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1891
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13/04/05
Résumé:  Je vous écris d'un pays...
Critères:  revede -lettres
Auteur : LongJacq            Envoi mini-message
Je vous écris d'un pays...


Je vous écris d’un pays merveilleux où jamais il ne pleut. Bien différent du vôtre, à ce que vous m’en dites. On ne connaît pas sa chance…


Vous me parlez de pudeur… Je ne comprends pas ce mot et ce qu’il recouvre pour vous. Cette notion n’existe pas chez nous. Comme je vous l’ai dit, ici il fait toujours beau, toujours chaud. Aussi, nous n’avons nul besoin de vêtements pour nous couvrir. Comme nous allons, tous et toutes, ainsi que nous sommes nés, nous n’imaginons pas qu’il puisse en être autrement. Je ne vous cacherai pas que nous avons beaucoup de plaisir à nous observer les uns les autres. Rien n’est plus exhaltant que d’admirer la façon dont nous sommes faits. Nos corps sont beaux et la nudité lisse et sans détour.


Il faut que je vous dise : le corps est un langage. Il nous instruit en bien des choses. Chacun y révèle son âge. Les jeunes ont le sexe lisse, la poitrine plate, les adolescents le désir toujours prêt à s’éveiller. Les adolescentes ont la toison drue et foncée, les seins fermes et hauts placés, les mères aux hanches larges, la poitrine généreuse. Les pères ont des muscles puissants, la silhouette lourde, et puis il y a nos vieux aux poils rares, aux formes relâchées.


Nos corps disent mieux que nos mots ou nos regards tout ce que nous éprouvons. Nos tétons s’érigent, aigus et arrogants, les verges des garçons montrent leur concupiscence. Nos désirs s’affichent d’eux-mêmes, sans qu’il nous vienne à l’esprit de les dissimuler. C’est une question de franchise…

Nous devons être honnêtes envers nous-mêmes et puis les uns envers les autres. À quoi servirait de dissimuler nos désirs?


L’amour est pour nous naturel. Il est dans l’ordre des choses. Hommes et femmes ne sont-ils pas faits pour s’aimer? Un couple qui s’étreint, qu’y a-t-il de plus beau? Nos parents se sont toujours aimés au grand jour. Jamais ils ne nous ont caché ce qu’ils faisaient ensemble. Tous les jeux de l’amour, depuis notre plus jeune âge, nous les connaissons. Frères et soeurs s’amusent mutuellement à explorer leurs corps. Ainsi, petit à petit, nous apprenons le plaisir. Le procurer aux autres ou à soi-même, nous ne savons rien faire de mieux.


Quand nous étions enfants, il nous tardait de faire comme nos parents. Ils semblaient y trouver un si grand bonheur… Dès qu’ils en furent capables, les garçons de notre âge introduisirent leur sexe dans le nôtre. Ce fut un grand plaisir… L’empressement des garçons était grand, nous éprouvions le même.

Nous pouvions enfin nous amuser ensemble.


Ici, le désir des filles n’a d’égal que celui des garçons. Les femmes aimantes attisent de leurs mains la virilité des mâles, qu’elles guident dans leur giron. Assises sur leurs amants, elles les chevauchent fougueusement.


Rien n’est ici comme chez vous. Hommes et femmes sont libres de suivre leurs envies. La fidélité n’a pas de sens. Hommes et femmes vivent sous le même toit lorsqu’ils ont des enfants et souhaitent rester ensemble. Aucun n’a de droit sur l’autre. Ils n’ont aucune obligation. Comment dans sa vie, n’avoir de désir que pour une seule personne? Nous sommes tous différents. Là est notre richesse. Il en est de forts et vigoureux, d’autres doux et caressants.


Ne s’accoupler qu’avec un seul, ce serait ignorer les autres, or ne sommes-nous pas faits pour vivre ensemble? Quelle tristesse ce serait de vivre coude à coude sans échange et sans partage. Le refus engendre de grandes frustrations, le malheur de ceux qui se sentent repoussés. Alors qu’il y a tant de joie à donner.


Nous ne sommes point jaloux, notre bonheur est aussi celui de nos prochains. Le plaisir n’a pas d’exclusivité. Il importe de le prendre où il se trouve.


