n° 10051 | Fiche technique | 32095 caractères | 32095Temps de lecture estimé : 19 mn | 15/01/06 |
Résumé: Lors d'un stage de lutte contre le vertige, Fanny en découvre de nouveaux en "s'envoyant en l'air" | ||||
Critères: f fh couple avion amour volupté ecriv_c | ||||
Auteur : Fanny et Philippe |
Je me présente : Fanny, 38 ans, je souffre de vertige depuis maintenant quelques années. Je suis célibataire, divorcée plus précisément.
Quelle relation entre les deux faits ? Aucune, sinon que les deux me pèsent et me polluent l’existence…
Devinette : comment faire des rencontres lorsqu’on est célibataire et que l’on a le vertige ?
Réponse : mes prochaines vacances allieront lutte contre ce vertige récurrent et rencontre de nouvelles têtes !
Comment ? Je ne le sais pas encore, mais j’entreprends des recherches sur Internet, et je tombe sur l’article suivant :
Les thérapies comportementales et cognitives ne visent pas à modifier en profondeur l’ensemble d’une personnalité à travers une cure longue et contraignante. Elles ont pour but de modifier un comportement qui gâche la vie de la personne.
Ces thérapies visent les comportements dont nous voudrions bien nous débarrasser mais qui se répètent malgré nous, échappant à notre volonté, ainsi qu’à toute démarche logique. Par exemple : le rougissement en présence d’un interlocuteur, une angoisse dans les endroits clos, mais aussi le tabagisme, le vertige, etc. Et ceci avec la participation active du sujet.
Les principes du traitement
On considère que, face à une situation donnée, des comportements ont été appris de façon défectueuse -on peut tout aussi bien parler de conditionnement, au sens pavlovien. Cette situation jouera ensuite, et durant toute la vie si l’on ne fait rien, le rôle de signal déclencheur.
La thérapie comportementale part du principe que ce qui a été appris peut être défait ; que l’on peut substituer au précédent un nouvel apprentissage mieux adapté.
Le rôle du thérapeute est d’être tout à la fois un modèle et un guide.
Il accompagne le sujet dans des exercices concrets, qui consistent à affronter progressivement la situation en cause, pour se désensibiliser en quelque sorte. Ce travail se poursuivra ensuite dans des exercices quotidiens solitaires.
Comment se déroulent les séances ?
Les séances peuvent associer plusieurs techniques.
Des exercices pratiques de déconditionnement utilisent le processus d’imitation : le thérapeute sert de modèle en ce qui concerne le comportement qu’il faudrait avoir.
On utilise aussi le jeu de rôles, et souvent la relaxation musculaire.
Entre les séances, le sujet doit se livrer, seul, à des exercices où il se fixe des objectifs précis (par exemple : parler en réunion, demander son chemin dans la rue…) et évaluer ses progrès.
Voilà ce qu’il me faut pour venir à bout de ce vertige : m’inscrire à une thérapie comportementale ! Et ce type de "séminaire" est aussi l’occasion de rencontres…
Quelques heures de recherche et coups de fils plus tard, je suis inscrite dans une thérapie originale :
Vaincre sa phobie du vide grâce à un stage de Montgolfière dans les gorges du Tarn du 18 au 25 juillet
"Stage" : façon élégante de s’adresser aux pauvres phobiques que nous sommes… C’est vrai, "stage" fait vacances, alors que "thérapie comportementale" renvoie inévitablement aux frapadingues et toqués en tout genre…
D’ailleurs, aux copines qui me demandent ce que je vais faire de mes vacances, je réponds glorieusement, d’un air dégagé : "un stage de Montgolfière dans le Tarn". Invariablement, la célibataire que je suis redevenue soulève des regards envieux et admiratifs… que je ne contredis pas !
Nous sommes enfin le dimanche 18 juillet. Je suis dans le train, un peu tendue.
Ce sont quand même des vacances inhabituelles ! Et puis, plus de huit heures de train me paraissent une éternité. Mais je repense à mon vol du Brésil et pense : "Allez, détends-toi, le pire n’est jamais certain".
Le train est bondé durant cette période estivale : des gamins et leurs jeux vidéos, des insupportables avec leur portable incontournable, des endormis, un couple qui regarde un DVD, et face à moi, un type avec un magnifique regard, aussi troublant qu’apaisant, d’un bleu océan à s’y noyer.
