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Temps de lecture estimé : 15 mn
24/08/05
Résumé:  Un capitaine de dragons, devenu trop vieux pour faire la guerre, est chargé par le roi Louis XVI de remplir une autre mission.
Critères:  fffh hagé jeunes jardin voir exhib nopéné yeuxbandés journal historique humour
Auteur : OlivierK            Envoi mini-message
L'os du dragon

Cahier trouvé par Sylvie dans un vieux meuble acheté aux puces de Saint-Ouen. L’orthographe a été modernisée.





Dix-sept mai


Un valet m’est venu chercher ce matin. Il m’a dit qu’il accourait de Versailles mais comme il n’était point en livrée, les réponses qu’il fit à quelques habiles questions me permirent de vérifier qu’il était bien ce qu’il disait, on n’est jamais trop méfiant.



S’agirait-il encore de m’exiler ou de m’enfermer ? Non, le roi ne me le dirait pas lui-même, ses exempts suffiraient.



Une de ses premières actions fut de me faire sortir de Vincennes, d’abolir la question, de pardonner aux parlementaires et de mettre fin à l’exil de nombre de gens de qualité.



Point de carrosse, une voiture de louage.



Par une porte dérobée que garde mal un Suisse à moitié endormi, nous entrons dans le parc puis dans une forge. Un gros homme en tablier de cuir travaille des pièces de métal. C’est le roi.



(Je pensai : Sire, je sais aussi que si vous l’occupiez, cette place…)



(Si le roi sait tout, qu’a-t-il besoin de me faire son espion ? Il n’y a que des horions à recevoir, ou pire. Mais désobéir, voilà qui est difficile ! Cependant, c’est une mission qui doit pouvoir être remplie… avec doigté. Si ce bon roi la remplissait, sa mission, fût-ce avec le doigt à défaut d’autre chose, puisqu’il ne le peut… Marie-Antoinette est assez marrie d’être encore pucelle ! Mais l’est-elle vraiment ? C’est bien ce qu’il voudrait savoir. Qu’il soit tranquille, elle le sera, jusqu’à ce qu’il se décide à passer entre les mains d’un chirurgien. Mes mensonges sauveront la France, ce ne sera pas la première fois que des mensonges sauvent la France, ni sans doute la dernière… La dauphine n’a jamais été grosse, ni la reine. Elle saura bien continuer, jusqu’à ce que le roi puisse enfin jouer Molière : Baiserai-je ?… Alors, tout deviendra possible…)





Vingt-deux mai


Un valet m’a conduit au petit Trianon. Ces dames batifolaient en habit de fermières de comédie. Elles voulurent se jouer de moi, la reine donnait du "votre majesté" à la comtesse de Polignac, avec de risibles semblants de révérences. Je les connaissais toutes deux. Quand bien même on atteint la soixantaine, on reste un homme, et il arrive que l’on fréquente les bals de l’opéra, où tombent les masques, une nuit ou l’autre.


Elles prétendirent jouer à colin-maillard avec leur maître de ballet, disaient-elles. Je rectifiai poliment :



Et de me faire tourner, et de me héler :



Le foulard sentait bon. On reste un homme, disais-je. Certes sans égaler les prouesses de Philippe d’Orléans, on tient sa place. Ces jeunes personnes me plaisaient, aussi les ai-je bien tâtées. J’évitais la reine, que je reconnaissais à son parfum, mais je palpais allègrement les autres. La duchesse de Polignac feignit la plus vive indignation : "Lèse-majesté, lèse-majesté !" criait-elle alors que j’avais les mains dans son corsage.


Je faisais le balourd, me tournais et me retournais, les mains en avant, tantôt en haut, tantôt en bas. Yolande a la poitrine bien ferme. Louise de Polastron des fesses à damner un saint. Quelle bonne idée, de s’habiller en fermière, avec des robes souples sans panier ! Madame de Lamballe s’est approchée lorsque mes mains tâtonnèrent vers son pubis.


Il m’a fallu enfin m’occuper de la reine. Quand elle eut sa taille entre mes mains, Yolande lui cria :



Moi, un genou aussitôt à terre, je lui dis que je me mettais aux pieds de sa majesté.



