n° 09772 | Fiche technique | 33363 caractères | 33363Temps de lecture estimé : 24 mn | 12/10/05 |
Résumé: Quand Jean-Pierre a rencontré Ingrid, il ne pouvait savoir jusqu'où cela allait le conduire.
Leur rencontre est aussi particulière que l'est Ingrid... Dès lors, tombé amoureux, il est entraîné dans un monde d'amazones, aux pluriels très singuliers... | ||||
Critères: fh inconnu voyage amour cérébral revede voir humour | ||||
Auteur : Laure et JP (Couple heureux de vous parler de leur histoire.) Envoi mini-message |
DEBUT de la série | Série : Le triangle de Laure Chapitre 01 / 12 | Épisode suivant |
Quand Jean-Pierre rencontre Ingrid il ne peut se douter jusqu’où cela allait le conduire.
Leur rencontre est aussi particulière que l’est Ingrid… Dès lors, tombé amoureux, il est entraîné dans un monde d’amazones, aux pluriels très singuliers… Un monde éprouvant, émouvant, mais aussi tendre et érotique. Il manque y trouver la folie, mais l’amour aura le dernier mot, un amour lui aussi très particulier… où les personnages vont au bout de leurs pulsions et composent.
Accompagnez-les dans leurs aventures, entrez dans leur monde, partagez leurs émotions… vous ne serez pas déçus.
Avertissement : Cette longue saga, composée de plus de vingt chapitres, est fondée sur la trame d’événements, de situations et de personnages réels, mais romancée, de manière à ne pas créer de confusion explicite avec des événements, des situations et des personnages existants ou ayant existé. Si cela était, ce ne serait que fortuit et de pure coïncidence…
Consultant dans une grande entreprise, je suis souvent amené à me déplacer chez des clients… mais cette fois c’est loin, et pour environ neuf à dix mois…
Ça vous tombe dessus, comme ça, un beau matin, en arrivant au bureau.
Sans détours, on vous dit : « Jean-Pierre, voilà ta mission… » Et vous l’acceptez…
À trente-deux ans, célibataire, sans attaches, ma vie amoureuse se bornant à des aventures sans lendemain, je pars sans arrière-pensée, sans regret. Si j’avais pu me douter…
C’est ainsi que je me suis retrouvé à vivre à l’hôtel du lundi au vendredi, et retour en avion le week-end.
L’exercice n’est pas trop désagréable. Une ville moyenne de province, très touristique, tous frais payés dans un hôtel restaurant correct et confortable…
Il y a pire…
Au début, ça va. Soirées télé, vautré sur le lit… pas de courses, pas de cuisine à faire…
La chambre est petite et ne permet guère d’autres manœuvres. Les sorties en ville ? Bof ! C’est la basse saison, pas grand-chose à faire et on en a vite fait le tour.
Dans ces conditions, on prend vite des habitudes de vieux garçon.
o-o
Heureusement, devenu un quasi-résident permanent, je sympathise avec Patrick, le patron des lieux.
Et c’est souvent que nous discutons au bar jouxtant la réception. À un moment, j’y avais même ma bouteille de scotch, à disposition et offerte. Il est vrai que la note présentée au client était salée… Solidarité masculine ? Je ne sais pas. En tout cas, il m’avait pris un peu sous son aile, presque comme un frère.
Un soir en rentrant, je remarque une brochette de bien jolies filles, installées dans les fauteuils du salon face au bar. Cinq !… cinq « canons », toutes plus belles les unes que les autres… dans les vingt-cinq, vingt-huit ans, brunes, blondes, cheveux courts ou longs, bien habillées et coiffées, à vous donner le tournis…
C’est inattendu… À cette époque la ville est endormie et l’hôtel presque vide.
Patrick, me voyant, me fait signe de le rejoindre à la réception.
Je m’esclaffe…
Il m’interrompt en levant le bras.
Je lui ris au nez de le voir s’empêtrer dans des explications qui me semblent foireuses.
Il surenchérit, agacé.
Heureusement que je suis assis !
Il marque une pause en voyant mon air ébahi.
