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Temps de lecture estimé : 18 mn
26/08/05
Résumé:  Grâce à la neige, un huis clos infernal va se jouer pour les uns, et un huis clos merveilleux, pour les autres ...
Critères:  fh ffh inconnu forêt pénétratio init humour -sf
Auteur : Nono  (Les pieds dans la neige, la tête dans les rêves... et le jeu)      Envoi mini-message

Concours : Concours "La neige"
La neige est notre alliée

Préambule :

Concours 112, concours 113… Je crois que j’ai un peu emmêlé les deux. Aussi, ne m’en veuillez pas trop si une des contraintes n’était pas respectée à la lettre… ou si je m’en suis imposées d’autres ! C’est comme ça que j’ai laissé s’exprimer mon esprit ludique, comme le souhaitait Revebebe.

Bonne lecture…



Au milieu de la place publique, le gueux hirsute se dresse d’un coup, trônant sur une poubelle en guise d’estrade. Et dès les premiers mots, une foule l’entoure, mi-curieuse, mi-amusée…



Satisfait de l’intérêt qu’il soulève, il poursuit d’une voix inquiétante.



Un doigt tendu vers le soleil, il se laisse secouer par des spasmes obscènes. Nul doute que sous sa pelisse, le vieux fou met en pratique son prêche impie. Dans la foule, la consternation le dispute à l’hilarité.

Si j’oublie l’indécence de son geste et de son langage, il reste tout de même un infime fond de vérité dans cet oracle inattendu. Le plaisir…

Se douterait-il de quelque chose… ?


Pour moi, la conjonction de ces événements qu’il énumère, c’est l’occasion ou jamais : la tempête de neige, qui ne va pas tarder, alors que la Terre est ravagée, alors que la population se débat avec toutes sorte de contraintes, voilà sans doute un superbe concours… de circonstances !

Si je veux que mon projet réussisse, c’est maintenant.


Ça fait des semaines que j’attends ce moment.

En fait, depuis que le Grand Conseil avait légiféré sur les projets 112 et 113. Je ne pouvais plus accepter d’être inactif, il me fallait accomplir quelque chose.

Mais des jours et des nuits à chercher, je ne trouvais rien, un écrivain appellerait ça le syndrome de la feuille blanche. Puis un jour, les informations d’Etat ont annoncé qu’un tapis neigeux pourrait recouvrir tout le pays. Une catastrophe de plus, du jamais vu depuis un siècle, surtout au mois d’août !

Je me suis renseigné : ce tapis blanc paralyserait tout.

C’était le déclic que j’attendais. La neige serait notre alliée.

Grâce à cette invraisemblable couverture blanche qui étoufferait le pays, ma feuille blanche ne l’était plus. Des jours entiers, avec Eva, nous avons monté ce projet fou.


De loin, le prédicateur sourit dans notre direction. Je me surprends à demander à voix haute.



D’où je suis, je ne vois pas le visage des critiques qui s’étaient faufilés aux premiers rangs. J’espère qu’eux aussi ont compris. Ils seront notre caution si nous réussissons, mais nos bourreaux si nous échouons. Je suis persuadé que certains sourient.



Je me tourne vers Eva.

Qu’elle est belle !

Belle, malgré la loi.

Car avec ses yeux noirs et son crâne rasé, finalement elle ressemble à toutes les femmes. C’est la loi ! En plus, avec cet uniforme qui oppresse sa poitrine, elle ressemble aussi aux hommes présents sur cette place. Détestable conséquence de ce contrôle des sexes dont parlait l’orateur.


- o -


Il y a toujours deux sexes à la naissance. Ça, le Grand Conseil n’a rien pu y changer.

Mais son Système de Procréation Assistée, où tout plaisir de copulation a été banni, est sur le point de devenir une impitoyable machine à formater. Dès la petite enfance, tout caractère sexuel visible, mâle ou femelle, est surveillé, calibré. Une verge ou un sein qui déformerait le strict uniforme est traité, ionisé, compressé sans délai, pour qu’un jour tous correspondent aux critères ’fondamentaux’ d’une race uniformisée par le bas.

