n° 09987 | Fiche technique | 38010 caractères | 38010Temps de lecture estimé : 22 mn | 17/12/05 |
Résumé: Aujourd'hui, il me faut vous raconter son histoire. Autrement, tout à l'heure, demain, je ne pourrais plus me regarder dans une glace. | ||||
Critères: fh couple amour volupté fsoumise voir fmast fdanus fsodo init | ||||
Auteur : Jeff Envoi mini-message |
Il y a maintenant près de trois ans que j’ai rencontré Maria-Consuela. À cette époque, je cherchais un traducteur pour un important rapport officiel que je devais diffuser dans plusieurs pays d’Amérique du Sud. Un ami, une de ces relations qui ont toujours sous la main « le bon plan de secours, jolie et pas cher », m’avait alors indiqué qu’une de ses voisines était colombienne et qu’elle se chargerait certainement de ce travail. C’est même lui qui m’avait pris rendez-vous, avec diligence et empressement, auprès de Maria-Consuela. Elle vivait dans un tout petit studio, en fond de cours. Pas de fenêtre, une atmosphère lugubre, oppressante et surchargée d’humidité. L’inconfort et l’exiguïté des lieux m’avaient tellement effrayé que nous fixions nos rendez-vous dans un bar, non loin de là. Au début, nos rapports furent froids et teintés d’une grande méfiance de sa part. Avant qu’un rapport de confiance ne s’instaure entre nous, j’ai dû faire montre d’une grande patience. La jeune femme était farouche, toujours sur la défensive, prête à mordre et à bondir au moindre soupçon, à la moindre équivoque. Oui, il a nécessité du temps pour apprivoiser cette jeune femme, lui faire comprendre que tous les hommes n’en voulaient pas qu’à ces magnifiques yeux noirs. Ainsi, plusieurs semaines et de nombreux rendez-vous de travail furent-ils nécessaire pour qu’enfin, elle se décide à se laisser aller.
Faut-il vous le préciser : Maria-Consuela arrivait alors directement de Colombie. Elle était orpheline depuis quelque temps et avait eu le malheur de vivre l’assassinat de sa famille, sous ses yeux, quelques semaines plus tôt. C’était un miracle qu’elle ait échappé aux tueurs. La fuite de son pays était principalement due au fait que, seule témoin de cette sauvage exécution, le groupe de tueurs était maintenant à sa recherche pour la faire taire à son tour. Par l’intermédiaire d’une filière de religieuses, elle était arrivée à Paris où elle avait demandé l’asile politique à la France. En attendant, elle vivait d’expédients, de petits boulots. Voilà pourquoi elle avait accepté de se charger de la traduction de mon travail. Elle m’a raconté cette histoire, une seule fois et n’y est ensuite jamais revenue. Par discrétion autant que par malaise, je ne l’ai jamais forcé, par la suite, à revenir sur ses douloureuses images. Mais ses yeux se voilaient souvent d’une sorte de tristesse poignante, mais digne.
Dès notre première rencontre, j’avais aimé le contact de cette jeune femme, sa façon de se déplacer, de se mouvoir, de regarder autour d’elle. J’admirais aussi cette forme de dignité caractéristique de nombreuses femmes latines. Tout cela m’avait ému. Comme m’avait ému sa beauté. Pourtant, n’allez pas imaginer que c’était un top-modèle ou une future candidate à une quelconque élection de Miss Monde ou Miss Univers. Non. Maria-Consuela était plutôt jolie que belle. Les cheveux noir jais lui balayaient en permanence les épaules. Son visage, régulier, aux pommettes légèrement saillantes, mettait en relief ses yeux très noirs. La bouche un peu lippue était surmontée d’un nez droit et régulier. Le menton, légèrement pointu marquait une légère fossette entre la lèvre et le menton. Les sourcils, drus et rectilignes, avaient toujours tendance à être froncés. Chez elle c’était à la fois signe d’une grande attention, de concentration, mais aussi d’une constante méfiance. Maria-Consuela était grande sans être une géante et son corps, bien proportionné, attirait certainement encore plus l’œil que son visage. Sa poitrine, avenante, ses jambes légèrement dodues comme ses fesses.
Maria-Consuela était un animal farouche, perdue dans une jungle qu’elle ne connaissait pas et dont elle pratiquait avec difficulté la langue. Je l’ai vu défendre son intégrité physique avec suffisamment de hargne pour m’éviter de me faire rabrouer en la bousculant. Farouche, mais efficace, Maria-Consuela savait se défendre vis-à-vis des hommes. Animal écorché vif, elle a mis du temps avant de m’adopter, me faire confiance. Elle a mis du temps avant d’accepter un dîner, en tête-à-tête. Et quand enfin, après des mois d’attentes et d’espoir elle a accepté, je crois bien m’être comporté comme un gamin, comme un jeune adolescent : sautant de joie, battant des mains. Pourtant ce n’était qu’un dîner, un simple dîner.
