n° 08771 | Fiche technique | 28684 caractères | 28684 4802 Temps de lecture estimé : 20 mn |
30/03/05 |
Résumé: Vengeance, un soir de 14 Juillet. | ||||
Critères: fh extracon collègues fête vengeance voir pénétratio -lettres | ||||
Auteur : Le dernier galant (Le fond, c'est la forme !) |
Chère Léa,
Merci avant tout pour ce long moment au téléphone, qui nous aura retenu bien tard, l’autre nuit. Il est toujours étonnant que la distance parvienne à ajouter sa séduction particulière à nos conversations. Le plaisir se trouve sans doute amplifié à se partager en aveugle, par le biais de nos réseaux les plus virtuels : ce qu’on ne met dans la vision, on le reporte sur le texte. Enfin, j’ai eu donc beaucoup de bonheur à vous entendre, sinon à vous entreprendre, et si longuement, cette fois-ci.
Je vous ai ennuyée, je crois, en vous racontant par le menu mes aventures avec Marie, et vous vous êtes gentiment moqué de moi, vous étonnant de me voir empêtré dans une telle affaire, alors que je vous affirmais, il y a si peu encore, tenir à la plus grande indépendance d’esprit et de sentiments… J’avais tenté de vous faire comprendre les attraits si particuliers de mon amante, ce goût du jeu que nous partageons, et qui nous a placé en quelques occasions dans des situations pour le moins contradictoires. Vous sembliez perplexe, ne pas saisir l’intérêt ou le sel de telles expériences. Eh bien voici qu’une anecdote toute fraîche me donne l’occasion, en vous la rapportant, d’illustrer mon propos.
L’affaire dont je veux vous parler me paraît d’autant plus remarquable qu’on ne peut rien y trouver qui soit vraiment à mon avantage. Je n’avais le contrôle de rien, et fus simplement la victime du ressentiment et des manigances de ma belle. Je vais donc tenter de vous communiquer la saveur paradoxale de cette aventure - et pardon par avance si je vous parais parfois encombrer mon récit de quelques détails superflus.
Les faits sont tout récents : ils datent d’avant-hier, ce 14 Juillet, le soir même qui suivit notre conversation. Pour faire pièce aux réjouissances républicaines, nous avions Marie et moi organisé une grande réunion dans sa maison de Meudon. Ce fut une soirée très «Education Nationale», malgré cette époque de vacances scolaires : Marie, vous vous en souvenez, est professeur de lettres, et il y avait là bon nombre de ses collègues encore présents dans la Capitale. D’amis en connaissances, et de connaissances en inconnus, l’assemblée réunissait peut-être de quarante à cinquante personnes, dont je ne devais pas connaître la moitié. Mais la maison est plaisante, vraiment ; adossée au bois de Meudon, deux étages, caves et grenier, avec cinq cent mètres carrés de jardin, elle semble conçue pour la fête, et elle s’avère en tous cas tout à fait pratique pour les amateurs de feux d’artifices : du second étage, on a en effet une vue imprenable sur Paris et donc sur le palais de Chaillot, d’où partent les fusées…
Bref, la soirée avait débuté très tôt, et, en attendant l’heure de céder aux extases citoyennes que vous pouvez imaginer, nous avons pas mal abusé de boissons, de musique, ainsi que de jeux divers (… mais finalement très raisonnables !).
