Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 09103Fiche technique36012 caractères36012
Temps de lecture estimé : 25 mn
17/05/05
corrigé 30/05/21
Résumé:  Les règles du concours disaient 'imagination et liberté'... Je les ai laissées me guider au cours de ce 'voyage'. je vous en souhaite autant.
Critères:  fh volupté cérébral conte
Auteur : Nono  (Lecteur parfois... pourquoi pas auteur....?)      Envoi mini-message

Concours : Concours "Les préliminaires"
Le voyage

 

D’abord, apprendre à voyager


Quand on a décidé de se relaxer, le ronronnement lancinant de la perceuse n’est pas la musique de fond idéale. Il faut pourtant que je m’habitue: depuis qu’un immeuble s’est adossé à ma maison, l’emménagement des voisins s’accompagne de travaux bruyants.


Franchement, j’aurais bien besoin d’un peu plus de calme.


Surtout pour ce type de relaxation, croyez-moi !


Une méthode assez personnelle, que j’ai mise au point après de multiples lectures, tenant du yoga, des respirations connectées et du rebirth. Après pas mal d’essais infructueux, je commence à atteindre des résultats étonnants, un degré de liberté mentale remarquable. Et malgré mon scepticisme habituel, je dois le reconnaître, je progresse à chaque séance: je parviens de plus en plus vite et de plus en plus distinctement à dissocier mon esprit de mon enveloppe corporelle.


Au point que depuis peu, je pense avoir atteint ce que les sages tibétains appellent le voyage astral. Je n’en parle pas autour de moi, car on aurait vite fait de me classer dans les illuminés, mais l’expérience est fascinante.


Il fait chaud, sur mon lit. Je me tortille, pressé de rejoindre cet état second, mais la musique de la perceuse me taraude encore.


Sans doute les nouveaux du deuxième, bobos exubérants, arrivés la semaine dernière. Rien à voir avec ceux du dessous, arrivés un mois plus tôt. Un couple, d’une discrétion presque maladive. Regard au ras du sol, le mari ne m’a jamais laissé entendre sa voix, même pour un bonjour. Cela frise l’impolitesse, mais bon! La femme, petite souris grise, ose parfois un bonjour fugace et à peine audible – et uniquement quand elle n’est pas accompagnée de son ours de mari.


Pour tout dire, je les plains, j’imagine une vie sans relief, métro, boulot, dodo…


Ouf, la chignole s’arrête, c’est le moment!


Je referme les yeux. Quelques respirations amples, et mon organisme se régule de la tête aux pieds. Mentalement, je visionne mes muscles et les détends progressivement, d’abord les extrémités, remonter le long des membres, puis la tête, le tronc, le ventre… Focaliser ses énergies négatives et les évacuer par un point virtuel, au-dessus du nombril. Déjà, je me sens différent… Puis, laisser le corps plonger dans un moelleux repos tandis que l’esprit s’échappe de manière diffuse pour se concentrer au milieu de la pièce.


Je me retourne vers mon lit. C’est mon corps que je regarde.


Les premières fois, j’ai tout simplement cru que je rêvais. Mais la pratique aidant, j’ai pu m’assurer que je vivais vraiment ces moments-là. Certes, c’est un fonctionnement uniquement cérébral, mais beaucoup plus concret que les rêves. J’organise, je choisis.


Me déplacer a été autrement difficile… Et un choc mémorable! Comme dans un film de science-fiction! Lassé de mes premières séances, où je flottais béatement entre les murs de ma chambre, j’ai découvert un jour que la porte n’était pas totalement un obstacle.


Les premiers franchissements furent chaotiques et angoissants, mais depuis peu, j’exulte et je m’autorise des ’voyages’ de plus en plus divertissants. Peut-être faudrait-il que je fasse preuve de plus de prudence, mais je n’ai pas encore cette sagesse! Comme un enfant qui découvre, une à une, les astuces d’un nouveau jeu vidéo, je m’amuse et m’étonne de situations toujours plus riches.


Je suis obligé d’avouer que quelques sorties m’ont laissé des souvenirs inoubliables. Les plus jolies filles croisées ainsi dans la rue n’ont plus aucun secret pour moi, une fois que mon esprit coquin les a suivies jusque dans leur appartement, sous leur douche ou sous les draps. Ah, combien de fois mon regard d’esthète s’est régalé de courbes entêtantes et de jolis moments très intimes!


Régalé, mais frustré aussi. Car la vue et l’ouïe seules sont mises à contribution, il n’est pas question de toucher, sentir, goûter.


Bref, voyeurisme seul… et masturbation immatérielle, cela frise la torture mentale parfois!