Virilité, féminité, sensualité sont devenus des mots interdits.

Pire, depuis l’année dernière, des radars ont été installés pour piéger les excès de vit-et-seins. Oh, ne souriez pas ! Mille radars, qui l’eût cru ?


Malheur à celui qui, à l’âge adulte, dépasse l’empan étalon, que le Grand Conseil avait remis en vigueur au début du siècle.

Malheur à celle dont la poitrine ne disparaît pas dans les cônes historiques de la première femme présidente du Conseil.

Je me rappelle avoir un jour croisé un ’18’, il portait toute la misère du monde dans son regard. Et on parlait dans la région d’une femme marquée du ’100D’, mais nul ne se souvenait de quand datait cette rumeur.

Car tout contrevenant était marqué au front du chiffre de son infamie, et disparaissait quelques jours plus tard sans qu’on ne sache jamais ni comment ni où.

On disait bien, de-ci, de-là, que sous la dénonciation de sycophantes intergalactiques, ils étaient soumis à la sublimation monocyclique. Puis qu’ils erraient indéfiniment dans les couloirs du Pentagone G213, mais personne n’en était sûr. Cette procédure avait été pensée pour le Projet d’Eradication des Nuisibles… puis abandonnée, disait-on. Mais méfiance, peut-être qu’encore, dans quelque tiroir, marine le P.E.N.


- o -


Que pouvait-on faire contre cette tyrannie ?

Certainement pas s’exposer sur une estrade improvisée comme ce prédicateur fou, qui ne verra sans doute pas la fin du jour. L’espace d’une seconde, je le plains mais nous n’avons pas de temps à perdre.


Je prends Eva par le bras et l’entraîne. Le vent fraîchit vraiment, d’un seul coup.



Elle sourit. Ça fait juste deux jours qu’elle m’a annoncé que, de son côté, tout est prêt.

Ça y est, la révolte blanche est en marche. Messieurs les organisateurs, vos projets, 112, 113 ou combien vous voulez, ne nous freineront pas.

Au contraire, ils stimulent notre imagination !


Oui, Eva est belle. Semblable à toutes et à tous, et pourtant si différente.

Une lueur dans son regard trahit quelque chose que peu d’hommes peuvent voir. Elle fait partie, comme moi, des derniers ’non calibrés’. Un an après notre naissance, ’ils’ avaient tout normalisé. Selon eux, la sexualité, le plaisir, étaient sensés disparaître avec notre génération. Ça, même les Aldous Huxley ou, à l’opposé, les Mengele, n’avaient pas osé l’imaginer. Eux l’avaient instauré !

Ils espéraient nous étouffer, nous les ’hors normes’, dans leur prison morale.

Au contraire, ce fut cette menace qui anima notre combat. La menace de perdre ce que les anciens avaient transmis depuis la nuit des temps.

J’avais réussi à conserver quelques livres, trop peu. Mais surtout, j’avais consacré tous mes loisirs à converser avec les plus âgés, à leur faire raconter les rites aujourd’hui interdits.

Les gredins, avec quel enthousiasme ils racontaient !

Et combien nos esprits étaient troublés, lorsque nous les quittions !


Malgré l’envie, jamais Eva et moi ne fîmes l’amour, alors que nous étions parmi les très rares à en connaître les ineffables effets. Je n’avais jamais pris le temps de lui poser la question. Et elle détournait le regard quand elle voyait mon émoi. Peut-être étions-nous trop proches, presque frère et sœur. Je ne regrette pas, c’est peut-être cela qui nous a permis de monter sans faille cette organisation dont le grand jour commence à l’instant.


- o -


Dès nos premiers pas, les flocons s’étalent et s’agglutinent comme un signe divin. Pour les habitants de la mégalopole, c’est le chaos, personne ne connaît. Chacun court comme halluciné, gesticule, souvent en proie à la peur. Mes lectures secrètes m’avaient permis de prévoir ce qui va se passer. Les trains à sustentation qui tombent alors que nous atteignons les dernières maisons. Puis le givre, en scellant les portes de la cité, qui emprisonne la population et ses dirigeants dans un ’huis clos’ digne de Sartre.