Il rigole, l’effronté, et ajoute, malicieux :
J’éclate de rire… « un deuxième oreiller »… l’expression est jolie…
Patrick s’énerve presque de constater mon incrédulité.
Je reste pensif et je jette un coup d’œil, de loin, sur ces « filles-phénomènes »
Aucun doute, du haut de gamme… Elles sont là à papoter, décontractées, et je perçois des bribes de conversation. On y distingue du français, de l’anglais, ce qui me semble aussi être de l’allemand… l’Europe en jupons !
Patrick me tire de mes rêveries :
Ah !… je n’y avais même pas pensé… pas mon genre… et puis à quel prix ! Et finalement pour quoi faire… je ne suis pas un de ces types à conférences et séminaires…
Ce garnement me regarde, amusé et songeur, sourire en coin.
Je hoche la tête, « il est fou… » pensé-je, et je le quitte pour rejoindre la cage qui me tient lieu de chambre. En passant à côté de ces demoiselles je ne peux que les détailler… avec bien sûr « un autre regard »…
Quand même !… superbes, intelligentes et peut-être un peu coquines aussi…
« Bah ! oublions, oublions… » me dis-je en prenant l’escalier pour rejoindre ma solitude.
o-o
Quelques jours passent. Et chaque fois, en voyant les fauteuils vides du salon, je me remémore leur contenu récent… Ça fait comme un vide… un manque… Et brusquement je réalise que je suis ici comme un couillon, seul, sans une amie, une relation… Mon travail m’a tellement absorbé… et puis cet hôtel… cette ville en sommeil…
o-o
Un soir je rentre, claqué, démoralisé. Cette vie quasi-monacale commence à me peser.
Retrouver ces quatre murs, le lit qui prend toute la place, la télé dans un coin, la minuscule table… Une lassitude, un ras-le-bol me prennent…
Mais quelqu’un gratte à la porte… J’ouvre, sûrement la femme de ménage…
Pas du tout !… Une créature de rêve que je distingue mal dans la lumière du palier…
Panique à bord ! Qu’est-ce donc ? Et je redoute ce que je pressens…
Je me précipite sur le téléphone pour appeler la réception. C’est Patrick qui répond immédiatement – comme par hasard – ce qui confirme mes craintes…
Je bredouille, certain qu’il m’a fait un « coup »…
Son rire me coupe la parole.
Je devine qu’il est hilare derrière le téléphone… Une bonne blague en quelque sorte…
Vaguement, ça me rappelle un film du même nom, où les collègues d’un gars qui part à la retraite lui offrent une call-girl… comme cadeau !
Sans rire… me voilà embêté comme une poule qui a trouvé un couteau…
Je me tourne vers l’intruse. Cette fille est vraiment superbe. Plutôt grande, blonde, yeux bleus… et tout et tout, comme sortie d’un magazine « for men only », mais avec quelque chose d’ingénu… dans les vingt-cinq ans, sans doute… et qui me regarde d’un air doux et calme, pas le regard d’une professionnelle qui vous glace.
Elle est là, plantée dans ma chambre, les bras ballants… attendant que je fasse quelque chose ! Aïe !… j’ai pas le mode d’emploi pour ce genre de situation !
Du regard elle cherche où se poser. À part une petite chaise, il n’y a guère que le lit. Elle y dépose son délicat postérieur, du bout des fesses. Le mouvement, dans un crissement de ses bas, découvre un peu le début de ses cuisses… « C’est ravissant tout ça… » pensé-je.
Rire de la belle, un rire comme on croque dans une pomme…
Je l’interromps en prenant mon plus gentil sourire.
Elle rougit plus qu’elle ne rosit sous la remarque, visiblement contrariée.
Bizarrement elle est comme soulagée, Laure alias Ingrid…
Elle me fixe, intriguée.
Cette remarque la fait sursauter et grimacer, et elle fait mine de se lever…
Encore plus belle en colère… Je la calme d’un geste.
