Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 09989Fiche technique30130 caractères30130
Temps de lecture estimé : 21 mn
19/12/05
Résumé:  Depuis le départ, Gwenn est là. Et Béatrice le sait. Il n'y a rien à dire: son mariage est construit là-dessus.
Critères:  fh frousses extracon cocus cérébral revede fellation init ecriv_f
Auteur : Lise-Elise  (Exploratrice littéraire)            Envoi mini-message

Concours : Concours "Stupéfiants secrets"
L'autre

Depuis plusieurs semaines, Béatrice s’affaire. Il y a tant de choses à régler. Elle ne compte pas sa peine. Les jouets des enfants sont déjà dans les cartons, sauf leurs préférés qu’ils emporteront avec eux. La nouvelle maison n’est pas loin. Et Béatrice, enthousiaste, trie, range, organise, jette. Cette maison, elle en rêve depuis si longtemps.

Depuis toute petite, en fait. Ces grandes maisons au bord du parc, c’était ses palais à elle. Elle se mettait sur la pointe des pieds pour observer les jardins. En hiver, elle aurait collé son nez aux vitres, si ce n’était pas si impoli.

Demain, elle emménage dans une de ces belles demeures. Huit pièces, pas une de moins. Elle aura bientôt son propre bureau. Pas que leur maison actuelle soit petite. Mais pour elle, ces pavillons sont une demi-mesure. Et l’école de Rémi est en centre ville. Ils seront mieux là.


Elle s’attaque au débarras. Hier, Jean-Claude s’est excusé : ce sont ses affaires qui sont là, ses cours, notamment. Il a été pris au dépourvu, il pensait vraiment qu’il aurait le temps. Béatrice l’a rassuré d’un sourire : bien sûr qu’elle s’en occuperait. Ce ne serait de toute façon rien à faire : tout était encore resté dans les cartons du précédent déménagement.


Elle commence par évacuer le vieil aspirateur et la table à repasser bancale. Elle ne se rappelle plus pourquoi elle les a gardés. Elle peste un peu contre cette habitude qu’elle a de conserver « au cas où ». Comme si ça en valait la peine. Cet aspirateur est d’un lourd ! Vraiment, Jean-Claude aurait pu, dans les semaines passées, annuler un de ses prétendus entraînements de squash. Il aurait ainsi eu le temps de vider le débarras. L’idée la fait sourire. Pas le même genre de sport, c’est sûr. Il en revient, les cheveux trempés, puant l’after-shave à dix mètres. Elle fait semblant de rien. Elle sait parfaitement que c’est pour couvrir une autre odeur. Elle ferme les yeux : son mariage est construit là-dessus.


Il sortait avec Gwenn avant de la connaître. De cela, elle est sûre. Il n’a jamais cessé de la voir, elle en est aussi certaine. Le squash, bien entendu. La réunion du jeudi matin, qui le rend complètement indisponible. Les séminaires. Il est directeur commercial d’une grande maison de champagne. Il lui est facile d’inventer des déplacements. Mais Béatrice s’en moque. Quoi que lui vole cette gourgandine, c’est pour elle qu’il a acheté cette maison. Et c’est elle qui est sa femme.


Elle ne l’a vue qu’une fois, Gwenn. Béatrice était place d’Erlon avec une amie, la première qui lui avait dit, pour Jean-Claude. Elle l’avait tiré par la manche « Regarde, c’est elle ! ». La fille entrait dans la pâtisserie. Elle avait, fugacement, vu une silhouette petite, gracile, et une chevelure rousse, magnifique, flamboyante. Son amie lui parlait toujours, mais elle ne savait pas de quoi.

Béatrice était très fière de ses cheveux. Une longue crinière châtain, lourde, brillante. Elle en faisait un atout de séduction, les nouant en un chignon lâche qui semblait pouvoir, d’un geste, se défaire. La veille, Jean-Claude l’avait invitée à un dîner aux chandelles. Il avait tout soigné dans les moindres détails. Après le dessert, il s’était glissé derrière elle, et doucement avait commencé à ôter les épingles de son chignon. Peu à peu la chevelure révélait sa splendeur. Les boucles glissaient comme autant de parures. Les tresses se dénouaient. Par jeu, Béatrice avait compliqué sa coiffure à plaisir. Il déjouait, une à une, toutes les subtilités. Puis, il souleva doucement le rideau de cheveux, et l’embrassa dans le cou, avec une grande douceur. Béatrice en frissonnait.