« L’enfer… Pas besoin de grill. L’enfer, c’est les Autres » écrivait-il deux siècles plus tôt.

Aujourd’hui, dans ce climat de coercition et de glace, ce sera probablement un huis clos dévastateur, si la tempête dure.


Il fait vraiment froid maintenant, la neige tombe de plus en plus fort.



Voilà pourquoi cette neige qui effraie les quidams me réjouit.



Visiblement rassurée, Eva, tout en adoptant une foulée de sportive, retire d’un geste décidé le cache en latex qui lui donnait depuis des mois l’impression de calvitie. Soudain, sa chevelure flamboyante s’étale sur ses épaules. Dans un grand éclat de rire, elle m’arrache mon cache également, libérant ma tignasse de soixante-huitard attardé (mais où diable les anciens avaient dégotté cette expression ?)


Elle m’emmène hors de la ville. Un véhicule antique nous attend pour traverser les plaines envahies par les gaz délétères et les eaux stagnantes.

Personne ne connaît autant qu’Eva les passages praticables, une chance de plus de ne pas être poursuivis par les armées spéciales. Puis nous finissons à pied, alors que la neige devient déjà trop épaisse et que la route s’élève. Plus personne n’a emprunté ces sentiers depuis des années sans doute. Sauf les élus que Eva a convoyés avec malice depuis des semaines. Quant à la Montagne de l’Espoir, la bien nommée, Eva ne l’a pas choisie par hasard. Nous serons les derniers à pouvoir passer, si la neige tombe aussi drue que prévu. Après, nous serons isolés pendant des semaines peut-être. Pourvu que les recrues soient toutes arrivées.


Nos pas s’enfoncent de plus en plus. Eva accélère. Nous avons eu raison de faire vite, dans une heure tout au plus, il n’y aura plus un seul chemin visible.


- o -


Nous pénétrons dans la première cavité du "village". Je sais que des dizaines ont été creusées ainsi, tenant lieu de maisons, abritant une foule prête à tout.

J’aurais bien sûr pu me contenter de diriger cette révolte douce dont j’étais l’instigateur… mais je préférais conduire moi-même la mission centrale. On me comprendra, j’espère…


Une femme nous attend, uniforme sur le corps, comme tout un chacun. Sans un mot, elle nous débarrasse de nos épaisses chaussures et nous convie, d’un geste, à nous approcher de la cheminée qui crépite.

Mais je saisis doucement la femme par les épaules. Je n’ai pas beaucoup de temps. Mais aussi je dois avouer que cette expédition auprès d’Eva flamboyante a mis ma patience à rude épreuve.


Enfin, le moment est arrivé !

Enfin, après avoir répété des mois durant avec les professionnelles des bas-fonds que seules l’argent intéressait, je vais pouvoir diffuser la bonne parole (!).



Je m’attendais à un peu plus d’hésitation. Mais probablement qu’Eva a choisi, pour la première, une des meilleures. Tant mieux ! La tâche n’en sera que plus stimulante.



Et sans autre forme de procès, sans même prendre le temps de me reposer, je commence la Grande Leçon ! Quelle abnégation !


- o -


J’ouvre la cape qui couvre ses épaules et Marie frissonne, mais ce n’est pas de froid.

J’ouvre les boutons de son uniforme et Marie tremble d’un coup, et c’est peut-être un peu de peur.

Ce n’est pas pour me déplaire.

Je l’ai voulue, cette révolution. Pour sa portée humaniste, libertaire et libératrice.

Mais aussi avec une vision, disons, plus personnelle. Être le Maître ! Maître d’école ou Maître dominant ? Nous avons beaucoup discouru, Eva et moi, sur cette question. Je doute encore.



Mon ton est ferme, mais sans rudesse.

Les boutons s’ouvrent un à un, puis les pans s’écartent sur le soutien-gorge réglementaire. Un instant plus tard, la combinaison kaki est à ses pieds.

Enfin.