Je me souviens être passé la chercher en taxi pour la conduire au pied de la Tour Eiffel. Elle sortait de son bouge, vêtue d’une simple robe noire, d’un chemisier blanc et avait remonté ses cheveux en un chignon qui formait une sorte de huppe au-dessus de sa tête. Un léger maquillage faisait reluire ses yeux noirs et accentuait le cuivré de sa peau. Quand elle est montée dans le taxi, le chauffeur, qui nous guettait dans son rétroviseur, n’a pu retenir un sifflement d’admiration. Au restaurant, lorsqu’elle a traversé la salle, les conversations ont cessé sur son passage et nombreux furent les regards d’hommes et de femmes qui la suivirent et la détaillèrent par-devant et par derrière. Sa simplicité était tellement naturelle qu’elle en était majestueuse.
Ce repas fut le premier d’une longue série qui devait immanquablement amener Maria-Consuela jusque dans ma chambre.
Ce soir-là, j’avais décidé de lui faire connaître un haut lieu de la gastronomie et de la haute société parisienne et j’avais retenu une table à la Brasserie Lipp. Le repas avait été parfait. Maria-Consuela avait été particulièrement impressionnée par les convives qui nous entouraient. Bon nombre d’entre eux ne cessaient de lorgner dans son décolleté. À cette occasion, elle étrennait une petite robe bleu turquoise que nous avions choisie ensemble et qui lui allait à ravir. Est ce que c’était l’effet de l’ambiance ou celles des bulles de champagne ? En sortant de la Brasserie, elle s’est pelotonnée contre moi et dans un chaud élan de générosité, elle m’a offert ses lèvres. Là, au pied du clocher de Saint-Germain-des-Prés, au milieu des passants qui nous évitaient, mais nous jetaient un petit œil amusé et complice, nous sommes restés enlacés durant de longues, de très longues minutes. Contre mon corps, je sentais le sien : chaud, brûlant, sensuel. Ses lèvres étaient aussi douces que de la soie. Sa langue fouineuse et gourmande. Ses mains caressantes et indiscrètes. Sa poitrine moelleuse se soulevait avec difficultés au rythme de notre baiser. J’en sentais poindre les bouts, qui s’excitaient contre mon torse, devenir durs et pointus. De temps à autre, ses hanches et son ventre frottaient le mien avec volupté.
Alors que minuit sonnait au haut clocher, j’eus soudain peur que la princesse, que je serrais enfin dans mes bras, ne se transforme en Cendrillon. Mais non, la vie n’est pas seulement faite de contes de fées et au douzième coup, au lieu de s’évanouir dans l’escalier de la bouche de métro qui était à deux pas ou fuir dans un taxi, elle m’a susurré à l’oreille, en mordillant mon lobe :
Voilà la petite phrase que j’attendais depuis tant de temps, mais que je ne voulais surtout pas provoquer de peur de la blesser ou la perdre. Ce sont ces quelques mots qui me mirent immédiatement en transe. Main dans la main, nous avons sauté dans le premier taxi pour rentrer chez moi.
Dès la porte de mon appartement refermé, Maria-Consuela se collait à nouveau contre moi et posait goulûment ses lèvres sur ma bouche. Cette fois, loin de la foule, mes mains pouvaient explorer nerveusement son corps, palper, tâter, toucher, empaumer. Elles étaient électrisées, voulaient tout toucher, tout explorer, tout savoir d’elle et de son intimité. Plus mes mains se faisaient indiscrètes, coquines, plus ses hanches se frottaient à hauteur de mon pantalon, où elles agaçaient mon sexe en érection.
Au milieu du trajet, entre la porte d’entrée et la chambre à coucher, alors que je l’avais déshabillée, elle fit tomber mon pantalon, me retenant avec ses mains, elle se mit en position de me prendre dans sa bouche. La caresse qu’elle m’infligea, là, debout appuyé contre un mur, fut divine. Sa langue me semblait être partout en même temps. En haut de mon gland, à sa base, au niveau de mon ventre. Avec un mélange savant de caresses buccales et manuelles, alternant des aspirations profondes ou de simples affleurements de sa bouche, elle réussit à faire monter mon plaisir jusqu’à l’orgasme dont elle se barbouilla les seins avec volupté et ravissement.
Un peu confus de n’avoir pas pu ni su retenir mon plaisir, je la soulevais et l’entraînais vers le lit pour rendre hommage à son corps. Sans retenue, je plongeai sur elle pour me repaître de ses chairs, de son plaisir.
