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n° 10125Fiche technique15865 caractères15865
Temps de lecture estimé : 10 mn
07/02/06
Résumé:  Il lui a demandé de se bander les yeux. Veut-il jouer à colin-maillard... ?
Critères:  fh couple volupté yeuxbandés
Auteur : Bec de plume      
Les gants de cuir

Après avoir entendu la sonnerie de son téléphone lui annonçant un message, elle se lève en soupirant et traverse la longue pièce qui leur sert de séjour, en se demandant pour quelle raison il serait encore en retard aujourd’hui. Presque chaque soir de la semaine, c’est la même attente, l’ennui teinté d’impatience, d’une impatience tellement habituelle qu’elle ne sait même plus de quoi elle est impatiente : de son retour ? du repas ? de leur longue soirée à demi endormis sur le canapé ? Lasse, elle fouille dans son sac à la recherche de son téléphone, qui avait été au début de leur histoire leur seul lien, intermédiaire d’une folle passion et de folles sensations nouvelles et inconnues, auxquelles elle ne pensait même plus en manipulant les touches usées.


Elle lit :


« 1 nouveau message ». Numéro masqué.

« Tiroir n° 20… »


Qu’est-ce que qu’il a encore ? Qu’est-ce que ça veut dire ? pense-t-elle, agacée, en lâchant le téléphone au fond de son sac à main avant de retourner dans la douce chaleur de la couverture sur le canapé, et de relancer le DVD qu’elle était en train de regarder. Impossible de se remettre dans le film, ce message l’interpelle, l’inquiète. Elle se met à rêvasser, à imaginer qu’il cherche enfin à la surprendre. Elle se rappelle leurs petits mots doux échangés secrètement peu après leur rencontre, la passion de leur premier baiser, de leurs premières étreintes, la liberté qu’elle éprouvait dans ses bras, et elle se laisse emporter :


« Et si… tiroir n° 20 ? »


Elle n’ose espérer et réprime du plus fort qu’elle le peut les battements de son cœur lorsqu’elle décide, sans trop y croire, qu’une surprise l’attend peut-être.


Le seul endroit où trouver ce fameux tiroir n° 20 est un antique meuble en bois qu’elle a chiné, et qu’elle adore. Elle monte les escaliers, presque déçue d’avance, et entre dans la bibliothèque. Lentement, ses doigts caressent le vieux bois patiné par le temps, et elle se met à compter les tiroirs avant d’ouvrir celui qu’elle estime être le vingtième. Le petit tiroir résiste un peu en grinçant, puis révèle une feuille de papier orange pliée en deux, sur laquelle elle peut lire ces simples mots calligraphiés avec soin : « billet doux ». Son cœur fait un bond et, délicatement, elle prend dans ses mains le message, un incontrôlable sourire illuminant son visage.


Il la surprend. Peu importe ce qu’il y a dans ce papier, le simple fait que ce message existe lui suffit. Elle va dans leur chambre, et sans encore déplier la feuille s’assied sur leur lit.


« Pourquoi n’est-il pas là ? », regrette-t-elle.


Elle aimerait tellement le serrer dans ses bras, l’embrasser, sentir sa chaleur contre son corps. Lentement, elle déplie la feuille de papier d’une main tremblante.


« Vous serez mienne, sensuelle et raffinée, belle et libérée. Soyez prête ».


Elle se sent aimée, désirée, belle, joueuse, heureuse.


« Il veut jouer, eh bien, je vais jouer », se dit-elle en se débarrassant de son pyjama et en se dirigeant vers la salle de bains.


Elle veut le surprendre à son tour, être sensuelle et sexy, charmante et charmeuse, elle veut qu’il perde ses moyens. Elle frissonne à cette idée malgré la chaleur de la douche sur sa peau. De retour dans la chambre, elle se décide pour un ensemble en dentelle vert foncé, souvenir d’un de leurs week-ends en amoureux. Puis elle prend une paire de bas couleur chair et, tout en les déroulant lentement le long de ses jambes, elle sent déjà malgré elle une trouble excitation la gagner. Bien décidée à jouer le jeu, elle complète sa tenue par une robe noire, fluide, mais près du corps, et termine en glissant ses pieds dans une paire d’escarpins à bride qu’elle ne porte que rarement. Une légère touche de maquillage, puis elle ne sait plus quoi faire.


Elle ne peut qu’attendre. Une légère anxiété teintée d’une douce excitation s’empare d’elle, mais rapidement son téléphone annonce un nouveau message :


« La vue est parfois un sens superflu »


Elle comprend, elle sourit. Ne sachant quoi utiliser pour ne pas gâcher son allure générale dont elle est somme toute assez fière, elle opte pour une paire de collants noirs qu’elle noue sur ses yeux, puis se rassied sur le lit. Quelques interminables minutes plus tard, elle entend la porte d’entrée s’ouvrir, et elle presse alors instinctivement ses mains contre sa poitrine, pour retenir son cœur qui semble vouloir jaillir hors de son corps. Il monte les escaliers, lentement. Le bois craque sous ses pas. Elle attend, impatiente et apeurée.