Qui sait?… Peut-être avec de la pratique…


Le chat, l’ours et la souris


Je me décide, je vais essayer de connaître mieux mes voisins tristes. Ils ne sont qu’à deux murs de moi, et les parois épaisses ne me posent plus trop de problèmes.


Un éclair de pensée, et me voilà déjà de l’autre côté des parois. Pour ce qui est de la technique, je crois bien que je progresse vraiment fort ces derniers temps. Lors des premiers voyages, il me fallait dix minutes, l’angoisse en plus.


Chers voisins, bonjour!


Autre frustration, ne pas pouvoir m’entretenir avec les personnes que je croise dans mes ’voyages’. Alors, je parle tout seul :



Et je ris tout seul de mes boutades.


C’est un appartement moderne, propret, mais pas vraiment gai, je m’y attendais. Monsieur Triste lit son journal dans son fauteuil, Madame Souris s’affaire à la cuisine. L’atmosphère est feutrée, on aurait envie de mettre un disque de Jean-Jacques Goldman à tue-tête pour réveiller ces gens-là.


J’erre quelques instants dans la pièce, puis, un brin curieux, je lis les commentaires boursiers, par-dessus l’épaule du maître de céans. Relance de l’économie, sortie du tunnel, les actions qu’il faut avoir… Bonne idée, tiens, je vais racheter des titres, histoire d’atténuer le plongeon récent.



Soudain, je comprends. En osmose avec l’homme au journal, je suis entré dans ses réflexions. Incroyable! Je veux en avoir le cœur net et je me concentre. Quelques pensées étrangères m’encombrent tout d’abord, puis rapidement un mélange curieux mais cohérent se forme dans ma tête. Dans mon esprit, devrais-je dire.


Il me faut quelques instants pour mettre un peu d’ordre dans ce fouillis mental puis ça va mieux. Un peu décontenancé, je lis la suite de l’article et tourne la page afin de …


Je tourne la page! Ce n’est pas possible, c’est une coïncidence! Il aura tourné la page, au moment où je le pensais, rien de plus!


Je me sens troublé. Levant les yeux, j’aperçois une bouteille de Whisky sur le buffet. Ce sera mon test, le moment de vérité. Je me lève, j’empoigne la bouteille et un verre. De retour dans le fauteuil, je me cale confortablement dans le cuir vieilli et je déguste une lampée.



Maman Souris vient de me répondre! Je sirote le Whisky de mon voisin et sa femme me répond! Je parle, je tourne les pages et je déguste!


J’ai totalement envahi l’espace de Papa Tristoune. J’y crois pas, comme disent les jeunes aujourd’hui. C’est sa main qui tient le verre mais c’est aussi la mienne car je soulève celle-ci à la lumière pour admirer les reflets ambrés du nectar. C’est ma main qui le porte à ma bouche et c’est ma gorge et mon palais autant que les siens qui se régalent. J’ai envahi l’espace, j’ai intégré ce corps.


Ça s’arrose ! Un Single Cask estampillé 25 ans d’âge, ça ne se refuse pas.


Je déguste la situation au même rythme que mon Pure Malt. Consciencieux, curieux. Je me sens bien, un peu comme chez moi. La remarque me fait sourire. Cette femme, qui va-et-vient en mettant la table, ne fait pas attention à moi, et pour cause. Elle voit son époux, comme d’habitude.



Elle se retourne, elle s’appelle bien Marie. Le prénom m’est venu sans réfléchir. Me penchant vers elle, je l’empoigne par la taille et l’approche du fauteuil.



Une certaine panique l’envahit. Manifestement, le geste imprévu, ce n’est pas le genre de la maison. Je m’en serais douté aussi.



Tout en parlant, j’ai passé ma main sous sa robe de chambre et je remonte sur sa cuisse.



Devant mon air interrogatif, elle ajoute



Je me retiens pour ne pas pouffer de rire. Le cliché! Dans la famille ’ne-se-trifouille-que-le-samedi’, j’ai le père et la mère, bonne pioche! Je me ressaisis:



Ce faisant, ma main est parvenue à atteindre sa culotte. Petite Marie semble perdre ses moyens.



Ne m’attardant pas sur le tendre qualificatif - m’est-il vraiment destiné? -, j’ouvre largement le pan de son vêtement pour découvrir une jolie paire de jambes.



Associant le geste à la parole, je me colle la tête contre son ventre. Nul doute que j’ai bien intégré toutes les fonctions de mon hôte, je sens une érection envahir mon pantalon. Cet instant d’inattention me joue un tour, ma compagne d’un soir en profitant pour se faufiler hors de mon étreinte.