Elle se rassoit, me sourit gentiment et reprend :
Je hoche la tête, finalement navré de m’être comporté en goujat…
Elle rit… ce qui finit de me soulager…
Avec à nouveau un geste apaisant, je la coupe :
Pour l’heure je ne sais quelle attitude prendre. « M’accompagner », après tout pourquoi pas ? Et puis je suis curieux… et Laure-Ingrid… à croquer ! Une geisha à la française en quelque sorte… Un fruit offert mais défendu, un challenge… mais après tout, comme dit Patrick, tout est possible… alors…
Nous sommes là comme des idiots, elle assise, moi debout, dans cette chambre ridicule. Je décide d’en finir pour le moment. Me donner le temps.
Je l’invite dans un restaurant chic pour dîner ce soir même. Ce qu’elle accepte – bien sûr – dans un murmure :
Oh ! là… je suis surpris par la question… elle la joue « pro », j’oubliais…
J’hésite une seconde, j’essaie de l’imaginer dans plusieurs tenues… Il est vrai qu’elle a des formes, ici et là, que l’on aimerait bien découvrir…
Elle acquiesce en souriant.
Elle se lève pour partir, nos corps se frôlent tant cette chambre est petite.
Nous sommes tout près, les yeux dans les yeux, une seconde d’hésitation avant de nous quitter pour quelques heures.
Je tente une question, que je veux subtile, en lui prenant la main.
Ses yeux se plissent, elle a compris la nuance, réfléchit un instant, puis me répond malicieusement en libérant doucement sa main.
Je reste seul, interloqué. J’appelle Patrick pour qu’il me réserve une table dans un lieu adéquat, genre chic et intime. Le parfum d’Ingrid flotte avec insistance pendant que je range un peu mon fouillis, me rappelant qu’elle est venue… qu’on va se revoir bientôt… « Ah ! ce Patrick… il m’a mis dans une situation, ce cochon ! » pensé-je, mi-amusé, mi-agacé.
o-o
Je me prépare, un peu anxieux, et je descends à la réception dès que je peux, bien en avance sur l’heure du rendez-vous. Voir Patrick, lui dire deux mots…
Il est là, derrière le bar, et arbore un sourire convenu quand il me voit.
Patrick éclate de rire tout en nous servant généreusement deux scotchs.
Tous ces non-dits, de Patrick et d’Ingrid commencent à m’agacer. Il s’en rend compte et reprend sur un ton complice, en se penchant au-dessus du bar.
Et nous trinquons, comme deux vieux potes. Reste que je ne suis pas plus renseigné…
En fait, comme il dit, je dois voir… belle soirée en perspective… du mystère… j’ai l’impression de jouer à un jeu, avec un gros lot à la clé… peut-être…
Il est vingt heures largement passées quand Ingrid se présente. Une merveille d’apparition. Longuerobe noire, près du corps, soulignant ses formes, fendue sur le côté jusqu’à mi-cuisse, laissant entrevoir une jambe gainée de nylon noir transparent, un décolleté sage mais suffisant pour laisser deviner la naissance des seins, un simple collier de perles, le tout perché sur des escarpins. Ses cheveux longs et blonds, frisottés aux bouts, arrangés comme sortant de la douche et tombant sur ses épaules. Sobre et de bon goût. De mon goût. Bravo…
Elle m’aperçoit au bar et s’approche, gracieuse et féline, sans un regard pour Patrick qui l’observe à la dérobée.
Si la robe me plaît ?! Tu parles !… Oui… mais surtout ce qu’elle contient et cache…
Mais je pense, inquiet, « C’est Ingrid et pas Laure… ça va être une soirée avec une pro des relations humaines et de la communication, aïe, aïe !… »
Elle rit franchement, sa bouche, ses lèvres sont fraîches, et brusquement j’ai envie de les embrasser… de les mordre… Il se dégage d’elle quelque chose d’animal… réveillant la bête qui en tout homme sommeille…
On croirait entendre un de ces guides de voyages qui vous commente une excursion… Mais bon, le tutoiement, pourquoi pas… Ça détend l’atmosphère…
Et, joignant le geste à la parole, elle boit d’un coup ce qui me reste de scotch…
Surpris de cette familiarité je lui lance :
Droit dans les yeux, les lèvres humides, elle me saisit la main et, à peine audible, murmure :
Restaurant très classe. Du monde. Ambiance tamisée. Une table dans un coin discret, à l’écart, une petite lampe qui éclaire tout juste nos assiettes. La traversée de la salle a été difficile. Imaginez-vous être observé par des dizaines de paires d’yeux au bras d’une femme splendide ! Le regard des autres femmes surtout. Cette manière qu’elles ont de vous détailler d’un seul coup d’œil.
