est à cause de moi. Il appelle le patron, règle la note et la fait sortir malgré ses protestations.

Il est obligé de la soutenir, la porter presque. Elle continue à pleurer.



Arrivé dans l’appartement, il la conduit dans la chambre et l’allonge dans le lit. Elle s’accroche à son cou, ne veut pas le lâcher.



Julien est à la fois bouleversé et tenté par cette femme qui s’accroche à lui. Mais ce n’est pas à lui qu’elle pense, il n’est rien pour elle. Il se libère. Elle se dresse, arrache ses vêtements et supplie :



Julien s’approche pour la coucher, elle s’accroche, cherche à le déshabiller en le suppliant. Ne voulant pas la laisser seule, mais aussi tenté par ce corps nu, il se déshabille et s’allonge à côté d’elle. Il caresse le visage, les lèvres. Elle desserre les dents, en attente. Il ose l’embrasser, fouille de sa langue sans qu’elle réponde. Face à cette passivité, il descend vers les petits mamelons et en excite la pointe longuement. Elle reste inerte. Sans se lasser, il poursuit son travail, mordille les pointes, les tire. Gémissements, de douleur sans doute. Il s’arrête. Elle appuie la tête contre le sein. Il reprend sa torture. La plainte a changé de ton. Sa main attaque l’autre bourgeon, le pinçant, et ce nouveau supplice augmente l’intensité du soupir. Laissant ses mains opérer sur la poitrine, sa bouche descend vers le buisson. Les cuisses restent serrées. Pourtant des tressaillements accompagnent la plainte. Le menton, rugueux de barbe, frotte le haut de la fente. Les cuisses s’écartent un peu. Julien en profite pour attaquer de la langue, rechercher un bourgeon qu’il ne trouve pas. Longue traque dans tous les recoins et finalement la perle rare est dénichée. Elle roule sous l’action de la langue. Le gémissement s’amplifie devient un son continu. Longtemps il fouille toute la fourche, revenant souvent vers ce bouton qu’il vient de découvrir. Et quelques traces d’humidité apparaissent. La tête d’Anne ballote d’un côté à l’autre, ses mains appuient sur sa tête afin qu’il poursuive. Les jambes sont largement écartées.

Julien remonte le long du corps et vient à nouveau proposer le baiser. Son sexe vient s’appuyer sur la fourche et continuer le frottement amorcé avec la bouche. Bientôt la langue de sa partenaire vient à la rencontre de la sienne.

Il prend le corps entre ses bras et bascule. Elle se retrouve au-dessus de lui, ce sexe toujours contre sa fente. Maintenant c’est elle qui s’agite pour prolonger le plaisir du frottement. Elle arrête son mouvement, prend en main le pal, le met en place et se laisse descendre lentement, bientôt pubis contre pubis. Un instant immobile, elle entreprend de remonter, descendre son bassin, se baisant elle-même. Et bientôt ce sont des mouvements désordonnés, puis la tétanisation dans un grand cri. Elle reste empalée.

Ses mains prennent la tête de Julien, elle l’embrasse, violant sa bouche.



Julien l’a laissée prendre son plaisir, se retenant difficilement. Maintenant elle reprend le mouvement.



Cela dure longtemps, mettant Julien au supplice. Il songe que ce n’est pas lui qui la baise, mais son copain. Pour elle il ne compte pas. Cette pensée ralentit ses ardeurs, il arrive à retenir son plaisir.



Julien laisse son plaisir exploser dans ce con si serré.


Elle a basculé sur le coté, enivrée de vin et de bonheur. Il se lève doucement, la couvre, se rhabille et part doucement. Pleins de sentiments contradictoires se bousculent dans sa tête. Il est follement heureux de l’avoir baisée, mais surtout d’avoir fait découvrir le plaisir à Anne. Mais aussi terriblement vexé d’avoir été pris pour un autre qui en retirera tout le bénéfice mais aussi coupable de l’avoir trompé, violé même.