En s’enfuyant vers la cuisine, elle trottine d’un petit pas de souris affolée qui m’amuse. En deux enjambées, je l’ai rejointe.

Dressée face à moi, elle m’interroge du regard. Pas d’appréhension, plutôt un total étonnement. Quant à moi, je me sens l’esprit joueur comme jamais.


Si tu es la souris, je serai le chat!

Tu te demandes ce qui t’attend.


Je l’observe. Dans sa fuite, sa robe de chambre s’est totalement ouverte sur un corps miniature. Poitrine menue, taille menue, jambes menues, la belle est encore plus minuscule que je l’imaginais. Un mètre cinquante, quarante-cinq kilos, peut-être moins. Le tout manque de rondeurs, à mon goût, mais il est joliment proportionné. C’est peut-être un échantillon gratuit?… Je pouffe.



Mon échantillon, justement, ne comprend pas ce qui se passe. Elle me voit rire sans raison, elle ne sait pas si elle aussi doit rire ou plutôt se fâcher. Il est temps que je l’éclaire un peu.


Je la prends par la taille et la soulève comme un fétu de paille. Fichtre, je m’étonne ! C’est vrai, je me souviens. L’homme qui ’’m’héberge’’ est du genre balourd, mais costaud. Moi qui suis plutôt grand et sec, ça me change. Du coup, ce soir, je dois faire le double de ma proie et elle agite ses membres au-dessus de moi sans grande conséquence.



Son regard pourrait paraître courroucé, mais il me semble que sa voix trahit une pointe d’amusement.


Ça tombe bien, moi aussi, j’ai envie de m’amuser. D’un geste, je fais pivoter mon petit colis, faisant apparaître les jambes affolées et la culotte devant mes yeux. J’arrête là la roue de la fortune et, du bras droit, j’enserre petite Marie qui se débat, tête en bas. De l’autre main et avec quelque peine toutefois, j’extirpe la culotte des jambes qui s’agitent.



Si vraiment elle n’a aucune idée de ce que je vais faire, c’est que son mari est une bien mauvaise langue ! Déjà qu’il a une tête d’ours mal léché, serait-il aussi un mauvais lécheur?


Dans les bras de papa ours, le petit poisson frétille un peu trop à mon goût. Je remarque devant moi la grande fenêtre qui donne sur la rue, soyons fou totalement. Je plaque Marie, cuisses et fesses contre la paroi vitrée.



Georges ! Un peu vieillot, ce prénom, mais bon, je n’ai pas le choix. Pour toute réponse, je colle ma bouche sur son entrejambe, amusé de voir au second plan les fenêtres de l’immeuble d’en face. Aucune lumière, les banlieusards ne sont pas encore rentrés… ou bien, masqués dans la pénombre de leurs appartements, ils s’en mettent plein les yeux!


…Et moi, plein les narines et plein la langue. Ah que ça sent bon, une femme après la douche!


Je me perds dans cette toison ma foi bien fournie et oui, là, je m’enivre. Le jeu ajoute à l’excitation et Marie aussi est excitée, elle ne pourra pas dire le contraire.


Mais même si Marie est minuscule, il n’est pas facile de la maintenir tout en honorant son petit monde secret. De plus, elle n’arrête pas de bavarder…



Elle se débat encore et toujours. Qu’est-ce que je suis sensé savoir? Certainement pas qu’elle est frigide, vu ce que mes caresses ont déclenché entre ses lèvres. Certainement pas que je suis impuissant, si je me fie à mon membre, bridé par mon pantalon de ville. Alors, quoi ?


Questions sans réponses, j’hésite. Et distraction fatale à nouveau. Telle une anguille, Marie se laisse glisser à terre et s’enfuit dans la salle à manger. Chat et souris, à nouveau?


Trois enjambées en sens inverse de ma part, et nous voilà revenus à la case départ.


Marie me fait face, un fauteuil entre nous. Pas de doute, il y a un prédateur et un délicat petit rongeur dans cette chasse.


Dans cette chasse, ou dans ce jeu? Même si ses sourcils sont froncés, ses yeux sont rieurs. Elle est dans de bonnes dispositions, je crois, et j’ai hâte que notre jeu devienne plus chaud encore. Feinte à droite, contre-pied à gauche, la belle est déséquilibrée et s’affale à plat ventre sur le bras du canapé au moment où j’arrive derrière elle.


D’une main remontant entre ses cuisses, j’écarte sa robe de chambre, m’assurant au passage de ses bonnes dispositions. Ça ne fait pas de doute, le jeu l’a émoustillée. D’ailleurs, se débat-elle vraiment? Je porte la main à la fermeture de mon pantalon et en extrais mon membre.