Enfin, je bande. Une vraie érection, celle du désir. Pourtant, le slip apparu n’est pas très excitant non plus. Mais c’est la première fois qu’une fille se déshabille devant moi. Je me dis même qu’avec la tyrannie qu’avait fait régner le Grand Conseil Mondial, c’est peut-être la première fois qu’une femme s’effeuille sur terre depuis des années ! Je me dis…


Mais au diable le Grand Conseil et tes suppositions !

Une femme est en train de te faire bander, et tu dissertes ? !

Heureusement, Marie justement fait preuve d’un à-propos étonnant.



Diable, je ne m’attendais pas à cette question ! Nul doute que c’est une idée d’Eva, pour que Marie montre sa totale collaboration. Pour moi qui ai rédigé avec Eva tous les préceptes de la révolution naissante, cette attention inattendue est une cerise sur le gâteau. Je ne peux m’empêcher un sourire complice vers Eva, restée dans un coin de la pièce.

N’empêche, les petits plus ne doivent pas masquer l’essentiel.



Je crains une fraction de seconde une réponse négative, voire simplement hésitante.

Elle s’agenouille sans ciller, sans répondre. Son assurance me surprend, mais je ne suis pas au bout de mes surprises.



Fichtre, elle marque un point ! A nouveau, je ne peux masquer un sourire qui vaut réponse et déjà ses mains ont libéré mon étendard de la révolution, déployé comme jamais. En le faisant disparaître l’instant d’après dans sa bouche, Marie ne semble pas se douter qu’elle marque l’instant zéro d’une nouvelle ère. Lors de mes répétitions, les clandestines des bas faubourgs offraient du sexe triste et mécanique contre quelques billets, et si j’avais chaque fois ressenti un soulagement, un déversement, ce n’était jamais du plaisir.


Là, franchement, c’est le pied. Autant par les sensations qui m’assaillent que dans le plaisir un peu coquin que j’ai à initier ma dévouée ’révolutionnaire’.

Le visage rosi, elle pompe comme je l’avais toujours rêvé. Je me laisserais bien aller… mais la révolution a d’autres exigences.



Manifestement, Eva est une fille à l’esprit vif, car si elle semble inquiète une seconde, je vois aussitôt qu’elle a déjà compris qu’il est temps de passer à la suite. Loin de se démonter, elle saisit délicatement les revers de mon col, me forçant à me lever. Amusé, intrigué, je me laisse faire et au moment où je me dresse de toute ma stature devant elle, d’un geste vif, elle fait sauter tous les boutons de ma combinaison.



Moi, le leader de la révolution, je suis sur le cul !


En raison de ses charmantes initiatives, justement. Mais aussi pour le ’titre’ dont elle m’honore, encore une idée d’Eva, je le parierais. Et surtout pour le plaisir que oui, elle m’offre et qui me bouscule délicieusement. Je me jetterais volontiers sur cette bonne élève, au regard à la fois farouche et anxieux… mais je m’empêtrerais dans ma combinaison à moitié descendue sur mes jambes. Une péripétie qui serait peu glorieuse pour un ’Maître’.


En deux contorsions et un pas de côté, je me débarrasse du problème. Puis avant qu’elle n’ait bougé, je tends la main vers son soutien-gorge, disons plutôt la brassière oppressante qui en fait office.


D’un geste vif, je l’arrache. Sûr, les théoriciens du grand Conseil n’avaient jamais imaginé de tels gestes, et le tissu cède d’un coup, libérant la poitrine compressée depuis des années. Un soupir ample s’échappe de la bouche de Marie, signe de délivrance mais peut-être aussi d’appréhension. Devrais-je être plus modéré ?



Je dois l’avouer, cette fille m’étonne. Eva, qui la couve du regard, y est sans doute pour beaucoup. Mais quand même, quel tempérament ! Alors, je décide de changer de registre. Pour m’amuser à la surprendre. Mais aussi parce que je crois qu’elle saura faire face.


Mes mains tendues vers elle, je fais mine de lui arracher son dernier rempart d’intimité, puis au dernier moment, je la soulève avec douceur et la dépose sur le lit moelleux. Et effectivement, Marie s’adapte avec une facilité déconcertante, se détendant et s’affalant sans hésiter au milieu des coussins.