Pour ce qui me concerne, je me tenais un peu en retrait : cette petite sauterie était plutôt celle de Marie et, en maître de maison attentif, je m’étais laissé investir du rôle stratégique d’intendant. C’est là une mission dont je sais m’acquitter avec bonheur, je vous l’assure, même quand les circonstances ne s’y prètent pas, et Dieu sait que ce soir-là elles ne s’y prêtaient nullement : chaleur insupportable, ambiance électrique, je me sentais terriblement… inadéquat. Je trouvais surtout que mon amoureuse, entourée qu’elle était de sa cour d’admirateurs au grand complet, exagérait un peu son côté «Reine de la soirée». Marie il est vrai a toujours affecté un côté Diva en ce genre de situation, encouragée le plus souvent par la complicité acquise des membres de sa tribu. Et il faut avouer que, comme à son habitude, elle était tout à fait craquante. La petite robe courte, noire, coupée de bandes de dentelle, qu’elle avait passée pour l’occasion, dévoilait tout autant qu’elle masquait les creux les plus secrets de sa peau brune. Chaussée d’élégants escarpins elle jouait, impudique, de ses jambes magnifiques, gainées de bas noirs que retenait le bout d’une jarretelle, entr’aperçu parfois, lorsqu’un air de musique plus vigoureux que les autres amenait son cavalier à la faire virevolter au milieu de notre salon. Ou bien lorsqu’elle se laissait tomber, ensuite, feignant l’épuisement, au plus profond de l’un des fauteuils, jupe troussée au-delà du raisonnable…
Un brin jaloux, je ne pouvais m’empêcher de l’admirer : ongles vernis, lèvres vermeilles, une stricte coupe au carré encadrait de mèches noires son minois ravissant. Bref, elle était au centre de la soirée et chacun semblait être tombé sous le charme de son jeu…
Mais l’unanimité de ce succès ne pouvait me masquer longtemps quelques différences, quelques nuances dans le regard que chaque invité - surtout du type mâle - portait sur ma belle, particulièrement quand telle ou telle marque d’admiration semblait ne pas laisser Marie absolument indifférente. Attentif à ces différences de traitement, il m’apparut ainsi bien vite que l’un des invités présents semblait bénéficier, de façon privilégiée, des bonnes manières et des attentions de ma belle.
J’en fus d’abord surpris. Le personnage en question était un nouveau venu - un ami d’ami - et Marie reste d’habitude très circonspecte avec les têtes nouvelles, préférant le plus souvent les succès quasi-assurés qu’elle sait pouvoir trouver auprès de sa bande. Et puis l’intrus m’avait paru d’emblée un peu épais - du genre gentil colosse (professeur d’éducation physique, il pratiquait je ne sais quel sport en qualité de professionnel, avais-je cru comprendre), ce qui ne constitue pas à priori le profil des hommes ayant les faveurs de mon amoureuse. Toujours est-il qu’il avait pratiquement passé le début de la soirée à se tenir collé aux basques de celle-ci, parlant fort, un bon mot de temps en temps, un moins bon le plus souvent… Et Marie, de façon évidente, ne faisait rien d’autre que l’encourager, d’un regard par-ci, d’un frôlement par-là, jambes haut croisées au fond d’un fauteuil quand l’animal se trouvait à ses côtés, allant même jusqu’à anticiper les offres de service de celui-ci dès que le moindre slow démarrait sur la platine.
Mon mécontentement allait croissant, mais j’étais bien obligé de me contenir. Je crois avoir tenté à vingt reprises de faire comprendre à Marie, à demi-mot, combien son manège m’agaçait - hélas sans le moindre succès. Enfin, j’ai fini par profiter d’une reprise de la musique et d’un Sinatra liquoreux - elle n’a jamais su résister à Sinatra - pour l’arracher in extremis à une nouvelle invitation de l’importun et l’entraîner danser avec moi. Ce qui me permit enfin de lui faire part de façon explicite de toute ma mauvaise humeur.
La riposte fut immédiate : non, elle n’accordait aucune faveur particulière au bonhomme, elle ne faisait rien d’autre qu’assurer au mieux son rôle de maîtresse de maison, et puis oui, elle apprécierait que ce soit un peu plus mon cas à moi, et, puisqu’on en parlait, sa jolie collègue agrégée d’histoire, que je courtisais assidument depuis le début de la fête devait bien être la seule à ne pas se plaindre de la qualité de mon service !
J’ai cru, chère Léa, que j’allais exploser devant tant de mauvaise foi ! D’autant que ladite collègue agrégée d’histoire - de fait une très jolie blonde d’une trentaine d’années - avait effectivement recherché ma compagnie, sans doute par compassion, et que j’avais précisément veillé à ce que nos échanges ne dépassent les strictes limites de la bienséance (je ne connais que trop ma donzelle et sa jalousie pathologique…). Bref, l’ambiance était lourde. Et en tous cas, mes remarques n’eurent aucun effet apparent : à peine la plage du disque terminée, Marie retourna à sa place, continuant à minauder et à encourager les manoeuvres de son collègue.
La soirée avançait donc et les rangs de nos invités s’étaient un peu éclaircis, certains d’entre eux ayant voulu courir jusqu’au pas de tir du Trocadéro. Nous ne fûmes bientôt plus qu’une petite vingtaine. «Lui» était toujours là, et «Mon» historienne aussi. Il me devenait d’ailleurs délicat d’éviter cette dernière.