Avec quelques difficultés!


Diable, Papa Triste est membré comme un ours! A vrai dire, je n’ai jamais vu les attributs d’un ours, mais ce que je tiens dans la main est impressionnant. Je n’ai jamais fait de complexe sur le sujet, mais force est de reconnaître que je suis battu. Et même si ce n’est qu’un membre d’emprunt, je suis plutôt fier de ma nouvelle nature.


J’approche de l’entrecuisse de Marie avec une petite incertitude. Minuscule comme elle est, la pénétration risque d’être périlleuse, non ?


Au moment où je colle mon gland contre ses lèvres humides, Marie se retourne affolée. Ai-je raison d’hésiter? Je crois plutôt que c’est la situation qui l’affole. On n’est pas samedi, on est sur un fauteuil, cela n’a jamais dû se produire, m’est avis.



Je sais bien que quoi, à la fin? S’il y a une impossibilité physique, je veux en avoir le cœur net! J’accentue un chouia la pression et force sur les lèvres qui se déforment en douceur, avec une résistance sensible mais bien agréable. Du coup, la phrase de Marie se termine dans un souffle qui ne laisse guère de doute sur le plaisir ressenti par ma partenaire. À la retenue près que je n’ose me faire plus profond, craignant de lui faire mal.


Toujours est-il que Marie n’en demande pas plus… ni moins ! Elle se laisse aller, indolente et tendrement plaintive. Et moi, donc! Sentir ce long membre épais glisser vers le paradis est délectable.


Sentir, ressentir, enfin !


Augure de doux moments à venir.



Une voix retentit dans l’entrée. Tout à mon sujet, je n’ai pas entendu la porte d’entrée et une voix a retenti dans le vestibule. Marie s’est crispée, accentuant la pression de ses chairs, et se retourne vers moi.



Là, elle semble vraiment affolée, perdue même. Peu importe qui est Bibiche, il faut agir vite!


Immobilisant Marie contre moi, j’enjambe le bras du fauteuil et je me laisse tomber sur les coussins. Marie se cambre et, bouche bée, retient un cri tandis qu’un arc électrique remonte tout le long de ma moelle épinière. Ai-je empalé ma captive? Au moment où la porte s’ouvre, Marie a juste le temps de rabattre les pans de son habit, masquant habilement notre assemblage plus que libertin, cachant mon membre fièrement dressé entre ses cuisses.



Cette jolie blonde d’une vingtaine d’années que je vois souvent passer sous ma fenêtre est donc leur fille…



La réponse de sa mère laisse Bibiche songeuse mais elle n’insiste pas.



Vu le regard que Bibiche pose sur moi, je ne dois pas l’avoir habituée à une telle tolérance. Marie serre vertement les fesses, confirmant ma pensée. Amusé, je lui assène un petit coup de rein qui dresse encore plus mon pal entre ses cuisses jointes. Un « Hmppf » étouffé y répond, tandis que Bibiche picore une ou deux feuilles d’endives.


Elle disparaît aussi rapidement qu’elle était arrivée, puis, se ravisant, elle repasse la tête par la porte:



Puis Bibiche s’éclipse enfin, laissant un couple partagé entre amusement et relâchement nerveux. Dans les yeux de Marie, il pourrait même y avoir un ton de reproche, me semble-t-il.


Pour couper court à une telle discussion, je prends sa nuque dans ma main et colle mes lèvres aux siennes. L’effet est immédiat, et toute tension disparaît en elle. Ce baiser, débordant de sensualité, contraste avec notre petit jeu préliminaire autant qu’avec l’affolement qui s’en était suivi à l’arrivée de ’notre’ fille.


Marie se délecte de ce baiser. Elle se fond en moi, ses mains fouillant ma tignasse, enserrant mon cou. Elle est amoureuse de son homme, c’est criant dans l’intensité qu’elle donne à cette étreinte. Heureux homme!


Son corps entier exprime le bien-être. Collée à moi, elle ondule et remue, excitant mon érection qui ne s’était pas beaucoup calmée. Moi aussi me libérant, je me laisse enrober un peu plus dans cet enserrement moelleux et moite. Peut-être n’aurais-je pas dû, car cela semble la ramener à la réalité. Elle lâche mes lèvres.



Pour être honnête, ce n’est pas ma première préoccupation. Est-ce la sienne, réellement? Je ne vois que ses yeux, et s’ils expriment l’appétit, c’est, à la rigueur, pour les nourritures terrestres de Gide, certainement pas pour sa salade, si composée soit-elle. Glissant ma main sous son tissu, la chaleur et la moiteur qui accueillent le bout de mes doigts me le confirment.



