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Temps de lecture estimé : 19 mn
12/09/05
Résumé:  Le bonheur peut être simple...
Critères:  fh jeunes campagne travail amour volupté voir nopéné init
Auteur : Claude Pessac            Envoi mini-message
Le bonheur dans le pré

Assis dans l’herbe, appuyé contre un tronc d’arbre, je remâche ma peine, insensible au spectacle magnifique d’un soleil encore triomphant qui baisse à l’horizon. Quelques instants plus tôt, des monos excités ont essayé de m’embarquer dans leur virée à la fête du village voisin.



Peu désireux de découvrir les plaisirs autochtones, j’ai prétexté une grosse fatigue, ce qui n’était pas tout à fait faux. Mais la véritable raison est que je n’ai tout simplement pas le cœur à m’amuser.



*****



Depuis une petite semaine, je suis moniteur de colonie de vacances. Ma toute première colo, une colo catho dans laquelle le Surveillant Général de mon lycée m’a engagé, contre mon gré ou presque. Le "surgé" inflexible et sévère - en fait, un brave homme - sacrifie, avec sa femme, un mois de ses congés d’été pour assurer la direction de cette institution charitable. C’est lui, bien entendu, qui a fait la répartition des groupes, attribué les postes.


Et on ne peut pas dire qu’il m’ait gâté en me confiant le groupe le plus difficile : une douzaine de pré-adolescents, pour la plupart issus d’un foyer social. Orphelins, gamins placés par la DASS, ces ados me donnent du fil à retordre. Si certains se butent dans un mutisme presque complet, une bonne moitié d’entre eux s’ingénient à m’épuiser. Dans les promenades et activités quotidiennes, je passe mon temps à sprinter pour rattraper des fugueurs, à séparer des bagarreurs acharnés, à tenter de ramener au calme un autiste qui se tape le crâne contre chaque mur qu’il trouve, à courir encore et toujours pour ramener dans le groupe l’horrible Jean-Christophe qui fugue plus vite que son ombre ! Et tout cela, sous le soleil de plomb d’un mois de juillet caniculaire ! Exténuant !


Le premier soir, après le voyage en bus et la première après-midi (très !) récréative, j’étais arrivé épuisé à la réunion des monos, nourrissant quelques ressentiments à l’encontre de mon surgé. Décontracté, celui-ci m’accueillit avec un empressement exagéré, me rappela qu’il n’y avait pas place ici pour des "Monsieur" et que "Bertrand" suffirait.

Puis, d’une voix soudain forte où perçait un sous-entendu ironique, le traître me demanda comment je trouvais les chers enfants de mon groupe. Visiblement, l’assistance attendait cet intermède et ma réaction. La moue effarée que je leur décochai en guise de réponse et mon soupir affligé suffirent amplement à traduire mon incompréhension anxieuse.

Toutes les personnes présentes partirent d’un rire moqueur. Je me sentis le dindon de la farce, bizut désemparé. Mon enfoiré de directeur tenta bien de me rassurer, sans toutefois me convaincre :



Dur à croire !


Cette première réunion était surtout l’occasion pour moi de faire connaissance avec mes collègues, entraperçus dans la journée. Et c’était bien entendu du côté féminin que se portaient mes espoirs et mes attentes. S’il m’avait bien semblé apercevoir l’une ou l’autre donzelle affriolante, il convenait désormais de confirmer les impressions.

Le chasseur fut bien déçu : la seule qui aurait pu m’intéresser était la jolie blonde, pulpeuse à souhait, tout partout comme il fallait, qui avait voyagé dans le même bus que moi. Mais les quelques mots échangés pendant le voyage m’avaient refroidi : la donzelle se savait jolie et affichait une arrogance et des airs supérieurs insupportables. Et, surtout, la prétentieuse était affligée d’un épouvantable défaut : une voix aigrelette, haut perchée, désagréable.


Classée, la Miss Roploplos !


A part "ça", rien de mirobolant à l’horizon. J’étais déjà prêt à me consoler sur le buffet, lorsque le dernier groupe de moniteurs nous rejoignit : quatre gars et une fille. Une seule. La dernière.

Mais quelle fille ! Incroyablement grande, fine, élancée, la peau mate, de longs cheveux marron qui lui descendaient à la taille et dont elle balançait le volume d’une épaule à l’autre par de petits coups de tête affolants de grâce et de naturel.

