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n° 09968Fiche technique21830 caractères21830
Temps de lecture estimé : 13 mn
10/12/05
Résumé:  La vie heureuse est-elle toujours aussi heureuse ?
Critères:  fh amour revede pénétratio init
Auteur : Jeff            Envoi mini-message
Rupture

Marc est un homme heureux. Entouré de sa femme qu’il adore, et de ses deux enfants qu’il chérit, ils déambulent dans la rue. Ils sont au milieu de la foule qui se bouscule dans les rues, en ce samedi après-midi. Tout le monde s’agglutine aux vitrines des magasins, tous sont là pour admirer les somptueuses décorations et faire leurs achats.

Près de la cinquantaine, financièrement aisé, comblé dans sa vie de couple et dans son travail, Marc ne fait jamais trop étalage de son bonheur, selon son adage préféré : "pour vivre heureux, vivons cachés". Mais pour les gens qui le croisent, le bonheur irradie sur sa figure et fait briller ses yeux.


Cette année, pour les vacances de Noël, il a décidé d’emmener tout le monde sous le chaud soleil des Iles. Pour compenser l’absence de réveillon en famille, ils ont décidé tous ensemble de gâter grands-parents, oncles, tantes, neveux et cousins. Voilà pourquoi la famille avance au rythme de la foule compacte qui se presse dans les rues commerçantes du centre ville, à quelques semaines de Noël.

Depuis plus de deux heures, la famille oscille et tangue d’un côté de la rue à l’autre, s’extasie à chaque nouvelle vitrine, pousse des "Oh !" ou des "Ah !" d’admiration puérile devant chaque nouvel étalage, admire l’habileté des décorateurs pour rendre leur vitrine encore plus attrayante que celles de leurs concurrents.

Nathalie serre contre elle son sac et en extrait une longue liste. Elle s’applique méthodiquement à rappeler à la famille l’objectif des courses. Si Marc est un homme insouciant des choses matérielles, il a laissé depuis longtemps la gestion quotidienne à son épouse. Nathalie est là pour mettre bon ordre aux débordements enfantins de son tendre époux. C’est que plus de vingt ans d’une tendre complicité, d’un amour profond et sincère, les lient tous deux, et chaque jour qui passe renforce ces liens.

Au fil des heures qui s’égrènent, les bras se chargent de paquets-cadeaux, de sacs débordants de présents. Marc, les jambes fatiguées par les trépignements dans les magasins et aux caisses, commence à trouver le temps long et tout le monde s’engouffre dans un salon de thé où les fauteuils les reçoivent avec bonheur. Après un dernier coup d’œil à sa précieuse liste, Nathalie accepte de réintégrer la maison. Une dernière fois, les bras rompus par le poids des emplettes, les mains cisaillées par les ficelles des poignées, tout le monde se lève pour reprendre le chemin du retour.


Avec une organisation bien rodée, la porte de la maison à peine refermée sur elle, la famille s’active déjà aux tâches dévolues à chacun, grâce à un astucieux tour de rôle édicté par Nathalie, qui en surveille la stricte application. Ainsi en un tour de main les cadeaux de Noël sont-ils rangés, le couvert dressé, le repas prêt. Marc, pour échapper aux corvées familiales, s’est réfugié dans son bureau où il feuillette une revue professionnelle, en attendant l’inéluctable "à table !" qui l’interrompra immanquablement au beau milieu d’un article passionnant.

L’excitation des courses de l’après-midi se prolonge autour de la table. Les enfants ne cessent de se chamailler et harcèlent leurs parents de questions plus saugrenues les unes que les autres au sujet de leur prochain lieu de villégiature. Marc et Nathalie, bien qu’agacés et fatigués, répondent aussi bien qu’ils le peuvent pour satisfaire la curiosité de leur progéniture. Mais c’est Nathalie qui, comme toujours, a le dernier mot et expédie tout le monde au lit.

Demain, la semaine recommence.


Enfin seuls et au calme, les deux époux se regardent avec tendresse et complicité, avant de décider d’aller se coucher ; la journée ayant été éprouvante. Pourtant, à peine allongés l’un à côté de l’autre, Nathalie quémande un baiser. Marc connaît le signal et le guette.