La vue et le contact de sa peau, ambrée, de ses seins, fruits gonflés de la sève de son plaisir qui portaient en bout deux larges tétons bruns violacés excitaient mes sens. J’ai dû lui paraître un sauvage sevré de femmes durant des mois. Pourtant, elle ne dit rien ou, plutôt, miaula et feula dès que ma bouche s’empara de la pointe de ses mamelons et qu’elle lui suçota. Le grain de sa peau doux et satiné, l’odeur et le goût d’épice qui s’en dégageait me montaient à la tête. Sous moi, je sentais son corps se raidir, onduler, louvoyer. Les deux mains sur ma tête elle me repoussait doucement vers son ventre. L’invitation était claire et franche. J’abandonnais sa poitrine qui s’alourdissait sous les vagues de plaisir pour explorer son intimité. Mon nez dans l’épais buisson de son pubis, ma langue fouillait déjà le haut de son sexe à la recherche de son petit bouton d’amour. Je le trouvai facilement et elle m’ouvrit largement ses cuisses pour que je puisse mieux l’aspirer, le mordiller, le sucer. Elle avait conservé ses mains sur ma tête et agrippait mes cheveux pour me guider vers ses zones ultrasensibles.
Ainsi je découvrais son sexe. Une zone profonde, humide, chaude. Les crêtes de ses lèvres, charnues, grasses et très brunes, comme des charbons de bois, s’ouvraient sur un antre rosâtre aux odeurs entêtantes. Ce calice auquel je m’abreuvais, dans lequel je plongeais avec délectation ma langue, ressemblait à une fleur rare, une orchidée. Forme, couleur, odeur, contact… tout me ramenait à cette fleur exceptionnelle et précieuse. Et comme une fleur rare demande attention et soins, je m’appliquais à lui distiller mes meilleures caresses pour qu’elle s’épanouisse. Comme elle, j’alternais des lapées profondes pour tenter d’atteindre son point G, petite zone ultra sensible dans son sexe, avec des coups de langues de surface qui remontaient jusqu’à son clitoris. À chaque passage sur cette excroissance nerveuse, son ventre se soulevait et elle m’écrasait le nez sur son pubis, lâchant de longs soupirs de plaisir. À chacun de mes voyages, son sexe se trempait un peu plus. Elle m’inondait la figure, me barbouillait la bouche de ses liqueurs intimes.
Le jeu aurait pu continuer encore longtemps si elle ne m’avait pas attiré en elle. Pesant sur son ventre, sa poitrine, je me suis retrouvé aspiré par son brûlant fourreau trempé. À mon intrusion, une série de spasmes de plaisir contractait ses muscles internes et me massait avec délectation. Retenant mon souffle, je voulais prolonger le plus loin possible notre plaisir, enfin surtout le mien de façon très égoïste. Mais ses hanches entamèrent une sarabande infernale, son ventre se mit à serpenter en nous infligeant un rythme infernal qui nous poussait vers le sommet de la jouissance.
Une jouissance qui nous a laissés pantelants, exténués imbriqués l’un dans l’autre. Alors que je reprenais mon souffle, que mon cœur commençait à s’apaiser, ses mains ne cessaient de monter et descendre dans mon dos, y dessinant de voluptueuses arabesques qui achevaient mon plaisir, me faisaient frissonner. Autour de mon sexe, encore en elle, je sentais les derniers soubresauts de son plaisir jusqu’à ce que l’un d’entre eux, plus fort m’expulse. À peine avais-je eu le temps de m’étendre sur le dos que déjà elle était debout, pimpante, active. Elle ne voulait pas rester pour passer la nuit ici et après m’avoir embrassé une fois encore avec gourmandise, elle se sauva.
Maria-Consuela était décidément difficile à apprivoiser. Cette fuite, qui fut la première et qui ne serait pas la dernière, était certainement sa façon à elle d’acquérir autonomie et indépendance dans un monde qui lui restait hostile. Bien que depuis huit mois de résidence en France, Maria-Consuela restait toujours sur ses gardes. Par la suite, il suffisait que j’apparaisse devant elle en compagnie d’un ami pour que je la sente se crisper, prête à bondir à la première occasion et se sauver. Lorsque nous étions seuls, face-à-face, elle savait pourtant se montrer chatte, amoureuse, attentionnée. Il lui faudrait encore de nombreux mois de palabres à n’en plus finir, de suppliques de ma part pour qu’elle accepte, enfin, de dormir une nuit, au moins une nuit complète avec moi et encore, c’était lors de circonstances exceptionnelles.