Anne s’est réveillée avec une terrible gueule de bois. Un marteau piqueur frappe dans sa tête. Mais cette nuit elle a fait un rêve merveilleux, elle JOUISSAIT. Mais ce n’était qu’un rêve…

Elle se lève pour prendre une aspirine. Mais elle est toute nue ! Elle qui ne s’est jamais entièrement déshabillée pour faire l’amour ou dormir, seule ou avec Patrick. Et qu’est-ce qui coule sur ses cuisses ? Mais c’est du sperme, on l’a baisée. Merveilleux Patrick ! Mais il n’est pas revenu !

Assise sur le bord du lit, elle reprend ses esprits, se remémore la soirée d’hier. C’est Julien qu’elle a invité à manger. Et elle a beaucoup bu. Mais qui a payé la note, qui l’a ramenée, couchée, baisée… C’est lui ! Le salaud, il a profité d’elle, son père l’avait pourtant prévenue, se méfier de ces gens de rien, le salaud ! Mais quand même il baise bien.



Ce soir on fête le succès au BTS de Julien. C’est grâce à son patron Paul qu’il est arrivé à ce résultat. Il y a autour de la table, Annie l’épouse et aussi comptable, leurs deux enfants : Rémy, quatorze ans et Estelle, douze ans.

Les adultes se sont retrouvés dans le salon pour prendre le café. Mais aussi pour discuter travail, avenir. Paul est fatigué depuis quelques temps et languit de partir dans sa maison de campagne pour se reposer. Annie lui demande d’aller consulter un médecin, mais pas le temps, trop de boulot. Et surtout il y a le cas Julien, le couple n’a pas encore osé lui demander ses projets.



Annie se lève et vient l’embrasser. Il n’a pas l’habitude d’une telle intimité. Il l’a prise dans ses bras pour répondre. Le contact du corps de cette femme, l’émeut. D’autant que malgré ses quarante ans, elle est encore très appétissante. Certes ses deux maternités ont un peu épaissi sa taille, ses seins et son cul sont un peu volumineux, mais… Non, pas de mauvaises idées.



Julien est en congé depuis vendredi. Puisqu’il ne part pas, Paul lui a demandé de loger chez eux. Il était inquiet pour la villa et l’atelier situé au-dessous : il y a tellement de cambriolages.

C’est tout avantage pour lui : Annie a garni le congélateur, de quoi tenir un mois. La piscine est à sa disposition. Il loge dans le bureau, ainsi il va pouvoir passer ses journées à dompter sa nouvelle bécane.



Depuis la reprise, Paul reste au bureau, c’est Julien qui va sur les chantiers, dirige les ouvriers. Il jongle avec le nouveau programme informatique et établit tous les projets beaucoup plus rapidement qu’avant.

Paul reste à l’atelier, va voir les clients. Julien l’accompagne de plus en plus souvent dans ses visites. Ce dernier travaille beaucoup avec Annie, depuis toujours c’est elle qui s’occupe de l’administratif. Il est devenu en fait le contremaître, le second.

C’est le désir de Paul, mais surtout la volonté d’Annie. Elle s’inquiète. Son mari n’a pas récupéré pendant le mois d’été, il est revenu encore fatigué. Et pas moyen de lui faire consulter un médecin !

C’est par un coup de fil sur son portable qu’Annie prévient Julien. Paul vient de s’écrouler dans l’atelier. Elle a appelé le SAMU qui l’a amené à l’hôpital.

Le temps semble figé. Annie et Julien, cote à cote dans la salle d’attente surveillent la porte. Depuis deux heures ils attendent l’interne qui doit les renseigner sur la cause du malaise. Il apparaît enfin, la mine impassible. D’un signe de main il les invite à le suivre.



Tous deux sont rentrés, sans échanger un mot. Ils sont inquiets pour la santé de Paul. Mais aussi pour le fonctionnement de l’entreprise. Julien la raccompagné chez elle. Les enfants bouleversés attendaient leur mère. Elle essaie de leur faire bonne mine, mais ne les trompe pas.