Il sait que certains soirs sont plus propices que d’autres à de tendres rapprochements, aux effusions de leurs corps. Il sait qu’elle est loin la période où ils pouvaient se permettre de faire l’amour comme des fous, tous les soirs. Le corps, l’âge, le travail, les contraintes familiales et les habitudes ont tendance à user la vie charnelle. Mais il sait aussi que si toutes ces habitudes, ces "tue l’amour" comme il aime de temps en temps à les évoquer, sont inévitables, la tendresse et la profondeur des sentiments s’y substituent.

Alors, avec application, il embrasse sa femme, tente de retrouver dans sa bouche le goût du fruit convoité et âprement défendu des premiers baisers qu’ils échangèrent. Instinctivement, sa main descend sous les draps et s’aventure sur ses seins. À travers le tissu léger de la chemise de nuit, il sent sa poitrine s’affermir, ses mamelons durcir, ses tétons pointer. Tendrement, il en saisit l’extrémité et les agace, les frotte entre ses doigts, les pince doucement, les vrille amoureusement. Sans quitter la bouche de Nathalie, il reste à son écoute, attend que les premiers gémissements s’en échappe. Alors seulement, sa main descend vers son ventre, survole son nombril, volette au-dessus des poils de son pubis et entame une descente agile et rodée vers l’entrée de son sexe. D’un doigt inquisiteur, il s’introduit entre ses lèvres, les écarte et va cueillir un peu de son humidité naissante, pour remonter vers son clitoris. Du bout de l’ongle, il en agace la pointe avant de le décalotter et l’extraire de la gangue de petits plis où il se cache. Du bout de l’index humide, il le frotte, tourne autour, le titille, le gratte.

Nathalie, sous la pression de la main de son époux, écarte les jambes pour lui laisser le champ libre et se mord les lèvres pour se retenir de crier son plaisir qui monte. Elle adore cette caresse qui éveille son corps au désir et lui fait attendre avec de plus en plus d’impatience une longue pénétration.

Les doigts continuent à jouer avec les vagues de plaisir qui montent les unes après les autres, envahissent tout son corps, enflamment son sexe. Marc s’est glissé sous les draps et tout en jouant avec son clitoris, a plongé sa bouche et sa langue entre les lèvres de son intimité. Il la fouille, l’aspire, la boit. Nathalie a attrapé son oreiller et le mord à pleines dents pour étouffer les cris de son plaisir et ne pas réveiller les enfants qui dorment dans leurs chambres. Marc masturbe son clitoris, aspire son intimité, la fouille de sa langue, et aventure maintenant ses doigts vers son petit trou dont il vrille l’entrée. Nathalie se cambre, se tend et se contorsionne sous les caresses osées de son époux. Elle lâche de longs jets de plaisir qui trempent Marc et se répandent sur les draps.

Ahanante, le ventre secoué de longs spasmes, Nathalie supplie Marc de venir la pénétrer.

Marc surplombe son épouse et s’emploie à la pénétrer lentement, faisant monter doucement des vagues de volupté en eux. Mais avant d’atteindre le point de non-retour, Nathalie le supplie de changer de position. Marc sait que celle qu’elle préfère, c’est par derrière, quand il la maintient avec ses mains sur les hanches et la pénètre sauvagement. Dans cette position, elle peut achever de se caresser tout en sentant son époux lui pilonner le ventre. Déjà, leurs corps ont retrouvé leurs positions respectives et habituelles. Marc s’enfonce en elle, tandis que la main de Nathalie s’active sous son ventre. La tête dans l’oreiller elle souffle et geint son plaisir qui finit par éclater et la tétaniser.

Bien que le lit puisse ressembler à un champ de bataille, les deux époux s’endorment, emboîtés l’un dans l’autre, repus, heureux.