Au bout d’une bonne année et demie d’ébats presque quotidiens, et de départs précipités juste après eux, nous avions aussi mis à profit ces rencontres pour visiter la capitale. Maria-Consuela était curieuse et gourmande de tout : art, architecture, histoire, littérature, gastronomie. Elle avait une soif de connaissance insatiable. Pour elle, je jouais le rôle de guide, de mentor, d’instructeur, de découvreur, d’initiateur. Chez elle, tout était sujet à émerveillements. Je remarquais aussi quelques changements chez elle. Son regard était de moins en moins souvent triste. Ses périodes de langueurs, où de petites ombres venaient obscurcir son front, s’espaçaient. Dans la rue, elle commençait aussi à prendre plaisir à admirer les boutiques. Je ne savais jamais résister à un de ses battements de main, un peu enfantin, quand elle stoppait net devant une jolie robe, un magnifique chemisier ou un accessoire pour dame. Alors, nous entrions dans la boutique et sous le regard un peu perplexe de la vendeuse, je l’incitais à essayer la robe ou le chemisier. Généralement, son œil et son goût étaient précis et nous ressortions, un sac chargé de notre emplette. Sur le trottoir, après avoir rapidement regardé autour d’elle, elle osait alors se coller à moi et m’embrassait à pleine bouche, quelques secondes avant de reprendre une attitude distante et presque hautaine en parfaite latine qu’elle était. Car à ce moment-là de notre rencontre, je n’avais même pas encore réussi à lui faire admettre de nous promener main dans la main. Quand nous déambulions, il existait toujours une distance entre elle et moi et elle avait toujours un pas de retard sur moi. C’était aussi une façon d’aborder la vie, une culture profondément ancrée en elle et difficile à faire évoluer.
Pour fêter dignement le second anniversaire de notre rencontre, j’avais décidé de l’emmener en Italie, à Venise. Quoi de plus romantique que la cité des Doges ! Bien entendu, je n’avais pas pris l’initiative seul. Je lui en avais parlé un peu avant, car je voulais éviter de la mettre dans l’embarras. C’était avec un enthousiasme enfantin qu’elle avait accepté mon invitation. Au jour et à l’heure dite, nous embarquions pour Venise. Très sensible aux ambiances, dès notre débarquement et notre premier voyage en gondole pour nous amener au pied de l’hôtel Danieli, elle vint se serrer contre moi. Cette marque d’amour me remplit le cœur d’allégresse me laissant présager d’un doux et inoubliable séjour dans la capitale mondiale des amoureux. Un séjour qui se révéla encore plus enchanteur que je n’avais même osé l’imaginer.
Nous sommes entrés dans une suite phénoménalement haute de plafond, avec une loggia qui donnait directement sur le Grand Canal. En face, l’île de San Giorggio Maggiore et sa basilique et de l’autre côté celle de Santa Maria della Salute et la fameuse Douane de mer. À peine avions-nous abordé notre chambre, que Maria-Consuela était nue, allongée au beau milieu d’un immense lit à baldaquins. Je restais là, un long moment à la contempler. Confondu par son corps doré, dont la couleur de la peau légèrement café au lait s’harmonisait si bien avec l’ameublement et les couleurs des tissus. En l’admirant, je pensais alors que j’avais là, allongée sur ce « matrimonio », une Odalisque d’Ingres, coulée dans son univers naturel. Mais mon Odalisque s’impatientait et j’ai dû ramper sur l’immense lit pour la rejoindre avant de m’attaquer à ses lèvres, à ses seins, à son ventre, à son intimité. Notre premier séjour hors des frontières de France s’annonçait sous les plus belles roucoulades et envolées amoureuses que le Danieli avait pu connaître jusqu’à notre arrivée.
De son côté, Maria-Consuela ne restait jamais passive. Elle aimait pratiquer la position tête-bêche, me procurant autant de plaisir et de sensations que je lui en donnais. Nos corps, dans ces moments-là, étaient fusionnés, empêtrés, imbriqués l’un dans l’autre. Nous ne faisions qu’un. Nos extases se complétaient, s’amalgamaient, se répondaient. Ni l’un ni l’autre ne voulions lâcher prise. Nous nous aimions ainsi jusqu’à plus soif. Avec la taille gigantesque du lit du Danieli, nous pouvions rouler, d’un côté, de l’autre, tantôt elle au-dessus de moi, tantôt moi sur elle, sans risque de chute. Ce hors-d’œuvre à notre séjour nous laissa pantelants et avides de nos corps, car nous n’étions jamais rassasiés. Seule, la faim était capable de nous ramener à la raison. Dès ce moment, l’attitude amoureuse de Maria-Consuela changeait. Elle était câline, ne me lâchait pas la main, marchait à mes côtés. Elle acceptait mes baisers dans la rue et même venait en quémander. À table aussi son attitude était différente de celle que je lui avais connue jusqu’alors. Dotée d’un appétit d’ogresse, elle multipliait les plats, mangeait tout et pourléchait ses assiettes. Mais jamais elle n’avait accepté soit de goûter un mets dans mon assiette soit ne m’autoriser à aller dans la sienne, piocher une lichette d’un plat qu’elle affirmait succulent.