Julien est venu en avance au boulot. Annie, la mine fatiguée l’attendait.



Les ouvriers arrivent eux aussi en avance, soucieux pour leur patron, mais surtout pour l’avenir de la boite. Annie les rassure, tout continue comme avant, Julien dirigera momentanément le travail. Tous approuvent cette décision, depuis quelques temps c’est lui qui mène tout.

Ce n’est qu’à deux heures, à la reprise du travail qu’enfin Annie peut leur donner des nouvelles. Son mari est hospitalisé pour une semaine au moins. Il confirme la décision de son épouse. Puis elle prend Julien à part dans le bureau.



Il ne sait plus s’il l’a lu, ou si c’est une émission de télé, mais il a entendu qu’un manque de plaquette signifiait souvent une leucémie. Et ce sont bien les symptômes dont souffrait Paul qui étaient décrits. Il n’a pas voulu le dire à Annie, elle l’apprendra bien assez tôt !

Ensemble, ils vont à l’hôpital. Le professeur n’a pas donné son diagnostic. Paul confirme de vive voix à Julien ce qu’il avait dit à son épouse au sujet de l’entreprise. Pour laisser un moment d’intimité au couple, il sort dans le couloir, cherche l’interne et lui dit qu’il a compris la nature du mal. Et il obtient confirmation. Mais le professeur veut le dire avec précautions à son épouse.


Paul alterne les séjours à l’hôpital pour les chimiothérapies et le repos à la maison. La nature de sa maladie a vite été connue. Mais l’entreprise tourne car Julien y met tout son cœur. Les clients, d’abord inquiets, ont vite repris confiance. La patronne s’investit encore plus professionnellement, mais surtout pour les siens. Elle est épuisée, et se repose de plus en plus sur son adjoint.


Noël est triste, la famille est réunie, Julien est naturellement présent. Paul doit aller se reposer au milieu du repas.


Les beaux jours sont arrivés. Les chantiers de construction ont repris leur rythme et Julien va d’un lieu à l’autre, démarche les clients, prépare les futurs travaux. Paul passe plusieurs heures par jour au bureau, quand il n’est pas en traitement à l’hôpital ou fatigué par sa maladie. Il aide, conseille Annie, se tient au courant de la vie de l’entreprise. Mais il se rend bien compte que la boite tourne sans lui. Cela l’inquiète et le rassure à la fois. Se sentir inutile, incapable le démoralise. Mais par ailleurs, il est soulagé de savoir que s’il venait à disparaître, sa boite continuerait, sa famille serait à l’abri du besoin.

Un soir ils en ont discuté avec son épouse. La situation de Julien est ambiguë : il a un salaire relativement important, beaucoup de responsabilités, mais aucun titre officiel. Il faudrait le prendre comme associé. Il ne peut pas apporter de capital, l’affaire est délicate. Ils décident de s’adresser à une société juridique pour régler ce problème. Toutefois ils n’en parleront pas à l’intéressé car ils ne sont pas sûrs de parvenir à leurs fins.

Annie est heureuse de l’initiative de son mari. Elle se sent gênée de voir la somme de travail fournie par Julien sans qu’il en soit véritablement récompensé. Ils passent de longs moments ensemble sur les dossiers et ainsi ils sont devenus intimes. Souvent elle se confie à lui pour des problèmes personnels. Surtout sur ses rapports avec Paul. Elle lui demande conseil malgré sa jeunesse, il a douze ans de moins qu’elle. Elle le verrait bien patron en cas de malheur. Et même l’idée l’effleure qu’il pourrait remplacer son mari dans tous les domaines. Depuis plusieurs mois, ce dernier a exigé qu’ils fassent chambre à part, pour ne pas la déranger lui a-t-il dit, en réalité parce qu’ils n’ont plus aucun rapport sexuel. Il y a plus d’un an qu’ils n’ont pas fait l’amour. Il est en symbiose avec son épouse, mais son corps est inerte.