Et quel sourire : quenottes éclatantes, parfaitement alignées dans une bouche aux lèvres fines et ourlées ! Fille du soleil, la demoiselle au teint hâlé pouvait être espagnole, beauté occitane ou princesse gitane. Je l’imaginais dansant comme une liane, bondissant comme une diablesse, Esméralda mutine et gracieuse.


Bon, soyons francs, ce n’était pas Miss Univers, et, réaliste, j’inventoriai rapidement quelques défauts : ses yeux, bêtement bruns, légèrement saillants et cernés, mais joliment battus par de longs cils gracieux, ce nez, un peu trop relevé, qui dévoilait sans doute un peu trop aussi ses narines, heureusement fines et petites. Et puis, et puis, surtout, l’incompréhensible, l’insupportable, l’inadmissible absence de poitrine ! Son tee-shirt léger n’était quasiment pas renflé où il aurait fallu; et encore, je soupçonnais que l’imperceptible vallonnement ne fût que le fait d’un soutien-gorge davantage rempli d’espérance que de matières pulpeuses ! Défaut rédhibitoire !


Rédhibitoire toi-même !


Il fallait bien me rendre à l’évidence, cette fille me plaisait !


D’entrée !


Et de fait, pendant toute la réunion, je l’observai, la détaillai, tombant irrémédiablement sous le charme. D’autant qu’outre sa silhouette longiligne, ses hanches étroites et ses cheveux soyeux, la belle était, elle, dotée de la plus charmante, de la plus suave voix que l’on puisse imaginer entendre un jour. Elle ne parlait pas comme vous et moi ! Les mots dégringolaient de ses lèvres comme une musique envoûtante, les syllabes bondissaient avec fraîcheur, ses paroles s’envolaient en farandoles légères.


Aucun doute possible : j’étais conquis ! Conquis et maladroit ! Mes œillades répétées finirent par attirer son attention et, comme un gamin surpris en flagrant délit, je rougis en notant son sourire amusé. Du coup, je n’osai plus la regarder en face, risquant de timides coups d’œil furtifs qu’elle captait implacablement à chaque fois et qui me valaient à nouveau des petits sourires moqueurs.

Je me sentis vite ridicule, découvert, percé à jour. J’en arrivais à souhaiter la fin de la réunion pour fuir. Celle-ci arriva plus vite que je m’y attendais et je me retrouvai, un peu bête et empoté, devant le buffet.


C’est elle qui m’aborda, sous prétexte que j’étais nouveau dans le groupe. Elle en était à son troisième été, m’apprit qu’elle s’occupait d’un groupe de filles du même âge que mes monstres et que nous passerions donc pas mal de temps ensemble. Une nouvelle qui provoqua en moi une réaction de telle satisfaction visible qu’elle s’en moqua gentiment. Ayant capté le regard complice de mon surgé, je me surpris à penser qu’elle était peut-être bien un des "bons côtés" promis. Décidément, ce type m’étonnait !


De quoi m’a-t-elle parlé ce soir-là, je serais bien en peine de le dire. Je buvais ses paroles, m’enivrais de la mélodie de sa voix, et… me traitais de tous les noms, incapable que j’étais de pouvoir articuler des réponses intelligentes. À intervalles réguliers, Agnès, puisque c’était là son prénom, Agnès donc, me bousculait, gentiment, me mettait en boîte, se moquait de mes maladresses, mais en me décochant de si charmants sourires que je ne pouvais lui en vouloir.


La conversation se poursuivit tard, dans le pré où tous les animateurs s’étaient rassemblés. Quel délicieux souvenir : clair de lune rousse, tiédeur d’une nuit d’été étoilée, et Agnès, douce gazelle à mes côtés. Je humais son léger parfum de lavande qui s’accordait si bien à son allure de sauvageonne assagie. Ce soir-là, le bonheur était simple, simple comme l’odeur des foins, simple comme une longue fille brune à la voix si délicieusement envoûtante…



Comme prévu, nous avons passé le plus clair de notre temps ensemble, les jours suivants. Nos deux groupes d’ados, complémentaires (!), nous occupaient largement.