Elle l’avait laissé alors déboutonner un à un les boutons de nacre de son chemisier. Elle avait elle même dégrafé son soutien-gorge, et il avait joué avec sa poitrine comme avec un merveilleux cadeau. Comme elle tremblait un peu, il l’avait rhabillée comme une poupée. Il ne lui avait pas remis son soutien-gorge, et il avait effleuré la pointe de ses seins au travers du chemisier. En y pensant, elle sentait ses tétons se tendre.

Mais le doute était là : si, dans cette scène, il ne l’avait vue que comme un reflet, imparfait, de l’autre ? Elle était plus ronde, plus appétissante que Gwenn. Un peu plus grande aussi. Mais ces cheveux…


Elle avait ensuite fait attention aux indices. Il ne pouvait pas la voir le mardi. Toujours pour des raisons différentes. Il y eut, quelques jours, une écharpe fuchsia accroché à son porte-manteau. Jean-Claude fut à plusieurs reprises préoccupé sans vouloir lui en donner la cause. Elle trouva plusieurs fois de longs cheveux roux sur son canapé. Elle en faisait des pelotes qu’elle jetait à la poubelle. Elle-même marquait son territoire par des cadeaux ou des oublis.


Ce n’était, de toute façon, pas très grave. Il lui arrivait, par moments, de capter le reflet de Gwenn dans un miroir. Il lui arrivait même, parfois, de sentir sa présence quand Jean-Claude l’embrassait. Une simple illusion. Gwenn allait disparaître. Ils allaient se marier.


Elle ne vit pratiquement pas Jean-Claude les trois semaines qui précédaient le mariage. Un signe de plus. Il devait lui faire ses adieux, rompre. Ce n’était pas facile. Elle savourait sa victoire, par anticipation. Et réglait, avec efficacité et jubilation, tous les problèmes d’intendance. Son mariage serait parfait.


Il le fut presque. Lorsque le soir ils s’éclipsèrent sous une avalanche de blagues salaces, elle ne comprenait pas ce qui l’avait dérangé. Ils se retrouvèrent, seuls, un peu éméchés, dans la chambre d’hôtel réservée pour l’occasion. Il la dégagea du tulle et de la dentelle avec impatience et retenue, comme on ouvre un paquet cadeau. Il découvrit d’abord le haut, retrouvant avec plaisir les seins lourds, puis doucement il lui ôta jupes et jupons. Elle portait un porte-jarretelles et un slip dont la blancheur rehaussait la matité de sa peau. Il s’assit sur le lit, l’attira entre ses jambes. Il joua avec ses seins, caressant ses fesses encore couvertes. Puis, lentement, comme pour lui laisser le temps de protester, il la débarrassa de sa culotte. Elle était à la fois tendue et offerte. Enfin il se leva et passa la main dans ses cheveux pour en déloger les épingles. Alors, elle comprit.

Gwenn n’était pas venue. N’importe quelle femme bafouée aurait tenté de troubler la fête. Elle, elle l’aurait fait. Son absence ne voulait dire qu’une chose : que Jean-Claude n’avait pas rompu. Par la suite, elle avait tourné et retourné le problème dans sa tête, et était parvenue à une conclusion simple : Gwenn était simplement déjà mariée. Ce qui permettait à Jean-Claude de l’obtenir elle, en l’épousant, tout en gardant l’autre, qui ne pouvait s’opposer à ce qu’il fonde une famille de son côté. Mais, le jour de son mariage, elle ne pensa qu’à une chose : prouver à Jean-Claude qu’elle avait sa propre valeur. Elle commença à poser les lèvres sur son cou, puis parcourut celui-ci de baisers appuyés et langoureux.

Surpris, Jean-Claude se laissa faire. Jamais Béatrice ne s’était montrée entreprenante. Elle répondait aux caresses, aux baisers. Mais là, elle provoquait les caresses, elle dispensait les baisers.