Premier levé de la maisonnée, premier prêt, Marc avale rapidement son petit-déjeuner avec le reste de la famille qui s’éveille doucement. Il sait qu’une longue semaine de travail commence et qu’ensuite, se sont dix journées de vacances qui l’attendent. Alors il s’empresse d’embrasser tout le monde et se précipite sur la route, rejoignant des milliers de ses contemporains qui, comme lui, sont pris dans les embouteillages. En sourdine, la radio de bord égrène son flot de catastrophes quotidiennes. Sans trop râler, sans trop pester contre les bouchons, Marc en profite pour faire, intérieurement, le point. Comme souvent, dans la solitude de sa voiture, protégé du monde extérieur, isolé de tous, il peut réfléchir.

Il pense à Nathalie, à leur dernière séance d’amour : toujours la même chose, quand elle veut, où elle veut et comme elle veut… Il pense à ses enfants, leur réussite scolaire, la tendre complicité qui les unit. Il pense à sa famille et surtout à son boulot : ces clients qu’il aime bien, et ceux qu’il enverrait facilement se faire pendre ailleurs. Il réfléchit à cette vie, calme, sereine, tranquille. Une vie organisée qui fonctionne comme un mouvement d’horlogerie suisse, sans que le moindre grain de sable ne vienne en perturber les rouages.

Et sans lâcher le pied de la pédale d’embrayage, il avance doucement, suivant le flot des voitures. Machinalement, il accélère dès qu’il le peut, freine au dernier moment.

Mais cette fois, le freinage subit de la voiture de devant le surprend. Bang ! Les deux carrosseries s’imbriquent l’une dans l’autre. Marc est secoué par le choc. Son moteur cale.

L’impact le ramène immédiatement à la réalité. Un peu sonné, confus, il descend de la voiture. Déjà, derrière, les premiers klaxons hurlent. Dans un geste désespéré à leur égard, il écarte les bras comme si tout cela n’était pas de sa faute et s’approche de la voiture qu’il vient de tamponner. Au passage, il constate les dégâts : minimes pour lui, mais maximum pour l’autre.

En s’excusant, il toque à la vitre fumée du véhicule. Il faut quelques secondes pour que la portière s’ouvre et qu’une grande et plantureuse rousse, s’extraie de l’habitacle et plante devant lui une poitrine arrogante et courroucée. Avec acrimonie, elle lui explique qu’elle est déjà en retard et doit impérativement être à l’aéroport pour attraper un vol pour Marrakech. Marc est désolé de sa stupide inattention et lui propose, pour se faire pardonner, de la conduire. La jeune rousse le toise, regarde vers la voiture de Marc, avant de se décider à transborder son lourd sac et à abandonner sur le bas-côté sa voiture inutilisable.

Ensemble, elle renfrognée, lui n’arrêtant pas de s’excuser, ils reprennent place dans la file ininterrompue de véhicules, et Marc suit le fléchage vers l’aéroport.

A court d’excuses, Marc se tait. La jeune femme, elle, commence à se calmer. Après de longues minutes d’un silence étouffant, Marc l’interroge sur son voyage, sa vie.


Tiffany, c’est ainsi qu’elle s’est présentée à lui, lors du constat d’accident, lui explique qu’elle travaille comme hôtesse dans un club de vacances, au Maroc, et qu’elle rejoint son poste pour les vacances de Noël. Soudain, elle devient un véritable moulin à paroles, soûlant Marc sur le bienfait des vacances, du soleil, des Clubs de vacances, des rencontres que l’on peut y faire. Marc, rendu prudent par son accident, l’écoute d’une oreille distraite et conduit avec circonspection. Tout en suivant scrupuleusement panneaux indicateurs et signalisation horizontale, les paroles de Tiffany entrent dans son cerveau… Le soleil, la mer, le farniente, le sexe… tout pour rendre un homme heureux… loin de la grisaille quotidienne, de l’ordre et de la méticulosité de Nathalie… S’évader, partir, rompre avec la routine…

A l’approche de l’aéroport, à la vision de quelques aéronefs, en parking le long des pistes ou en attente de prendre l’air, cette dernière phrase lui trotte dans la tête… S’évader, partir, rompre la routine… Et déjà, il arrête sa voiture devant la porte pour l’embarquement des passagers. Tiffany lui adresse un mièvre sourire, le remercie, en lui assurant que, de toutes façons, sa voiture devait partir bientôt à la casse. Elle récupére son gros balluchon et claque la portière, non sans lui souhaiter de bonnes Fêtes de fin d’année. Pressé par une file de taxis qui veulent accaparer sa place, Marc déboîte et reprend le chemin de sa vie quotidienne. Machinalement, il monte le son de l’autoradio qui ne cesse de diffuser ses litanies et, l’esprit absorbé par la conduite, il se recale dans la circulation.