Ici, à Venise, par enchantement, tout changeait.
Non seulement elle m’invitait à venir plonger ma fourchette dans ses assiettes, mais elle me fit la démonstration que le dessin animé « La Belle et le Clochard » de Walt Disney était un chef d’œuvre universellement connu. Au-dessus d’une table à la nappe d’une blancheur immaculée, nous goûtâmes un spaghetti à la sauce tomate, dans un grand bruit incongru de succion qui approchait nos bouches l’une de l’autre jusqu’à nous embrasser. Cette scène connue dans le monde entier, pratiquée ici à Venise, au milieu d’un restaurant italien, bourré de touristes qui nous regardaient avec de grands yeux effarés et envieux, nous valut une salve d’applaudissements qui fit rougir Maria-Consuela. Bien que gênée, rouge de confusion pour cette parodie, Maria-Consuela avait ri, cachant son visage dans sa grande serviette. De ce jour-là, nous avons aussi partagé nos plats, nos assiettes et nos verres.
Enfin nous formions ce genre de couple que j’aimais, nous formions un « vrai couple », même si bon nombre de problèmes restaient en suspens.
Avec ce séjour à Venise j’espérais aussi lui inculquer le plaisir de se réveiller dans les bras l’un de l’autre, le matin. De savoir profiter de l’éveil des sens et du corps de l’autre, au saut du lit. Démarrer une journée par un langoureux câlin, achever son plaisir sous la puissance d’un jet de douche, apprendre à jouer avec l’eau qui ruisselle sur les corps alanguis, voilà ce que j’avais alors à l’esprit. Mais de ce point de vue là, la partie n’était pas encore gagnée.
Pourtant, c’est au cours de ce mirifique séjour, que Maria-Consuela m’offrit la dernière partie de son corps qu’elle m’avait jusque-là toujours refusé. Nous venions de terminer une longue et haletante séance d’amour. Elle venait de s’achever en une apothéose qui avait fait trembler les montants du baldaquin dont les tissus vibraient encore de ses cris quand elle m’entraîna, comme une diablesse, vers la salle de bain. Ah ! Les salles de bain des palaces ! Un véritable délice de Capoue pour qui sait s’en servir.
Elle fit couler un grand bain chaud, dans une immense baignoire en marbre de Carrare. Dès que l’eau eut atteint la moitié de la vasque, elle coupa l’afflux d’eau. En s’asseyant sur le rebord de la baignoire, elle m’emboucha sans protocole, ravivant presque instantanément ma flamme. Elle jouait avec mon sexe. Elle usait de sa bouche comme si elle avait été son sexe. Sa langue savait se faire dure, enveloppante, taquine. Elle pouvait m’avaler d’un coup d’un seul ou au contraire se contenter d’exciter juste le bout ou de tout abandonner pour ne s’occuper que de mes bourses. Avec sa langue, elle me mettait au supplice et m’amenait toujours au bord de l’explosion. Si elle arrivait, elle s’en aspergeait les seins. Puis, en me fixant droit dans les yeux, la bouche légèrement ouverte, son petit bout de langue venant essuyer les quelques gouttes de mon sperme qui ourlaient ses lèvres. Le regard rieur et coquin, elle étalait alors lentement ma semence sur ses seins. Elle allait jouer avec ses doigts sur le bout de ses tétons violacés. Elle les pinçait, les roulait entre le bout de ses doigts et quand sa peau commençait à absorber mon sperme ou à sécher, elle m’autorisait à venir la remplacer.
Là, au bord de la baignoire du Danieli, elle stoppa son jeu à l’ultime moment crucial et fatidique. En un tournemain, elle plongea dans l’eau tiède et m’invita à la rejoindre. Elle se mit à quatre pattes, façon levrette, et saisit un petit bloc de savon dont elle s’enduisit le sexe, poussant ses doigts jusque dans la raie de ses fesses. D’un air malicieux, elle ne cessa de me regarder, m’aguichant et me promettant un plaisir inimaginable au moyen de quelques paroles émoustillantes, dites avec son accent inimitable, chaud et sa voix légèrement rauque et voilée. Moi, je n’avais d’yeux que pour cette main qui allait et venait au milieu de ses deux globes dorés et charnus qui cachaient et montraient son petit trou. Une large rosette brune, presque noire, au centre de laquelle brillait une entrée rosée et bulleuse de savon. Laissant tomber le savon dans l’eau, elle se mit à dessiner de petits cercles concentriques sur son anneau culier qui sous la pression de ses doigts, s’ouvrait et se fermait, avec quelques spasmes d’un plaisir naissant. Et les doigts, sous mes yeux écarquillés d’un plaisir voyeur, entamèrent une lente pénétration de son derrière. D’abord un, puis deux puis trois doigts allaient et venaient en lieu et place de mon sexe. Le mouvement de sa main, coincé dans son entrecuisse, massait à chaque pénétration son intimité, écartant largement ses lèvres qui mouillaient son poignet.