Et cela manque à Annie qui ressent des besoins, qui se sent vieillir. Pourtant elle ne veut pas être infidèle. Et ça lui est difficile quand elle voit son contremaître en pleine santé. Elle aimerait qu’il prenne l’initiative, elle ne lui résisterait que pour la forme, cèderait rapidement. Mais il est trop sage.

Depuis son aventure avec Anne, Julien n’a plus eu de liaison. Cela lui manque, mais il est débordé de travail et ne trouve plus le temps de sortir. Et il n’est jamais allé « aux putes » comme on disait à l’assistance. Surtout qu’il a sous les yeux tous les jours une femme belle, qui lui fait envie. Mais c’est impossible, ce serait une trahison après tout ce qu’ils ont fait pour lui.

Un soir, Annie est monté à l’étage s’occuper des enfants. Julien s’est retrouvé avec Paul pour parler travail. Mais tout est vite réglé, le patron ne dirige plus rien, il suit les affaires, mais ne décide plus. Il s’est épanché sur sa vie, a parlé du jour où il disparaîtrait. Julien a voulu protester. Paul lui a mis la main sur le bras :



Le bruit des pas d’Annie dans l’escalier a interrompu leur conversation. Julien les a quitté, pressé de rentrer après cette discussion. Il a compris le sens de la demande de Paul. Mais il ne peut pas malgré son désir.


La sonnerie du téléphone tire Julien de son sommeil. C’est Annie affolée, elle vient d’appeler le SAMU, Paul étouffe, elle est perdue.

Julien arrive au moment où l’on embarque le malade. Il va aller à l’hôpital, Annie reste avec les enfants.

Dans la salle d’examen, Paul prend la main de Julien, lui fait signe de se pencher.



C’est complètement bouleversé qu’il obéit. Elle attendait des nouvelles. Elle a ouvert la porte, est tombée en pleurs dans ses bras. Le peignoir est entrouvert et il sent contre lui ce corps qu’il désire. Il a en plus la consigne d’en user, de le satisfaire. Et ses sens réagissent, son sexe est tendu dans son pantalon, elle ne peut l’ignorer.

Ils montent l’escalier. Son bras autour de la taille, il la soutient. Elle l’entraîne dans sa chambre, quitte son peignoir et s’allonge. De la main elle le fait asseoir à côté d’elle, puis lui prend la tête et l’embrasse. Il ne résiste pas longtemps et leurs langues s’enlacent.



Ils se sont mis nus, et se sont aimés calmement, tranquillement, comme des amants qui se connaissent bien. Il l’a longuement caressée, sur les seins, la fourche, jusqu’elle geigne de plaisir. Puis il l’a prise lentement, et l’a amenée à un autre orgasme et a pris son plaisir seulement à ce moment là.

Couchés cote à cote, ils étaient bien. Ils sont heureux, cette détente sexuelle leur était nécessaire. Ils savent qu’il n’y a aucun sentiment amoureux entre eux. Ils se sont séparés et Julien est allé dans la chambre d’ami.

C’est Rémy, surpris de ne pas trouver son père dans son lit qui a trouvé Julien. Ce dernier lui a raconté les évènements de la nuit, omettant la fin.



Les ouvriers ont été étonnés de voir Julien descendre de chez Paul. Il leur en a dit la raison. Ils sont inquiets pour la santé de Paul, mais ne craignent pas pour leur emploi. Ils reconnaissent Julien, comme leur véritable patron, capable de faire tourner la boîte.


Paul est rentré encore plus affaibli et pourtant soulagé. Quand il l’a interrogée à l’hôpital, Annie lui a dit la vérité. Et il en a été heureux.