Il se retrouva bientôt nu. La tête lui tournait, il ne saurait dire si c’était l’excitation ou le champagne. Béatrice lui léchait le torse avec application. Il la prit aux hanches et la fit basculer avec lui sur le lit. Son ivresse ne fit que croître devant le trésor qui gisait entre les jambes ouvertes de sa femme. Il voulait voir, toucher, sentir. Béatrice, sentant confusément qu’il se passait quelque chose, avait ralenti ses caresses. Elle l’encouragea d’un clignement d’yeux, et il se pencha sur la fente rose. Le contact de son doigt, froid, fit frissonner Béatrice. Alors qu’il suspendait son geste, elle dit, dans un souffle :



Il reposa son doigt sur le pertuis entrebâillé, caressa, ou plutôt effleura la ligne sombre qui s’ouvrait lentement sous ses allers et venues. La main de Béatrice courait sur son dos, ses fesses. Il approcha encore pour mieux respirer l’odeur marine. Il n’osa pas s’approcher d’avantage. Elle bascula son bassin vers l’avant, il put plonger le regard vers l’entrée interdite.

Sa femme s’était légèrement relevée sur les coudes. Elle le voyait agenouillé, penché sur son petit chat. Elle voyait le sexe dressé, épais, le blanc nacré de la verge faisant ressortir le rouge violacé du gland. Elle eut un frisson en pensant que cet objet aller pénétrer entre ses jambes.


Gwenn se penchait à côté de Jean-Claude. Elle tendait la main vers les couilles rondes de son amant. Elle jouait avec elles, avec lenteur, observant les mouvements de la peau se plissant et se déplissant. Le jeune marié continuait d’insinuer ses doigts parmi les replis du sexe de sa femme, provoquant ainsi une excitation grandissante. La garce rousse se pencha ensuite, bouche ouverte et gourmande, prête à happer le fruit gonflé de sève. Hâtivement, Béatrice tendit le bras pour l’en empêcher. Elle ne rencontra que le vide. Se méprenant sur son geste, Jean-Claude changea légèrement de position afin de lui faciliter l’accès à son sexe. Béatrice posa sa main sur la hampe, sans trop savoir que faire.


Elle effleura d’abord la tige. La peau était sèche, fine, si fine. Elle suivit les contours, pinça légèrement le frein, provoquant un balancement de la verge tout entière. Elle s’aventura timidement sur le gland, le coiffant de la paume pour ne pas risquer de griffer cette membrane qui semblait si fragile. Elle descendit ensuite, enserrant le phallus de l’anneau de ses doigts. La peau coulissait légèrement, il lui semblait que le pénis grossissait encore. Elle alla jusqu’à la base, remonta, recommença. Les doigts sur son propre sexe se faisaient moins assidus. Elle se releva, renversa la tête, appelant le baiser. Jean-Claude happa ses lèvres, l’enlaça de ses bras, la portant presque. Il la regarda ensuite longuement, fit glisser l’un de ses doigts encore poisseux de cyprine entre ses seins, sur son ventre. Avec lenteur, il se positionna au-dessus d’elle. Il caressa lentement la fleur humide de son sexe dressé. Puis, les yeux plongés dans ceux de sa femme, il entra.


Pas vraiment une douleur, une simple sensation d’inconfort. Puis l’étrangeté du frottement, la sensation légèrement désagréable des poils qui râpent les cuisses. Un rythme léger, très léger. L’envie impérieuse de poser les mains sur ces fesses qui s’agitent, d’accompagner, d’amplifier le mouvement. Le bassin qui bascule, qui va à la rencontre. Les seins qui se tendent, qui appellent les mains, les lèvres. L’impression d’être en apesanteur, sur la balançoire avant qu’elle ne retombe.


Et pour lui l’aiguillon du plaisir qui traverse les reins. La montée irrépressible, cette sensation de devoir faire vite, plus vite, d’avancer au plus loin. Le souffle court. La lourdeur qui tombe sur les épaules, l’effort intense de ne pas s’effondrer sur elle, de ne pas l’écraser sous son poids. Le sexe qui rapetisse à vue d’œil, qui s’échappe de l’antre du plaisir.


