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n° 09306Fiche technique9204 caractères9204
Temps de lecture estimé : 6 mn
20/06/05
Résumé:  Il n'est pas là. Je me réveille.
Critères:  amour volupté revede nopéné
Auteur : Pattie  (Petite Maison Dans la Prairie)            Envoi mini-message
Absence

Mes mains sur l’oreiller commencent à s’éveiller, se crispent sur le chat qui a élu domicile là pour la nuit. Sa Majesté s’en va en râlant, mordillant un doigt au passage.

Pas les yeux encore. Chut, paupières, restez closes…

Encore goûter à la pénombre, avant de percevoir que ce n’est pas de la vraie ombre bien nocturne. Encore entretenir l’état de semi-sommeil. Retenir les bribes d’inertie, replonger dans les fragments de torpeur, m’enrouler dans les lambeaux léthargiques. Un peu, juste un peu - Putain de réveil !

Sentir mon corps parvenir lentement à la conscience, encore encotonné. Le poids des draps. L’épaule au frais, découverte pendant la nuit.


Et si j’allais pas bosser ?


L’idée pétille dans ma tête. Des bulles de bien-être éclatent, je vois du bleu derrière mes paupières closes. Les fourmis dévoyées de la paresse débarquent à la queue leu leu dans mon corps.

Mmmmmmmmm, pas bosser… Traîner au lit… Je me retourne, les yeux toujours scellés. Mes pieds trouvent une ouverture entre le doux des draps et le moelleux de la couette, sortent au frais, au libre, s’agitent rythmiquement pour me bercer, sentir l’air qui caresse.

Une journée au lit, ça devrait être vivable…

Mais voici les termites de la culpabilité qui se lancent à la poursuite des fourmis flemmardes, grignotant impitoyablement mon inconscience. Et puis le chat, qui saute sur mes orteils, ravi de l’aubaine, griffes en avant, pour jouer…


Pffff, mes yeux s’ouvrent. Même pas drôle. Tsst ! Dégage, le chat !


Pour le plaisir, je pose la paume de ma main sur SON oreiller, le caresse. C’est soyeux, velouté sous mes doigts, comme une chatouille. Je plonge ma tête dedans, inspire… Son odeur n’y est plus. Au mieux, j’inhale quelques poils du chat.

Tant pis. Je prends l’oreiller entre mes bras, en ronchonnant. Que c’est bon de sentir le gémissement de frustration monter dans la gorge, défroisser les cordes vocales ! Je me recroqueville. Mes jambes enlacent l’oreiller.

Envie de douces caresses, de baisers au creux de la nuque, de sa main apaisante sur mon sexe ensommeillé, le doigt mutin, de son corps creusé enveloppant, contre mon dos arrondi enveloppé, les poils de son torse qui frôlent ma peau, l’effleurent d’abord, s’y impriment ensuite, sa dureté au creux des reins, me tourner vers lui, toucher sa peau, son visage, lui sourire, les yeux mi-clos, lui dire « Bonjour mon amour » tout doucement, pour ne pas user ma voix ni ses oreilles, garder la magie du coton, faire vagabonder ma main, me retourner à nouveau, pousser mes fesses vers lui, me caresser tout contre, provocante et indolente…


Bon, ça suffit, je me lève.


Je suis un peu dans le pâté. Je traînaille jusqu’à la cuisine, engloutie dans le brouillard. Rincer la cafetière, remplir d’eau, mettre sur le feu. Zut ! J’ai oublié le café.

Pas moyen, au passage, de me frotter à son corps, de m’appuyer un peu à lui, la tête abandonnée contre son dos, entamer une deuxième nuit, l’entendre parler, rire, lui qui a l’esprit vif dès le réveil, qui se moque de mon regard hagard.


L’odeur du café. Poivrée. C’est bon d’être presque réveillée. Ma tête est encore engourdie de nuit, mais mon corps commence à réagir. Je me pose dans une tache de soleil, assise par terre, les mains autour de la tasse. Pas bon, le soleil dans les yeux. Je tourne le dos. M’appuie au montant de la fenêtre ouverte. Pas dormir. Boulot - Saleté de conscience professionnelle !

Je bois. Le goût doux-amer envahit ma bouche. Je me réveille encore un peu.

Je sens ma langue fourmiller - « C’est du marc, ton café ! ». Je lape une goutte qui s’évade sur la tasse. Trop lisse. Trop plat. Envie de sa rondeur douce, soyeuse, ma langue en conque posée sur lui. J’ai comme un creux dans la bouche. Penser à autre chose, vite. Je touche mes lèvres. C’est comme s’il y avait un poids sur elles, mais c’est celui du vide. Ma langue furète dans ma bouche, caresse les dents au goût de café, se plie sur elle-même, pour sentir les papilles frotter les unes sur les autres. Ça marche pas. Ses papilles sont nettement plus savoureuses !

