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Temps de lecture estimé : 8 mn
24/02/06
Résumé:  Prologue: elle et encore un petit peu de lui.
Critères:  f cérébral fellation
Auteur : Boulegomme            Envoi mini-message

Série : A fleur de peau

Chapitre 01
A fleur de peau

Betty Miller poussa la porte de son appartement, déposa les clefs sur le petit meuble, sa veste et son holster sur le portemanteau, et ses soucis au vestiaire. Il était tard et elle n’avait qu’une envie : un bon bain mousseux au lait d’amande douce. Elle se dirigea directement dans la salle de bain, joua avec le mitigeur pour trouver la température idéale, versa le gel dans l’eau puis partit dans la chambre pour se mettre à l’aise.

En se déshabillant, elle pouvait voir dans le miroir en face du lit ses yeux noirs fatigués, les cernes comme des menottes entravant son visage. Elle entreprit alors de scruter son corps nu, comme une invitation au dépit.

Elle détestait se voir, mais adorait se regarder.

Les mains sur les hanches, jambes légèrement écartées, elle faisait face à son image, comme pour figer en un instant charnel le début de sa reconquête.

« Mouais… Pas terrible… »

Pour s’en convaincre, elle souleva un de ses seins qu’elle fit lamentablement retomber en un petit bruit pulpeux contre son torse.

« Eh eh… C’est pas pour rien que tu vieillis, ma pauvre ! » Et de sourire.

Plotch ! L’autre sein maintenant. Elle savait que c’était plus par masse pondérale que par gravité temporelle, mais elle s’amusait avec ses seins comme on manie l’autodérision.

Elle se mit alors de profil et continua son inventaire épidermique. La main toujours sur sa hanche, son regard descendit la ligne harmonique depuis la courbure de ses reins cambrés jusqu’à la naissance de ses cuisses, en s’attardant un instant sur la moulure mélancolique de ses fesses quarantenaires.

« Bon, d’accord, y’a un peu de cellulite… Mais bon, pas de quoi parler de culotte de cheval. À peine un string de poney… »

Elle rit toute seule de sa découverte lexicale et abandonna aussitôt son reflet, enfila un peignoir et se dirigea vers le salon.


La journée avait été rude. Une sale affaire de racket qui avait encore emmené la récente inspectrice dans les milieux les plus sombres de l’âme humaine. Elle en ressortait toujours avec la nausée au ventre, le dégoût de ses congénères, et le désir de s’échapper vers l’océan de son enfance qui l’avait si souvent régénérée comme les bras infinis et tendres d’une mère protégeant son enfant. Mais aujourd’hui elle n’aurait pas de refuges possibles, juste éponger sa fatigue de son corps anesthésié.

Elle se servit un verre de vin blanc, régla la radio sur Fréquence Jazz et appuya machinalement sur la touche Play du répondeur.



« Mais qu’est-ce qu’il croit celui-là ? Il ne va pas me gâcher la soirée, non ? »

Elle but son verre cul sec, se resservit, mais le vin ne calma pas sa rage. Trois ans de vie commune pour en arriver là. Sordide. Une banale trahison, sinistre preuve de la lâcheté des hommes. Il n’avait même pas été capable de bien mentir et de se cacher, comme s’il avait tout fait pour que Betty s’en aperçoive.