Il se pencha vers son visage, lécha doucement la peau à la saveur salée.



Il roula sur le côté. Les poils de son ventre étaient collés par la sueur. S’il fermait les yeux, il s’endormirait aussitôt. Béatrice se fit chatte, donna de petit coup de tête sur son torse, cherchant sa place comme on tapote un oreiller. Il ne vit pas sa main s’égarer entre ses cuisses humides, le doigt qui effleure la crête sensible, une fois, deux fois. Se méprit sur le frisson qui la traversa.



Elle le laissa faire. À s’occuper d’elle ainsi, la voyant languissante, il reprit de la vigueur. Il tendit la main vers la fesse de Béatrice. Elle eut un petit cri de surprise quand il s’insinua entre les jambes, et s’éloigna un peu.



Il resta, penaud, assis sur le bord du lit. Béatrice sombrait dans le sommeil. Frissonnant, il se lova contre le corps tiède. La respiration douce et régulière le berça.



Béatrice secoue la tête. Ce n’est vraiment pas le moment de rêver. Elle s’attaque aux cartons. Ils sont couverts d’une épaisse couche de poussière, fermés et étiquetés. Elle passe rapidement un chiffon sur chacun d’entre eux, avant de les tirer tant bien que mal dans la salle de jeu : les déménageurs ont demandé de regrouper tout ce qui pouvait l’être. Elle s’éponge le front, en nage. Cette fois, elle a prévu de petits cartons pour les livres. Le papier est vraiment ce qu’il y a de plus lourd. Elle hésite à les défaire. Ils seront sans doute déposés tels quels dans le grenier de la nouvelle maison.

Elle sourit un peu. Jean-Claude ne sait pas jeter. Elle est sûre que dans l’un de ces cartons il y a ses dessins du jardin d’enfants. Elle regarde les étiquettes. Un carton pour trois années scolaire en primaire, pour deux au collège. Un par année de lycée et de prépa. Elle descend se faire un thé. En se regardant dans la glace, elle songe qu’il faudra qu’elle prenne une douche avant que Jean-Claude ne rentre. Elle est couverte de poussière.

C’est à cause de Gwenn, ou peut-être grâce à elle, qu’elle est si soignée. Elle fait attention à sa ligne, choisit ses vêtements avec attention. Elle a appris à cuisiner, aussi. Sa grand-mère disait qu’il n’y avait pas de meilleur moyen pour retenir un homme. Elle n’est pas sûre que la recette soit efficace. Elle a par contre permis à Jean-Claude d’affirmer sa carrière : avoir une jolie femme, aussi à l’aise dans un cocktail que pour recevoir à la bonne franquette est un atout certain. Mais pour Béatrice c’était surtout une garantie. Il fallait qu’elle soit meilleure. Qu’elle soit parfaite. Qu’elle le retienne auprès d’elle.


Elle remonte, sa tasse à la main. Il ne reste que cinq cartons. L’avant-dernier, étiqueté « courrier », se déchire lorsqu’elle le fait glisser de l’étagère. Tout le contenu se répand. Elle soupire, va chercher deux petits cartons. Elle ramasse rapidement les cartes postales et les enveloppes. Elle a appris depuis longtemps à ne pas chercher. Elle en a ramassé la moitié quand elle aperçoit un très beau timbre. Sur d’autres enveloppes, les timbres ont été découpés, cadeau d’anniversaire pour Rémi qui en fait la collection. Elle regarde plus près. C’est un australien. Elle met la lettre de côté et reprend sa tâche. Elle comprend vite pourquoi Jean-Claude l’a oublié : d’autres courriers, de la même main, portent des "Mariannes" on ne peut plus ordinaires. Elle termine sa tâche, rapatrie le dernier carton, regarde l’heure. Elle a le temps de faire la vaisselle avant de prendre une douche.

En remontant, elle repense à l’enveloppe. Ce serait bête de l’oublier dans le débarras ! Elle l’attrape par un coin et un papier en tombe. Ou plutôt, une photo.


