n° 08454 | Fiche technique | 18303 caractères | 18303 2977 Temps de lecture estimé : 12 mn |
11/01/05 |
Résumé: Et Dieu créa la femme... | ||||
Critères: #humour #fantastique fh grp religion pénétratio | ||||
Auteur : Arnage |
Collection : Dernier voyage |
Je suivis les préceptes de Christine pendant six ans. Le jour où elle décida de mettre fin à sa vie cachée, nous gravîmes la montagne par un inquiétant brouillard. Une petite chapelle marquait le sommet du sceau millénaire de la foi. Sur notre chemin, d’étranges stèles discoïdales mêlaient représentations chrétiennes et obscures symboliques païennes. Là, tout au-dessus un nuage, nous pénétrions dans le temple sombre et glacé. En entendant résonner les grincements stridents des vieilles charnières, je me crus un instant profanateur de tombeau. Au fond de la petite nef éclairée par la lueur avare d’un vitrail minimaliste, trônait l’autel. Il y régnait une ambiance lourde et pesante de mort. La raideur monacale des statues dégageait une intimidante solennité. Je décidais de consacrer l’avènement de Christine du sceau du baptême. À notre gauche, de la vieille eau stagnait dans le bénitier. En lieu et place de cette flotte croupie, il lui fallait de l’eau de vie, de l’eau humaine. Elle me mit à contribution. D’un doigt, elle fit venir à elle ma branche d’olivier et consentit à s’accroupir devant ce bien modeste présent. Pour un dieu quel abaissement ! Mais elle avait choisi de s’incarner parmi les hommes, et c’est parmi les hommes qu’elle allait puiser l’eau de son propre baptême. Je reçus ses hommages manuels et le frêle rameau s’emplit de sève jusqu’à devenir branche puis arbuste. Afin de me prouver sa sincérité, Christine n’hésita pas à polir cet arbre de vie des caresses miséricordieuses de sa langue. Quel dieu aurait embrassé l’humanité dans ce quelle avait de plus impie ! Je m’agitais de contorsions jubilatoires en prononçant quelques alléluias désarticulés. Elle la sentait venir, cette ferveur qu’elle attisait comme un feu de joie et qui devait marquer d’une blanche onction le début de sa vie apostolique ! A cette fin, elle dégagea la sainte ampoule, elle la cueillit délicatement entres ses lèvres veloutées et la suça goulûment comme l’un de ces berlingots appétissants qu’humecte la salive avide des enfants. Lorsque approcha l’heure du saint sacrement, elle s’humilia devant moi, les mains jointes, les yeux levés vers le ciel. Elle attendait qu’enfin perle le saint chrême, pleine d’ardeur contenue. Elle l’attendait, digne et magnifique, comme le fol espoir d’une victoire future de la vie sur la mort. Alors, me déversant de mon humanité, je me fis Baptiste, et elle reçut le nectar nommé désir. La liqueur sirupeuse s’écoula sur son front lisse, se répandit en filets immaculés le long des fines courbes de son nez, s’insinuant au passage entre ses lèvres entrouvertes. Aucun dieu n’aurait communié de la sorte avec un simple humain, mais elle allait faire ce qu’aucun dieu n’avait jamais osé : se donner aux hommes. Ainsi, me convia-t-elle à m’abreuver de ses fonds baptismaux. Dans un geste auguste vieux comme Hérode, Christine se fit Cléopâtre dévoilant sa césarienne sous sa toge souillée de la semence d’Erechthée et, moi, pareil à Moïse, j’entrevis le buisson ardent. À travers sa végétation luxuriante, il m’incita à suivre le chemin de la Vraie Foi toute tracée sur son sillon intime. Je touchai les rives de la Terre Promise. À mesure de ma progression tâtonnante vers le sud, les gorges se muèrent en une vallée au fond de laquelle coulait la rivière de vie. Le lit du Jourdain se creusait à vue d’œil tandis que je puisais au bout de ma langue de quoi affermir ma détermination sous-jacente. Je pressentis l’imminence de la submersion, et pendant qu’elle donnait le meilleur d’elle-même, elle prononça ces mots :
Lorsque l’inondation de ses bas-fonds fut résorbée et ma soif de conquête assouvie, elle se dirigea vers l’autel, mystique et mystérieuse, enroulée de ce voile de fausse-pudeur qu’animaient ses reliefs callipyges. Nous avions déjà pris quelques-unes de ces pilules d’extase qui donnaient une dimension divine à la moindre de nos perceptions. Aussi choisi-t-elle de se réincarner dans ce type d’hostie pour la multitude de ses infidèles. Elle déposa sur l’autel le mets euphorisant dont il ne lui restait plus qu’un exemplaire. Devant une telle pénurie, comment allait-elle procéder à la communion ? Un miracle eut raison de mes craintes. Un seul revers de sa main suffit à multiplier les pastilles à volonté. Le prodige accompli, elle tendit ses bras en V vers le ciel. Son visage se revêtit d’une gravité solennelle et du fond de sa gorge s’éleva un cri formidable.