Il entre dans la chambre et sans un mot la saisit vivement par les épaules pour la faire se lever. Surprise de cette fermeté, elle a un mouvement réflexe de recul, puis se laisse emporter. Lorsqu’elle est debout, il la retourne, dos à lui, et elle se sent plaquée contre le mur. Une main gantée de cuir doux part rapidement et sans véritable douceur à la découverte de son corps, tandis que l’autre main, posée entre ses épaules, la maintient face au mur. Les caresses sont à la fois douces et légèrement brusques. Elle est surprise d’apprécier sa façon de faire, elle le sent s’accroupir derrière elle, toujours plaquée contre le mur, et ne peut réprimer un tremblement de désir. La main gantée se pose sur une de ses chevilles, et lentement remonte le long de sa jambe, relevant peu à peu la robe. La peur la saisit à nouveau lorsqu’elle sent le cuir directement sur la peau de sa cuisse, juste au-dessus des bas, et elle frémit quand des doigts habiles saisissent sa petite culotte, pour la faire tomber à ses chevilles. D’un geste sûr et ferme, il lui fait lever les pieds l’un après l’autre pour dégager le fin sous-vêtement, puis il se relève, toujours silencieux.


Il la plaque maintenant contre le mur, non plus d’une seule main mais de tout son corps, et elle sent contre ses fesses, malgré leurs vêtements, le désir de l’homme, désir qui la ramène au sien qu’elle a presque oublié, concentrée sur les gestes directifs de son amant. L’envie qu’elle ressent alors est très forte, trop forte, a-t-elle encore le temps de penser. Et que dire de ce souffle chaud contre sa nuque, de ces mains sur ses hanches et ses cuisses, de ces doigts qui jouent avec le tissu de la robe, avec sa peau, avec la jarretière de ses bas…


Et, tout à coup, il s’écarte d’elle. Elle a l’impression glaciale de se retrouver seule, alors qu’elle attendait, qu’elle espérait qu’il la prendrait ainsi, plaquée contre le mur, sans autre préliminaire que le son de sa braguette qui s’ouvre et ses gants de cuir qui dirigent en elle un sexe dur et chaud. Ses jambes tremblent d’une envie frustrée quand il la saisit par les épaules et que, lui maintenant les bras en arrière en la tenant par les coudes, il commence à la pousser devant lui. Après quelques pas en direction de la bibliothèque, sans la lâcher il tourne plusieurs fois sur lui-même, l’entraînant avec lui.


« Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il fait ? » se demande-t-elle, de plus en plus désorientée.


Elle ne sait plus où ils sont, où ils vont. Elle est perdue dans sa propre maison. Et toujours ce silence lourd, que seuls leur souffle et le froissement des tissus troublent par instants.


La nuit et le silence.


Sans l’emprise ferme des mains de l’homme sur ses bras, elle croirait qu’elle est seule. Brusquement, il s’arrête de tourner. Prise d’un léger vertige, elle reprend vite ses esprits quand une onde brûlante de désir la transperce. Elle sent enfin ses lèvres sur sa peau, sur sa nuque, douces, chaudes, presque tendres, contraste électrisant avec la fermeté des mains gantées. Pour l’embrasser ainsi, il s’est rapproché de son dos, et pendant quelques secondes elle sent contre ses mains le tissu rêche du jeans de l’homme, tendu par un désir qui la flatte. Il la pousse à nouveau en avant, jusqu’à ce que ses chevilles butent contre quelque chose. Déséquilibrée, elle tombe sans qu’il ne cherche à la retenir. Sans même avoir eu le temps de crier, le cœur battant, elle atterrit sur ce qui semble être un matelas.


Très vite elle sent qu’il reprend ses caresses. Le cuir des gants glisse de ses épaules vers son cou, puis sur sa robe. Les mains passent sur sa poitrine, lui arrachant un soupir, et continuent de descendre vers son ventre, ses hanches, ses cuisses, puis tout le long de ses jambes, jusqu’à ses pieds. Puis lentement elles remontent, relevant cette fois-ci la robe. Quand elle sent que son pubis est découvert, un mélange délicieux de gêne et de désir l’envahit. Les mains gantées remontent doucement vers ses épaules, sans quitter son corps, et font glisser les bretelles de la robe pour révéler son soutien-gorge. Le souffle de l’homme s’accélère.


Elle aime qu’il soit troublé, lui aussi. Elle voudrait le toucher, l’embrasser, mais lorsqu’elle tend la main vers lui et touche sa cuisse, il la repousse fermement, lui faisant comprendre sans un mot que c’était son dernier geste. Etonnée, elle se laisse aller au plaisir des baisers qui parcourent son cou, sa gorge, la naissance de sa poitrine impatiente. Le mélange de tendresse et de fermeté dont il fait preuve l’excite terriblement, et un frisson de désir intense s’empare d’elle, dans un soupir trop révélateur, quand il découvre lentement ses seins. Les doigts de cuir, frais et impersonnels, les effleurent doucement, jouant avec leur pointe érigée, avide de la chaleur de lèvres tendres. S’attendant à sentir cette bouche tant désirée se poser sur ses seins, elle gémit de surprise quand le pincement des doigts se fait plus fort. Légère douleur dont elle est rapidement distraite par la vague de plaisir que l’autre main fait naître en effleurant son pubis dénudé.