Mes garçons, toujours frondeurs et indisciplinés, continuaient à me faire courir, les filles d’Agnès passaient leur temps à concocter des plans fumeux pour attirer mes gars qui, eux, ne pensaient qu’à se battre. Et nous deux, nous nous entendions parfaitement et réussissions avec plus de facilité que nous n’aurions pu l’espérer à canaliser notre troupe.


Si les mômes ne nous laissaient guère d’intimité, nous trouvions quand même le temps de discuter, d’apprendre à nous connaître, à nous découvrir mille passions communes, des goûts proches, des affinités réelles. Notre connivence était évidente, notre attirance réciproque l’était tout autant, et les filles d’Agnès ne tardèrent guère à nous chambrer. Bientôt, toute la colo nous désigna comme le couple de l’année, alors que nous n’avions jamais seulement osé nous prendre par la main.


Le hasard ? (Nous avons peut-être un peu arrangé les bidons) voulut que nous puissions prendre notre journée de repos en même temps. Perdus dans la campagne, nous ne pouvions pas aller bien loin. Mais peu nous importait : nous ne rêvions que d’une chose : être seuls, elle et moi.



A la veille de ce jour que je pressentais "historique", le sommeil fut long à venir. Sur mon lit, sous la tente, au milieu de mes gars plus ou moins endormis, j’échafaudai mille plans, j’imaginai les dialogues parfaits qui nous mèneraient à coup sûr vers le but ultime et tant espéré : le baiser. Comme tout est simple quand on fait les questions et les réponses, comme tout s’enchaîne facilement…


Au réveil, je suis moins sûr de moi. Et si jamais…



*****



Après avoir confié nos monstres respectifs aux malheureux gagnants du concours le plus pourri de l’été, Agnès et moi quittons la colo, non sans avoir essuyé quelques moqueries des gamins rigolards. Il fait beau, il va faire chaud, comme tous les jours précédents, depuis deux mois.


Oubliés les dialogues parfaits, oublié le plan savamment concocté, rien ne se passe comme prévu. Tout est plus facile, en fait. Nous n’avons pas fait un kilomètre que le passage d’une clôture à vaches me permet de prendre la main d’Agnès. J’oublie un peu de la lui rendre, elle me le fait remarquer, avec un grand sourire, mais sans chercher à s’échapper. Elle me gratifie même d’un petit bisou sur la joue. Le bonheur est dans le pré !


Nous parlons peu, visitons sans y prêter la moindre attention une ruine "remarquable", nous ne sommes curieux que de nous, du couple que nous sommes en train de fabriquer. Tout est prétexte à compliments, à douce moquerie, à bisous volés. Nos dix-huit ans sont radieux !


Notre marivaudage nous mène au bord de l’Ognon, la petite rivière locale, presque asséchée par la canicule. Comme deux gamins, nous sautons de pierre en pierre, en nous frôlant, nous attrapant, nous échappant.

Vive, enjouée, Agnès rit sous le soleil déjà haut, la masse de ses longs cheveux couleur d’ébène fouettent gracieusement l’air alourdi, son sourire éclatant de blancheur contraste avec le teint cuivré de son visage.


Deux enfants insouciants, mais pas totalement innocents. Le trouble s’est immiscé entre nous, délicieuse sensation de bonheur et d’appréhension : que, dans nos sauts de cabris, ma main frôle son visage ou sa poitrine menue, et mes joues s’empourprent, une chaleur sourd au creux de mes reins, un instant d’éternité anxieuse nous immobilise, ballottés que nous sommes entre l’envie d’accentuer notre intimité et la minuscule crainte de se voir rejeter par l’autre.

N’importe quel spectateur, même atteint de la plus grave double conjonctivite obstruante, aurait compris depuis longtemps la force du désir qui nous affolait. Nous seuls pouvons encore en douter.


A genoux sur un rocher plat, nous construisons une digue : les mains dans l’eau, nous amassons les petits cailloux pour monter notre formidable barrage. Côte à côte, nos épaules se frôlent, nos cuisses se rapprochent, le soleil irradie nos nuques et nos reins.

Les genoux douloureux, je me redresse pour constater l’avancement des travaux, lorsque ma jolie bohémienne, les avant-bras plongés dans l’eau s’étire pour capter quelques cailloux distants. Sa position devient périlleuse et je m’empresse de passer mes bras autour de sa taille, sans la toucher, bien entendu, au cas où.