Une aura de feu s’exhalait de sa silhouette. Soudain, les portes de la chapelle s’ouvrirent violemment. Au dehors soufflait une tempête fantastique. Le ciel prit des teintes ocres entre deux courses effrénées de strato-cumuli. Fasciné par ce spectacle, j’accourus au dehors. Devant la porte, des trous parsemaient le sol au pied de chacune des stèles discoïdales. À perte de vue, la terre n’était que gruyère. Je réalisai que tous ces monolithes marquaient l’emplacement de tombes ancestrales. Je m’approchai de l’une d’elles. La terre semblait avoir été soulevée de l’intérieur. Mon pouls cognait de plus en plus fort. Il n’y avait rien au fond du trou, rien du tout, à côté non plus, ni derrière, ni en face. Je finis par m’avouer l’impensable. L’on avait extrait de terre ceux qui reposaient sous mes pieds. Mais comment ? Et dans quel but ? Au son de la cloche, je me retournai brusquement vers la chapelle. Le déluge avait fini par se calmer. Malgré tout, à travers les portes grandes ouvertes de notre sanctuaire, un spectacle d’épouvante me glaça le sang. Dans la nef, sur les bancs jusque là vides, se tenait une assemblée de spectres assistant à la messe de Christine. Ils avaient des formes humaines, mais amoindries et décharnées comme celles des zombis. Leurs silhouettes à moitié transparentes clignotaient comme des hologrammes. D’où venaient ces créatures ? Au son de la voix de Christine, toutes de levèrent, et je compris qu’il ne pouvait s’agir que des morts enterrés autour de la chapelle. Ils avaient interrompu leur sommeil éternel pour répondre à son appel, puis marché vers son église. Leur écoute assidue me rassura quant à leurs intentions. J’avançai d’un pas prudent vers le petit porche. Du fond de son chœur, Christine me tendit la coupe où elle avait disposé les pilules de l’eucharistie. Sans réfléchir, j’allais en direction de l’autel, me portant à la vue de l’armée de zombis. Les quelques pas qui me séparaient de Christine me paraissaient légion. Il ne se passa pourtant rien.
Un silence tout religieux régnait dans la petite église. Enfin arrivé sur les marches de l’autel, je pris la coupe et me retournai vers l’assemblée des communiants. J’eus comme un malaise en voyant converger vers moi ces cadavres vivants affreusement décharnés qui nageaient dans leurs guenilles. Leur peau sèche, mince comme du papier à cigarette, s’effilochait jusqu’à laisser poindre leurs os. Ceux qui, par je ne sais quelle propriété miraculeuse du sol, avaient préservé leurs yeux des affres de la putréfaction, affichaient cette expression de fou-furieux quand la grande majorité, privés de leurs joues, exhibaient leur dentition sans que l’on pût deviner s’ils souriaient jusqu’aux dents, ricanaient sadiquement ou montraient les crocs. Heureusement, leur image en hologramme superposait leur aspect d’origine à l’effroyable spectacle de leur déchéance. Il y avait là le paysan du coin, l’institutrice de l’époque héroïque, le notable droit comme un i ou encore la petite bergère qui gardât peut-être les moutons dans les alentours. Elle dut succomber à l’une de ces maladies contre lesquelles les incantations du curé étaient d’un meilleur recours que les remèdes d’une médecine alors impuissante. Au fil de ce défilé, mon imaginaire reconstituait le puzzle de ces vies interrompues. À l’ombre du crucifix, la femme du forgeron se prenait à jouir à travers la fente honteuse de sa chemise de nuit. Le jeune métayer crachait au passage de la calèche de la « châtelaine » en se jurant bien de lui défoncer le derrière avec son pébroc. Fraîchement sortie du couvent, la pauvre pucelle attendait dans la peur et la résignation que fusse consommé son mariage sous les assauts désordonnés de son butor de mari. Elle aurait subi toute sa vie cette humiliation silencieuse sans qu’aucune âme éclairée ne lui apprenne jamais la jouissance.