C’est pas juste !


Je m’étire doucement, longuement, le bien-être caféiné, âcre et suave de la frustration s’effiloche dans mon corps. Mon cerveau ne pense plus, il n’est qu’un organe qui ressent. Le café titille les neurones, le plaisir m’envahit, me submerge, j’atteins un degré cosmique - C’est du bon café ! Mes sens s’éveillent tous, pointent leur nez, ressentent le matin. Je m’allonge par terre, dans le soleil, les yeux fermés. Mes bras se tétanisent et se détendent, pour mieux capter et renvoyer l’énergie, mes jambes se recroquevillent et se déploient, mon buste se tord. Je frotte mes yeux avec mes poings, tout doucement, pour sentir le contact avec les paupières, fraîcheur sur chaleur.

Le soleil me caresse, un petit vent vient m’effleurer, frisant les poils, ça chatouille, c’est chaud, c’est bon, c’est doux, mon bassin se lève à la rencontre de la caresse.


Allons bon, le chat débarque. Il se love au creux de moi. ’tention, hé, griffe pas ! Mes doigts s’enfoncent dans sa fourrure chaude. Je lui fais des bisous sur la tête, je frotte son menton, mes doigts jouent sur sa mâchoire, il ronronne. Je lui dis je t’aime, je l’appelle par son vrai nom, celui qui n’appartient qu’à nous deux, que je ne dévoile pas aux inconnus. Il finit par me trouver envahissante, se redresse et s’en va un peu plus loin, assis, la queue qui balaie, les yeux mi-clos, les oreilles tendues qui écoutent le soleil. Je tends le bras, et je touche sa fourrure. Il recule d’un poil. Tête de chat ! Il me regarde, l’œil innocent (Pourquoi elle râle ?), méprisant, un peu curieux, mais pas trop - Quand elle aura fini, elle me donnera à manger…

Bon, ça va, j’ai compris, faut aller gagner les croquettes…


Sous la douche, je jauge la lumière. Je ne pourrai jamais. Si seulement on pouvait occulter la trappe du plafond, qui laisse passer tout ce jour… Quelques bougies, et j’oserais. Me déshabiller, vite, pour ne pas changer d’avis. Me glisser sous la douche. Lui n’aurait rien vu, il me tournerait le dos. J’appuierais mon corps contre son dos, passerais mes bras autour de son ventre, les mains caressantes. Mais là, y a trop de lumière. Dommage.


Bon, faut se calmer, là… Je rafraîchis l’eau pour finir de me rincer. Mmmmmmm, c’est bon. Ma peau se réveille, les pores se contractent, c’est agréable d’être réveillée !

Mes sens sont exacerbés. Je sens l’eau tiède glaciale, le parfum du gel douche envahit mes narines. Pour le plaisir, je sniffe son savon à lui. Mmmmm… Non non, vite, l’eau froide ! (Non, pas là, pitié, trop froid !) Sur le visage, ça coupe la respiration, je hoquète.


Le chat trône sur les toilettes. Il me tourne le dos, m’ignorant impérialement. Je fais pffff en le regardant… Marrant, Monsieur l’Indépendant qui a besoin d’être à moins d’un mètre de moi pour m’ignorer ! Il bouge une oreille, à peine vexé.


La serviette est rugueuse. Je me sèche avec délice, massage exfoliant, revigorant. La sécheresse raide de l’éponge absorbe peu à peu l’humidité, s’adoucit, s’assouplit.

Je prends la crème hydratante dans mes doigts, et l’étale sur mon corps - Vite, vite, je vais être en retard, c’est les infos à la radio ! L’odeur qui lui plaît tant envahit la pièce.


Je vérifie mes clefs. Un petit coup de speed dans le cœur, au souvenir du matin pressé où elles s’étaient perdues dans sa poche - Un jour, je le tuerai !


Le chat se faufile dans l’entrée, se couche devant la porte, mine de rien, comme par hasard. Je le vire du bout de la chaussure, il rouspète et va trucider un rouleau de sopalin. Mes talons claquent dans l’escalier, le manque de son baiser d’au revoir m’accompagne, chatouillant mes lèvres, le poids de ses mains sur les épaules, mes seins appuyés contre lui, ma tête au creux de son épaule.


Ce soir, en attendant son appel, j’enfouirai mon visage dans un de ses tee-shirts, percevant son odeur, au-delà de celle de ma lessive. Je la laisserai m’envahir, je me ferai le film, pellicule en ombre et lumière, absence et présence, souvenirs et sensations, toute nue entre les draps, fatiguée de la journée, un peu drainée par l’absence, un peu saturée d’avoir tant éprouvé, les nerfs à vif, la larme qui débordera peut-être, dans l’attente. Il me manque, et pourtant, il m’environne, il habite en moi, autour de moi.


Je pourrai même me permettre un coup de blues, il le repeindra en rose en me faisant rire.