Marie, en tous cas, ne se calmait pas, au point que chacun - du moins cela me paraissait à présent évident - devait remarquer son manège… et notamment la prof d’histoire, justement, qui me sembla même gênée pour moi, me jetant des regards à la dérobée chaque fois que Marie riait un peu fort à une pauvre répartie de son chevalier servant.
Les exigences d’un service minimal firent qu’à un certain moment nous nous retrouvâmes ensemble à la cuisine, Marie et moi, afin de réapprovisionner nos invités. Je ne pus alors me défendre de lui dire tout ce que j’avais retenu à grand peine depuis le début de la soirée : elle était vraiment sans pudeur aucune, elle draguait ce type ostensiblement, sans la moindre vergogne, tout le monde s’en apercevait, un vrai spectacle, etc…
Sa réaction fut une nouvelle fois étonnante, consistant à tout nier, en bloc. En gros, là, je délirais - et en devenais franchement agaçant. D’ailleurs, pour tout dire, "il" était nul, tellement nul que cela en était presque… touchant ! Comment pouvais-je me montrer jaloux d’un personnage pareil ? Mes soupçons étaient même quasiment insultants à son égard, à Elle : en quelque circonstance que ce soit, ce type était hors-jeu, jamais il ne saurait éveiller son intérêt, encore moins recevoir la moindre faveur de sa part. Et son petit côté macho et latin lover ne saurait suffire à la faire craquer, bien au contraire…
Ses dénégations devinrent si excessives que loin de me rassurer, elles eurent le don de m’exaspérer encore un peu plus, et me poussèrent à commettre cette bévue que je regrette encore. Je ne me souviens plus, mot pour mot, de ce que je lui répondis alors - il faut dire que j’avais l’esprit brouillé, ayant toute la soirée tenté de compenser ma frustration dans les alcools - mais en tous cas je pris le contre-pied de ses beaux discours, me récriant que je la trouvais bien injuste vis-à-vis de son soupirant, qui sans nul doute ne méritait pas plus ses attentions outrancières que ses mépris affichés, et j’ajoutai que rien après tout, absolument rien pour l’instant du moins, ne garantissait que les manoeuvres éhontées dont elle se rendait coupable éveillent un réel intérêt de la part de notre invité, au-delà bien sûr de ce qu’exigeaient les règles du simple savoir-vivre. Il ne la fuyait pas, certes, mais qui chercherait à déplaîre à une hôtesse si attentive ? Bref, lui dis-je de façon fort peu diplomate, cette espèce de jeu auquel elle se livrait, ces manoeuvres, toute cette séduction qu’elle déployait, étaient d’autant plus pitoyables et déplacés qu’il était évident aux yeux de chacun qu’elle… se compromettait en vain, sans la moindre chance de succès ni le moindre sens du ridicule.
Pendant tout le temps que dura mon morceau de bravoure, elle me regardait fixement, le regard brillant de colère, mais aussi avec une esquisse de sourire sur ses lèvres serrées. Je perçus à temps un risque, et ma fureur tomba d’un coup ; je cherchai quelque chose à dire, un nouveau commentaire susceptible de désamorcer l’affaire, quand, juste à ce moment, le bruit assourdi d’une explosion lointaine nous parvint, annonçant le départ du feu d’artifice.
A cet écho - que chacun attendait depuis un long moment - Marie tourna instantanément les talons, me laissant, un brin désemparé, sur cette impression de bras de fer irrésolu.
Nous nous retrouvâmes dans le salon, où l’excitation était à son comble, et tout le monde prit le chemin des étages, Marie en tête de la troupe…
Je vous l’ai dit, chère Léa, la maison est immense. Au second, il y a trois grandes chambres disposant d’une belle vue sur Paris. Restant dans l’obscurité pour ne pas amoindrir l’éclat du spectacle, chacun se répartit dans l’une ou l’autre, se serrant aux fenêtres ouvertes afin de ne pas perdre une étincelle de pyrotechnie. Les commentaires, les cris, allaient bon train. Dans la chambre où je m’étais retrouvé, la baie vitrée n’était pas si large, et nous étions un peu les uns contre les autres à nous bousculer. Mon historienne se tenait à mes côtés… me serrant m’a-t-il semblé d’un peu plus près qu’il n’était nécessaire. Voulant laisser le maximum de champ à mes invités, je reculai d’un pas… ce qui me permit de surprendre une manoeuvre dont j’eus d’ailleurs du mal dans l’obscurité ambiante à reconnaître l’instigateur : une main masculine, appartenant à un proche voisin, s’attardait de façon distraite sur la croupe puis sous la jupe légère de la gentille agrégée. Je perçus avec un certain amusement le changement de rythme qui affecta la respiration de la gredine, entrevis sa poitrine se soulever plus rapidement, sans parvenir à bien discerner quel était son degré de consentement à cette caresse inattendue… Je me plus un instant à imaginer que le mérite de cette passivité me revenait tout entier, dans la mesure où elle ne résultait sans doute que de l’idée – erronée – que la belle se faisait quant à l’identité du… manipulateur.