La communion achevée, Christine me pria d’aller m’asseoir dans un coin du chœur et se mit debout sur l’autel. Les spectres marquèrent leur étonnement en se regardant les uns les autres. Sa main gauche ondula le long de sa cuisse interminable. Ses doigts remontèrent le long de l’aine jusqu’à atteindre le sexe rédempteur. En guise de signe de croix, son index s’insinua à la naissance du Delta. Elle venait d’esquisser le symbole païen de la croix ankh, la croix de vie. Comme hypnotisées par son aura, les femmes l’imitèrent, et avec les doigts qui leur restaient, les hommes simulèrent un triangle autour de leur fierté déchue. Ainsi s’accomplit le miracle de la réincarnation. Les spectres s’agitèrent de curieuses contorsions avant que de fabuleuses triques ne jaillissent des redingotes en lambeaux. Les femmes connaissaient à nouveau le frisson du ventre. Fèves et sarments desséchés s’animaient à nouveau de fluide. Tout le reste de leurs corps renaquit bientôt de leurs chairs flétries. Les spectres cessèrent de clignoter à mesure qu’ils reprenaient la forme et la consistance de leurs vingt ans. Régénérés, les invités de Christine se mirent à sauter en tous sens. Ils secouaient à qui mieux-mieux leurs membres souples comme au premier jour, tressaillaient au son de leur voix d’outre-tombe, hurlaient en s’embrassant à plusieurs, exultaient de sentir leurs yeux remplis de cette eau qui les avaient pendant si longtemps quittés.
Les premiers jets de foutre ne tardèrent pas à souiller les dalles de pierres tandis que les bonnes femmes distillaient les largesses de leur fondement aux ardeurs renaissant à leurs portes. Des bancs chavirèrent dans la foire d’empoigne. Une bonne hystérique se jeta sur le fruit fraîchement éclos d’un notable. Elle se l’enfourcha goulûment jusqu’à ce qu’il daignât lui léguer son capital en liquide. Une môme déchira d’excitation les vestiges de son corsage d’où surgirent de furieuses exubérances que des gaillards à bretelles s’empressèrent d’empoigner. Je foisonnais de concert avec eux avant de me défroquer à mon tour. D’un simple regard en dessous de la ceinture, Christine mesura l’ampleur de ma foi. Considérant presque dédaigneusement la chose, elle me dominait du haut de son piédestal, divinement cambrée, les mains posées sur le haut des fesses altières, quand ses hanches s’animèrent d’envoûtants mouvements. L’instant d’après, un éclair éblouissant déchira sa toge, et je la vis nue, là, debout sur l’autel. Sa peau cuivrée s’enflamma. Des lueurs fauves et fugitives, nées dans ses reins, se répandirent sur ce ventre qu’elle faisait langoureusement onduler à la manière des danseuses orientales. Son sexe demeuré dans l’ombre de son entrejambe se déroba. Je tombais en adoration en compagnie de quelques autres. Faisant fi des monuments qui s’élevaient en son honneur et des offrandes immaculées que présageaient pareilles péninsules, elle nous tourna le dos et s’humilia une seconde fois en direction du Levant. Elle s’accroupit en écartant les jambes de sorte que son sanctuaire honni vienne nous illuminer de sa Sainte-Trinité. Basculant sa tête entre la voûte céleste de son entrecuisse, elle s’illumina d’un sourire démoniaque. Avoir levé cette armée de bâtons de pèlerins la réjouissait au plus haut point, mais elle reprit bien vite un air solennel.
Ceux qui ne jouissaient point à ce moment-là s’immobilisèrent de peur. Je me levai, interloqué.
Je marquai un silence de consternation avant qu’elle ne reprenne ses propos bibliques.
Puisqu’elle le voulait ainsi, je grimpai sur l’autel afin de perpétrer mon forfait. Elle accepta la flagellation publique de ses fesses sans coup férir. Elle les tendit de plus belle pour que les fessées claquassent plus violemment encore sur sa peau moite.
Mes paumes éprouvaient l’huileuse élasticité de cette croupe altruiste. Au son flasque de chaque claquement, elle se cambrait de plus belle de sorte que son antre furibond vienne attiser d’autant ma turgescence. Elle me rendait fou. N’en pouvant plus de languir aux portes de l’enfer, je décidai de plonger brutalement ma lance dans son fondement. Elle me laissa entrer librement dans sa Passion sans éprouver la moindre résistance. Eventrée jusqu’au sang, elle hurlait comme une pestiférée.