Aussi, au moment où elle bascule, je la rattrape, sans pouvoir empêcher toutefois qu’elle plonge une seconde son visage dans l’eau.


L’ayant ramenée sur le rocher, je suis pris du même fou rire qu’elle : ruisselante, les cheveux dégoulinants, mon ondine gracieuse s’étouffe de rire. Approchant mes mains de son visage, j’essuie l’eau ruisselante, dégage ses yeux, caresse sa joue. Mes mains tremblent un peu et mon cœur se serre. Mon inquiétude doit se lire dans mes yeux, car Agnès cesse de rire : ses yeux se font enjôleurs, un petit sourire contrit se dessine sur se lèvres.


Au comble de l’émotion, j’ose, j’ose approcher d’elle, quelques centimètres à peine, qui me paraissent une éternité dans l’attente d’un signe de la belle sauvageonne. Signe qui, heureusement, ne tarde pas trop, signe presque imperceptible, petite inclinaison de la tête plus qu’avancée vers moi, signe encore que ces lèvres, qui s’entrouvrent légèrement.

Fébrile, je me rapproche encore et trouve enfin l’ahurissant courage de déposer sur sa bouche frémissante un baiser aussi doux et léger qu’un battement d’aile de papillon.


ELLE n’a pas fui, ELLE n’a pas reculé, je vais connaître enfin et le goût de sa bouche et la douceur de sa peau. À peine séparées, nos bouches se rapprochent, nos lèvres impatientes se frôlent encore, s’apprivoisent, se goûtent, se séparent encore pour se retrouver plus puissamment, plus amoureusement. Et nos bouches s’entrouvrent, nos souffles se mêlent, nos langues s’enroulent voluptueusement en une longue caresse chaude et humide.


Un frisson délicieux électrise ma nuque, explose quand la douce main d’Agnès vient s’y poser pour nous rapprocher encore. Une délicieuse furie nous prend, nos lèvres soudées ne peuvent se résoudre à se quitter, nous respirons l’un par l’autre, nous chavirons et sombrons dans un bonheur chamarré.

Et lorsque enfin, à bout de souffle, nos lèvres s’abandonnent un instant, nos yeux s’ouvrent sur ce bonheur nouveau, le premier bonheur du monde, le premier de notre monde, puisque nous sommes deux désormais, pour ne former plus qu’un.


Je suis si rempli de certitudes absolues que je me prépare à lui dire quelque chose d’irrémédiable, du genre "Je t’aime", mais Agnès, qui l’a compris, me bâillonne aussitôt, m’évitant, m’interdisant de proférer quoi que ce soit de définitif. Nos baisers se succèdent, légers, profonds, langoureux, acharnés, dévorants, tourneboulants, « bouleversifiants » !


L’inconfort de la position, la rudesse du rocher, martyrisent nos genoux et menacent notre équilibre. Gracieuse, Agnès s’échappe, bondit sur le gué enroché, gravit la berge et s’étend sur l’herbe encore verte, à l’ombre d’un gros fruitier.



Dieu, que ces mots sont doux à entendre, que ses yeux grands ouverts sur ce bonheur tout neuf sont profonds et lumineux.

Et même si je t’en veux un peu de m’avoir volé la primeur de l’aveu, même si je me sens incapable désormais de prononcer ces mots qui me brûlent, même si j’en crève de rester muet, même si je t’aime plus immensément que toi tu m’aimes, je t’aime, mais ne peux plus le dire à présent. Je l’aurais fait, deux minutes plus tôt, si tu ne m’en avais pas empêché, je t’aurais avoué cet amour dévorant, ma soumission absolue, je me serais remis entre tes mains, je t’aurais offert ce cœur qui bat si fort qu’il résonne dans mes tempes.

Mais, là, après toi, comment prononcer ces doux mots sans apparaître maladroit, ridicule ? Ou pour le moins, un cran au-dessous de toi. "Moi aussi, je t’aime"… Note émotion : deux – Note artistique : zéro ! Non, laisse tomber, mon gars !


Plus tard…


Alors ma bouche cherche la sienne, trouve ses lèvres enfiévrées et palpitantes. Nos souffles se mêlent à nouveau, nous nous embrassons à perdre haleine, affamés que nous sommes l’un de l’autre. Nos mains se frôlent, se joignent, s’échappent partent à l’aventure sur nos corps impatients.