En fait, c’est surtout Ingrid qui est regardée… Pas du tout gênée, elle assume parfaitement, bien dans sa peau, royale…
Assis face à face, nous dînerons lentement, calmement. Je ne me souviens pas de ce que j’ai mangé… Ingrid a une présence qui vous fait tout oublier… Je flotte…
Au début, je suis très tendu. Patiemment, elle sait me « prendre en main », conduisant la conversation.
Ainsi, j’apprends qu’elle épargne pour financer une année dans une grande école américaine, qu’elle est trilingue, qu’elle espère « tenir » dans ce boulot le temps nécessaire. « La connotation sexuelle y est évidente… et il va falloir gérer… » me jette-t-elle en riant.
J’en ai profité pour l’interroger précisément sur sa vie privée, savoir si elle avait un ami. J’ai récolté alors, outre une moue de désapprobation pour ma faute de goût, un cinglant « ça ne te regarde pas !… » sans appel. Penaud, j’ai dû m’excuser platement.
Je ne la quitte pas des yeux. Je suis subjugué par tant de prestance désinvolte cachant un caractère bien trempé.
Insensiblement, une tendre complicité s’instaure entre nous. Je me sens bien, le vin aidant.
Elle aussi a les yeux brillants… Je suis heureux au point que soudain, naturellement, je lui prends la main. Elle frémit mais ne bouge pas, seul son regard se faisant plus perçant.
Tendrement elle place son autre main sur la mienne. Une douceur électrique m’envahit. Je fonds… Elle se penche en avant, presque à m’offrir ses lèvres. Ainsi son décolleté s’ouvre et je peux y voir, à la dérobée, deux beaux seins emprisonnés dans la dentelle… comme deux pigeons serrés dans leur nid. J’y remarque quelques grains de beauté, un soupçon de téton qui pointe… Je manque défaillir… commençant à « y » croire…
D’autant que, dans un murmure, elle me demande :
Mes yeux tentent d’aller plus loin, dans les siens, comme pour l’hypnotiser.
En se mouillant les lèvres d’un gracieux coup de langue elle me répond :
Puis, prenant un air malicieux, elle poursuit :
Je me sens surpris comme un gosse pris les doigts dans un pot de confiture !
Elle se cambre un peu en redressant sa poitrine. Et, d’une voix douce :
Elle croise ses jambes sous la table et je sens son contact sur mon mollet, contact qu’elle maintient. Délicieusement, j’ai un début d’érection… et je commence à me faire un film…
Je la regarde dans les yeux, elle soutient mon regard. Quelque chose passe, de très fort… d’indéfinissable… avec un frisson dans le dos… une crispation de l’estomac…
Et je poursuis, troublé, voulant tester si je peux aller plus loin :
Elle rit en se redressant et crispe sa main qu’elle a toujours posée sur la mienne.
Je perds pied, sachant que je m’aventure sur un terrain instable…
Elle hoche la tête et secoue ses cheveux.
Nous restons ainsi encore quelques instants, sans parler, évitant de nous regarder. « Qu’elle est belle… et pas bête… » me dis-je, désarçonné…
Gêné, ne sachant plus que dire… je lui propose de rentrer.
Elle soupire… et acquiesce de la tête.