Mon esprit commence d’ailleurs à s’y perdre : aller-retour sur mes plus jolies histoires érotiques et amoureuses. Je dois avoir l’air mystérieux de ceux qui sont là, mais absents, au loin.
Une manifestation sonore me sort de ma torpeur et je m’aperçois que "mon" passager aux yeux océan m’observe. Je sens le rouge me gagner et il détourne son regard avec élégance.
Entre le brouhaha du wagon et l’océan de ces yeux, je tente d’organiser ma résistance passive en sortant quelques livres. En réalité, il m’est impossible de me concentrer, troublée par "mon" passager et l’oreille irrésistiblement attirée par une conversation. D’ailleurs "mon" passager, l’air impassible, me donne l’impression de tendre l’oreille également. Nous sommes manifestement tous les deux interpellés par cette discussion, tantôt vive tantôt chaude, de ce voisin qui semble naviguer entre vie off-icielle et off-icieuse.
A en croire ses propos, sa vie officielle ressemble à "morne plaine en plein hiver", révélant un type enquiquinant et goujat. En revanche, sa vie officieuse semble croustillante…
En faisant abstraction de la cacophonie qui règne dans le wagon, je réussis à comprendre que ce type, plein de désir pour son interlocutrice, est aussi un fabuleux amant. Je peux capter des "Moi aussi…", "J’aimerais être contre ton corps chaud, me frotter contre ta peau douce… sentir ton odeur… passer ma langue sur ton sexe", "Tu sais, je ne pourrais pas me lever"…
J’avais envie de vérifier mais je n’ai pas osé. J’entends encore, curieuse et de plus en plus troublée : "J’ai envie de me caresser", "J’ai envie d’être comme la dernière fois", "J’aime quand tes mains me touchent…", "J’ai envie de ton petit minou" -quel nom ridicule, ai-je pensé- "As-tu tondu ton gazon ma petite fleur ?…", "Oh oui, j’aimerais que tu me prennes ainsi… ta bouche experte… tes seins fermes… ton grain de beauté que moi seul connais", "Je sens ma bite dure" - hum, quel manque de poésie- "Je te l’offre".
Et puis, sans même raccrocher, il s’est levé, une envie pressante à assouvir, ai-je immédiatement imaginé en souriant d’une telle incongruité, néanmoins sidérée d’être témoin d’une telle intimité offerte aux oreilles indiscrètes.
A ce moment là, je remarque à nouveau "mon" passager. Il me sourit et me regarde avec un air de connivence. Je me sens gênée. A-t-il perçu mon trouble à l’écoute de cette conversation torride ? Est-il lui aussi troublé ? Ses sens ont-ils été réveillés ? Est-ce moi qui le trouble, mes jambes dénudées ? mon décolleté pudique ?
Ce qui est certain c’est qu’entre ces propos chauds et le charme de "mon" passager, ce type à peine quadra, au regard bleu azur avec des tâches marrons, aux mains carrées et soignées, vierges de tout bijou, je me sens dans un état d’une douce sensualité.
Je dois avouer que j’aimerais être cette amante qu’un homme désire ardemment. Et me voilà replongée dans mes plus jolies aventures qui me paraissent déjà loin. Je me souviens, nostalgique de ce temps où je me sentais jolie, désirable et désirée. Les souvenirs gravés dans mon corps semblent ressurgir du fond de mes entrailles, les sensations sont de nouveau là, à fleur de peau. C’est ainsi que je finis par sombrer dans une somnolence chargée d’envies.
Parfois, alors que le train se tortille laborieusement sur des rails irréguliers, mes yeux s’entrouvrent. Chaque fois, j’ai l’impression que "mon" passager veille sur mon sommeil de ses yeux bleu mer remplis de vague. Peut-être est-ce un rêve, une simple impression, une simple envie ?
Dix-sept heures : la voix nasillarde du chef de gare me sort de ma rêverie. "Millau, Millau, 2 minutes d’arrêt".
Il fait chaud, j’ai la tête comme une pastèque. Mon voisin de train me salue élégamment, me souhaite de bonnes vacances et file rapidement me laissant un petit mot sur lequel je pourrai lire plus tard : "Vous êtes jolie quand vous dormez". Nos chemins se séparent, et je me reproche déjà de ne pas avoir été plus audacieuse. Décidément, je ne dois plus savoir y faire.