Personne ne se doute de cette liaison, ni le personnel, ni les enfants. Ils s’aiment de temps en temps, mais en prenant soin d’être discrets. Seul Paul le sait, d’abord à la mine apaisée de son épouse, puis simplement parce qu’elle lui dit. Et c’est lui qui la remercie.


Julien a été envoyé sur un chantier éloigné pour une recherche assez délicate. La représentante du bureau d’études juridique est venue faire son rapport, Paul ne pouvant se déplacer. Elle a confirmé la possibilité de prendre un associé dans des conditions très précises, a apporté le dossier afin qu’ils en prennent connaissance et apportent leurs remarques. Mais il faudra la signature de l’intéressé. Le couple indique qu’ils l’informeront le moment venu.


Un vendredi soir, Paul a demandé à Julien de passer le lendemain matin, afin de régler un problème important. Bien qu’il soit théoriquement de repos, il accepte volontiers.


Le bureau a été dégagé, tous les dossiers classés. Cela surprend Julien, s’attendant à étudier un devis difficile.



La porte s’ouvre et laisse passer… Anne ! Julien est stupéfait, mais elle reste impassible. Elle ne paraît pas surprise de le trouver là.



Et elle entreprend la lecture. Julien abasourdi apprend qu’il va devenir l’associé du couple, comme propriétaire minoritaire de l’entreprise. Les décisions ne lui appartiendront pas, mais il aura une part des bénéfices. Il ressent combien ils l’estiment, le prendre totalement avec eux !

Ils ont signé les documents, puis bu le champagne pour fêter cet événement. Anne, très professionnelle a félicité le nouvel associé. À aucun moment elle n’a laissé percer le moindre sentiment. Julien comprend que ses amis ignorent leurs relations, Paul n’a probablement même pas reconnu la désespérée qui n’a pu lui faire effectuer les travaux.

Au moment du départ, Anne a indiqué :



Après son départ, il est resté sans voix. La rencontre imprévue lui a rappelé combien il tenait à Anne ; il en a presque oublié le cadeau que venaient de lui faire ses amis. Ceux-ci ont interprété son silence comme le remerciement d’un timide. Il les a embrassé longuement, surtout Annie.


Toute la semaine Julien a pensé au rendez-vous du vendredi au bureau d’études. Ce ne sera peut-être pas elle qui lui remettra les documents. Mais même si c’est elle, que lui dira-t-il ? Pour elle il n’a été qu’une aventure qu’elle veut probablement oublier. Enfin, elle n’a pas eu l’air de trop lui en vouloir de l’avoir aimé.


C’est avec une grande anxiété qu’il s’est présenté au bureau. Une secrétaire l’a reçu, a téléphoné, lui a demandé d’attendre une minute. Quelques instants plus tard, Anne est venu le chercher pour l’amener dans son bureau.



Sentant l’attaque directe sous cette phrase d’apparence anodine, il se révolte et refuse de se laisser insulter.



Cette diatribe désarçonne Anne. Elle voulait juste lancer une pointe afin de le diminuer certes, mais aussi de le provoquer et pour se prouver qu’il ne comptait plus pour elle. Mais elle avait oublié combien cet homme avait du caractère et de la volonté. Et au fond d’elle-même elle l’admire. Depuis cette fameuse nuit, elle a eu quelques aventures, mais jamais le miracle du plaisir ne s’est reproduit. Lui seul est arrivé à la tirer de la léthargie sexuelle. Inconsciemment, elle voudrait renouveler cette relation.



Julien se lève, prend les papiers et s’en va.


Ce départ précipité a foudroyé Anne. Lorsqu’on lui a confié cette affaire, qu’elle a connu le nom du bénéficiaire, elle a pensé que c’était un moyen de revoir Julien et peut-être d’avoir une nouvelle aventure amoureuse ou même une liaison. Elle espérait ce soir amorcer les prémices de retrouvailles. C’est pour cette raison qu’elle lui avait parlé de séduction. Mais elle a totalement échoué. Au contraire, elle a tout brisé. La dernière apostrophe de Julien lui a fait comprendre qu’il éprouvait pour elle des sentiments profonds, qu’il l’aimait peut-être. Et surtout cela lui a ouvert les yeux, elle se rend compte que c’est la seule personne sincère qui l’ait vraiment aidée, appréciée, en un mot, qu’elle l’aime.