Elle ne semble pas avoir de doute ni de réticence sur mes intentions car lorsque je me lève et que je me dirige vers la chambre, elle m’encercle de ses jambes sans hésiter et se colle à moi amoureusement.


Me serais-je trompé sur ce couple et sa triste image? Sur elle, c’est certain. Elle respire l’envie, le désir, bref, l’amour. Pour lui, c’est indéchiffrable, puisque je suis si ancré dans ses pensées qu’elles disparaissent totalement.


Je ne peux que tenter de contenter cette femme amoureuse. Et je ne vais pas me faire prier.


Suis-je le chat ou la souris ?


En m’allongeant au-dessus de Marie, sur le lit, je ne sais pas encore comment va se passer cet échange amoureux.



La remarque me surprend, comme un dialogue entre moi et ma conscience. C’est vrai que je suis trop attaché à vouloir toujours bien faire, perfectionniste, même dans des moments si intimes. Je sais depuis longtemps ce défaut, mais jamais encore une voix aussi présente ne m’avait apostrophé ainsi. Mon hôte qui se manifeste? Marie qui m’interpelle sans un mot?


Elle a les yeux plongés dans les miens et ne se pose pas de question. Et même, elle me donne des axes de réponses explicites et concrets. Elle a déjà presque totalement ôté ma chemise puis, se redressant, assise maintenant sur moi, elle s’évertue à en faire autant de mon pantalon. Oppressant mon membre, par jeu ou par inadvertance, elle se contorsionne et arrive facilement à ses fins. Je suis nu avant d’avoir fait un geste et, son visage collé au mien, ses yeux semblent me dire : « qu’attends-tu? »


Oui, c’est Marie qui me parle. Marie qui me dit en silence la hâte qu’elle a de me voir la déshabiller à son tour.


Une robe de chambre qui ne tient qu’un dernier instant sur ses épaules et il ne reste bientôt qu’un soutien-gorge sur ce corps frêle. Pourquoi diable t’obstines-tu à mettre un soutien-gorge après la douche, surtout pour masquer une poitrine si menue? Pour le plaisir de l’effeuillage, mon chéri! Sans un mot, Marie me répond, Marie me guide, Marie m’invite à la découvrir avec douceur.


Mes doigts tournent autour des lanières, dessinent des arabesques invisibles autour de ses courbes ténues, glissent sous les bonnets, appelant un soupir d’aise de Marie. Des petits seins valent autant que des gros lorsque le plaisir est aussi éloquent!


Je me demande si une femme à la poitrine aussi minuscule prend autant de plaisir qu’une autre. J’essaye de m’imaginer une bouche sur ma propre poitrine et, alors que je gobe son sein à peine découvert, aussitôt je ressens le bonheur d’être ainsi lapé, sucé. Délicieuse et inattendue que cette impression d’apprécier un plaisir double!


La débarrassant tout à fait de son dernier voile d’intimité, je la pétris du bout des doigts et à nouveau, instantanément, je goûte ce geste avec volupté comme si c’était ma propre poitrine que l’on oppressait mollement. Je savoure le rude contact de ces deux mains qui englobent mes formes et me chavirent. Troublé de ce plaisir féminin, je regarde Marie et Georges me regarde. Est-ce elle qui, à nouveau, me dit ses plaisirs et ses désirs, ou est-ce moi qui les reçois?


Non, nul besoin qu’elle me dise ses attentes. Elles sont dans ma tête… Autant que dans la sienne.


Nul besoin, j’en suis sûr, je les sais, je les sens. Je suis dans sa tête autant que dans celle de cet homme. Et je suis dans son corps tout autant. À me cambrer et à appuyer ses mains sur ma poitrine encore plus. Je me trouble encore plus de sentir ce membre qui rudoie doucement mes lèvres enflammées. Je suis dans sa tête à tel point que c’est lui qui sera dans mon corps.


Etre en Marie et être Marie. Indiciblement entré dans ses pensées les plus intimes et jouissant des plaisirs de son corps, comme je l’ai fait de son homme quelques instants plus tôt.


J’aime cette effraction dont, homme ou femme, on rêve inconsciemment. C’est un homme qui bouge sous mes yeux et j’ai les envies de cette femme que je regardais à l’instant. L’envie de le sentir glisser en moi maintenant, l’envie de le sentir s’affoler et se vider en moi. Et l’envie de me vider en elle.


Je suis Georges et Marie à la fois.