Elle m’a dit que les leçons ne commenceraient que dans quelques jours.



J’ai pensé : le moins possible. J’ai dit :



Leurs yeux brillaient. Il me reste à passer la nuit à l’écrire, cette fantaisie.




Vingt-quatre mai



Calmée, elle a fait signe à ses amies de se rapprocher.



Elles délibèrent, hésitent, finissent par opter pour le oui, sous la condition de jouer d’abord à colin-maillard. Elles aveuglent l’une d’entre elles au moyen d’un foulard, tournent, crient et rient, me poussent contre celle qui tâtonne, elle me palpe, est-ce une femme, est-ce un homme, voyons cela, il leur faut du temps et que leurs mains vérifient qu’un sexagénaire bande encore.


C’est ensuite une autre qui la remplace. Elles m’accuseront ensuite de vouloir les violer. Le roi a certes aboli la question mais ni la corde ni la hache. Il faut se sortir de là.



Elles partent à rire, disent qu’elles vérifieront sous peu. Un groupe survient, c’est Monsieur entouré de jeunes gens moins gros que lui.



Elles rient comme des folles et prennent des airs de matamore. Le cortège passe. La reine répond au salut cérémonieux de son beau-frère, non sans ironie.



Je m’incline et lui expose que Ninon, Lisette et Manon parlent de leurs amants, hélas absents. "Il m’embrasse comme ceci, le mien comme cela…" Prétexte à tous les rapprochements, c’est tout ce qu’elles désirent.



Et toutes de pouffer… Ce sont des enfants, de fort jolies enfants.



Et je les prends dans mes bras, j’approche mes lèvres de leur bouche, et m’arrête respectueusement. Elles ne tarderont pas à abolir d’elles-mêmes la petite distance manquante. Cependant, avec la reine, je suis aussi froid que nécessaire. Encore une fois, je n’ai qu’une tête !




Trente mai


Elles ont comparé leurs seins devant moi, qui n’ai qu’un os. Le savent-elles, que François Premier disait de même ?


Il me faut dissimuler ces papiers avec la plus grande précaution. Le plus simple serait de ne rien écrire, mais je ne peux m’en passer, c’est une habitude ancrée depuis trop longtemps.


Elles ne sont pas dupes. Sous prétexte de comédie, je leur ai parlé de l’expérience de l’âge très mûr :



Elles m’ont fait juge de la beauté de leurs seins.



Elles rient, elles seront à moi dans quelque temps, si je le veux.


Le roi m’y aidera sans l’avoir désiré. Son valet m’a emmené dans sa forge, avant-hier.



J’ai estimé que si elle était destinée à clore une ceinture de chasteté, seule Gargamelle en aurait à en subir la présence.



Avait-il dit : elles, ou elle ? Bien que de sang royal autant que le roi, c’est-à-dire assez peu car il est fort improbable que Louis XIII ait été le père de Louis XIV, (certes il y aussi les femmes, pour lui toutes de familles royales plus que pour moi, mais ce sont les reines qui font les filles comme les dauphins, et pas toujours leurs maris), je ne veux pas livrer ma tête au bourreau. Duchesses, marquises, comtesses, oui. La reine, non. Sauf si elle insiste… Elle a de si jolis seins ! Elle veut mouler des bols sur sa poitrine. "Vous m’y aiderez, vieux militaire", m’a-t-elle dit.


Je suis peut-être trop vorace, et présume de mes forces. Cela se pourrait. Qu’à cela ne tienne, mes deux vieux amis, Rohan et Bernis, me prêteront main-forte en cas de besoin. Maintenant cardinaux tous deux ! Et moi qui suis resté capitaine ! Ah ! mon père, ah ! ma mère, que je vous veux de mal ! Nous en revenons toujours à Molière. Je m’en vais faire jouer à certains Le cocu magnifique.