La fièvre monte, le désir nous embrase, nos mains se font plus indiscrètes, plus précises.

La mienne surtout. Qui s’insinue sur l’espace découvert du petit ventre doré, caresse cette peau fine et chaude, aplanit les premiers frissons qui la parcourent. Une main scandaleuse qui grimpe sur l’échelle des côtes, vient flirter, déjà, avec les contours de la poitrine.


Oh, l’impatience des hommes ! Ne peux-tu donc te contenter de cette bouche si merveilleusement offerte, ne peux-tu simplement te noyer dans le lac insondable de ses yeux ébahis, ne peux-tu pas apprécier juste la douceur de l’instant, la magie du moment, le cadeau fabuleux de ce cœur qui s’offre ?

Non, ton honneur de mâle dominant pourrait en souffrir, l’atavisme prévaut, tu es mâle conquérant et ton sexe douloureux prend le pas sur ton cœur ! Car elle te fait souffrir, cette tige qui gonfle entre tes cuisses, elle te dicte son message, t’impose son dictat. Tu as beau être sincère, amoureux et transi de bonheur, ton sexe te domine et te pousse en avant.


Je mesure le risque que je prends, je ne voudrais pas brusquer ma bien-aimée, mais le désir me submerge et mes doigts abordent le contour des seins.

Bâillonnée par ma bouche, Agnès souffle un "Non" étouffé, sa main emprisonne mon poignet, l’écarte de sa cible. Nos baisers redoublent, l’étreinte sur mon poignet se relâche et ma main incorrigible retourne papillonner sur le ventre dénudé. Mon index circonvolutionne sur le nombril, puis les cercles s’étendent, s’ovalisent, s’aplatissant dans le bas en longeant l’élastique du maillot mais s’évasent vers le haut, vers la frontière du soutien-gorge.


Lorsque mes doigts furtifs abordent à nouveau la barrière de tissu, une main preste les en éloigne. Patiemment, les mains repartent vers leur but, trois fois, cinq fois, dix fois, le manège recommence. Le chasseur (que je ne suis pas) note à chaque fois l’amollissement du mouvement de rejet, la puissance régulièrement amenuisée du "Non", qui finit par n’être plus qu’un souffle abandonné. Alors l’hallali résonne, les doigts grimpent sur le tissu, la paume de la main retrousse habilement le tee-shirt, découvre le vichy du soutien-gorge, capte la fermeté d’un téton dressé.


Sur le coup, Agnès se cabre mais ne s’échappe pas, son refus se perd dans le clapotis de nos bouches affolées, mes doigts ciblent le téton dressé sous le tissu, l’agacent, le contournent, le frôlent à peine avant de s’égarer dans la gorge offerte et dénudée.

Implacables, obstinés, après quelques douces caresses innocentes dans le cou, ces doigts impatients redescendent vers le sein, s’agitent comme l’araignée carnivore qui dégringole vers sa proie. Une phalange, puis deux s’insinuent sous le bonnet béant. Avec toute la douceur dont je suis encore capable, j’aborde les reliefs hérissés de l’aréole, un ongle effleure le mamelon dressé. La caresse s’accentue, deux doigts cernent le piton érigé, l’encerclent avant de l’escalader et de le vaincre.


N’allez pas croire que j’en suis à vouloir planter un drapeau au sommet, que j’en tire une fierté mal placée, je ne suis pas calculateur, et encore moins cynique. Je suis heureux, bouleversé de sentir sous mes doigts ce mamelon à la fois si dur et si souple. Heureux de sentir ma Chérie transportée par mes caresses.

Pratiquement couché sur elle désormais, je sens les mouvements réflexes de son corps, les infimes tressaillements qui témoignent de son plaisir grandissant.


Alors que nos bouches se butinent, mes mains poursuivent leurs manœuvres. Les deux seins sont désormais visés, rapidement dénudés et ma bouche prend le relais de mes doigts qui glissent dans le dos à la recherche du mécanisme libérateur du soutien-gorge désormais encombrant. Chance du débutant, l’inutile vêtement est rapidement dégrafé et les seins libérés s’exposent à mes regards avides et à ma bouche gourmande.