Béatrice n’aurait pas pensé pouvoir avoir mal pour cela. Et pourtant, le souffle coupé, elle contemple le couple souriant.


Au moment où elle était enceinte, et plus tard, après la naissance de Rémi, elle a épluché les carnets mondains de tous les journaux qui lui tombaient sous la main. Si Gwenn donnait un enfant à Jean-Claude ? Elle traquait les Mounier dans les colonnes. S’il ne reconnaissait pas l’enfant, c’était sans importance. Mais si…

Elle ne trouva jamais d’autre Mounier. Elle était la seule, dans les environs de Reims, à avoir perpétué ce nom.


Maintenant elle contemple l’enfant de Gwenn. Dans les bras d’une Gwenn aussi maigre que dans son souvenir. Et l’homme qui passe un bras protecteur sur son épaule n’est pas Jean-Claude. Il ne lui ressemble même pas. Sans trop réfléchir, elle ouvre l’enveloppe. D’une écriture petite et serrée, Gwenn raconte sa vie en Australie. Deux ans. Un mariage « je t’ai rattrapé vite, n’est-ce pas ? », l’installation dans le bush « toi qui n’aimes pas la chaleur, ne viens pas me rendre visite ». La naissance de Gordon.

Béatrice, sonnée, replie machinalement la lettre, glisse la photo dans l’enveloppe et remet le tout dans le carton. En prenant sa douche, elle n’a qu’une pensée, vide. « Comment peut-on appeler un enfant Gordon ? ».


Elle s’assied sur le lit, en peignoir. « Ça aussi, c’est à faire », pense-t-elle. Elle se sent désorientée. Elle est d’habitude d’une énergie à toute épreuve, mais là, la simple idée de se lever la fatigue. Elle essaie de lister mentalement ce qu’il faut finir ce soir. Elle s’y perd. Elle finit par abandonner et sombre dans contemplation du papier peint. Jean-Claude la retrouve ainsi.



Elle ne répond pas. La joue râpeuse l’irrite. Il s’est coupé en se rasant, une mince balafre orne son cou.



Elle le regarde s’éloigner. La ceinture de son pantalon est trop basse. Il a grossi.


Elle reste un moment, rassemblant ses forces. Il faut qu’elle se maquille, qu’elle s’habille. Elle s’abîme dans la contemplation du miroir. Le micro-ondes sonne avant qu’elle ait même esquissé un geste. Elle descend en peignoir, la tête enturbannée dans une serviette. Jean-Claude a mis la table, présenté joliment le bœuf mode dans les assiettes. Il a été cueillir un peu de persil pour agrémenter le plat.



Puis il ajoute, alors qu’elle s’assied :



Elle a un pauvre sourire.


Ils débarrassent, font le point sur ce qu’il reste à faire. Terminer de ramasser le linge sale, finir de vider la penderie, et bien sûr inspecter le dessous des meubles. Béatrice à l’air si absente que son mari propose de tout faire.



Jean-Claude est éberlué. Jamais sa femme ne l’aurait laissé toucher à ses vêtements. Tout en ôtant les draps des lits des enfants, il s’interroge. Il a rarement vu sa Béatrice démaquillée. Manger en peignoir, c’est une première. Le spectacle était bien joli, d’ailleurs. Les pans se sont lentement ouverts sur un théâtre qu’il a toujours plaisir à contempler. C’est vrai que ce déménagement représente beaucoup de fatigue. Il décide de pauser sa semaine pour l’aider à tout installer. Elle voudra sans doute trop en faire, mais il sera là pour l’épauler.

Il se penche pour regarder sous l’armoire. Rien. Il peut continuer.


Béatrice est couchée sur le lit. Elle revoit Gwenn.