Vaguement émoustillé, je décidai de laisser la Miss à ses émois injustifiés afin d’aller voir comment les choses se passaient dans les deux autres pièces. Dans la seconde, la plus bondée, dont la baie vitrée s’ouvre sur un petit balcon, l’humeur semblait égale, et les "oh" et les "ah" manifestaient le ravissement de nos amis. La troisième était moins investie. Deux couples étaient là, le nez vers les étoiles. Deux couples : autant dire qu’il me fallut très peu de temps pour constater que Marie n’en faisait pas partie. Je pensai tout de suite qu’elle avait dû redescendre un instant, afin peut-être de récupérer son verre ou bien ses cigarettes oubliées et je décidai d’aller à sa rencontre. Revenu au palier du premier, je vis que la porte de notre bibliothèque était entrouverte…
Je ne vous étonnerai pas ma chère Léa, en vous révélant qu’ils étaient là, tous les deux, à l’intérieur, et… discutaient, dans la pénombre. En arrière-plan, par la fenêtre ouverte, le ciel était rouge du tir des fusées, faisant palpiter le clair-obscur de la pièce, sans que ce spectacle ne semble vraiment les captiver tant ils semblaient pris par leur sujet de discussion. J’eus alors un piètre réflexe, compréhensible mais sans doute malheureux : au lieu d’entrer dans la bibliothèque et de me montrer à eux, la surprise me fit m’arrêter tout net sur le palier, et je me pris à les observer de cet endroit, tentant de surprendre leur conversation qui se détachait sur le fond sonore des explosions lointaines.
Je compris très vite qu’ils parlaient bouquins… ce qui eut d’emblée le don de m’énerver, tant ce type m’avait paru franchement ignare et peu susceptible de partager avec mon amoureuse un quelconque engouement littéraire. Je me dis que Marie s’était mise en tête de lui faire je ne sais quel savant numéro, et, peu soucieux d’y assister, je m’apprêtai enfin à m’esquiver sur la pointe des pieds, quand… je m’aperçus que leur échange prenait une orientation parfaitement douteuse : Marie, tout sucre tout miel, désignait en effet un ouvrage placé en haut des étagères, et demandait à son interlocuteur de bien vouloir s’en saisir, certaines gravures méritant, semblait-il, qu’il les découvre dans l’instant. Or, il faut vous dire, chère Léa, que tout en haut de ces étagères, c’est là que nous avions installé notre "Enfer" à nous : une modeste mais amusante collection plus que rose, de toutes époques, toutes provenances et… de toutes tendances ! J’étais sidéré.
Et je me demandais ce qu’elle recherchait au juste. Voulait-elle l’embarrasser en lui présentant ces fort littéraires horreurs, que j’avais jusqu’à présent pensé entièrement dédiées à notre unique usage, à elle et moi ? Et à quoi bon, d’ailleurs, cette sotte provocation : l’ignare n’était certainement pas à même d’apprécier la saveur soufrée des écrits du Divin Marquis, avec ou sans estampes pour les illustrer !
En tout cas, lui, il affichait un air ravi. Mais bizarrement, au lieu d’accéder à la demande de Marie avec tout l’empressement qu’on pourrait imaginer, il se mit alors à faire ouvertement l’imbécile, feignant de ne pas bien distinguer de ses voisins l’ouvrage qu’elle lui montrait. Je vous avoue ne pas avoir compris tout de suite où il voulait en venir. Marie d’ailleurs semblait n’y rien comprendre non plus, et je vis à son expression qu’elle commençait à se montrer agacée de ce marivaudage franchement niais, quand il finit par mettre bas le masque, en lui proposant, mi-figue mi-raisin, sur le ton de la boutade, en ne semblant pas trop y croire… de la hisser dans ses bras puissants, afin qu’elle se saisisse par elle-même du livre convoité !