Les désirs sont indomptables. Nous avons beaucoup de mal à les apprivoiser.

Aussi vaut-il mieux les satisfaire. Sitôt comblés, ils disparaissent et arrêtent de nous tourmenter. Mais toujours ils reviennent. Ils n’ont de cesse de trouver leur semblable pour s’accorder. Or c’est chose facile car nous en avons tous.


Vous me parlez d’un Dieu qui habiterait vos cieux. Notre ciel est limpide et personne ne s’y cache. Ce que vous appelez Dieu ressemble à notre conscience. Personne ne nous dit ce que nous devons faire. Il n’y a que les enfants pour avoir besoin d’un père. Devoir être guidé comme un enfant, ne pas être juge de ses actes, ce serait une grande misère.


Copuler est pour nous un acte amical qui se pratique à tout instant. La jouissance apaise l’esprit et détend le corps. Sans doute est-ce pour cela que nous ignorons l’agressivité dont vous me parlez.

Il y a tant de plaisir à donner, autant qu’à recevoir, c’est une question de générosité. Aussi nous ne sommes pas avare du plaisir que nous donnons.

Qu’il n’y ait pas de malentendu à ce sujet entre nous. Je ne voudrais surtout pas vous heurter. Vous paraissez si embarrassé de mes propos. Tout est si différent pour vous. N’y voyez nulle intrigue de ma part. Je ne vous dis que la vérité.

Quand vous viendrez, vous le verrez vous-même. Vous en serez tout étonné.


La honte, selon vous, serait une sorte de dégoût, une mauvaise conscience. Je la vois comme l’ombre d’un grand oiseau qui plane et cache le soleil, une éclipse soudaine et menaçante, une eau trouble et malsaine.

Il faut avoir commis une quelconque faute pour éprouver pareil sentiment! Or qui peut dire ce qu’il convient de faire sinon nous-mêmes. Le vice serait de ne pas être en accord avec nous-même.


L’émotion est une grande chose. Elle nous prend toujours par surprise. On a beau la connaître, chaque fois on s’en étonne. Elle peut faire peur tant elle nous affaiblit. Quand elle nous fait trembler, que redoute-t-on? Pourriez-vous me le dire? Elle, si douce… Dites-moi que craint-on à s’y abandonner?

Céder à l’émotion, quelle retenue nous en empêche?


Nous n’avons aucune frayeur de nos faiblesses. Il faudrait pour cela que quelqu’un ose en profiter. Nous préférons les partager.

Avoir peur d’être faible, c’est vouloir être fort. Mais que faire de sa force?


Apaiser, le grand mot. Faire taire le tremblement de toutes choses. Le frémissement des feuilles, le friselis de l’eau, la vibration de l’air, les frissons du désir. Etre calme et serein en harmonie avec les êtres et les choses.


La nature ne nous appartient pas, nous lui appartenons. Quelle idée d’inverser l’ordre des choses? Je ne le comprends pas. La nature est si généreuse. Elle nous donne ses fruits, ses fleurs… Jamais nous ne saurons être aussi généreuse qu’elle. Il y a beaucoup à en apprendre. Elle n’exige rien en retour, tout ce qu’elle fait est gratuit. Sans doute le fait-elle pour son propre plaisir…


D’autres êtres vivants demeurent avec nous. Ils ont toutes sortes de formes et de couleurs, mais nous nous ressemblons. Ils s’aiment et se reproduisent comme nous pouvons le faire. Ils ont beaucoup de respect pour nous. Ils ne sont pas farouches et n’ont aucune crainte. Pourquoi en auraient-ils selon vous? Nous ne leur voulons aucun mal! C’est un bonheur de les voir vivre à nos cotés, tellement différents et tellement semblables. Nous séjournons en bonne entente. Certains, curieux, viennent nous voir, et nous nous lions d’amitié.


Nos nuits sont douces, la lune toujours pleine. Nous dormons sous les étoiles les unes contre les autres. Ou bien, collée à la chaleur d’un amant, l’amour nous aide à trouver le sommeil. Epuisés de trop de plaisirs, nos corps rassasiés sombrent dans une douce torpeur.