Bien sûr, jamais je n’aurais osé aller jusqu’à lui proposer de l’argent… je pense avoir compris que ce n’était pas son style. Cela aurait été une erreur. Et puis rien, en réalité, n’est venu de sa part pour m’y inviter… m’y encourager réellement… si elle avait voulu jouer la call-girl, les occasions n’ont pas manqué…
o-o
Nous sortons du restaurant bras-dessus, bras-dessous, euphoriques. J’ai l’impression de la connaître depuis toujours. C’est magique. « Et maintenant… » pensé-je le cœur battant, « et maintenant ? ». Je l’observe avant de reprendre la voiture, silhouette sculptée par sa robe, par la lumière des réverbères, sa jambe que j’entrevois, plus claire, au galbe parfait…
Durant le retour à mon hôtel, nous n’échangeons que quelques mots, à propos du dîner et d’autres banalités. Rien qui nous rappelle ce qu’elle est, et ce qu’elle fait là, ni même les moments de tendre complicité que nous venons de vivre.
Arrivés, contact coupé, le silence s’installe. Je n’ose rien faire et je fixe le tableau de bord, comme si j’espérais y trouver une attitude à adopter…
Un bruissement à mes côtés, Ingrid qui bouge sur son siège… et encore ce crissement de bas qui m’électrise… J’imagine ses cuisses fuselées qui cachent tant de trésors chauds et humides… ses seins que j’entrevois à nouveau… la caresse de ses cheveux dans mon cou… puis sa bouche dont je voudrais capter le souffle…
Mais, brusque arrêt de mon cinéma !… Sa voix déchire le silence.
Une folle envie de l’embrasser me prend dans cette demi-obscurité complice, son parfum envoûtant, ses yeux qui me scrutent… J’ai l’élan de me projeter vers elle mais, d’une main sur ma poitrine, elle me stoppe… et dévie mes lèvres sur sa joue. Baiser chaste d’un frère à sa sœur… juste le temps de m’enivrer du contact de sa peau et de son parfum…
Elle se redresse, bien droite, pose un doigt sur ma bouche et très doucement me dit :
Et tout ceci avec un sourire angélique, tendre, les lèvres humides, ses dents luisant dans cette lumière blafarde… J’ai le cœur brisé, une grande fatigue soudain…
Fataliste et vaincu, je soupire :
Ses yeux battent des cils, elle hoche la tête, ouvre la portière et s’apprête à descendre.
Dans le mouvement elle me prend la main et doucement l’embrasse de manière appuyée, tout en me regardant par-dessous.
Le temps que je réalise, elle s’est déjà enfuie à travers le parking…
Resté seul à mon volant, je suis comme assommé. Cette fille… une bombe ! Mais que penser vraiment d’elle ? Jusqu’où aller ? Et même, la reverrai-je… et pourquoi ? La serrer dans mes bras, lui faire l’amour comme un fou…
Toutes ces questions, ces situations se sont bousculées dans ma tête, toute la nuit, dans mes rêves où je la revoyais, la déshabillais, découvrant un corps sublime…
o-o
Une gueule de bois à tout casser le lendemain au réveil. Pas l’alcool d’hier soir, mais les suites d’une nuit agitée. Ingrid ! Je la vois partout, mes pensées sont pour elle, omniprésentes. Une obsession.
Au petit déjeuner, dans la salle de restaurant de l’hôtel, je mange sans appétit.
Ah ! Et qui voilà ! Patrick, arborant son sourire 52bis de circonstance ! Il est plié de rire quand il s’assoit en face de moi.
Je le regarde, il est hilare.
Je poursuis, désabusé :
Du coup il prend un air sérieux.
Je reste songeur. Il a raison. Bravo… bien joué… c’est moi qui… un merveilleux souvenir… Je me pince : serais-je, vaguement, tombé amoureux ?! Cet échange, yeux dans les yeux, où il s’est passé quelque chose… Sa présence… son parfum…
Patrick me tire de mes réflexions en me secouant le bras.
Bien sûr que je comprends ! Je proteste pour en savoir un peu plus.
Je dois avoir la mine défaite. Il reprend doucement.
Sur ces mots je pars travailler, le moral en berne. Et je réalise soudain que cette fille je la veux… et pas seulement pour « coucher », que sa seule présence m’est indispensable, vitale…
o-o
Le soir, de retour dans ma chambre, avant de descendre dîner, je me sens brusquement très seul. Même pas faim… prendre un repas en tête-à-tête avec mon assiette et la chaise vide en face… faut avoir connu… triste à mourir ! Idéal pour un régime…
La sonnerie du téléphone me fait sursauter.