Ne seraient-ils pas encore plus menus que je les avais imaginés ? Cette poitrine est pratiquement inexistante, parler de mandarines serait une exagération pagnolesque, une galéjade éhontée. Mais quelle importance ! Leurs fraises caramel sont contractées et hérissées, forment une corolle autour des tétons dressés, petits menhirs vibrants.

Ces tétons sont incroyablement, extraordinairement durs.


"Incroyablement, extraordinairement"… Je devrais me contenter de dire "formidablement" car à cet instant précis, novice et puceau, je n’ai aucun repère, aucune expérience, aucun point de comparaison. Je ne sais pas encore qu’il me faudra longtemps, très longtemps, avant de retrouver des mamelons aussi érectiles et fermes. Je n’imagine pas, alors, que je passerai le reste de mon vie à chercher en chaque fille rencontrée, en chaque femme caressée, ces petits seins si merveilleusement sensibles. Je ne sais pas encore que mon complexe mammaire vient de se dégonfler, que j’en arriverai à fuir les poitrines opulentes et indolentes, les bonnets D, E… Que mon alphabet du tendre ne dépassera plus désormais l’ABC, et encore, pour le C…


Je ne sais pas tout cela à ce moment, je ne fais que savourer ces tout petits chapeaux chinois, hérissés et tendus, que je suçote, avale, lèche, embrasse, savoure, qui se dégonflent sous la pression de mes lèvres et regonflent dans ma bouche. Je suis étourdi par ces mamelons magnifiques, gros comme mon petit doigt, dont le sommet presque plat est parsemé de papilles granuleuses sous ma langue.


Le bonheur est dans le pré, les parfums de fleurs des champs et de sa peau m’enivrent, je suis le plus chanceux des gars, je tiens dans mes bras la plus belle, la plus douce fille du monde et ses seins sont pour moi. Je savoure, je me régale et surtout, par-dessus tout, je ressens le plaisir que je lui donne.

Je lis sur son visage aux yeux clos désormais les ondes de plaisir qui la parcourent, bonheur serein et nouveau, sensations délicieuses qui lui dessinent un sourire d’une infinie douceur.

Je continue à flatter les petits seins, en dessine les courbes diffuses, j’embrasse, suçote, agace, avale ces merveilleux tétons vibrants.


Le corps d’Agnès se tend, et, pratiquement couché sur elle désormais, je glisse une jambe entre les siennes. Dans mon short, mon sexe tendu à l’extrême n’en peut plus de l’exiguïté du slip, ma verge appuie sur la cuisse d’Agnès qui ne peut pas ne pas la sentir. Mais emportée par la montée de son plaisir, la jeune fille est incapable d’esquisser le moindre geste, d’amorcer une quelconque fuite.

Ma cuisse alors se cale entre les siennes, appuie sur l’entrejambe, force sur son sexe à peine protégé par le maillot. Ma peau ressent la chaleur moite de son sexe, mon genou se fait plus insistant, mes mouvements plus précis, alors que ma bouche continue à affoler les petites pommes reinettes.


Agnès, les bras le long du corps, agrippe à pleines mains des touffes d’herbe. Elle a rejeté sa tête en arrière, au plus loin possible alors que ses épaules se soulèvent pour offrir toujours et encore plus ses seins impatients. Sa bouche est béante, ses lèvres contractées dessinent un O majuscule, l’heure n’est plus aux refus, les plaintes qui s’échappent de sa gorge traduisent les râles de plaisir. Soupirs d’aise et de bonheur, affolements grandissant sous les vagues du plaisir qui enflent, gonflent.


Basculant dans l’abandon, Agnès écarte résolument ses cuisses et mes mouvements insistants lui donnent l’estocade. Traître, calculateur ou simplement prodigieusement amoureux, je choisis cet instant minuscule pour lui avouer mon amour d’une voix grave et profonde :



Écarquillant ses yeux jusque-là clos, Agnès se fige, son regard traduit une sorte d’étonnement ravi, de surprise indicible. Je réalise avec elle comme il m’a été facile de lui dire "Je t’aime", mais qu’y associer son prénom a rendu la déclaration tellement plus personnelle, tellement plus intime, complice, sincère, puissante. L’aveu en a été magnifié, sa sincérité rendue évidente, indestructible, inaltérable, tout simplement éternelle.