Nous chavirâmes dans la même folie. J’entendis nos amis s’abandonner en des « aaaaaah !!! » et des « oooooh !!! » déclinés de la basse animale au soprano vertigineux. Ça criait, ça foutrait, ça jouissait à qui mieux-mieux. Prenant sa revanche sur l’histoire ingrate, le métayer se mit à courir après sa « châtelaine » qui n’en espérait pas tant. Après avoir emporté sa virginité dans la tombe, la jeune bergère la distribuait à l’envi. Par deux, par trois, par quatre, ils se prenaient, s’emboîtaient, se ramonaient. Cette sensationnelle profusion de débauche me donnait des ailes. Je plaquai Christine d’un coup de rein sur l’autel. Elle s’ouvrait au-delà du raisonnable. J’eus du mal à mesurer la taille du bélier qui lui défonçait les entrailles, ni comment sa chair pouvait s’écarter à ce point. Sous elle, la nappe de la messe se mouillait des flots ininterrompus de son effervescence. Etait-ce possible d’émettre autant d’eau ?
Et elle m’enfourcha le poing dans ses fonds baptismaux en poussant un long gémissement. Il en ressortit du sang et de l’eau. Les derniers renforts de ses reins dissipèrent mon incrédulité de Saint-Thomas. Ce sursaut fabuleux me fit chavirer. Elle ne m’empêcha de me fracasser le crâne au pied de l’autel que pour s’enconner sur ma Sainte Verge. Bien qu’haletante, elle trouvas la force de s’adresser encore à la petite communauté.
Me laissant submerger par ses ondoiements de chat au-dessus de moi, je basculai la tête en arrière. À nos pieds, exultations à la débauche et danses lascives attisaient l’hystérie collective. Je vis la châtelaine trôner au cœur d’une ronde virile dont elle se gavait des épanchements. Les effusions brûlantes pleuvaient sur ses charmes pétris d’excitation pendant que deux hommes expiaient leurs fautes en elle. La langue pieuse et le pieux en bouche, les femmes récoltaient le pêché du monde par tous les exutoires que comptait leur corps. Leurs cons ruisselants de semence engloutissaient les élans du Désir avec une voracité gargantuesque, quand les membres soulagés de leurs ardeurs ne se retiraient que pour s’abandonner dans des hâves buccaux ou mammaires affamés de mâles effluves. Sous moi, il ne restait de la nappe sacerdotale qu’un lambeau trempé des eaux christiques. Mon bassin s’agitait des soubresauts de ma terrible appétence qui progressait irrésistiblement vers son apogée. Je commençai à dérailler. Le long des murs, d’innombrables bas-reliefs animés se substituaient aux tableaux du chemin de croix. Leurs contours de feu, tracés à la sanguine, esquissaient les ébats de petits personnages tout droit sortis d’un temple indou. Au fil des stations, les bonhommes se livraient aux pires des acrobaties, puis les figures picturales se mirent à glisser sur plans muraux au rythme crescendo de la poussée de fièvre. Je crus les voir s’enrouler autour des piliers qui tenaient plus du moulin à prières que de la colonne néo-gothique, quand un geyser fabuleux me transcenda de sa fulgurance.
Ma furie inonda Christine jusqu’à provoquer son Ascension. Emplie de cette vigueur insensée, elle se dressa d’un trait, le bras vigoureusement tendu vers le plafond. Nos tympans et le sol se mirent à trembler au retentissement de son orgasme. Ma ferveur n’en finissait plus de ballotter en elle. Tout à coup, un éclair jaillit de sa main grande ouverte. La seconde d’après, la nef perdit son toit et les piliers vacillèrent. Une formidable explosion balaya les murs de ce qui demeurait de l’ancien culte. La terre se fissura. Une lumière éblouissante baignait l’espace entier. Rien de préalablement perceptible n’avait survécu. Tout repère cohérent avait disparu. Nous l’avions rejointe au Septième Ciel.
Lorsque nous reprîmes connaissance, nous nous retrouvions l’un dans l’autre, allongés sur l’autel. Au-dessus de nos têtes, la chapelle se tenait toujours debout. Devant nous, les bancs poussiéreux ne semblaient jamais avoir accueilli de fidèles depuis des années. Les murs monotones affichaient leur froide noirceur de salpêtre. Il n’y avait rien d’autre ici qu’un grand vide morbide. Christine s’extirpa péniblement de mes jambes. Elle grelottait de froid, les mains retranchées dans les manches de sa vieille laine. J’eus comme premier réflexe de la serrer contre mon épaule dévêtue. Sans mot dire. À quoi bon ? Nous avions la gueule de bois des amants à bout d’amour. Je baissai mes yeux vidés. Au bas de son ventre blasé, la bouche à feu avait disparu sous une friche désolante. Le froid et l’espoir du café revigorant nous conduisit bien vite à redescendre dans la vallée. Une dernière fois, nous passions devant les stèles discoïdales. Je marquai un arrêt devant l’une d’elle, l’esprit illuminé d’images fantastiques. Elle me prit par le bras.
Son rire éclata.