Ou successivement, je ne sais pas, cela me dépasse. Quand Marie a envie de ses mains sur sa poitrine, mes doigts n’hésitent pas un instant et caressent ses deux seins graciles et quand Georges veut les happer, c’est moi qui me penche en avant et les lui enfourne avec bonheur.


Libido dupliquée, plaisir décuplé.


Mes doigts écrasent son membre impressionnant contre mon doux fourreau. Que j’aime le caresser de haut en bas, de bas en haut, et en même temps, exciter mon petit clitoris que Georges semble ignorer. Mais mes pensées sont les siennes et déjà, sa main rejoint la mienne et s’enduit de moites sécrétions autant que la mienne. Heureuse cette ubiquité qui amène le plaisir au moment exact où on l’attend.


Je me laisse glisser contre cette virilité que je n’ai jamais vue si grosse, apercevant au passage le regard figé de Georges. Je sais ce qu’il attend et espère. Ce sexe érigé devant mon visage me réclame mais j’hésite et Georges ne sait pas pourquoi, il me semble. Pourquoi hésite-t-elle, j’en ai tellement envie?


Peut-être ne le font-ils jamais?


De la main, je rapproche mon gland de sa bouche. J’ai envie, mais je n’ose ouvrir la bouche et happer ce sexe. J’en ai toujours eu envie mais l’éducation de Georges a toujours été un frein. Et pourquoi hésiter encore, alors? Parce qu’en tant qu’homme, je n’ai jamais fait cela, voilà pourquoi. Je suis homme et femme à la fois, contradiction ambiguë, excitante et insoutenable.


Je suis trempée de désir, autant par les doigts de Georges que par l’envie de l’enfoncer dans ma bouche. Mes lèvres se collent sur l’extrémité puis, n’y tenant plus, je me l’enfonce doucement, savourant cet envahissement nouveau. Ma langue se colle tout au long de cette descente indécente et je sens un spasme me parcourir la colonne vertébrale quand le gland se pose à la base de mon palais. Georges voudrait continuer, mais je le bloque fermement de ma main et m’applique lui faire découvrir ce que ma langue et mes lèvres peuvent lui donner.


Cet instant est nouveau pour moi, comme pour Georges. Où est passée son éducation ? Il me semble prendre autant de plaisir que moi. Plaisir à glisser mes doigts depuis son gland jusqu’à ses bourses, chaudes et moelleuses, à coller ma langue le long de son membre, à sentir les vibrations cambrer son bassin. Je sens son excitation au paroxysme, qui me ravit et m’angoisse à la fois.


Je ne sais plus où j’en suis. Ses frôlements, ses baisers sur mon sexe m’ont plus excité que jamais. Plongé dans sa bouche pour la première fois, je me voyais déjà me vider mais sa main menue m’a agrippé et me maintient, me forçant à une accalmie aussi soudaine que plaisante.


J’allais éjaculer dans la seconde et voilà qu’elle me vole le plaisir pour m’offrir le prolongement du plaisir. Instant momentanément pénible mais je me console: plaisir différé est plaisir amplifié.


N’empêche…


J’ai envie de ce jaillissement, mais je ne pourrai pas lui offrir ce qu’il attend. Pas encore! Engloutir ce sexe dans ma bouche a été une découverte délicieuse et troublante, mais je ne suis pas prête à sentir le jet de plaisir s’y déverser. Est-ce Marie qui ne veut pas ou est-ce celui que tu héberges ? Je ne sais pas, c’est confus, probablement les deux.


..Et puis tes doigts, Georges, qui n’en finissent pas de me brûler, m’envoûter, tes doigts ont dorloté mon petit nid si bien que je ne rêve plus que de t’y accueillir. Alors ne nous faisons pas prier, ni toi, ni moi. Faisons-nous doublement plaisir. Libère ma bouche et laisse-moi m’empaler avec délicatesse !


Oui, comme cela, en finesse, avec élégance, avec indolence !


Pour prolonger, amplifier l’instant, je serre les cuisses et j’empêche la pénétration autant que je la force. Je sens très nettement la peau de ton gland râper en moi. Qui, de nous deux, est le plus fébrile? Indéfinissable. Il me semble que d’un coup de rein, je pourrais jouir sans délai tout comme je pourrais l’obtenir de toi aussi promptement. Frissons d’impatience.


Je n’ai pas de doute. À tes lèvres qui se pincent, à ton corps qui me chevauche et s’impatiente, je sais que ton ventre va m’engloutir maintenant vers ce plaisir que ta bouche m’a censuré, il y a peu. Et ton rythme est le mien. Tu te cambres et je me sens plonger enfin. Tu te recules et je recule, retenant mon souffle pour l’estocade… et m’expulse involontairement des portes de ton bel enfer.