Elle ôta son peignoir et, quand elle fit glisser son corps nu dans l’eau, l’image de cette fille, à genoux devant lui, s’imposa dans sa douleur et sa précision. Le regard de son homme rivé sur cette langue qui glissait sur son sexe. Ses doigts qui se crispaient dans les cheveux quand elle le prenait en bouche. Juste sous ses yeux. Betty voulait effacer cette image, mais elle n’allait pas la lâcher comme ça. Ce jour-là, elle n’avait pas pu s’éclipser. Elle avait voulu rester jusqu’au bout, s’abreuver de cette vision écœurante comme on boit un médicament amer. Elle guérissait de sa passion pour lui en regardant les lèvres de cette fille engloutir ce membre qu’elle-même avait souvent léché. Elle avait dans la gorge le goût de ce sexe qui maintenant la faisait vomir. Elle était restée pour le voir jouir une dernière fois, même si ce n’était pas avec elle. Elle avait vu ses cuisses se tendre pendant que la fille engloutissait son sexe, les mains sur ses fesses pour accentuer la pression. Il avait rejeté la tête en arrière, comme il le faisait avec elle. La fille le regardait, avait l’air d’aimer son plaisir au bord de l’extase, elle recherchait dans son regard et les mouvements de sa langue à retarder la jouissance. Betty avait entendu alors le râle d’explosion qu’elle avait redouté. La fille, les yeux fermés, avait accueilli sa semence giclant au fond de sa gorge comme un cadeau fielleux. Betty n’avait jamais accepté d’aller jusque là et restait sidérée du plaisir que l’autre prenait à l’avaler. Et puis Bruno reprenant ses esprits, penché pour embrasser cette garce, oui, cette garce qui lui volait ses espoirs de bonheur.


Betty ferma les yeux pour expulser ces images scabreuses et envahissantes et, le visage crispé sur sa rancœur, plongea la tête sous l’eau, et se laissa envahir par la chaleur de l’eau qui explorait sa peau.

Le jugement qu’elle portait sur elle-même, telle une guillotine fendant son cœur en deux, la ramenait toujours au même point inéluctable : l’échec. Pourtant elle avait tout pour elle : une enfance heureuse malgré un père absent, l’énergie puissante d’une femme indépendante, le charme discret qu’elle ne distillait qu’auprès des hommes qui lui plaisaient, lui offrant sa part de plaisir, les amis fidèles qui l’entouraient (« Tiens, il faudra que je rappelle Charles demain, j’avais promis de déjeuner avec lui… ») et surtout un métier qui lui collait fondamentalement à la vie. Elle aimait sa mission, s’y adonnait sans retenue, comme si protéger la société allait pouvoir racheter ses fautes. Une attention de tous les instants qui monopolisait ses ambitions et souvent la rendait marginale. Mais n’était-ce pas ce qu’elle cherchait ?

Le problème, c’est que ce chemin qu’elle s’était tracé menait au gouffre de la désillusion, comme la mer du bout du monde entourait les cartes antiques. Son métier butait sur la misère et ses amours sur l’abandon. Et si Bruno avait fini entre les lèvres de cette fille, c’est qu’elle s’était débrouillée pour que ça finisse ainsi. Souvent absente, rétive aux fantasmes trop exacerbés de cet homme qu’elle avait pourtant aimé avec passion, elle en avait fait le symbole de ses impasses. La certitude qu’elle détruisait ce qu’elle aimait.


« Allez ! Je vais pas me laisser abattre par des lèvres siliconées quand même ! »

Bercée par la trompette de Chet Baker qui perçait du salon, elle se laissa aller à la douceur du bain. Malgré leur séparation récente, elle avait encore besoin de retrouver dans son corps les plaisirs partagés, les caresses d’un homme explorant sa chevelure brune plaquée par l’eau. Elle se laissait envahir par les frissons du désir latent créé par le manque et la solitude brutale.

Soudaine envie de se détendre…


Ses mains passèrent sous l’eau pour effleurer son ventre, le bout des doigts mimant les lèvres masculines venues lui soulever l’épiderme.

