Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 08751Fiche technique13356 caractères13356
Temps de lecture estimé : 8 mn
28/03/05
corrigé 12/11/10
Résumé:  L'histoire de la rencontre de Marie-Adelaïde et de Pierre-Octave au domicile des parents de ce dernier.
Critères:  fh jeunes
Auteur : Ursulin Neveway  (je m'amuse... je m'amuse...)      
La brouette de Zanzibar

Pierre-Octave restera donc seul en ce long week-end pascal ; il n’a pas souhaité accompagner ses parents dans leur résidence secondaire de Golf Juan, prétextant d’importantes révisions à faire. Ah, oui, nous avons oublié de le présenter : Pierre-Octave est le cadet de six enfants d’une riche famille. Ils habitent à Neuilly dans la banlieue huppée de l’Ouest parisien. Ses cinq frères et sœurs volent maintenant de leurs propres ailes et ont acquis des situations qui les mettent à l’abri du besoin. Lui a encore plusieurs années à faire avant de devenir juge d’instruction comme il en a le souhait… Il est fier de pouvoir dire qu’il fera un jour ce métier qui lui permettra de lutter à sa façon contre la permissivité ambiante et le relâchement des moeurs.


Pierre-Octave est myope comme une taupe et sa peau est restée malade depuis sa puberté. Il a peu d’amis, on va même dire qu’il n’en a pas du tout, il avait donc organisé sa solitude en se passionnant pour le modélisme, et après s’être frotté aux avions et aux bateaux il cherchait à modéliser des objets des plus insolites, des meubles grands ou petits, des instruments de musique, des monuments…


Ce samedi matin, il s’est levé de bonne humeur, malgré les nouvelles tristes que diffusait la radio. Ainsi le vieux pape ne se remettait pas… Son rêve d’aller à sa rencontre aux prochaines journées internationales de la jeunesse en Allemagne s’évanouissait petit à petit… Comme il aurait pourtant aimé y emmener Marie-Adelaïde ! Mais sans doute d’ici là le pape serait-il décédé et un autre pape aurait pris la place, mais sans avoir l’aura du dernier, il ne pourrait jamais dire : « je l’ai vu, moi, de mes propres yeux en 2005 et j’y étais avec Marie-Adelaïde ! »


Il passa rapidement sous la douche, son corps s’était musclé, il ne fréquentait certes pas les salles de musculation, ne supportant pas l’odeur de sueur qui s’en dégageait ni les regards appuyés de certains hommes trahissant par là leurs pulsions homosexuelles conscientes ou inconscientes. Non, il s’entraînait à la maison, il avait tout ce qu’il fallait, il avait sa mini-salle de musculation pour lui tout seul et il était le seul à y pénétrer, à l’exception bien sûr de la femme de ménage. Il n’allait quand même pas faire le ménage, non ?


Il se lava le corps comme il en avait l’habitude, au savon de Marseille. Il avait horreur des odeurs, elles étaient pour lui toutes agressives, que ce soit les mauvaises, la sueur, l’urine ou les soi-disant bonnes, pourquoi se parfumer ? Il n’en voyait décidément pas la raison, il ne la voyait déjà pas chez les femmes, alors chez les hommes ! Non, la seule odeur qu’il supportait c’était celle du « propre », celle émanant du savon tiède !


Puis il examina son visage, le récent traitement dermatologique d’un pourtant très renommé spécialiste des hôpitaux de Paris ne donnait pas plus de résultats que les autres. À 22 ans il restait boutonneux, acnéique, quand un de ces vilains boutons guérissait, un autre surgissait ailleurs, et cela lui minait la vie. Il se passa sans y croire la dernière lotion prescrite et entreprit de s’habiller.


Il lui fallait maintenant mettre son plan du week-end à exécution.


C’est tremblant d’appréhension qu’il saisit son téléphone portable. Hier soir il n’avait pu joindre Marie-Adelaïde. Répondrait-elle aujourd’hui ?



De quoi avait-elle peur ? Il n’allait tout de même pas la violer !