Adieu, Sophie ! Tu me remplaceras sans peine. Marquise, à cinq heures tu viendras dans ma chambre de Versailles. Nous prendrons notre temps. Tu mérites mieux que ces étreintes furtives entre deux portes, que ces gentilshommes qui se rebraguettent sans avoir attendu que, toi aussi, tu connus l’indicible plaisir. Comtesse, tu diras à la reine que tu ne peux pas aller à l’opéra, à ton mari que tu vas à l’opéra, à ton amant que tu restes avec ton mari, et viens avec moi, demeure jusqu’au petit matin. Adieu, filles d’opéra, adieu, catins du Palais Royal ! Hasard ou science, vous ne m’avez point poivré, Dieu merci. Aussi, princesses, n’ayez nulle crainte. L’os du dragon remplacera les doigts et les lèvres de vos petites amies, vous y trouverez votre compte !


L’heure des dragonnades vient de sonner à Versailles !


Je cache ce cahier dans mon meuble à secret, au tiroir à double fond. On ne le trouvera que dans quelques siècles, ou jamais, et je pars pour Versailles. J’y serai privé du plaisir d’écrire, car les espions y abondent.


J’en trouverai d’autres. Je parle des plaisirs.




Quinze juin


Il m’est possible de quitter Versailles, parfois. Je retrouve donc ce cahier. Mercredi de la semaine passée, j’ai accompagné ces dames à la bergerie. Trouvé sur le chemin, Charles invita la reine :



Arrivées à la bergerie, elles se dirigent vers un petit bâtiment, hésitent un instant puis me demandent d’y pénétrer avec elles. Alors que l’une fait le guet à la petite fenêtre, une autre prend un agneau dans ses bras.



J’ai donc derechef sous les yeux les appas que je connais déjà. Princesse, comtesses, marquise, chacune dispose de son agneau bêlant. L’un ne veut rien comprendre, l’autre fait mal, un autre encore pisse sur la robe entrouverte… Les belles amies s’amusent, mais ne m’oublient pas. Les agneaux ou agnelles remis à terre :



Le temps passe, et fort agréablement. La comparaison nécessite des retours en arrière, de longues explorations… Celle qui faisait le guet est remplacée par une autre, car elle veut concourir.



Je parvenais à la quatrième quand la sentinelle annonça d’une voix chantante que venait la reine. Aussitôt vêtues, ces dames lui firent fête.



Dès le lendemain, le roi voulut savoir ce qu’avaient fait sa femme et son frère.



Ces deux-là n’ont jamais été surpris, il n’y a pas de raison qu’ils le soient maintenant. Mais si le roi voulait bien, enfin, recevoir un petit coup de canif, certes pas au même endroit que son grand-père… À défaut de dauphin, comme Monsieur semble lui aussi dans l’incapacité de procréer, gros comme il est, et Madame encore moins, velue et n’aimant que les femmes, c’est un fils de Charles, c’est-à-dire d’un de ses palefreniers, qui règnerait un jour. Monsieur n’est pas gros au bon endroit, voilà tout…




Vingt-deux juin


Je ne parlerai jamais au roi de ce qui s’est passé hier. Les Savoyardes sont venues au petit Trianon, prétendant vouloir jouer la comédie, elles aussi. La comtesse d’Artois aurait pu faire le petit Poucet, et sa sœur l’ogresse. Petite, certes, mais avec des poils. Par bonheur, la reine les entraîna pour une promenade.


Ses belles amies me conduisirent à la bergerie, afin de poursuivre le concours, ce qui ne me déplaisait pas.



Je vantai donc la fermeté de la poitrine de l’une, les tétons de belle couleur de l’autre, et la forme, et le grain de la peau, pour finir en disant que décidément je ne pouvais condamner tant de merveilles car aucune de ces poitrines ne méritait d’être inférieure à quelque autre, et que je donnais mon os au chat.



Leurs mains adroites eurent tôt fait de me déshabiller.



Un peu plus tard :



La sentinelle se fit remplacer. Le temps était venu de donner l’os à quelque chatte.



Chacune voulait être celle qui devait rester, elles tirèrent à la courte paille, m’arrachant pour ce faire quelques poils qu’elles coupèrent de diverses longueurs avec leurs jolies dents.