Elle la voit à quatre pattes, bouche frôlant le gland de Jean-Claude. Puis le sexe gonflé qui oscille sous les coups de langue. Elle ne peut pas la laisser faire. Elle se penche à son tour, elle lèche la peau fine de la verge, la membrane lisse et tendue sur laquelle une goutte de liquide, transparente, glisse doucement. Elle sent aux mouvements oscillants que l’autre n’abandonne pas. Elle tend la main pour enserrer la base de la tige. La gourgandine ne doit pas gagner. Gwenn s’est mise à aller et venir sur la hampe. Sa façon de tirer la langue est obscène. Alors, pour l’arrêter, Béatrice inspire un grand coup et coiffe la tige de sa bouche. La sensation est assez étrange. Comme de gober une tomate au jardin. Elle a envie d’appuyer fort avec sa langue pour faire éclater cette boule chaude et salée. Elle le fait. Elle sent une résistance, un amollissement, et la résistance, à nouveau, plus forte. Elle relâche légèrement la pression. Le sexe a gonflé davantage encore.

Elle remonte légèrement la main, pour mieux couvrir. Elle sent la peau fine glisser sous ses doigts, le sang battre. Elle se penche un peu plus, pour mieux le prendre en bouche. Elle a gagné. Plus un centimètre n’est accessible pour la garce. Elle tète lentement, faisant tourner sa langue autour de la pointe palpitante. La tige mouillée glisse et lui échappe. Elle reprend aussitôt. Elle ne voit plus Gwenn, mais la nargue. Elle ouvre la main pour mieux reprendre, fait aller et venir ses lèvres, sa langue, jusqu’à l’extrême limite, pour mieux ré-emboucher.

Elle s’arrête un instant. Elle a oublié un détail, mince, mais cette hétaïre est capable de tout. Elle change de position, pose la tête sur le ventre de Jean-Claude. Elle prend le gland en bouche, et ses doigts reprennent leur office. Ainsi elle n’a plus besoin de se soutenir. Son autre main est libre d’aller lutiner les couilles qui s’agitent comme des balles sur un jet d’eau.

Un moment, elle pense que maintenant Gwenn est libre d’embrasser son mari. Elle ne peut rien voir. Béatrice inspire un grand coup. C’est elle qui le tient. Elle qui va le faire jouir. La langue se fait pointue, court du frein tendu à se rompre au méat qui distille sa rosée. Les mains ne sont pas en reste. Jean-Claude a la respiration saccadée, il se cambre imperceptiblement puis, dans un mouvement incontrôlé, projette son sexe en avant.

Béatrice reçoit le sperme qui déborde légèrement de sa bouche. Elle se recule, hésite, avale. Le goût douceâtre, légèrement amer, la fait grimacer. Elle se love contre son homme qui l’entoure d’un bras protecteur. Il sent le mâle.

La seule odeur de femme est celle qui monte doucement de la fourche humide de Béatrice.


Jean-Claude s’est attaqué à l’armoire. Béatrice le regarde entasser les chaussettes et les slips. Il ferme la valise, en empoigne une autre. Elle ne peut pas le laisser ranger ses affaires. Elle l’envoie se doucher pendant qu’elle termine. Elle enfile sa chemise de nuit pendant qu’il se sèche et met le peignoir et les deux serviettes dans un sac en plastique. Elle lui pose quelques questions, fait mentalement le tour de la maison.

Dans le lit, il l’enlace. Au bout de quelques minutes, elle le repousse. Ses jambes trop poilues la grattent.



Béatrice soupire. Elle devrait être contente. Les déménageurs ont bien travaillé, et la cuisine, la salle à manger et les chambres sont presque prêtes. Elle commence à ranger les vêtements d’Emilie dans l’armoire. Elle s’attaquera ensuite aux affaires de classe. Elle a envoyé Jean-Claude faire les courses. Elle n’avait pas prévu qu’il resterait l’aider. Elle se demande un peu comment l’occuper. Il pourrait peut-être accrocher les rideaux.


Elle regrette d’avoir insisté pour que les enfants restent une semaine chez leurs grands-parents. C’est bien sûr moins de travail, mais huit jours de tête-à-tête avec Jean-Claude l’effraient. Avec sa gentillesse coupable…

Béatrice se fige. Coupable ? Elle se reprend. Oui, bien sûr. De ne pas l’avoir aidé avant. Elle s’énerve toute seule. Coupable de l’avoir laissée élever seule les enfants. Coupable de privilégier ses loisirs à sa famille, avec ses fichues séances de squash.