Julien est sorti en rage de l’immeuble. Il avait une occasion de renouer avec Anne et il a laissé son sale caractère prendre le dessus. Il a prononcé des paroles qu’il regrette amèrement. Après ça, elle ne voudra jamais plus le revoir. C’est d’ailleurs sûrement mieux ainsi, ils ne sont pas du même milieu, ça n’aurait jamais marché entre eux.

Il est retourné chez Paul et Annie pour amener les documents. Son visage figé les a surpris.



Ils ont compris que Julien ne parlerait pas. Il les a quitté, refusant de partager leur repas.

Julien est rentré chez lui. Pour la première fois de sa vie, il va boire, se saouler. Il a une bouteille de whisky, cadeau d’un client. Il l’avait rangée. Il s’assied à table et commence à boire. Il doit vaincre sa répulsion devant l’amertume, la brûlure de la boisson. Mais il sait que c’est le seul moyen d’oublier. Il poursuit cette thérapie.

Allongé ivre, dans sa cuisine, dans son ébriété, il rêve. Anne est près de lui, lui parle, lui dit des mots d’amour. Elle le supplie de l’aimer, de vivre avec elle. Elle lui mouille le front. Mais pourquoi n’ai-je pas bu plus tôt ! C’est merveilleux, tous mes désirs se réalisent. Il comprend maintenant pourquoi les copains boivent. C’est décidé, chaque soir il va se saouler !

Pouah, que c’est mauvais ! On croirait du café salé. Il a l’estomac retourné et vomit longuement sur le coté.

Une compresse d’eau froide lui rafraîchit le front. On lui soutient la tête. Et surtout la voix d’Anne est toujours là dans ses oreilles.



Il émerge, ouvre les yeux. Elle est bien là, c’est elle qui lui soutient la tête, qui lui parle, qui lui tamponne le front, lui essuie la bouche.



Malgré le vertige de l’ivresse, l’estomac qui se révolte, la gorge en feu, il est heureux. Péniblement, avec l’aide d’Anne, il regagne sa chambre, s’affale sur son lit tout habillé. C’est elle qui le déshabille, le couvre, le borde.


Après le départ précipité de Julien et ses réflexions amères, Anne a pris une décision : elle va s’abaisser, aller dire son amour à Julien. Elle connaît son adresse, pourvu qu’il veuille bien lui ouvrir. Tant pis, elle lui criera tout devant sa porte.


Parvenue sur le palier, elle a eu beau sonner, personne n’a répondu. Désespérée, elle allait s’en aller quand elle a tenté d’ouvrir. Miracle, le battant a cédé. Et elle a trouvé Julien, ivre au milieu de sa cuisine, marmonnant des mots sans suite mais d’où émergeaient les mots d’amour et d’Anne. Elle a compris qu’il partageait ses sentiments. Et c’est elle qui l’a réveillé.

L’estomac retourné, la tête prête à éclater, Julien s’est levé au milieu de la nuit pour aller vomir. Se recouchant dans le noir, il a senti une présence dans son lit. Anne, bien éveillée, toute nue l’attendait.

Ils se sont enlacés, ont longuement parlé, mais n’ont pas fait l’amour. Puis le sommeil les a gagné.


L’odeur du café l’a tiré de son sommeil. Anne, toute nue, magnifique lui présentait un plateau garni. Délicatement il l’a débarrassée, puis pris dans ses bras. Ils se sont aimés et le miracle s’est renouvelé. Elle a crié sa joie quand le plaisir l’a frappée, puis une deuxième fois, quand Julien, resté sur sa faim, l’a à nouveau aimée.