C’est « elle » ! c’est Ingrid… décharge d’adrénaline… cœur qui tape… mains moites…
Je suis paniqué. Bien sûr que je veux !… mais…
Je l’entends respirer au bout du fil, son seul souffle troublant un silence qui me semble durer des heures.
Enfin elle répond, d’une petite voix :
Pour le coup, excédé et meurtri, je décide de tout arrêter, tout briser là, tant pis !
J’allais raccrocher sans attendre de réponse, le cœur dans la gorge, mais, au dernier moment :
Je m’insurge de la question.
Un nouveau silence de son côté. J’en tremble…
L’impression que le sol se dérobe, que les murs basculent. Son rôle !? La règle du « jeu », un « jeu » poussé à ce point ! Je réponds effondré :
À nouveau un silence. Je n’en peux plus de tant de naïveté de ma part, d’avoir interprété au premier degré… Quel con je suis ! Sa réponse enfin :
Elle halète, tant elle est énervée, et poursuit :
Elle est essoufflée… sa voix n’est plus la même…
J’ai du mal à me remettre, moi aussi. Il faut bien maintenant cesser cette mascarade faite de « jeux » et de « scénarios »…
Dans un souffle où je devine peut-être un sanglot, elle murmure :
J’ai la tête comme un chaudron… Je me maudis, je maudis Patrick pour cette « plaisanterie », ce « cadeau », je hais à ce moment la Terre entière et tout l’Univers.
Je me jette sur le lit, épuisé, cassé. Quelques minutes pendant lesquelles je fixe le plafond, y cherchant l’oubli, un ailleurs. « Ce n’est pas possible… » me dis-je, « je suis tombé amoureux de cette fille… surtout de cette fille… me voilà bien… vite l’oublier… »
À nouveau le téléphone me ramène à la réalité. Je roule lourdement sur le lit et décroche machinalement. Sûrement Patrick qui s’étonne de ne pas me voir au restaurant…
Mais c’est Ingrid, encore… Pas le temps de réfléchir que j’entends sa vois susurrer :
Et elle raccroche.
Je me redresse comme un ressort, le cœur à 180. Quoi ? Qu’est-ce que ça veut dire ?
C’est vrai !… Elle m’a bien dit hier soir « de la part de Laure… »
Mais bon… elle s’est expliquée là-dessus, son rôle de composition… mais cet appel, maintenant… est-ce que par hasard… il y aurait…
Ou alors, en vraie « pro » elle ne veut pas être battue, cherche à avoir le dernier mot, en me vendant du rêve comme elle dit… un rêve ultime, un amour virtuel.
Soudain, je deviens euphorique. « Quelle belle garce ! » Mais à quoi jouons-nous ? La deuxième mi-temps de cette partie de cache-cache aurait-elle commencé ?
J’éclate de rire. Il vaut mieux, d’ailleurs… Ok, on va voir… peut-être.
Un espoir insensé me gonfle de joie… J’admets sereinement que je peux perdre aussi cette deuxième mi-temps. Dans tous les cas, elle m’a eu ! Chapeau, princesse ! Et après tout, être roulé dans la farine par cette fille exceptionnelle… presque un bonheur !
Reste que moi aussi je dois rentrer dans le rôle du « vaincu-heureux », du « cocu-content »… Bouffer du rêve jusqu’à l’indigestion… avec elle, pourquoi pas ? Me laisser, consentant, prendre dans la toile de cette délicieuse tarentule carnivore… Me noyer dans les ondes vives de ses regards, de sa voix murmurante…
Et j’ai brusquement faim, une faim terrible de guerrier en campagne… combattant inutile peut-être d’une cause perdue.
J’appelle Patrick :
o-o
Si j’avais pu savoir à ce moment jusqu’où cette rencontre, ce coup de cœur, allait m’entraîner… que ma vie allait basculer… que j’entrais malgré moi dans un monde particulier… qu’Ingrid n’était pas ce qu’elle paraît être…