Encombrée de mes sacs, je cherche la pancarte "Stage de montgolfière", évidemment beaucoup plus fun que "Thérapie comportementale". Je la vois. La propriétaire des chambres d’hôtes, où logent les participants du "stage", m’accueille avec bienveillance. Nous attendons encore trois personnes qui étaient dans le même train. L’une d’entre elles : le passager ! Non, pas celui dont je connaissais toute la vie off et off, l’autre : celui qui a un regard insoutenable, celui qui m’a glissé un mot que je n’ai pas encore lu. J’ai une crise de tachycardie.
Pendant le trajet, la propriétaire, lance les présentations : une fille d’une trentaine d’années, une autre genre vieille fille de 45 ans, le passager : Adrien Eremont, et moi.
Je ne me reproche plus mon manque d’audace, mais suis totalement intimidée et excitée à la fois, à l’idée de travailler ma phobie avec un tel type. Au moins, on aura le temps de faire connaissance.
Après un court voyage, nous arrivons dans la propriété qui nous accueille : vue sur les gorges du Tarn, un endroit magnifique… si ce n’est cette vue "plombante", et "surplombante", qui nous rappelle le motif de nos vacances : vaincre le vertige !
Nous nous installons dans nos chambres, puis nous nous retrouvons autour d’un rafraîchissement. Le "stage" doit commencer le lendemain.
Engourdie d’avoir été assise une partie de la journée, je décide de faire une balade en attendant l’heure du dîner. Personne ne souhaite me suivre, sauf Adrien.
Nous suivons un sentier et commençons cette fois à échanger. Nous évoquons le voyage en train, et cet homme parti se soulager. Adrien m’explique ensuite les raisons de sa participation au stage. Il m’apprend qu’il a un vertige monstrueux, depuis un moment déjà, et que lorsqu’il doit monter sur le mât de son bateau, l’épreuve est devenue insurmontable. Comme il se refuse à demander de l’aide, il n’a pas trouvé d’autre solution que de se soigner. L’idée de la montgolfière l’a séduite par son aspect vacances et aussi parce qu’il est fasciné par les monstres volants, le pilotage amateur aussi.
J’hésite à le brancher sur le fantasme des avions. Plus tard, je l’inviterai à lire une histoire…
Plus on marche, plus la discussion avance, plus je le trouve vraiment charmant et drôle, sensible et attachant, fin et élégant, fort et fragile, sérieux et léger, cultivé et critique, solitaire et généreux, vraiment "sympa". Cela va compenser le trentenaire pas épanoui et la vieille fille. Il reste encore onze participants à découvrir, mais Adrien me convient déjà parfaitement.
L’heure du dîner se rapproche. Il nous faut rebrousser chemin, à regret, mais il reste encore la semaine…
Le dîner sous la tonnelle est agréable, accompagné de discussions à bâtons rompus. Notre hôte nous invite à ne pas traîner après le dîner : le stage commence à neuf heures et les travaux pratiques ne seront pas évidents.
Adrien et moi n’avons manifestement pas très envie de nous quitter. Il est autant intarissable d’anecdotes et histoires en tout genre, que je suis curieuse. Nous nous retrouvons donc à échanger encore, insatiables. Plus tard dans la soirée, ses bras ont naturellement recouvert mes épaules lorsqu’il a senti mon corps frissonner. À deux heures du matin, raisonnablement, nous nous obligeons à nous séparer.
Je rejoins ma chambre, me déshabille, retrouve et lit, émoustillée, le petit mot qu’Adrien m’avait laissé. Je traîne sous une douche, me couche et redébobine ma journée, trouvant que le hasard fait formidablement bien les choses. Si aucune règle de bienséance n’existait, je l’aurais rejoint dans sa chambre. Ce type m’attire irrésistiblement. Mais comme ces règles existent, que je ne connais pas ces audaces, je me couche en me contentant d’imaginer deux cent sept scénarii, des scènes torrides de passion, en me demandant ce qu’il avait pu penser de moi.