Maria-Consuela cessa de parler, de me regarder. Elle fermait les yeux sous la puissance du plaisir qu’elle se donnait. Avant de pousser de nouveaux cris et de suffoquer sous la puissance de sa jouissance, elle ôta ses doigts de son anus et me fit signe de venir prendre sa place. Sa main continuait à lutiner son sexe et son clitoris alors que je me présentais à l’entrée de son anus, bien dilaté. D’un coup de rein précis et énervé, je m’introduisis en elle. Je la sentis se contracter à mon approche, puis durant les premières secondes de ma lente pénétration, alors que je forçais son anneau, muscle souple et légèrement étroit, ses reins se creusèrent sous l’arrivée de mon sexe. Par petits paliers, j’avançais en terrain inconnu, étroit, qui se dilatait et épousait ma forme physique. Enfin il me sembla que j’atteignais le fond de son ventre. Je stoppai un instant, pour lui permettre de reprendre son souffle qu’elle avait bloqué durant toute mon introduction, peut-être de peur d’avoir mal. Autour de moi, ses muscles vibraient, se contractaient, avaient des spasmes. À un rythme régulier, l’entrée palpitait et semblait vouloir m’avaler plus loin encore. Cette attente me permit d’apprécier la chaleur, l’étroitesse et de me faire masser la hampe. Mais je savais que je n’allais pas pouvoir tenir très longtemps. Alors, doucement, calmement d’abord, puis dans une fantasia qui aspergea toute la salle de bain, je m’agrippai à ses hanches pour entamer un va-et-vient entre ses fesses qui faillit bien lui être fatal : elle finit la tête sous l’eau, soufflant dans l’eau du bain, la ressortant en suffoquant, en toussant, en crachant. Le plaisir qui venait de nous surprendre avait été encore plus intense, plus foudroyant que tous ceux que nous avions pu connaître ensemble. Maria-Consuela, qui venait de m’offrir un magnifique cadeau, devint une adepte de cette pratique qui allait compléter à merveille notre panoplie du plaisir. Jamais plus une séance d’amour ne pourrait se terminer sans passer par une sodomie qui nous laissait l’un et l’autre hors d’haleine et épuisé. Une pratique qui était aussi complétée par une préparation au cours de nos séances de tête-bêche par une longue et profonde feuille de rose qui déclenchait de longs spasmes. Cette nouvelle caresse buccale m’offrait le plaisir d’entrer dans son intimité, d’en respirer les odeurs fauves et d’exercer la maniabilité de ma langue.
De Venise, nous ne vîmes pas grand-chose. Les murs du Danieli, par contre, se souviendront encore longtemps de nos cris de jouissances. Le matelas, de nos soupirs et halètements d’amour, quant à la baignoire, heureusement que ses rebords étaient en marbre tant Maria-Consuela cherchait à y enfoncer ses dents et ses ongles pour étouffer ses feulements de plaisir. J’étais persuadé alors, qu’une fois rentré à Paris, notre vie prendrait une nouvelle tournure. Je proposais même à Maria-Consuela de venir habiter chez moi, d’abandonner son gourbi pour accéder à un logement digne de ce nom. J’espérais aussi que les instants passés à Venise à déambuler serrés l’un contre l’autre, à se bécoter à tout moment, à partager nos assiettes et nos plats, tout cela pourrait se prolonger dans notre vie quotidienne. Malheureusement dès notre descente de train, Maria-Consuela reprit immédiatement ses quelques « mauvaises habitudes » : marcher à un pas derrière moi, crisper sa main dès que j’approchais la mienne, éviter de m’embrasser en public, sauf rapidement et en rougissant. Elle n’avait pas toujours pas accepté de venir vivre avec moi et se sauvait systématiquement et rapidement après nos longues et épuisantes séances d’amour. Seul acquis de Venise, des séances d’amour qui se terminaient maintenant par une profonde sodomie en souvenir du Danieli.