Il avait rencontré Marie-Adelaïde lors d’un court séjour dans une clinique dermatologique, toujours pour ces problèmes de boutons… Des problèmes, elle en avait aussi, mais elle ce n’était pas des boutons, c’était des plaques rougeâtres. Ils étaient du même milieu, se reconnurent dans quelques goûts et idées communes, mais pas dans tous ; il lui avait parlé de sa passion pour le modélisme et cela avait semblé la passionner… et ils se revirent.


Il avait commencé à parler à ses parents de cette jeune femme, bientôt il la leur présenterait, mais il faudrait aussi qu’il annonce à sa dulcinée qu’il souhaitait se fiancer avec elle… La peur d’un refus le rendait malade, pourtant il faudrait bien qu’il ose un jour le faire. La seule solution était de multiplier les sorties avec elle, les invitations, les contacts, afin que la suite devienne comme un aboutissement logique et naturel.


La sonnerie du téléphone le sortit de sa rêverie :



Pierre-Octave sentit son cœur se remplir de bonheur :



Du coup Pierre-Octave sentit son cœur se refroidir… et c’est dépité qu’il s’entendit répondre :



Marie-Adélaïde raccrocha ; cette invitation ne lui disait rien au départ, c’est quand il avait parlé de surprise qu’elle avait changé d’avis et si ce couillon n’avait pas compris le message qu’elle avait essayé de faire passer c’était à désespérer de lui ! Voilà longtemps qu’un garçon ne s’était pas intéressé à elle ! Il faut dire qu’avec ses problèmes de peau, les choses n’étaient pas évidentes ; mais depuis ce séjour en clinique ses rougeurs avaient, sinon disparu, du moins tendance à se montrer plus discrètes… Un très léger maquillage là-dessus et si cela ne la transformait pas en top modèle elle passerait au moins de la catégorie « à éviter » à celle de « passable ». Elle se dit qu’elle verrait bien comment tout ça évoluerait. En attendant, à défaut d’autre mâle à se mettre sous la main, ce serait donc Pierre-Octave… Si seulement son traitement pouvait à lui aussi réussir !

Elle se vêtit de bleu, il adorait cette couleur, préféra un chemisier plutôt qu’un autre « haut », à cause de la possibilité de le déboutonner ; se maquilla très légèrement — c’est qu’elle ne pouvait pas se mettre n’importe quoi sur sa peau fragile — mais poussa la fantaisie jusqu’à se mettre un peu de fard bleu sur les paupières.


Pierre-Octave était partagé ! Partagé entre la joie de voir celle dont il était devenu amoureux devant le pas de sa porte et surpris de la voir s’être maquillé le visage ! Mais pourquoi ? Pourquoi ? Farouchement opposé à la prostitution quelle qu’en soit sa forme, il ne pouvait admettre que quelque chose chez une femme lui rappelle les créatures qui s’y adonnaient.



Il se trouva génial d’avoir trouvé un si beau mensonge en si peu de temps !


Un moment il se demanda s’il ne faisait pas fausse route, mais quand on est amoureux on pardonne beaucoup de choses. Il faudrait qu’il lui explique qu’il n’aime pas le maquillage. Après tout, en discutant, on peut toujours faire évoluer les choses. Cette fille n’était pas parfaite, mais lui non plus ne l’était pas !



Ils s’assirent sur le canapé, devant la table basse où avaient été posés les verres de jus de fruits. Ils étaient l’un près de l’autre, parlant de tout et de rien, de la météo, du week-end, de l’actualité, et d’autres billevesées.



Marie-Adélaïde n’en revenait pas ! Elle avait mis les points sur les I, pensant que le garçon mordrait à l’hameçon, mais sa façon de présenter la chose tournait au grotesque, mais bon, ce n’était pas ça le plus important…



C’était au tour de Marie-Adélaïde d’être dubitative : entre la chance inouïe de rencontrer enfin quelqu’un qui la considérait comme une vraie femme et cette façon neu-neu d’entamer les choses sérieuses, son esprit balançait sévère…



Alors sans l’entendre, Piere-Octave retira le napperon situé sur un coin de la table basse, dévoilant des petites pièces de bois ainsi qu’un vieux bouquin ouvert à une page montrant un schéma de montage !






Ursulin (Pâques 2005)