Elle entend la porte claquer. Sa colère tombe soudain. Il ne lui reste que la lassitude.


Jeudi ils ont presque terminé. Béatrice appelle sa belle-mère pour dire qu’elle viendra chercher les enfants à la sortie de l’école le lendemain. Jean-Claude a choisi de reprendre le travail. Sa si jolie femme n’a pas l’air d’humeur à prendre une journée de vacances en amoureux.

Vendredi, Béatrice tourne comme un lion en cage. Elle lave par terre, fait des courses. Elle change les bibelots de place. Décide de faire les poussières dans son bureau, qui n’en a pas besoin. Puis dans celui de Jean-Claude. Elle s’assied un instant dans le grand fauteuil en cuir, lorgne la pendule. Il lui reste deux bonnes heures avant d’aller chercher les enfants. Elle essaie de lutter. Les cartons sont là, neufs, posés dans un coin de la pièce. Jean-Claude, apparemment, n’y a pas touché. Se souvient-il seulement de ce qu’ils contiennent ?

Béatrice quitte brusquement la pièce. Elle se fait un thé, trop chaud, et se brûle la langue. Elle prend un livre, le repose, va vérifier pour la troisième fois qu’elle a sorti un pyjama pour Emilie. Elle repasse devant le bureau. Pose la main sur la poignée, qui cède lentement. Avance vers les cartons. S’accroupit, en ouvre un. Sort, avec précaution, des cartes postales et des lettres dont elle connaît les expéditeurs. Fouille encore un peu, reconnaît l’écriture hachée sur une enveloppe. Puis sur une autre. Elle en trouve une dizaine, toutes datées de bien avant leur rencontre. Des lettres anodines, cartes postales de vacances, potinage sur des gens que Béatrice ne connaît pas. Gwenn est drôle, mordante. Ses lettres sont courtes. Quand elle arrive à la fin du carton, Béatrice a juste appris que Jean-Claude la connaît depuis sa primaire.

Elle range, prenant de moins en moins de précaution au fur et à mesure que le remplissage avance. Après tout, c’est elle qui a fait ce carton. Elle s’attaque au second. Prend l’enveloppe au timbre australien, sur le dessus, en la touchant le moins possible.


Elle ne voit d’abord rien. C’est en rangeant qu’elle s’interroge sur cette pochette kraft, épaisse, sans mention. Elle l’ouvre et se rend compte que la bande gommée est intacte. C’est bien l’écriture de Gwenn.


Quand tu liras ces lignes je serai dans l’avion. Merci de m’avoir accompagnée pour mon départ. Merci d’avoir oublié un peu, pour moi, que dans trois jours tu te maries. J’avoue être ravie d’avoir laissé cette peste de Béatrice se démener avec les tracas qu’a dû causer la cérémonie. Pas d’enterrement de vie de garçon pour toi, j’aurais été ravie de faire la strip-teaseuse.



Béatrice continue sa lecture, suffoquant de rage. C’était vrai, alors. C’était sa maîtresse, et il a passé les trois semaines avant son mariage dans ses bras.


Tu le sais, non ? Jusqu’à la dernière seconde je voudrais que tu me dises « reste, c’est toi que j’aime ».



Et il ne l’a pas fait. La photo le prouve.


C’est toi mon premier baiser, et même si j’ai dit que c’était juste pour savoir, c’était faux. J’aurais payé cher pour recommencer. Mais je voulais pas te perdre. Rester au moins ton amie.



Et le monde s’écroule autour de Béatrice. Elle voit Gwenn embrasser Jean-Claude, lui qui l’entoure de ses bras. La preuve, elle a la preuve.


Je ne peux pas te partager avec elle. Je ne peux pas rester ton amie si elle est ta femme. Je suis sûre qu’elle me déteste déjà.



Comme c’est vrai. Engeance de rouquine.


Ce serait juste. Je la hais.



Cette phrase apaise Béatrice. Elle ne s’en rend pas compte, mais sa respiration reprend un rythme normal. Elle continue à lire, sans s’arrêter.