Depuis notre retour de Venise, j’avais tout tenté pour l’inciter à changer de mode de vie. Mais à Paris, Maria-Consuela restait un animal sauvage, sur la défensive. Pourtant elle faisait de sérieux efforts pour se « civiliser ». Elle avait fini, par exemple, par accepter quelques-uns de mes amis chez qui nous pûmes passer des soirées agréables ou quelques week-ends formidables. Mais là aussi, malgré la présence de couples, Maria-Consuela ne se comportait jamais avec moi en « couple ». Cela étonnait certaines femmes de mon entourage qui avaient tenté de la raisonner, en vain. Lorsque, par chance nous pouvions passer quelques jours ensemble, elle exigeait une chambre séparée qu’elle regagnait toujours après une folle étreinte. À la longue je m’étais presque habitué à cette lubie. Et j’avais été même surpris quand, par un hasard extraordinaire, elle me proposait de rester avec moi, toute une nuit. Alors, c’était la fête. Nous passions une grande partie de la nuit à faire l’amour, comme de jeunes chiens fous, comme si cette nuit-là devait être notre dernière nuit d’ivresse.
Sentiment prémonitoire, étrange.
Il y a moins de dix jours de cela, nous avons été réveillés par de violents coups dans ma porte d’entrée. Réveillés en sursaut, à mes côtés, Maria-Consuela ouvrait-elle aussi de grands yeux, apeurés. Pour une fois qu’elle était restait là, blottie dans mes bras après une folle soirée d’amour, notre réveil était brutal. Je n’eus pas le temps de mettre un pied sur le plancher que six grands gaillards, tout de noir vêtus, encagoulés, casqués, faisaient irruption dans notre chambre, se précipitaient sur notre lit et nous ceinturaient sans ménagement. Maria-Consuela hurlait et sanglotait. Au milieu de ses cris, j’ai pu enfin entendre une phrase presque rassurante :
Bien que la situation soit particulièrement effrayante, deux flics m’avaient déjà retourné comme une crêpe en me coinçant les bras dans le dos. L’un d’entre eux m’appuyait violemment, et de tout son poids, son genou au niveau de mes omoplates. La tête à moitié enfouie dans l’oreiller, nu comme un ver, je suffoquais et je tentais de comprendre ce qui se passait. Dans un brouillard de larmes et le regard à moitié caché par le moelleux de l’oreiller qui m’étouffait, je voyais Maria-Consuela, elle aussi nue, être traitée de pareille manière. Par deux fois, avec une rage et un courage admirable, elle avait réussi à désarçonner le flic qui tentait de la maîtriser. Tout en hurlant, en les invectivant dans sa langue, elle faisait fi de sa nudité et ne cessait de gigoter, de se contorsionner, rendant toutes les manœuvres de la police particulièrement vaines et difficiles. Il leur fallut plusieurs minutes et le renfort de deux costauds pour qu’ils arrivent à lui passer une paire de menottes dans le dos. Soufflant, vitupérant, ahanant, les cheveux en bataille, elle me regardait en m’interrogeant en pleurant silencieusement.
Enfin un civil entra dans la chambre. Il ordonna qu’on nous retourne et qu’on couvre notre nudité. Alors seulement il a expliqué qu’il était là pour exécuter un ordre d’expulsion qui concernait Maria-Consuela. Je restais abasourdi. Cet ordre de reconduite à la frontière était immédiat. Quant à moi, j’étais poursuivi pour, je le cite « hébergement d’un clandestin, sans papier et recherché par la police de son pays. Subornation de témoin dans une affaire criminelle ». Comme j’ouvrais la bouche pour protester, il ajouta « résistance et rébellion à la force publique ».
Extrait de notre lit, manu militari et sans ménagement, recouverts d’une couverture de survie, les flics nous ont embarqués chacun dans une voiture différente. Dire que j’avais la rage, c’était encore un mot trop faible pour décrire mon état d’esprit. La haine ! C’est ça. J’avais la haine chevillée au corps et j’en tremblais.
Je n’ai pas pu voir ni revoir Maria-Consuela. Après 48 heures de garde à vue, entrecoupés d’interrogatoires et de séances d’intimidations musclées, je me suis retrouvé devant un juge, heureusement en compagnie de mon avocat. Après un nouvel interrogatoire et sur un ton peu amène, il m’a signifié mes chefs d’inculpations, prononcé ma liberté surveillée et mon interdiction de quitter le territoire. Alors j’ai enfin pu regagner mon domicile, tout au moins, ce qui restait de mon domicile. La police avait tout fouillé. Plus un livre n’occupait sa place sur les étagères de ma grande bibliothèque. Plus un vêtement n’était à sa place dans la penderie. Plus un flacon ne disposait de son contenant dans la cuisine et la salle de bain. Mon lit, lieu de prédilection de mes fredaines avec Maria-Consuela, n’était qu’un amas dépenaillé et lamentablement éventré qui gisait au milieu d’un fatras incroyable. Le tsunami policier s’était acharné sur mon intérieur. Que cherchaient-ils ? Mystère. Qu’avaient-ils trouvé ? Mystère aussi. Seuls mon passeport, mon carnet d’adresses et mon ordinateur avaient disparu ainsi que mon stock de CD-Rom.