En même temps, l’envie de me caresser se fait pressante. Emplie d’envies diffuses, les yeux ensommeillés, je suis détendue et étendue, un bras posé négligemment le long du corps et une autre main sur le ventre. Puis, instinctivement, ma main se dirige entre mes cuisses. Seule, je m’occupe assez peu de moi et ma main, la droite, va "à l’essentiel". Ainsi mes doigts s’insèrent dans la fente humide, entrouverte par mes jambes écartées. Le petit bouton à plaisirs, parfois capricieux, est offert à mes doigts de façon indécente. Le majeur commence à le masser d’un mouvement circulaire, parfois longitudinal, parfois de façon plus profonde, alors presque aspiré à l’intérieur. Mon bassin ondule pour aller au-devant de mes doigts. Je commence à ressentir ces délicieux picotements propres au plaisir intime. Encore quelques petits tours et je serai au large. Je ne me retiens pas. J’aime aussi le moment où je reprends mon souffle, après, et m’endormir "apaisée"… sauf que la trajectoire du plaisir est détournée par un énorme vacarme venant de l’extérieur ! Me lever ou pas. That is the question !
Je me lève, inquiète, enfile un tee-shirt et me retrouve dans le couloir avec les autres stagiaires, dont Adrien bien sûr, alerté par le même bruit. Manifestement, ce n’était pas grand chose. Nous sommes invités à rejoindre nos lits. Je regarde intensément Adrien qui me dévisage, mais sagement, comme pour laisser le désir s’exhaler. Nous retournons dans nos chambres. Je me recouche, plus troublée encore, avec le besoin visible de reprendre ma route vers le large. Ma main reprend son chemin.
Le plaisir qui était imminent se fait maintenant attendre, forcément… à avoir contrarié mon petit bouton ! Il réagit par un caprice, une attente douce et douloureuse, si je ne le traite pas comme il le souhaite. Mais je sais aussi que son caprice me mène généralement encore plus loin, pas rancunier le petit bouton ! Va pour le caprice à dompter ! Mes doigts connaisseurs le caressent doucement, lui "parlent" gentiment dans un message intime à peine codé, mais instinctif. Les picotements me reprennent. Une vague de chaleur se répand sur mes jambes et remonte dans mon dos qui se cambre. Des spasmes m’agitent. Mon petit bouton devenu largement proéminent, comme une île au milieu de la mer, se rétracte. Il est aussitôt submergé par les eaux. Et dans une ultime pression, un raz-de-marée généralisé dévaste tout. Il ne reste plus rien de moi, étonnamment reposée, comme retombée.
Une vague de sommeil prend la suite de la vague de plaisirs. Je m’endors dans un état de demi-conscience. Je sais que je peux m’abandonner totalement jusqu’au petit matin.
Huit heures : petit-déjeuner gargantuesque.
Je guette, fébrile, l’arrivée d’Adrien. Quelques minutes plus tard, il vient vers moi, s’installe à ma table et me demande, l’air complice, si j’ai bien dormi. À nos regards, j’ai l’impression qu’aucun de nous n’est innocent.
Neuf heures : réunion.
Tout le monde est arrivé maintenant, mais je n’ai même pas remarqué leur présence, trop profondément troublée par mes deux cent sept scénarii avec l’objet de mes fantasmes qui, assis à ma droite, m’effleure électriquement la cuisse de la sienne.
Tour de table, tour de nos angoisses, puis travail en groupe de cinq. Comme par hasard, qui n’en est pas un, Adrien est dans le même groupe que moi. Nous nous découvrons en mettant à nu nos angoisses, nos failles, nos fragilités. Heureusement, l’ambiance "chaleureuse", du type colo de mes quinze ans, permet d’alléger nos psychoses bien peu séduisantes, comme l’envers d’un décor théâtral.
Quinze heures : Après un joyeux pique-nique, l’heure du premier TP est arrivé.
Nous voilà réunis autour des deux montgolfières. Les vents nous sont favorables. "Nous avons de la chance" nous dit le thérapeute. Tu parles, moi, j’aurais préféré qu’il y ait une tempête !
Ma phobie arrive au grand galop ! Crise de tachycardie… ça ne va pas du tout ! J’essaie de respirer calmement et longuement, et oublie toute tentative de séduction envers mon Apollon. Je me sens mal et des gouttes de sueur dégoulinent le long de mes tempes. J’essaie d’imprimer des pensées positives. Je veux me rappeler, pour me donner du courage, les fois où l’on m’a trouvée courageuse, mais je ne me souviens de rien, l’esprit tétanisé. Je n’arrive même pas à percevoir l’état de mes compagnons de psychose, leur stress.