Le vide, le manque, en toi est palpable, je le ressens comme tu le ressens. Je n’ai qu’une idée, c’est empoigner cette verge et la faire disparaître dans mes entrailles chaudes, abondamment trempées, comme jamais. Que me fais-tu aujourd’hui, Georges ? Si ton sexe est trop nouveau pour ma gorge, il semble vouloir ne faire qu’un, avec l’imminente jouissance de mon ventre. Le sens-tu plaqué contre moi, ses pulsations s’accordant au tempo des miennes? Me sens-tu presque défaillir, vibrante comme un arc?


Des vibrations qui appellent les miennes, les accompagnent, me faisant redouter autant qu’espérer le flot salutaire. Chaque contraction de ton vagin est maintenant une onde, un signal vers mes reins, auquel je fais écho d’une poussée incontrôlée, et à laquelle tu répliques en me serrant encore plus intimement à toi.


Spirale sensuelle de nos sens et de nos corps entrelacés.


Et alors que je désire m’abandonner à ce bonheur, tu te modèles à ce désir, tu le précèdes même.


Au moment où je te demande, te supplie sans doute « J’en peux plus, c’est trop fort ! », ce sont ces mêmes mots, parfaitement synchrones aux miens, qui jaillissent de tes lèvres, m’implorant tout autant.


Mystère intangible, incorporel d’une union inconnue jusque là.


Un frisson incontrôlable, le froid, le chaud, je me sens mal, je me sens bien, je n’ai jamais ressenti cela.


Mais que me fais-tu donc aujourd’hui, Georges, que je croyais coincé? Je vais crier, mais je me retiens. Par pudeur?


Je vais crier car mon membre qui t’écrase et te frotte me brûle. Je voudrais t’envahir, mais je n’en aurai pas le temps.


Et je m’abandonne, en osmose avec Marie, à la jouissance. Je voudrais que cela dure et que cela s’arrête.


Que me fais-tu là, Marie que je croyais frigide ? Je vais crier, mais je me retiens. Par pudeur? J’oublie tout.


J’oublie tout, pudeur et décence, silence et bienséance. Le frisson m’a d’abord empoignée par les épaules, puis par le bassin, et je ne suis plus qu’un fétu de paille sous le vent. Mes bras agrippés sur tes épaules, tes bras enserrant mon dos. Mon sexe labourant ton ventre, mes cuisses enserrant tes hanches, je m’agrippe à toi comme le naufragé à une bouée et je laisse s’évader ce cri si longtemps retenu.


Mon cri retentit en écho au tien, et les deux ne font plus qu’un, cordes accordées dans l’espace de cette chambre. Et nos corps ne font qu’un, unis dans le même vibrato, la même jouissance. Un flot de sperme arrive en vagues rapprochées et jaillit sans retenue puritaine, sans pudeur archaïque, libérateur.


Ces vagues me secouent comme un bateau tangue et roule par gros temps. Elles m’inondent et me caressent. Cet endroit intime qui n’était jusqu’à maintenant que le siège de sensations agréables mais éphémères devient en un instant le réceptacle définitif de tous mes sens. Rien ne sera plus comme avant. Tes derniers soubresauts me chavirent, tes derniers spasmes m’émeuvent. Comprendras-tu ces sanglots que je voudrais discrets?


Princesse fougueuse l’instant passé, te voilà Reine dans l’expression de ce bonheur ému. Ce moment d’émotion intime me touche et embue mes yeux à mon tour. Je suis sûr que l’éducation de Georges refuserait cette sensiblerie de femmelette, mais moi, j’accueille cette sensibilité si féminine comme un cadeau de ma compagne éphémère. Je la regarde et l’étonnement se lit sur son visage lorsqu’elle découvre mon regard humide. Je pose un baiser sur ses lèvres chaudes et gonflées, puis cale sa tête sur mon torse. Peu à peu, nos respirations s’accordent, se calment, nous bercent, nous emportent.


La nuit sera un peu agitée. Lorsque je m’assoupis ou que je bouge auprès de Marie, Georges reprend par moments le contrôle de son corps, de ses émotions. Lui et moi, nous sommes un peu comme deux adultes qui essaieraient un même costume. L’un bouge et gêne l’autre. Mais je suis trop bien, collé contre Marie, et chaque fois, mon mental s’impose à celui de Georges et je me rendors contre mon amante d’un soir, torturé entre le respect de son sommeil et des envies de danser encore dans ses bras.


J’ai pitié de ta fatigue. Dors, ma belle, on verra demain !