A cette suggestion, je vis Marie prendre son air le plus poli, accompagné d’un mouvement d’impatience, et il m’apparut clairement qu’elle allait rabrouer le finaud. Manifestement, elle ne comptait pas pousser aussi loin la provocation. Hélas, mille fois hélas, chère Léa, à cet instant précis - sans doute du fait de l’émotion - j’ai dû bouger un peu : elle a tourné son regard dans ma direction, et m’a aperçu, à travers la porte entrouverte. Son expression s’est figée en un clin d’oeil, se faisant identique à celle qu’elle avait eu dans la cuisine, un moment plus tôt : elle se mit à me fixer de son regard noir, les lèvres serrées, esquissant un sourire mauvais.
Lui, qui me tournait le dos, n’a rien remarqué. Complètement concentré sur son sujet (c’est-à-dire : elle…) il avait joint le geste à la parole, la saisissant déjà à la taille, mais de façon légère, encore en quête de son approbation… Là, j’ai dû cesser de respirer, dans l’attente de ce qui allait se passer. À cet instant, Marie me regardait toujours : elle a pris un air de défi, et puis, baissant les yeux, sans piper le moindre mot, elle s’est simplement tournée vers les rayonnages, pivotant vivement sur la pointe de ses escarpins. L’invite était… on ne peut plus claire et l’heureux imbecille ne s’est donc pas fait prier plus longtemps, la soulevant d’un coup, prestement et sans grands efforts apparents.
Elle s’est donc emparée du fameux bouquin, et lui, il l’a laissée alors redescendre, lentement. Lentement, et en la serrant juste de la façon qu’il fallait, de sorte à ce qu’elle se retourne peu à peu et se retrouve face à lui. Sous cette manoeuvre, au fur et à mesure qu’elle descendait, s’agrippant à ses épaules, sa courte jupe remontait, évidemment. Tant et si bien que parvenue au sol, Marie s’est retrouvée toute retroussée, sa jupe tire-bouchonnée à la taille, pressée contre son tortionnaire. Dois-je vraiment dire l’embarras dans lequel ce spectacle m’a plongé ? Les jambes magnifiques, habillées de soie sombre de mon amoureuse, le double trait noir des jarretelles, le petit triangle de dentelle accroché tout en haut à leur racine, tout cela à portée de main de ce… j’aurais dû intervenir. Je restai là, sans rien dire, complètement stupide.
L’autre, évidemment, s’est empressé de profiter de son avantage, et il s’est enhardi à… "explorer" la croupe trompeuse qui semblait, et "semblait" seulement, je l’espérais encore, s’offrir à lui. Marie, l’air quelque peu dépassée par la tournure des événemens, lâcha le précieux ouvrage - qui lui glissa des mains - et se cambra brusquement sous la caresse imposée, fermant les yeux, baissant la tête, la secouant de droite et de gauche, en ce qui m’apparut comme l’expression d’un évident refus. Honnêtement, j’ai pensé à cet instant qu’elle allait parvenir à fuir l’assaut de son tortionnaire. Hélas, celui-ci, perdant tout jugement, réagit en la serrant plus fort encore, la tenant d’une main aux reins, allant même jusqu’à glisser son autre main au-delà de la mince barrière soyeuse, à la conquête d’une autre soie, tout à fait brune celle-là.