Je peux pas me forcer à être polie avec elle. Je sais reconnaître un homme amoureux quand j’en vois un. Un jour tu m’aurais foutu à la porte pour manque de respect à ta femme.



Béatrice pense que jamais Jean-Claude ne lui aurait présenté Gwenn. Il ne lui en a même pas parlé.


Je préfère partir avant. 20 000 km, ça paraît à peine suffisant pour mettre de la distance entre toi et moi.



Gwenn raconte tout. Comment elle mettait les lettres de Jean-Claude dans son soutien-gorge. Comment elle lui empruntait ses crayons mine, qu’il mordillait sans cesse, pour pouvoir se caresser la lèvre avec le bois humide de sa salive. Toutes ses ruses, toutes ces bribes volées à un garçon qui l’aimait beaucoup quand elle mourait d’amour. Et en Béatrice germe l’idée que peut-être Gwenn aurait pu réussir. Si elle était restée, Jean-Claude aurait continué à la voir, continuer à ne rien en dire. Elle aurait eu le champ libre, serait devenue une parenthèse dans la vie conjugale sage de son mari. Elle termine sa lecture.


Je ne suis pas folle. Je sais qu’après avoir lu cette lettre, tu n’essayeras pas de me contacter. Pense quand même à moi de temps en temps. Un jour je cesserai de penser à toi chaque minute. Ça, je te le promets.

Sois heureux quand même. Je lui souhaiterais l’enfer si je n’avais pas peur que tu en souffres.



Béatrice lève la tête. Elle n’a pas vu le temps passer. Elle termine vite fait de remplir le carton puis, courant à moitié, gagne l’école d’Emilie.



Elle se sent bien, entourée de ses enfants. Ils poussent des cris devant leurs chambres. La maison est différente, meublée. Ils s’empressent de sortir leurs jouets pendant que leur mère va préparer le dîner.

Jean-Claude la trouve occupée à garnir la tarte. Elle lève les mains pour qu’il ne tache pas son costume alors qu’il l’embrasse. Il en profite pour happer un de ses doigts.



Il fait mine d’attraper un autre doigt et Béatrice se prête au jeu, esquivant juste ce qu’il faut.



Il a de petites rides au coin des yeux. Ça rend son sourire plus tendre.


Les enfants sont vraiment énervés. Pendant que Jean-Claude raconte une troisième histoire à Emilie, Béatrice fait le tour des placards avec Rémi pour lui montrer où sont rangées toutes ses affaires. Puis, après l’avoir bordé, elle descend ranger la cuisine. La maison est calme, silencieuse. Elle jette un coup d’œil au miroir avant de remonter. S’assied sur le lit, se penche vers son mari qui a abandonné son journal pour la regarder. Elle a un drôle de sourire. Il comprend très vite et se déshabille. Il aime bien quand elle est comme ça. C’est trop rare.

Elle ôte ses vêtements dans une chorégraphie rudimentaire, puis s’installe, à califourchon sur le ventre de Jean-Claude. Il profite de ce qui lui est offert, seins, sexe, fesses, bouche à portée de main. Béatrice se penche vers son oreille :



Il acquiesce. Elle se soulève légèrement et empoigne le sexe dressé. Elle l’utilise comme un énorme doigt, le promenant dans les replis de son orchidée. Son époux ne perd pas une miette du spectacle. Puis, dans un sourire, elle s’empale.

Sa danse est sensuelle et précise. Elle cherche son plaisir, ondulant sur le pieu dressé. Elle ferme les yeux.

Gwenn est là, à quelques centimètres d’elle, le sexe collé à la bouche de Jean-Claude. Sa peau claire est luisante de sueur, ses tétons dardés, agressifs. Elle ondoie au même rythme que sa rivale, la bouche entrouverte, les yeux écarquillés.


Alors, Béatrice, lentement, se penche.


Elle embrasse doucement les lèvres offertes, et le plaisir la terrasse, immense, fulgurant. Elle sent des mains qui la rattrapent, elle ne sait pas lesquelles, elle n’en finit pas de jouir, dans ce baiser qui la bouleverse tout entière.




Influence et référence : L’autre et l’une , chanson de Anne Sylvestre.