La petite seconde immobile s’effondre soudain, les sens, par l’instant annihilés, reprennent le pouvoir et Agnès glisse brutalement dans l’orgasme.

Portant ses deux mains au visage, elle tente à toutes forces de masquer son plaisir, mais son corps tout entier révèle son état : parcourue de frissons et de transes, Agnès jouit ! Profondément, intensément, merveilleusement. Ses mains savonnent son visage, son corps arc-bouté est tendu vers ce plaisir ravageur. La jeune fille halète, se débat, s’abandonne.


Surpris par l’ampleur du phénomène, j’ai allégé mes pressions sur son sexe, abandonné même les petits seins dressés et contemple, ébahi, le spectacle fabuleux du plaisir féminin. J’en oublie mon propre sexe, douloureusement tendu et mes propres envies : ces halètements, ces frissons révélés, et le spectacle de la fille en transes qui désormais pétrit ses seins avec force et acharnement, me sidèrent et m’enchantent.


Je ne suis pas peu fier de moi, heureux d’avoir su lui donner ce bonheur. Merveilleusement stupéfait, je m’extasie du spectacle, des transes ravageuses, des tremblements incontrôlés de son corps, de sa peau parcourue de frissons qui dressent le duvet de ses bras. Cette brutalité libérée, cette violence exprimée, alliées à cette béatitude irradiante, ce cataclysme voluptueux, cette explosion cataplectique me paraissent rejeter les soubresauts expéditifs de l’orgasme masculin au rang de bombinette artisanale. Et par-dessus tout, la grâce indicible qui magnifie chaque sursaut, chaque feulement, chaque frisson semble propulser ma vibrante gazelle dans une bulle de volupté et de simple bonheur.

Dieu que c’est beau, une femme qui jouit !


Spectateur ravi, je ne reste malheureusement pas longtemps dans cet état de contemplation béate. Rattrapé par mon propre désir, j’observe le reflux du séisme, j’espère benoîtement les étreintes passionnées et les débordements fougueux qui ne manqueront pas de suivre, je calcule le plaisir qu’elle ne pourra pas refuser de m’offrir à son tour : le bonheur est dans le pré, les parfums de son plaisir m’enivrent, je suis le plus chanceux des gars, j’ai fait jouir la plus belle, la plus douce fille du monde et elle va me donner le bonheur que j’attends !


Mais alors qu’Agnès se calme peu à peu, je découvre ahuri des larmes perler de ses yeux clos. Plus elle se calme, plus je la sens me repousser, tant et si bien qu’elle finit par s’échapper. Elle est couchée sur le côté, je la vois se recroqueviller en position fœtale, fuir et refuser tous contacts. Les spasmes de son bonheur se sont mués progressivement en hoquets, en sanglots lourds.

Totalement désemparé, je ne comprends rien à ce qui arrive, je voudrais la calmer, la consoler, la rassurer mais elle repousse violemment la main que je viens de poser sur sa hanche.



Tout s’effondre autour de moi, mon cœur se serre, je réalise être aller trop loin, trop vite, l’avoir blessée, trompée, dupée.



Sa voix est dure, cinglante, malgré les pleurs qui la secouent.

Je suis perdu, anéanti autant qu’elle, mon érection me paraît obscène et d’ailleurs, heureusement, s’effondre à la vitesse Grand V. J’ai la certitude immédiate d’avoir cassé quelque chose, commis l’irréparable, torpillé notre Amour, cet Amour que je voyais si grand, que je voulais si fort et éternel.

Et lorsqu’Agnès se redresse enfin, je tombe dans le trou noir de son regard furibond et méprisant, de ses yeux sombres baignés de larmes de colère et de honte. Je voulais lui offrir le bonheur, je n’ai fait que la blesser et je récolte rage et mépris. Froid mépris, confiance bafouée, honte de s’être abandonnée, je ressens les sentiments mêlés qui la bouleversent.



Le ton douloureux de sa voix brisée m’anéantit.



*****



Deux jours, deux longues journées passées avec Agnès, à ses côtés, mais aux antipodes de son cœur. Deux jours de calvaire, de pulsions refoulées, de désespoir honteux. La douce, ma belle bohémienne, ne m’adresse plus la parole que pour les nécessités du boulot. Plus de sourires attendris, plus de sous-entendus complices, Agnès me bat froid, me toise avec mépris, me glace par son attitude sévère. Rien de ce que je peux dire ou faire ne semble pouvoir l’atteindre, la toucher, l’infléchir.