Elle s’imaginait dans un jacuzzi luxueux, l’homme nu à ses côtés. Elle se laissait porter, le corps étendu dans l’eau, ses seins qui pointaient à la surface comme deux îles où la bouche de l’homme venait se reposer. Une main sous ses reins, il la soulevait pour la maintenir hors de l’eau. Oui, elle les voulait ses caresses, elle sentait son ventre effleurer ses hanches. Son autre main dessinait des arabesques sur ses épaules, la naissance de ses seins. Poussée par son désir, elle se voyait poser les mains sur la tête de l’homme pour la pousser entre ses cuisses entrouvertes. Sa main imitait dans la baignoire la descente de cette bouche qui maintenant effleurait son pubis soyeux. Elle ressentait fort dans ses muscles tendus les picotements du plaisir envahir ses sens maintenant enflammés. Elle ne voulait plus se contrôler, aller au bout de ses errances physiques. L’image de cette langue qui venait s’immiscer entre les lèvres de son sexe électrisait son imaginaire, l’incitait à plus de folies. Sa langue tournait autour de son bouton surgi, venait le titiller sensuellement. Il posait un doigt curieux à l’entrée de son sexe pour lui tourner autour, la pénétrer lentement. Son souffle s’accélérait, ses sensations enflaient, elle en voulait plus. Un doigt maintenant en elle, elle s’offrait au charnel, s’ouvrait à ses pulsions. Elle prenait maintenant en main le sexe de cet homme qui la léchait, elle le sentait battre entre ses doigts. Elle palpait ses bourses, elle l’apprivoisait pour mieux l’accaparer. Sur le ventre, elle cambrait maintenant les reins pour attirer ce sexe entre ses cuisses. Elle le sentait glisser, se frotter entre les lèvres humides et accueillantes de son puits en offrande. Ne pouvant plus attendre, elle prit en main ce pieu, exorciste de ses démons, et guida vers son orée.


La suite se fit toute seule. Derrière elle, il la prit d’un coup sec, les mains en éventail sur ses fesses et sur son ventre. Elle se cambrait sous l’assaut puissant de cet autre qui voulait la posséder. Ancré en elle, il la fouillait en caressant son intérieur d’un gland explorateur. Elle se voulait criante et affolée, ses hanches roulant autour de l’axe qui l’épuisait. Elle brisait ses barrières, ne voulait être qu’un volcan des sens. Il caressait ses seins et ses fesses, cherchant le plaisir offert dans tous ses va-et-vient. Il n’était que mouvements, que bruits des cuisses qui claquent contre ses fesses, il y avait dans l’air des fragrances de musc et d’ambre sauvages et entêtantes, des cris s’échappaient de chaque gorge comme une offrande à l’autre, des mains sublimaient les peaux, griffaient d’intensité son dos comme on s’accroche à la vie. Au bord de l’explosion, elle n’était qu’animale.


Par chaque muscle de son corps, elle absorba le moindre battement de ce sexe en elle, comme un trou noir aspirant les étoiles. Et soudain, immobile, elle s’exposa à l’extase, se laissa inonder par ce rugissement irrépressible qui l’envahit.


Quand elle ouvrit les yeux, ses membres tremblaient dans l’eau tiède. Elle voyait à peine ses jambes écartées, les pieds posés sur le rebord de la baignoire, ses deux doigts tétanisés en elle, son pouce frôlant encore son bouton exacerbé, encore à la recherche de vibrations sensibles, comme des ondes sur un lac après un ricochet.

Elle resta un long moment à l’écoute de son corps et du piano de Keith Jarret que la radio diffusait dans la pièce comme un écho harmonieux à ses émois.

Comme toujours quand elle s’offrait ces moments de détente onaniste, elle se sentait délicieusement essorée de ses tensions de la journée, mais confusément honteuse de ses gestes licencieux.

Elle se voyait avec ironie se caresser outrageusement en criant « Je veux un homme ! Je veux un homme ! »

« Eh, ma vieille, t’as vraiment besoin d’un homme ? Regarde-toi : t’es pas bien comme ça ? Laisse tomber l’affaire et profite de ton célibat ! »

Elle se força à sortir de l’eau, le corps engourdi en attente de sommeil, fit l’impasse sur sa toilette et s’effondra d’épuisement et de bien-être physique sur le lit accueillant.


Demain, elle s’achèterait un poisson rouge.