De moins en moins préoccupé par l’idée qui vient de l’effleurer : s’évader, partir, rompre avec la routine, Marc sourit en écoutant une émission de radio à laquelle, au début, il ne prend pas garde. Pourtant, au bout de quelques kilomètres, il monte le volume et tend l’oreille. Le journaliste interroge un responsable de la gendarmerie qui, pour une fois, ne parle pas de sécurité routière, ni de crime, mais des disparitions volontaires. Du départ de ces hommes ou ces femmes qui décident, sur un coup de tête, pour des raisons trop souvent inconnues et inhérentes à la nature humaine, de tout quitter, comme ça, du jour au lendemain, et ne donnent plus signe de vie à leur entourage.

Marc hausse les épaules. "Des fous…" estime-t-il in petto et à mi-voix. Et la circulation l’absorbe. Il coule un œil rapide à la montre du tableau de bord, pour vérifier l’horaire. Lui qui a horreur d’être en retard chez ses clients, il y a belle lurette qu’il devrait même en être reparti ! Mais voilà, pour une fois, il a eu un accident… Avec prudence, il s’engage sur l’embranchement vers la zone industrielle où il a rendez-vous. Encore un dernier feu rouge et il sait qu’il doit tourner à gauche, couper la voie et entamer un sinueux cheminement vers l’entrepôt où on doit l’attendre avec impatience. Sagement, il attend au feu. En face de lui, les panneaux indicateurs : "ZI du Pré de l’Âne" et en-dessous "Aéroport"… Marc regarde sans voir, voit sans regarder. Le feu passe au vert et il embraye, tourne le volant et au milieu de la route, donne un furieux coup de volant à gauche, abandonne la direction de la zone industrielle, accélère, fait ronfler le moteur de sa voiture, passe la seconde et continue d’accélérer. Il reprend la direction de l’aéroport. Sans réfléchir. Sans penser. Sans atermoiement. Il fonce, droit devant lui, sans aucune arrière-pensée. Sans autre préoccupation que celle de conduire droit devant lui. À l’embranchement pour l’aéroport, il tourne et se dirige vers les parkings longue durée. Manœuvre. Il ferme consciencieusement sa voiture. Les deux mains dans les poches, il se rend à l’embarquement.

La tête soudain vide, le cœur battant un peu plus vite que d’habitude, le ventre légèrement noué, il franchit le sas des portes en verre, sous le regard vigilant d’une patrouille de police qui surveille d’un œil attentif toutes les personnes qui entrent ici. Marc, d’un pas décidé, manteau ouvert, flottant au vent de ses pas, traverse le hall, bruyant de passagers en attente de départ, et se dirige vers les panneaux des annonces.


Rapidement il parcourt les lignes affichées : Londres, Budapest, Rome, Madrid, Berlin… Les noms des villes défilent devant ses yeux. Dans sa tête, leurs images, floues d’abord, se précisent, avant d’être remplacées par d’autres : Rio, Venise, Djerba, Saint-Louis Sénégal… Marc continue à regarder fixement le tableau d’affichage. Les lettres jaunes tournent dans un sempiternel cliquetis, et soudain affichent : Niamey… Le Niger !

Marc imagine le soleil de plomb, le désert… Ce mot évoque aussi la traversée du Sahara. Soudain il se rappelle qu’enfant, il avait suivi avec passion l’aventure des Mahuziers en Afrique. Une fameuse famille française nomade et aventurière. Puis remonte aussi à sa mémoire le livre "l’Escadron Blanc" : l’aventure romancée des militaires français, méharistes, qui se battaient contre les rebelles, qu’il a lu et relu… Et dans sa tête se essine aussi, en flou, la figure du Père de Foucault, ermite volontaire du désert, dont il a toujours admiré le personnage et la vie aventureuse, loin de tout.