Assis dans l’herbe, appuyé contre mon tronc d’arbre, je remâche ma peine, insensible au spectacle magnifique d’un soleil encore triomphant qui baisse à l’horizon. Perdu dans mes regrets, je ne goûte pas la beauté du spectacle offert par l’astre rougeoyant, mon regard fixe mes doigts de pieds sans les voir. Je suis vidé de toute substance, happé par un trou noir dévorant, gangrenant. Les amours adolescentes sont toujours excessives, leurs élans prodigieux, leurs effondrements tout autant.


Mon cœur épuisé fait un bond tout à coup, la lumière a changé, l’ombre vient brutalement de se fixer sur moi. Je n’ai rien entendu, rien perçu, et mon regard étonné découvre une silhouette immobile à quelques pas de moi. Se découpant sur le disque solaire vermillon, une ombre paisible m’observe.

Mes yeux, aveuglés par le contraste violent, mettent du temps à s’acclimater, à reconnaître cette silhouette. Mais mon cœur, lui, n’a aucun doute, s’affole devant cette apparition inespérée. Cette longue jupe légère flottant doucement, ses épaules gracieuses, ce visage encore flou, c’est Agnès, Mon Agnès !


Ma vue s’accommode, j’aperçois le dessin fuselé de ses jambes en ombre chinoise, la blancheur du chemisier zébrée par les mèches de ses longs cheveux sombres. Et surtout, surtout le doux sourire qu’elle m’adresse, son regard bienveillant et attendri. Sa main se tend, m’invite à la rejoindre. Ankylosé, je me lève avec peine, m’approche timidement d’elle et… reçois de plein fouet une gifle magistrale. Décontenancé, ahuri, je reculerais sûrement si je ne voyais le visage d’Agnès s’éclairer :



Sa voix est douce, son sourire me fait fondre. Et ses lèvres s’approchent, sa bouche s’entrouvre, son souffle balaye mon visage. Avec une infinie douceur, Agnès pose sa main sur ma joue endolorie, nos bouches se trouvent, se joignent, se caressent, nos lèvres frémissantes se fondent.

Agnès est dans mes bras, je la serre contre moi, mes mains caressent son dos, toutes étonnées de ne sentir aucune barrière sous le tissu. (Du calme garçon, plus de conneries, maintenant, plus de faux pas !)


Pendant de longues et délicieuses minutes, nos baisers se succèdent, tour à tour tendres et voluptueux, passionnés et féroces, carnivores et délicats, gourmands, fripons, moqueurs, désespérément romantiques, délicieusement sauvages, prodigieusement indécents…

Le parfum de sa peau me chavire, nos papouilles nous étourdissent. Agnès s’enroule comme une liane, se révèle provocante, passionnée, féline.

C’est elle qui prend l’initiative de se coucher sur l’herbe, s’allongeant langoureusement sur le dos. Comme je me place à son côté et me penche pour reprendre ses lèvres, elle me retient doucement, m’oblige à demeurer mi-assis. Son visage rayonne, son sourire m’aguiche, ses yeux pétillent.


Avec une lenteur calculée, la jeune fille défait un premier bouton de son chemisier, un second, ses doigts désescaladent l’échelle de soie, sans jamais entrouvrir les pans du chemisier. Et lorsque, enfin, ses mains écartent doucement le vêtement, découvrent millimètre par millimètre l’un de ses petits seins érigés, mes yeux ne voient que la malice triomphante de son regard vainqueur.


Agnès s’offre !

Agnès, ma douce Agnès, tout à coup déchaînée, qui m’attrape presque brutalement par la nuque, et plonge mon visage sur le téton tendu de son sein découvert.


La nuit désormais installée masque nos débordements coupables, l’obscurité nous protège. Il me semble pourtant que notre bonheur retrouvé nous a propulsés dans une bulle de lumière aveuglante, un halo irisé d’un tendre et merveilleux d’amour.

La campagne est paisible, l’obscurité complice.


Je suis le plus heureux des hommes, je tiens dans mes bras la plus belle, la plus douce fille du monde et ses seins sont à moi.


Le bonheur… dans le pré…