Cette dernière attaque provoqua chez ma Miss une réaction immédiate, un mouvement de recul du bassin… dont son dragueur profita instantanément : manifestement impatienté, il saisit la lisière de la culotte noire et la fit d’un coup descendre à mi-cuisse, dévoilant le sexe convoité. Marie ne put sur ce coup retenir un cri de surprise et, réagissant enfin de façon adéquate, elle repoussa brutalement son agresseur, lui faisant cette fois lâcher prise. Celui-ci recula d’un pas, l’air penaud, tout hésitant, un peu ridicule. Mon amoureuse s’inclina alors légèrement, et se saisit prestement du string qui entravait ses jolies cuisses, en un geste gracieux pour le remonter à cette place qu’il n’aurait jamais dû quitter. Tout allait redevenir normal, enfin ! Mais ayant commencé son mouvement, elle s’immobilisa un instant, jouant avec les brins de son bout de dentelle, qu’elle roulotait du bout des doigts… Elle eut comme une hésitation, redressant la tête, toute décoiffée, les mèches dans les yeux, me regardant de nouveau avec insistance, le souffle court, les lèvres entr’ouvertes, l’oeil brillant. J’étais hypnotisé. Que voulait-elle ? S’attendait-elle à ce que je me manifeste ? Probablement. Certainement, même. En une seconde, je fus balloté entre incrédulité, jalousie, peur du ridicule et l’envie perverse de voir comment tout ceci finirait. Allait-elle enfin réagir de façon claire et irréprochable ? Remettre de l’ordre dans sa tenue et le type à sa place ? Je me dis qu’il fallait vraiment que j’intervienne, et j’allais d’ailleurs intervenir, quand, à ce moment précis, à ma plus grande horreur, la gredine perdit toute raison : sous mes yeux stupéfaits, tout en me regardant d’un oeil plus brillant que jamais, les lèvres serrées sur le même sourire moqueur, elle… se mit à faire glisser son petit bout de dentelle vers le bas, du bout des doigts, par courtes saccades, quelques centimètres à droite, puis quelques centimètres à gauche, jusqu’à ce qu’il échappe à la tension de ses jolies cuisses et qu’elle le lâche, le laissant choir sur ses escarpins. Il y eut une seconde d’apesanteur et, d’un bref pas de côté, elle se dégagea posément de la bien faible entrave qu’il représentait encore, à ses pieds.
Le temps, à nouveau, me parut s’arrêter, la scène se figer, parfaitement irréelle - je rêvais ! Là, c’était certain : je rêvais… Voilà, Marie se tenait là, face à ce jobard, jupe toute troussée à la taille, le cul, son joli cul à l’air, juchée sur ses escarpins mignons, attendant, faussement consentante, qu’on s’intéresse à elle, les bras ballants, fixant de ses yeux le plancher, les mèches en bataille, le visage incliné et boudeur…
Quant à l’autre, il m’a semblé ne pas croire tout de suite à sa bonne fortune ! D’abord pétrifié, il se décida enfin à tendre ses mains tremblantes vers les hanches magnifiques de mon amante, les flattant doucement. J’ai pu voir à cet instant, dans le contre-jour, la chair de poule hérisser le duvet des cuisses de Marie. Et puis d’un coup d’un seul, il l’a soulevée par la taille, sans effort apparent, et l’a assise sur le bureau, juste derrière elle, amenant les fesses adorables tout au bord du bandeau de cuir. Se pressant contre le bureau, il força alors Marie, doucement, à écarter ses jolies jambes - elle résista encore un peu.
C’était comme une vision, un chromo aux couleurs exagérées. Je la voyais à présent toute auréolée de l’éclat des fusées tirées dans son dos, dans la nuit… Puis tout s’est accéléré. De façon quasi-machinale, elle avait posé ses mains autour de son cou, à lui. Il a lâché un court instant sa taille, et d’un geste incroyablement rapide il s’est libéré de son pantalon, faisant jaillir son… engin, qui, il faut hélas l’avouer, m’apparut ne demander que cela ! Le nul était monté de façon exceptionnelle. Je vis comme dans un cauchemar sa queue sombre et cambrée battre entre les cuisses de mon amoureuse, tressautante, comme animée d’une vie indépendante. Il s’empara alors de la main droite de celle-ci et l’obligea doucement à le saisir par la hampe. La manoeuvre était explicite : Marie ne se la fit donc pas expliquer, et, un vague sourire aux lèvres, elle se mit à masser doucement cette barre érigée. Lui, impassible, insinua alors une main puissante dans l’entrejambe de mon amoureuse et le jeu de ses doigts agiles dans la fente offerte suscitèrent bien vite des tressaillements, appuyés de soupirs retenus… Soupirs qui s’enchaînèrent bientôt en un halètement continu, ponctué de cris étouffés, tandis qu’une sarabande que je me croyais exclusivement réservée animait les hanches de ma Miss, se projetant au-devant des doigts fureteurs. Des reflets mordorés commencaient à inonder les cuisses de la furieuse. Et puis enfin, perdant ce qui lui restait de défenses, Marie, toute tremblante d’énervement et de convoitise, abandonna son massage pour guider sans plus attendre la bite élancée vers l’orée de son sexe… J’étais éberlué. Etait-ce possible ? Comment en était-elle arrivée là ? Je vis le bout trapu trouver en tâtonnant sa place naturelle entre les lèvres obscures de ma gredine. L’infâme y marqua une pause ; le voyant de dos, de trois quarts, j’étais fasciné par ses fesses, étroites et musclées. Je les vis alors se contracter d’un coup et puis s’avancer, lentement, tandis qu’il écartait Marie, s’enfonçant en elle. Elle poussa un «Ah !», se cabra en arrière sur le bureau, s’y appuyant d’une main incertaine, bousculant les menus objets qui s’y trouvaient, tandis que son autre main - ongles vernis de rouge - étreignait la racine du membre fiché entre ses cuisses ruisselantes, ce membre qui allait et venait à présent, avec une régularité de piston monstrueux, ponctuée par le bruit sourd et rythmé, presque métallique, du choc des deux bassins, en bout de course, un mouvement dont chaque pulsation coïncidait avec un nouveau gémissement arraché à ma belle.
