n° 09699 | Fiche technique | 10436 caractères | 10436Temps de lecture estimé : 7 mn | 20/09/05 |
Résumé: Un homme rencontre une femme par le biais du web... | ||||
Critères: fh extracon telnet amour revede ecriv_f | ||||
Auteur : Femme Envoi mini-message |
Un vendredi soir, déjà tard, alors que la plupart de ses collègues ont déjà quitté les lieux, il reste seul à lire et relire ses dossiers. Décisions importantes à prendre : tant de responsabilités qu’il assume sans difficulté. Mais parfois il n’est pas toujours aisé d’avoir à assumer les tâches que l’on a souhaitées.
De fait, pour se libérer l’esprit, pour assouvir certains fantasmes aussi, cet homme jeune, mais mûr, s’autorise la coquinerie d’un petit surf cybernétique. Ce n’est peut-être pas vraiment dans ses habitudes. Ça lui arrive parfois : plaisir d’une séduction verbale et anonyme, caresses auto-infligées en lisant les mots salaces d’une femme esseulée ou désœuvrée. Satisfaction narcissique de plaire et savoir que l’on plaît, tout en gardant la protection d’un écran, qui nous rend invincible.
Ce vendredi soir, alors qu’il opte pour un pseudo pas très banal, il entre dans une salle de conversation. Multitude de pseudos féminins les plus évocateurs. Certains sont très explicites, d’autres paraissent plus soft. Il en repère un. Et invite cette personne tout aussi anonyme que lui à la conversation. Quelques mots, un rapide feeling…
Finalement pris au piège, car peut-être plus attiré qu’il ne l’aurait souhaité, il se réjouit du lundi, espérant la retrouver sur le net. Femme mystérieuse, douce et provocatrice. Mais surtout si vraie ! Les échanges ne sont finalement pas si coquins, prennent une autre dimension. Le cœur palpite un peu. Les jours passent, les échanges se font nombreux. Une connivence s’installe. La protection de l’anonymat était si grande que cette femme s’est autorisée à se dévoiler, à se montrer sous son jour le plus cru, le plus honnête. Serait-il séduit ? Il se cache malgré tout. Reste fort secret. Mais ne résiste pas à lui proposer de se rencontrer. Elle lui plaît, il veut la voir.
Sans se voiler la face non plus, il est clairement évident que cette rencontre aboutira à un mariage de leur corps, car déjà ils se désirent forts. Cela en est spirituel. Ils estiment bon, donc, de s’envoyer une photo. Photo qui sera déterminante pour une éventuelle rencontre tant désirée des deux côtés. Il envoie son portrait. Ce n’est sûrement pas sa meilleure photo, mais on y distingue le bleu profond de son regard inquisiteur, et on y imagine bien la douceur de ses lèvres. Son sourire est ravageant.
Photo envoyée, photo reçue. Son interlocutrice dévisage et s’émeut. Elle n’espérait pas rencontrer un homme qui puisse tant la toucher et qui puisse être doté d’une enveloppe charnelle aussi attrayante à ses yeux. Elle prend peur, s’inquiète de lui soumettre sa propre photo. Mais un accord est un accord. Il ne serait pas correct de rebrousser chemin d’autant que cet homme, elle veut le rencontrer ! Photo envoyée, vraiment pas la meilleure, photo reçue ? Elle attend. Enfin, l’homme répond. Il la trouve si belle, si désirable. Elle s’en étonne, en pleure presque de joie. Mais ne le lui dira pas !
Les échanges se poursuivent, ils posent un visage sur les mots. Une rencontre s’organise. Un lieu est choisi.
Alors que cette femme n’attendait rien, ne cherchait rien, alors que sa vie est si complexe et que sentimentalement elle se perd, alors qu’elle ne souhaitait peut-être qu’une discussion, un petit moment, un jour, cet homme prend une place plus grande qu’elle ne souhaitait lui accorder. Cet homme envahit son âme, son cœur.
La rencontre était magique, féerique. Elle avait craqué sur les mots, était séduite par l’homme. Elle tombait amoureuse. Peut-être comme si elle redécouvrait l’amour n’y croyant plus depuis longtemps ?
Lui, attiré et intrigué, ne se fait pas toujours très clair non plus dans ses attentes. En fait, il est plutôt pris de court ! Alors qu’il ne souhaitait qu’une conversation salace un soir, il a croisé une femme intéressante. Et à défaut de la croiser, il a commencé une sorte de relation avec elle, d’abord écrite, puis physique. La nuit qu’il a vécue à son côté était si particulière, si belle. Ses plaisirs n’avaient que trop rarement été si affolants. Alors qu’il lui faisait l’amour, alors qu’elle s’était si tendrement offerte à lui, il s’est surpris à l’aimer si fort. Il a laissé passer le temps, pour prendre du recul. Mais il a vite repris contact. Cette femme… est si charmante !
Ce qu’il faut préciser, inévitablement, c’est que ce gentil monsieur aux désirs parfois cachés (comme tout homme) a une vie déjà bien comblée. Un travail dont il n’a pour ainsi dire pas parlé, mais qui est très prenant et passionnant. Une femme aussi. Femme dont il ne souhaite pas partager la vie dans le quotidien, et c’est aussi pour cela qu’il vit chez lui, elle chez elle, mais une femme néanmoins qui compte. Qu’il aime ? Il ne le sait peut-être plus très bien.