Imperceptiblement, presque involontairement, sans même que l’homme ne fasse le moindre geste en ce sens, elle écarte lentement les cuisses pour sentir les doigts gantés approcher de son sexe. Pendant ce temps, une langue douce et chaude effleure enfin la pointe de ses seins et la lèche doucement. Puis ce sont les lèvres et la bouche entière qui en prennent possession de façon impérieuse. L’excitation devient presque douloureuse. Elle ne sait plus quelle caresse elle ressent. La bouche ? La langue ? La main qui peu à peu s’approprie son sexe ?


Le temps a disparu.


Elle n’arrive plus à ordonner ses idées, et elle émet un long et profond soupir quand enfin un doigt de cuir glisse en elle. Son bassin se soulève comme happé, attiré par cette caresse. Elle brûle, le cuir est frais, elle veut être prise, et elle ondule de plaisir sur ce doigt bientôt rejoint par un autre. La bouche qui jouait avec ses seins les abandonne, frémissants, et ce n’est pas seulement la fraîcheur de l’air qui les fait frissonner…


Le sexe toujours possédé par les doigts habiles, elle ne perçoit pas l’homme qui se déplace, et c’est seulement lorsqu’elle sent le souffle chaud contre la peau de ses cuisses qu’elle prend conscience qu’il est maintenant allongé entre ses jambes. Il embrasse sa peau, juste au-dessus des bas, et remonte lentement vers son sexe. À mesure qu’il s’en approche, elle sent les doigts quitter peu à peu son antre brûlant de plaisir pour être remplacés par sa langue. Elle passe de la fraîcheur impersonnelle des gants à la chaleur de ses lèvres, sans le moindre répit. Elle gémit à la fois du regret de la main qui la quitte, et de l’impatience pour cette bouche qui prend possession d’elle, de cette langue qui la goûte et la pénètre délicatement.


Son corps n’est plus que désir et frissons quand enfin ce baiser délicieux prend son petit bouton gourmand. Elle ne sent plus les mains de l’homme qui caressent ses jambes, ni le frottement du jeans contre ses bas, ni le sexe dur contre sa cheville. Il n’y a qu’elle. Elle, et cette langue.


Et quand, tout à coup, les doigts gantés glissent à nouveau en elle, elle ne peut réprimer le tremblement qui la parcourt. Du bout des doigts à ses pieds, pas une partie de son corps n’échappe à ce désir intense. Elle est prise, possédée par des centaines de petites langues douces qui l’électrisent de l’intérieur, partout sous sa peau. Elle attend la délivrance, en l’espérant la plus lointaine possible, et elle saisit les cheveux de l’homme pour plaquer encore plus intensément ce baiser dans son sexe, comme pour le faire pénétrer en elle. C’est elle maintenant qui le prend, qui prend sa bouche, sa langue, son visage, ses doigts, pour que la caresse ne s’apaise pas. Elle ne veut pas que la tension baisse, elle veut qu’il la baise.


Puis elle ne sait plus.


Une tempête de plaisir éclate dans son corps, dans sa tête, dans son cœur. Elle jouit sur cette langue et ces doigts enfouis au plus profond d’elle. Intensément, brusquement et lentement à la fois. Longuement. Son esprit lui échappe. Elle n’est plus qu’une immense vague de plaisir qui emporte tout, brutale et puissante, et qui très lentement remonte les plages de sa conscience, de plus en plus douce et longue, de plus en plus lente. … Une vague peu à peu apaisante lorsqu’elle se retire lentement, emportant avec elle les dernières décharges de plaisir qui l’ont inondée.


Lorsqu’elle reprend paisiblement ses esprits, elle se sent seule. Le silence est total. Elle appelle.



Personne. Lentement, elle ose retirer le collant qui bandait ses yeux. Etonnée, elle se découvre dans la chambre d’amis, sur un matelas posé à même le sol. Elle appelle encore. Personne. Elle se relève, chancelante, sur ses jambes de coton, réajuste son soutien-gorge puis sa robe, et va dans la chambre. Personne. Elle passe d’une pièce à l’autre. Toutes sont vides. Elle remonte au séjour et, épuisée, s’assied sur le canapé, étonnée, sonnée, encore enivrée par le plaisir qu’il vient de lui donner. Son souffle se calme, et malgré sa perplexité elle s’apaise et s’assoupit presque. Quand elle entend la porte d’entrée s’ouvrir, elle sursaute et se retourne, le cœur battant. C’est lui, Virgile. Il rentre du travail, en costume anthracite, chemise et cravate. Pas de jeans, pense-t-elle immédiatement, combien de temps suis-je restée là ?



Elle se lève, tremblante.



Elle se regarde, elle avait oublié sa tenue. Tant de questions se bousculent dans son esprit. Il s’approche et l’embrasse.



C’était lui, pense-t-elle pour se rassurer, mais elle sait déjà qu’elle ne trouvera pas le sommeil ce soir…