Au bout d’un temps incalculable, le gentil collègue s’arrêta, abuté tout au fond du ventre de mon amante… Quelques secondes s’écoulèrent ainsi, haletantes… En avait-il fini ? Non ! La prenant alors à la taille, il eut un mouvement de rotation du bassin, de bas en haut, qui la souleva, elle, cambrée, au-dessus du bureau, jambes crochées sur ses fesses, comme si le sexe tout droit et dru planté en elle était devenu l’axe nouveau de tout ce corps de femme… Et puis encore, je le vis empoigner ses seins, à travers le haut de soie. Et, énervé par l’obstacle pourtant léger, tirer d’un coup, arrachant boutons et broderies, libérant les tétons magnifiques, bruns, durs, bandés, dressés. Et leur chevauchée reprit d’un coup, furibonde. Moi j’étais là, fasciné, littéralement fasciné. À cet instant précis, le tir dans le lointain du bouquet final illumina la pièce de couleurs orangées, c’était fou, le sifflement et le choc des fusées se mêlait aux cris, aux véritables hurlements de Marie hagarde pour produire une scène franchement hallucinante. Des feux de toutes sortes étaient tirés sous mes yeux et sous mon crâne en proie à la plus grande confusion.
Je me souviens que je fis un effort pour m’arracher au spectacle, et que je me retournai de manière mécanique, avec cette idée de rejoindre les autres, vite, de faire comme si rien ne s’était passé, de gommer l’épisode. À deux pas derrière moi, sur le palier, se tenait mon historienne, figée, bouche bée, pupilles écarquillées, fixant par-dessus mon épaule le spectacle offert par sa collègue. Je la bousculai un peu, ou la caressai peut-être, le regard et l’esprit ailleurs, descendis vivement l’escalier, en proie aux émotions les plus contradictoires, l’estomac noué, contrarié de mille mouvements opposés…
En bas, la fête se finissait. J’émis, je crois, quelques banales amabilités. Je dus attirer quelques regards intrigués, quelques commentaires, tant mon esprit battait la campagne. Je suis encore dans l’impossibilité d’évaluer le temps qui se déroula, avant qu’un peu calmé, je ne me décide à remonter. Je me souviens que je trouvai la porte de la bibliothèque grande ouverte. Ils n’étaient plus là. J’entrai, allai jusqu’au bureau. Sur le bord du maroquin, il y avait une large tâche humide, où je posai deux doigts… que je portai à mes lèvres, appréciant de la pointe de la langue le goût… sucré-salé de mon amoureuse. Et puis je suis ressorti, j’ai regardé par la fenêtre, le jardin, dans le noir… Elle était là, toute seule, assise sur l’un des fauteuils en osier blanc de la terrasse. Elle fumait une cigarette, les yeux clos.
Encore plus tard, en bas, je l’ai croisée. Elle servait les derniers scotchs. Je me souviens qu’elle m’a souri, et tout en me regardant dans les yeux m’a jeté quelque chose comme :
«Quel spectacle ces feux ! C’était super, vraiment… Jamais je n’en avais pris autant plein… " - Elle marqua une pause inutile - "…les yeux ! Tu veux peut-être un verre, mon chéri ?».
Impassible. Elle avait changé de jupe et de chemisier. Je ne lui ai pas demandé si elle avait remis son petit triangle de dentelle noire…