J’essaie d’écouter les instructions : nous devons monter deux par deux, la montgolfière restera captive, c’est-à-dire reliée au sol par le câble. Elle montera progressivement jusqu’à 100 mètres, puis redescendra. Dans la mesure du possible, nous devons garder les yeux ouverts, regarder le ciel, puis la terre et renouveler l’opération le plus souvent possible…
Désemparée et "emparée" d’un stress indicible, je cherche Adrien du regard. Il est prêt, et tout près. À ce moment-là, il a l’air détendu, tellement détendu que je me demande si ce n’est pas un imposteur, genre journaliste pour un magazine psy qui vient faire son article sur la détresse des autres. Le salaud… Je suis dans un état lamentable. J’ai très chaud et ne maîtrise plus rien.
Doucement, mais fermement, Adrien me prend par le bras. Son contact a pour effet immédiat de me calmer net, telle la cocotte-minute que l’on ouvre. Il nous dirige vers la montgolfière. Les autres nous félicitent de nous lancer. Tu parles… je pense qu’il faut mieux ne pas avoir vu les autres d’abord ! Quel courage : je suis tellement tétanisée que j’ai les yeux collés, fermés et que j’agrippe littéralement Adrien ! Je sens mes ongles s’incruster dans son bras. Je m’excuserai plus tard. Je sens que la montgolfière bouge. J’ai peur, très peur. Je suis nauséeuse. Je ne suis capable de rien.
Et puis, j’ai l’impression qu’Adrien perd de sa superbe. Il me murmure que nous y sommes, mais qu’il ne peut plus "m’accompagner". Hein ? Quoi ?" Je le sens à son tour tétanisé. Il n’est pas journaliste alors, peut-être comédien ? Non… Je plaisante intérieurement et m’aperçois que je plaisante ! Mais alors si je plaisante, c’est que je vais mieux…
Je respire et invite Adrien à faire de même. La montgolfière commence son ascension, lentement. J’ouvre les yeux, me décramponne d’Adrien qui, lui, est manifestement paralysé. Dans un mouvement instinctif et quasi maternel, je lui caresse doucement le visage, les cheveux, lui éponge le front, l’embrasse sur la joue sans même y avoir réfléchi. Je trouve touchant et émouvant cette grande carcasse, de plus d’un mètre quatre-vingt-dix, aux épaules larges et viriles, dans sa peur mise à nue sans pudeur. L’aider à se détendre, à le déstresser devient pour moi l’enjeu important. Grâce à lui, j’étais là, dans cette montgolfière où quelques instants plus tôt il m’avait entraînée fermement.
A la pression de ses bras qui se relâche faiblement, je sens qu’il se détend. Je redouble mes caresses asexuées et tendres, je réitère des paroles apaisantes, comme nous les avons apprises le matin. Non pas un raisonnement, une phobie ne se raisonne pas, mais des "tu ne crains rien, je suis là… les autres aussi…", en boucle. Il est muet. Je commence à avoir mal au bras, qu’il n’a pas lâché, certaine d’avoir déjà un bleu. Puis il desserre vraiment la pression pour me prendre dans ses bras. Je ne sais pas si le moteur de son geste est la peur ou le désir, mais je referme les yeux, oublie l’exercice : regarder le ciel… la terre… Je suis juste dans ses bras, serrée, les yeux fermés. J’ai le coeur qui s’emballe de nouveau, mais franchement, ce n’est plus pour la même raison. En revanche, j’entends, je sens son coeur s’apaiser. Nous restons là, serrés, collés très fort, sans rien dire. Je n’ose pas bouger. Je suis bien, lui aussi manifestement. Plus rien n’existe. Nous sommes au milieu de nulle part, vus par personne, juste reliés par un câble.
C’est lorsque la montgolfière se pose à nouveau par terre que, secoués, nous lâchons notre prise réciproque, l’air ébahi, sous les félicitations du thérapeute. C’est vrai, il n’ y a pas mort d’homme : nous sommes montés puis redescendus, quoique… Aux autres maintenant. Je vais m’asseoir sans dire un mot, incapable de rien. Adrien me suit et se pose à côté de moi. Il me prend la main. Nous regardons les autres. Je n’ose pas le regarder, du coin de l’oeil seulement.