Au matin, lorsque le soleil m’éveille, Marie n’est plus à mes côtés. Les souvenirs de la veille me reviennent, et des désirs lascifs m’envahissent. Dois-je m’enfuir sans attendre au risque de laisser Marie face à un Georges qui probablement ne comprendra pas grand-chose ?


Marie entre dans la chambre, rayonnante.



Je ne sais comment lui parler.



Le retour de l’analyste fou. Avec mon habitude de tout décortiquer, j’ai peut-être loupé le moment de l’enlacer. Elle me colle un doigt sur la bouche, puis effleure celle-ci d’un baiser.



Elle est tout simplement merveilleuse. Une sensibilité rare dans un corps de rêve. Gorges le lui dit-il, parfois?




Sujet, verbe, compliment!

Les phrases les plus simples …


Elle s’est déjà éloignée du lit, rouge de confusion. Sur le seuil de la porte, elle se retourne, le regard mutin en diable.



Me retrouvant seul, je me prélasse un instant, mais il est temps pour moi de partir, je le sais. Des bruits dans la rue. Marie réapparaît au moment où je venais de libérer Georges de mon emprise.



Redevenu éthéré, je les accompagne sur le balcon.


Mais qu’est-ce donc ? Que font ces gens devant ma maison?! Qu’est-ce qui se passe, chez moi? Jamais je n’ai traversé des parois aussi vite.


Dans ma chambre, un homme avec une mallette, un docteur, à ce qu’il me semble. Penché sur mon enveloppe corporelle, il m’injecte un produit à l’aide d’une seringue.


Francis, mon ami de longue date, est à ses côtés.



Un mal de crâne lancinant m’envahit. Qu’est-ce qu’il fait, ce docteur ? Dans mes lectures sur les voyages incorporels, j’ai lu qu’il ne faut pas réveiller les enveloppes charnelles. Mais rien sur les risques. Je tente de réintégrer mon corps. Résistance!


C’est comme les premières fois où j’ai traversé un mur ! Mon corps résiste, s’oppose.



Une fois, deux fois, trois fois, rien n’y fait, mon corps me repousse comme un intrus.


Francis et le docteur parlent et mon enveloppe charnelle avec eux, d’une voix engourdie. Elle parle, se relève prudemment, les raccompagne sur le palier. Mais malgré toutes mes tentatives, impossible de réintégrer ce corps rebelle.


Epilogue


Cela fait maintenant trois ou quatre semaines que je vis en marge. Oh certes, je réussis à intégrer mon corps plus ou moins, mais comment dire, je me sens étranger à ce corps, à mon autre moi-même!


Alors, mon corps est devenu mon alter ego. À moins que ce ne soit l’inverse. Il vit sa vie et moi la mienne. Il se débrouille bien, je crois. Je renfile cette vieille peau parfois et je l’accompagne avec plaisir, on a tant de souvenirs en commun.


Je lui raconte mes voyages. On a essayé mais il ne peut pas m’accompagner. Je crois que j’ai laissé en lui surtout la partie rationnelle du cerveau, et que j’ai conservé le rêve et l’imagination.


Il m’envie et parfois, il ne me croit pas. Et vous, qui lisez ces lignes, doutez-vous ?


Ne vous est-il jamais arrivé de regarder avec étonnement la personne qui partage votre lit, de lui dire « décidément, ce soir, tu m’étonnes » ?


Ne m’en veuillez pas, je souris en pensant que la prochaine fois, vous penserez peut-être à moi dans ces moments intimes, en m’imaginant proche, un peu intrusif.


Le pire, c’est que je serai peut-être effectivement là ! Ah-ah…


C’est mon autre moi-même, celui qui reste dans mon corps, qui m’a soufflé l’idée de mettre par écrit cette histoire peu banale. Je lui ai dit qu’on l’écrirait ensemble, et mes autres voyages, aussi, et qu’ainsi, il les vivrait comme moi. Il dit que s’il raconte tout cela, on va le prendre pour un fou. Il a sans doute raison. Alors ce soir, pendant que son esprit rationnel se repose, je termine ces quelques lignes et je vais devoir prendre congé de lui, de vous.


C’est l’été en Californie et j’ai repéré hier un beau mâle du côté de Beverly Hills. Il a prévu de passer quelques jours dans sa villa en bordure du Pacifique, et j’ai bien l’intention de l’accompagner.


Il a invité Julia Roberts!


FIN


PS : Je rends parfois visite à Marie. Ses yeux s’allument quand elle me voit prendre la bouteille de Whisky. Je crois qu’elle est heureuse ainsi.