Nos rêves sont lumineux, sensuels, voluptueux. Nous n’y rencontrons aucun monstre.


Il faut que je vous parle des caresses car nous les aimons toutes. Celle de l’herbe, du vent ou bien encore du soleil. Mais d’autres vous intéressent beaucoup plus. Je vous comprends. Nous devons toutes les connaître car toutes sont bonnes.

Sans cesse nous nous touchons. Nos épidermes sont tellement sensibles. La chaleur qui émane de nos corps si rassurante. Le moindre effleurement éveille des frissons, un fourmillement qui court et se répand.

Les caresses n’appartiennent à personne. Qui donne et qui reçoit? Les deux choses sont si intimement mêlées qu’il est impossible de les distinguer. Mais, me direz-vous, à quoi cela servirait-il?

Chaque parcelle de notre corps a sa propre sensualité. Il est des régions hautement volcaniques promptes à s’emporter, d’autres paresseuses qui ont du mal à s’éveiller.

Pour ce qui est encore des caresses, je vous tairai les plus délicieuses… Celles qu’on ne fait pas avec les mains… Mais vous les connaissez…


Vous me dites que rares sont, chez vous, les relations entre personnes du même sexe. Il en va tout autrement pour nous. Les garçons lassés des filles s’amusent entre eux. C’est une curiosité de les voir faire. Celui qui prend notre place agit comme nous pourrions le faire. Ils se donnent du plaisir comme nous le faisons entre filles. Une fille qui ne goûterait jamais aux joies d’un corps de femme ne vivrait qu’à moitié. Chaque chose a son agrément.

Nos aînés, plus expérimentés, nous enseignent la patience. Ils savent nous conduire vers les plus hauts sommets de la volupté. Les plus âgées, elles, se gorgent de l’ardeur des adolescents.


Comment vous parler du plaisir? Il est si grand! Il nous entraîne hors de nous-mêmes dans de grands débordements. Parfois léger et fugace, il peut être d’une telle démesure qu’il en est effrayant. Il survient sans que nous puissions le retenir. Mais quel bien-être de se laisser envahir, anéantir par lui. Le plaisir est une grande chose… Nous ne pourrions pas vivre sans lui. N’est-il pas merveilleux de pouvoir éprouver une telle ivresse?

Qu’il est bon de sentir tout son corps frémir à l’approche du plaisir, bon de se laisser glisser dans sa douce volupté…


L’aurore est rose. Elle nous sort des rêves de la nuit. La nuit est sombre. Elle a quelque chose d’inquiétant. Toujours on y entend des bruits mystérieux, sans que l’on sache à quoi ils correspondent. Tenez, par exemple, les gémissements de plaisir : à les entendre dans le noir, on pourrait croire qu’un être est là à souffrir. Or il n’en est rien. C’est un curieux mélange de désir et d’effroi qui suinte de la nuit.


Nous aimons les fêtes, les danses et les chants. C’est l’occasion de nous retrouver ensemble, toujours prétexte à de nouvelles connaissances, à de nouvelles expériences. Le plaisir des uns attise le désir des autres.


Ne vous méprenez pas, nous avons, nous aussi, nos mystères. L’eau de nos rivières coule sans cesse alors que jamais il ne pleut. Il faut bien que cette eau vienne de quelque part. Sans doute vient-elle de très loin, de contrées où nous ne sommes jamais allés. Mais c’est une inquiétude… Peut-être un jour s’arrêteront-elles de couler. Ce serait alors un grand désastre…


Le travail n’est pas une obligation, il faut pourtant le faire. C’est toujours un grand dilemme pour nous. Au moment de travailler, il nous prend continuellement des envies de faire autre chose. Il est bien plus plaisant, convenez-en, d’aller se baigner à la rivière, de se promener dans les champs ou d’échanger des caresses. Ces envies-là nous viennent toujours au mauvais moment.


Mais je vous embête avec mes longs discours. Vous verrez tout cela par vous même lorsque vous viendrez… Tout sera alors tellement plus facile. J’ai vraiment hâte de vous connaître. Dites-moi, quand viendrez-vous?… Je vous attends…