Marie est une élève idéale. Elle sera plus qu’une recrue, dans le bataillon de nos forces vives, nul doute qu’elle diffusera les préceptes avec autant de ferveur qu’elle s’apprête à les accueillir !


Que les premiers bataillons ouvrent grand les yeux.

Je scrute autour de moi. Notre couche est bien éclairée par les flammes de l’âtre mais le reste de la pièce est dans la pénombre. Je cherche des yeux où pourraient être les failles dans la roche, ménagées par les équipes à ma demande.

Derrière, des hommes, des femmes, en silence observent. Eva les a choisis, pour leur intelligence, leur résistance aussi. Dans quelques heures, ils seront mes lieutenants. Pour l’heure, ils découvrent la mise en pratique de ces théories que Eva leur transmettait jour après jour.


Je craignais un peu le fait de devoir être observé mais je n’avais pas le choix. Et puis, en fin de compte, c’est peut-être même excitant…

Eva s’est approchée. Il me semblerait presque qu’elle regarde Marie d’un œil gourmand.



Tiens donc, voilà bien une étape que je n’avais pas prévue ! Mais ma foi, elle ne remet pas le projet en cause, et même cette composante inattendue est plutôt un plus : mathématiquement, nous divisons d’un seul coup par deux le temps d’apprentissage.


Marie s’étonne mais se cambre sous la première caresse de Eva…


J’avais des doutes, mais j’en ai de moins en moins. Je me dis que si nous n’avons jamais fait l’amour, c’est peut-être que Eva a su intelligemment me garder à distance. Et pour cause.


Ses mains glissent avec volupté sur Marie alanguie. Je comprends tout doucement pourquoi Eva avait souscrit avec enthousiasme à ce projet. Elle savait que dans son domaine, elle serait seule à transmettre ce genre de plaisir.

De facto, elle s’installe comme co-associée, à cinquante pour cent. Encore plus futée et plus délicieusement coquine que je ne la connaissais. Elle me bluffe !


Du coup, je serais presque frustré de n’avoir qu’un rôle viril, dans l’histoire.


Mais je ne vais pas me plaindre. Pour une première, mon agenda – et mon lit – sont bien garnis ! Je revois dans ma tête les images des livres cachés, où des corps s’entrelacent, à deux ou plus…


Je m’égare dans ces pensées libertines alors que les deux belles ne m’ont pas attendu pour sacrifier aux rites de Sapho. Lèvres contres lèvres, mains contres seins, elles ondulent dans des poses qui me feraient bander si je n’étais déjà dans une érection des plus douloureuses.


Et dire que je suis même obligé de disputer les courbes de Marie à mon associée ! Mais elle s’y entend, la garce, car déjà l’intimité de notre attentive élève ruisselle. Et déjà Eva se saisit de ma virilité et la présente à la porte rose, brûlante comme l’enfer, attirante comme le paradis.


Au diable les prémices, puisque Eva s’en charge. Et puisqu’elle semble accaparée par cette tâche, je me dis que je pourrais tirer un bénéfice imprévu de cette situation.



Je me suis pincé les lèvres pour ne pas lâcher un cri de douleur. Je retire rapidement ma main de la culotte d’Eva où je m’étais aventuré et celle-ci desserre l’étreinte soudaine sur mon membre, otage de sa main. À son regard, je comprends que je n’ai guère intérêt à retenter l’expérience.


Après tout, elle a raison. Concentrons-nous sur notre objectif.


L’objectif, c’est le plaisir de Marie. Et de ce côté, là, il n’y a guère de doute. Bercée par les gestes tendres d’Eva et chahutée par le désir d’être prise, Marie n’est plus la même. Peau moite, haletante, elle est l’image même de ce que les anciens me décrivaient dans nos entrevues clandestines.


Et moi ? Il ne faudrait pas que je faillisse. J’ai peut-être déjà trop attendu et mon désir bouillonne, exacerbé par les frottements de mon gland que Eva prodigue doucement sur les chairs trempées de Marie. Je me surprends à penser.



Image saugrenue, mais cette touche d’humour me calme un peu les esprits et me permet de pénétrer Marie sans me répandre dans la seconde.