Dégoûté, écœuré, je me suis alors précipité à Roissy, au centre de rétention des étrangers. Malheureusement ce bâtiment, isolé au milieu des pistes de l’aéroport, ne m’était pas accessible. De loin, j’ai seulement pu remarquer qu’une horde de CRS montait une garde vigilante et armée, véritable garde-chiourme moderne d’une république qui se dit « démocratique » et conserve comme devise « liberté, égalité, fraternité ». Mais quelle était cette république qui expulsait les étrangers manu militari alors qu’ils avaient fait une demande d’asile politique ou parce qu’ils craignaient pour leur vie, dans leur pays. Quelle est cette république qui use de méthodes policières dignes des républiques bananières ou des régimes totalitaires ? Pas la mienne. Ah ! Non, certainement pas la mienne. Le cœur gros, les larmes plein les yeux, la gorge serrée par la colère et la haine au ventre, je suis reparti voir mon avocat.
Par lui, j’ai alors appris que Maria-Consuela venait d’être embarquée de force dans un avion à destination de Bogota, solidement encadrée par deux agents colombiens qui étaient venus l’extrader. L’extrader ? C’est le terme légal, applicable aussi bien à un prisonnier qu’à un témoin ! Ensemble, nous avons cherché un moyen de la faire revenir en France, de lui offrir une nouvelle vie, digne et meilleure. Bien sûr, j’ai immédiatement proposé de l’épouser, de partir à Bogota pour aller me marier devant un consul de France et pouvoir rentrer à Paris, la tête haute et la bague au doigt. Mais mon bavard m’a expliqué que si dans le cas de clandestin « classique » cela pouvait en effet fonctionner, ce n’était le cas pour Maria-Consuela. Elle, elle était recherchée comme témoin d’un crime par la justice de son pays et qu’un mariage n’aurait rien arrangé. En toute sincérité, il pensait qu’une fois entendue par la justice colombienne, elle pourrait rentrer en France et que oui, dans ce cas il faudrait envisager un mariage. Mais que d’ici là, il me promettait de faire fonctionner son réseau pour lui trouver un avocat qui puisse l’assister, la conseiller et surtout la protéger.
Durant trois ou quatre jours, je traîne mon désespoir. Un désespoir qui inquiète autant mes amis que ma famille. Ils ne peuvent pas imaginer que je ne peux faire un pas sans penser à Maria-Consuela, à ce réveil brutal, à son départ, menottes aux poignets, seulement couverte d’une couverture de survie, portée par deux flics qui l’ont enfournée dans une voiture sans que je ne puisse rien faire. L’impuissance est le pire des remords. Et depuis ma fin de garde à vue, je ne dors plus. En moi sont ancrées ces images douloureuses de notre réveil brutal et j’ai bien trop peur de les revivre pour pouvoir dormir. Aussi, en attendant que mon appartement retrouve un peu d’ordre, de propreté et de dignité, ai-je élu domicile chez des amis qui connaissent Maria-Consuela. Eux aussi l’avaient adoptée et elle s’était laissée convaincre de venir passer un week-end dans leur propriété du Lubéron. Ensemble, dès que nous le pouvons, nous parlons d’elle. Ils font tout pour tenter de me rassurer, m’aider dans cette épreuve en m’apportant réconfort et paroles rassurantes.
C’est chez eux, qu’hier matin mon avocat est venu me voir. À la figure qu’il faisait, j’ai tout de suite compris qu’un grave problème venait de surgir.
Comme je suis resté sans voix, incapable de bouger, de pleurer ou de hurler, il m’a pris par les épaules et m’a forcé à m’asseoir. Là, à mes côtés, la voix grave et gênée, il m’a raconté ce que venait de lui téléphoner un confrère de Bogota, correspondant de l’Ordre et en charge de son dossier.
Maria-Consuela, à son arrivée à Bogota, avait été emmenée directement au Palais de Justice où, bien que seulement recherchée comme témoin oculaire d’un crime perpétré par une bande de tueurs à la solde des narcotrafiquants, elle avait été mise en prison. « Pour la protéger » me précise mon avocat, non sans un rictus dubitatif. Car tout le monde sait que c’est justement dans ces lieux clos que le monde de la pègre fait régner sa loi. Trois jours après son arrivée, Maria-Consuela était retrouvée poignardée dans les douches.
Depuis, je cache mon chagrin, tente de calmer ma haine en écrivant ses quelques lignes, une façon comme une autre d’avoir une vraie pensée pour Maria-Consuela et continuer à la faire vivre.