Le temps que tous y passent, deux heures trente se sont bien écoulées. Nous sommes là, statufiés. Seules nos mains et nos doigts ont joué délicieusement de nos sens, partant à la reconnaissance de l’autre tout au long de ce moment privilégié, hors du temps, où le bien-être autorise la libération de quelques émotions. Ses mains sont douces, chaudes, et il est très agréable de les caresser. C’est un instant où la sensualité peut s’exprimer, et nous en profitons, installés dans ce climat troublant et agréable. J’aimerais oser l’embrasser mais la timidité, le respect et mon sang-froid "légendaire" limitent mes ardeurs. Peut-être en est-il de même pour lui ? J’aimerais être dans ses bras de nouveau. Je me sens reprise de vertiges !
Nous nous retrouvons au dîner. Le débriefing du premier vol est prévu dans l’atelier du lendemain matin. Le dîner est plus calme que celui de la veille, chacun a son stress et ses émotions en travers de la gorge. Adrien et moi sommes l’un à côté de l’autre, muets. Je n’ai pas envie que l’heure de la séparation arrive, je l’appréhende…
Au moment de nous séparer, alors que nous ne nous étions plus rien dit depuis l’atterrissage, Adrien me remercie.
Avec humour, il ajoute :
J’éclate de rire.
Avec un air coquin, il propose alors de me rejoindre dans ma chambre. Moi qui dors nue, je décide de garder un slip et un tee-shirt. Il arrive vêtu d’un caleçon et d’un tee-shirt.
Allongés sur mon lit, je lui prends la main. Nous commençons à discuter. Dans un état de fatigue incommensurable faite d’émotions accumulées, je lui demande de pouvoir m’endormir dans ma position favorite. Ainsi, je cale ma tête dans le creux de son cou, une jambe sur la sienne. Ma main caresse doucement son torse, d’abord de façon prude par-dessus son tee-shirt, puis par-dessous pour goûter sa peau. Et je ne m’endors pas.
J’aime son odeur, sa peau m’apparaît douce, et les caresses qu’il me prodigue dans les cheveux me sont plus qu’agréables. Je meurs d’envie de l’embrasser, mais je n’ose pas. Dans un premier temps, je reste étendue contre lui et savoure le moment avec une impression de quiétude, de liberté, de légèreté, bien loin de la psychose qui nous a menés ici. Alors que je suis là, les sens en éveil et ma carcasse alanguie, j’éprouve une vague de chaleur en sentant sa main se promener sur mon ventre, d’abord sur mon tee-shirt, puis rapidement dessous, audacieusement mais avec douceur. J’adore cette douceur partagée dans un calme quasi parfait.
Jamais, je n’ai eu de telles impressions une première fois, l’impression d’être si parfaitement à l’aise… Sans doute d’avoir commencé par partager une "faille", de nous être montrés sous un jour peu lumineux, transpirant de peur. Nos mains continuent leurs explorations caressantes : les siennes sur moi, n’épargnant au fil de la nuit aucune parcelle de ma peau, les miennes sur lui… Nos langues ont fini par se rencontrer aussi. Le tout est d’une douceur à ressentir une autre forme de vertige, où la jouissance "habituelle" s’avère inutile. Nous nous endormons ainsi, enlacés et nus, exténués mais pas exsangues.
Le lendemain, passée cette nuit chaste et la découverte du premier matin qui ne m’apparaît même pas comme tel, il file dans sa chambre non sans avoir déposé un charmant baiser sur mon front, de ceux qui me font chavirer par leur extrême tendresse.
Nous nous retrouvons au petit-déjeuner, l’air de rien, sauf que je ne suis pas certaine d’avoir cet air-là… Son pied effleure délicieusement le mien sous la table, comme pour me signaler que je ne rêve pas.
Puis, atelier du matin, déjeuner et très vite, l’atelier de TP de l’après-midi arrive. Le psychothérapeute propose de conserver les binômes de la veille, qui avaient "si bien fonctionné". Chouette !
Adrien et moi remontons donc ensemble.