Marc s’approche d’un comptoir derrière lequel travaille une hôtesse africaine qui l’accueille avec un sourire resplendissant.



Marc attend. Patiemment.



Marc tend son passeport ainsi que sa carte de crédit. L’hôtesse s’affaire, lui tend un formulaire que Marc remplit à toute vitesse. En échange, elle lui tend un billet.



Marc a déjà la tête ailleurs et oublie de remercier. Tel un automate, sous le regard un peu étonné de l’hôtesse, Marc s’éloigne. Il s’attarde un instant devant un clochard qui a trouvé dans le hall de l’aérogare une place au chaud, le dépasse, puis revient vers lui. Il vide ses poches et ôte son manteau. Puis, avec un léger sourire, il le tend au vieil homme qui le regarde ahuri.



Et Marc s’éloigne, en direction de la salle d’embarquement. Il passe devant un téléphone, hésite un instant, et continue son chemin. Plus loin, il fixe une affiche, plus de mise en garde que promotionnelle : "En Afrique, le SIDA tue toutes les secondes… Protégez-vous !". Marc stoppe un instant, pensif. À côté du panneau, un distributeur de préservatifs. Il fouille sa poche, sort quelques euros en monnaie et les introduit dans la fente de l’appareil. Dans un bruit de machine à sous, l’appareil avale les pièces et lui livre un paquet de préservatifs qu’il enfourne au fond de sa poche de pantalon.

Déjà, il est devant la porte numéro 4. À l’entrée une hôtesse l’accueille avec un large sourire. Elle discute avec une copine, tout en vérifiant son billet.



Dans la salle, les voyageurs patientent, assis sur des bancs. Quelques enfants, excités par l’heure du départ qui approche, courent, jouent et crient. Par petits groupes, quelques hommes d’affaires, mallette à la main, discutent. Marc trouve une place, presque calme, dans un coin. Il s’installe et ferme les yeux.

Une petite voix, faible, s’élève en lui : "Mais qu’est-ce qui t’arrive ?" Marc ne veut pas l’entendre, ni l’écouter. Marc est parti. Marc s’en va. Comme ça. Il a même hâte d’être dans l’avion, en l’air, en vol, d’être arrivé. Il veut du soleil. Il veut voir le désert. Il veut la paix. Il veut l’aventure. Et la petite voix continue à le harceler "Et Nathalie ? Et les enfants ?" Marc se renfrogne… Juste quelques jours… Pas longtemps… Elle comprendra… Ils comprendront… La petite voix ajoute "Mais c’est bientôt Noël ! Tu devais partir au soleil, avec eux… T’es pas heureux ?". Marc secoue la tête. Autant en signe de dénégation que pour ne plus entendre la petite voix qui le gêne, qui voudrait le retenir ici, dans sa grisaille.

Non, il n’est pas heureux. Oui il veut partir. Décrocher. Oublier.


A l’appel du vol, il est l’un des premiers à franchir la barrière de la douane. Il est le premier à s’installer dans la carlingue, attachant sa ceinture avec distraction, la tête tournée vers le hublot et l’œil fixé au tarmac, il contemple le dernier ballet des mécanos de piste. Il est sorti de sa rêverie par le sifflement des réacteurs qui se mettent en préchauffage, et rapidement secoué par les premières trépidations de l’avion qui roule sur la piste. Au creux de son épigastre, il sent une légère contraction et se cramponne instinctivement aux accoudoirs, attendant que l’avion ne décolle, tandis que la voix du commandant de bord égrène son message de bienvenue.

Dans un vacarme strident et chuintant, l’avion s’élève au-dessus du sol et survole les files de voitures qui sont prises dans un monstrueux embouteillage de fin de matinée.

Dans sa voiture, Nathalie, en attendant que le flot de voitures s’écoule, contemple l’appareil blanc aux couleurs d’Air Afrique.

Elle marmonne :



Et elle embraye pour faire vingt mètres… en attendant de se "désengluer" de cet embouteillage quotidien.