Centimètre après centimètre, je disparais dans l’antre convoité.


Je sais que je n’aurai pas la fleur. Les médecins affiliés au Grand Conseil l’ont cueillie, dès l’adolescence de ces jeunes femmes. Mécaniquement, sans égard. Je me dis que si, au moins, la révolution élimine ces pratiques…



Ouf, ce cri du cœur est resté dans ma tête. Malgré les qualités de Marie, cette envolée révolutionnaire aurait bien de quoi casser la montée du désir chez les meilleures, je pense…

Mon cri retenu s’est accompagné d’un mouvement de rein incontrôlé qui fait se tendre Marie comme un arc. Et moi de même, en elle.


Eva a retenu ses caresses, comme si elle se sentait de trop, en cet instant. Adorable Eva. Elle a initié le plaisir de Marie, de fort belle manière, et maintenant, elle me laisse le bouquet final.

Mieux même, de son bras passé dans mon dos, elle accentue les pressions de mes reins vers le ventre de Marie et son sourire s’illumine, à la vue de Marie qui se pâme de plus en plus, et de moi, qui sans doute ne vaut guère mieux.

Du plat de sa main sur mes reins, elle amplifie le mouvement, l’accélère, et dans un triple cri de jouissance, elle nous plonge tous les trois dans le premier orgasme de l’an zéro !


Dieu que c’est beau une femme dans le plaisir ! Marie ne sait plus si elle doit rire ou pleurer, alors que les spasmes de son vagin m’aspirent en elle avec délice. Quant à Eva, elle sait qu’elle peut rire, nous sommes sur la bonne voie, et elle se laisse aussi à abandonner une larme. Le plaisir, c’est ça aussi…


Marie est la première que nous arrachons au peuple d’automates qu’a engendré le Grand Conseil. Marie est la première d’un nouveau peuple, un peuple du plaisir. Elle ne comprend pas pourquoi je la remercie.


Elle aussi a les yeux humides. Un peu plus encore lorsque j’abandonne la douce cavité qu’elle m’a offerte. Elle aimerait sans doute un peu plus de temps, mais déjà, je dois me rhabiller.


Eva m’accompagne sur le pas de la porte ;



Je sors en abandonnant un regard attendri à Marie. Mais le projet est strict : pas de sentiments, juste le plaisir initial, dans un premier temps. Dire que c’est moi qui ai écrit ces consignes. Mais la réussite du projet est à ce prix. Il faut que les centaines d’hommes et de femmes qui peuplent ces collines redécouvrent les gestes de base. Rien que ça. Dans un premier temps.


- o -


Je m’engouffre dans le couloir qui mène à la deuxième alcôve.



Les théoriciens du projet ont été formels : si je veux réussir, je ne dois pas trop donner : au minimum 10 000 microlitres, au maximum 25 000. Ils en ont de bonnes ! Pas facile à calculer, en pleine action !


Peu m’en chaut, comme disent les anciens, ce qui m’importe, à l’instant, c’est ce ’huis clos’ merveilleux ! Sartre pourrait revoir sa copie, avec ce que je suis en train de vivre : « Le paradis… Ah, le Paradis, c’est les Autres. »


J’avale une pilule que les amis d’Eva ont mise au point. Pour le moment, je n’en ai pas besoin, mais dans deux ou trois heures…


Je suis aux anges, la vie est belle, enfin.


Un œil au-dehors, une drôle d’atmosphère, ouatée… Ce n’est plus une feuille blanche, c’est un tapis, une couette d’un mètre d’épaisseur qui continue à s’étaler. Un manteau de neige pour toute la saison. Une saison, comme au siècle dernier ! Pas de doute, nous sommes là pour des semaines.


Si nos ardeurs ne font pas fondre cette neige !


Quand je pénètre dans la deuxième cavité, je vois Marie qui, elle aussi, passe d’une cavité à une autre. Elle part instruire un autre révolutionnaire.


L’armée du plaisir est en marche. Le plaisir, seulement le plaisir !


Pour les sentiments, il faudra attendre un prochain concours… de circonstance.