Cette fois, nous sommes moins tendus, comme quoi ces thérapies sont efficaces ! A peine élancés dans les airs, nous nous serrons dans nos bras. Depuis le matin, nous avons été très sages. C’est à cet instant que je sus que c’était en effet cela que j’attendais : être dans ses bras. Sa bouche trouve la mienne. Son regard me transperce. Le vertige me reprend, vertige de désir, accentué par le sien que je sens contre mon pubis à travers l’étoffe de nos shorts. Alors que nos corps se frottent l’un contre l’autre, que nos désirs cherchent à s’exprimer, la voix de l’instructeur dans le talkie-walkie nous demande de ne pas oublier de regarder en bas, puis vers le ciel. J’éclate de rire en regardant en bas et en imaginant le septième ciel que j’entrevois à nouveau. Adrien me regarde interloqué. Je rougis, et à ma grande surprise, il me demande de la voix précipitée de ceux qui parlent avant de réfléchir :
D’un mouvement ferme, il me couche au sol. Furieusement et voracement, nous dégrafons nos shorts. Son sexe dur en sort insolemment. Il n’a pas besoin d’indications pour trouver le mien. Dans le talkie-walkie, nous entendons :
Très vite, précipitamment, je suis montée au septième ciel ; lui aussi je crois, à entendre ses râles de plaisir. La descente était amorcée, juste le temps de se réajuster. Est-ce cela, vaincre son vertige ?
Le soir venu, Adrien rejoint ma chambre, naturellement. Il me propose de prendre une douche. Nous ne nous étions pas encore vus nus, sentis oui, mais pas vus. Pourtant pudique, je n’ose pas refuser, et puis, j’ai aussi envie de partager ce moment. Son regard bienveillant m’inspire confiance, balayant mes obsédantes pensées d’imperfection. C’est ainsi que je vois pour la première fois notre reflet : deux corps dévêtus, des torses, des serviettes en vrac. Je n’ai pas l’impression de me voir, mais de voir une autre femme, que je connais à la fois bien, très bien, et si mal. Avec un naturel inconnu pour moi, j’ai l’étrange et douce sensation de n’avoir jamais été aussi près d’une certaine vérité, libérée de toute entrave, de tout complexe, de tout défaut physique. Je trouve son regard sur moi d’une grande tendresse. À son insu, il a su trouver ce regard qui à la fois met totalement à l’aise, sans pudeur, et en même temps rend si jolie. Pour la première fois, je trouve épanouissant d’avoir vieilli.
Et puis, plus tard, nous sommes allongés dans les bras l’un de l’autre, sous un drap qui n’a pas pour fonction de me "cacher", mais de me protéger du froid…
Les caresses reprennent leur tracé aussi doux que prévisible. Je trouve sa peau douce et délicieuse.
Nos corps se frottent de nouveau, comme aimantés. Ses mains m’explorent. Je fais de même, l’enlaçant. Je savoure, parfois tirée de ma bulle par le grincement du lit. Le détail me fait sourire dans mon for intérieur. Ses râles me comblent, mais je maintiens ma main sur sa bouche. Nous ne sommes pas seuls. Moi, je ne dis rien. J’ai l’impression de ne pas bouger et de ne faire aucun bruit. Sans doute n’est-ce pas exact. Je ne suis pas dans la maîtrise mais abandonnée, enveloppée par cette grande carrure.
Je suis bien, je ne tremble plus. Je suis débordante de sentiments et de richesses qui s’expriment au travers des larmes qui coulent délicieusement, larmes de bien-être et d’émotions qui me nouent la gorge ; la tête bien calée au fond de son cou à l’odeur qui me renverse, qui m’enivre comme un verre d’alcool.
Je suis bien, affranchie de cette psychose qui a voulu se jouer de nous, minant nos libertés. Je suis bien et profite. Nous sommes "encastrés" et emmêlés, nos corps ondulent, guidés par le seul chemin du plaisir. Nos mains se serrent et se desserrent dans un rythme propre aux messages codés de ceux qui sont heureux de se retrouver, vraiment heureux. Nos langues font des rondes et des tours inédits et parfois se délient pour laisser filtrer un gémissement de plaisir, un mot doux, entre des lèvres sensuelles entrouvertes.
Je suis bien, très bien, plus que bien…
Plus tard, mon corps qui m’a pourtant lâchement abandonné, devient complice, lieu de secrets, boîte à plaisirs, que le sien révèle avec volupté et justesse…
L’instant est magique, le moment déjà gravé, l’ensemble d’une grande douceur, d’une harmonie naturelle sans fausse note.
Le silence même est fort, les mots inutiles.
Plus tard, après que la jouissance et les plaisirs nous aient emportés dans une déferlante de sensations, la légèreté est revenue. Adrien s’est levé. J’admire son dos, ses fesses, ses jambes pendant qu’il se dirige vers la douche, le regard aimanté à celui chez qui j’apprécie déjà tout et qui vient de me combler. Je reste immobile. Plus tard, encore, il revient dans mon lit.
Nous avons encore la nuit devant nous …