Son interlocutrice n’est pas sans savoir que cette femme existe. Et dans un premier abord, alors qu’elle se juge mauvaise, elle estime qu’elle ne fait pas de mal à "qui ne sait pas" en s’octroyant ses propres plaisirs. Néanmoins, les sentiments sont parfois surprenants, nous submergent, nous étonnent. Elle aurait peut-être dû fuir, mais son ami, pour ce qu’il lui en a parlé, lui a fait savoir qu’il ne savait plus trop ou il en était avec elle, et puis la relation est allée trop loin ou bien les sentiments sont-ils devenus trop présents ? Alors, elle accepte, elle attend, espère. Mais quoi, en fait ?
Des journées entières à se parler, à s’aimer, se câliner, se découvrir, se partager. Le net est fantastique. Il peut en quelques clics rapprocher deux personnes qui ne souhaitent être séparées. Les échanges continuent donc, et une nouvelle rencontre est prévue.
Un week-end, presque tout un week-end, un week-end de rêve qui laisse si songeur. La femme comprend enfin son statut véritable dans le cœur de ce monsieur encore perdu. Sentiments entremêlés. Peu importe. Elle est prête à accepter ce qu’il faudra accepter. Sans douter, elle le décide si rapidement, car elle l’aime déjà tant. Mais l’homme, sans mot dire, prend ses distances. Il reste présent, mais elle le sent. Le perçoit. S’en inquiète. Elle comprend aussi que ses propres sentiments lui ont fait peur. Alors qu’elle ne souhaite nullement le mettre devant un choix, mais juste être aimée comme il le pourra, elle regrette déjà sa spontanéité, sa vérité si franche, si directe.
Alors qu’ils avaient longuement et largement évoqué leur première nuit d’amour, et alors qu’elle espérait qu’ils commenteraient ensemble, se remémorant ce merveilleux week-end, lui s’est absenté. Il s’est retiré, s’est effacé, comme s’il s’était rayé de la terre. Elle attendait chaque jour, ne comprenant ce silence.
Enfin, elle reçut un message. Message court, froid, juste poli : overdose d’amour, perdu, beaucoup de travail.
Ah certes, le travail avait été quelque peu abandonné. Il est vrai qu’on ne l’a pas beaucoup mentionné. Pourtant, cette femme sait, et sait comprendre.
L’overdose d’amour… quelle drôle d’expression ! Très contradictoire à souhait, comme le tempérament de cette femme. Elle en sourit, naïvement. Elle ne saisit peut-être pas encore le vrai sens de ces mots, si lourds. Puis les jours passants, relisant quotidiennement ce message, elle devine. Se demande. L’aurait-elle trop aimé ? Aurait-elle trop donné ? Elle s’en attriste.
Puis une autre idée frappe son esprit. Serait-il vraiment plongé dans le doute ? Cet homme qu’elle aime se remettrait-il vraiment en question ? Ce n’est pas forcément bon signe. Ce n’est pas forcément mauvais non plus. Une lueur d’espoir revient à la surface de son esprit torturé. Elle se dit que c’est évident, que c’est ça, vu qu’il lui avoue être perdu.
Mais les jours passent. Elle relit et relit encore les quelques lignes. Elle commence tout simplement à imaginer l’homme qui voulait un moment de coquinerie, quelques instants seulement sur le net.
Elle se remémore certaines discussions, relis celles qu’il lui a envoyées. Ne veut admettre que les quelques mots d’amour obtenus n’ont finalement été prononcés qu’en des moments si intimes, si proches d’une extase ou on ne peut qu’aimer. Elle est blessée. Mais qu’importe, elle est amoureuse. Elle aime. Comme si c’était la première fois. Alors, elle décide d’accepter, de l’aimer encore, de lui donner ce qu’il prendra, comme il le voudra, sans rien demander.
Elle ne s’inquiète plus, la fin de son message lui disait "à bientôt". Il devait avoir beaucoup de travail, se poser quelques petites questions, rien de grave, il réapparaîtrait vite. Mais il ne réapparaît pas. Elle relit alors encore et encore. Cette fois, elle relit tous les mails, tous les messages, tous les dialogues échangés. Elle se dit que ce n’est pas possible qu’alors qu’une histoire si magnifique est née, qu’elle soit euthanasiée ainsi. En silence.
L’homme a accepté de décrocher. Il lui a parlé. Avec tendresse, mais sans rien lui dire. Sans s’expliquer. C’est normal. Il était au travail et elle comprend bien l’indélicate situation. Elle était déjà si heureuse ne serait-ce que d’entendre sa voix, son souffle. Il lui a promis de lui écrire. Le fera-t-il? Qu’écrira-t-il?
Elle attend ses mots, avec peur et impatience. Elle ne souhaite qu’une chose, qu’une seule. Le revoir vite, pour se perdre dans ses mots, ses gestes tendres, ses violences, pour s’abandonner au plaisir d’une revoyure désirée, pour être à nouveau femme, pour lui donner encore, encore, encore, toujours, ce qu’il acceptera…
L’amant reprit sa plume et après quelques mois de silence, sortit de l’ombre. Une femme si tendre, merveilleuse, douce, faussement pudique et passionnément aimante ne s’oublie pas facilement. Il a essayé, il a lutté. Peine perdue d’avance. L’amour est toujours plus fort que tout, quel que soit cet amour.