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Temps de lecture estimé : 38 mn
17/03/06
Résumé:  Le hasard fait se croiser la route d'une étudiante et d'un photographe. La suite de leur histoire appartient au destin...
Critères:  fh hplusag couple amour volupté cérébral revede fmast hmast fellation 69 ecriv_c
Auteur : Pablo & Mariane  (A 4 mains, nous mettons par écrit nos fantasmes)            Envoi mini-message

Concours : Concours "L'art"
Roman-Photo

Les doigts de Mariane volaient sur les touches de son saxophone tandis qu’elle montait la gamme. Depuis le temps qu’elle faisait de la musique, elle la connaissait par cœur, elle n’avait même plus besoin de réfléchir. Les notes se succédaient, monotones, alors que son professeur battait la mesure sur son pupitre avec une baguette en bois. Ses doigts travaillaient à la chaîne. Elle regardait rêveusement par la fenêtre et laissait divaguer son esprit. Il pleuvait aujourd’hui. Les gouttes d’eau s’écrasaient sur la vitre dans un rythme régulier. Dehors, la place était déserte.



Elle sursauta et son souffle se coupa net, donnant brutalement la mort à un sol dièse. Elle fit la grimace. Ses délicates oreilles ne pouvaient souffrir entendre un tel son ! Elle n’avait pas envie de travailler aujourd’hui, elle sentait déjà que son heure de cours allait lui paraître très longue…


(…)


La pluie avait ralenti son tempo, passant d’allegro à adagio. Pianissimo, le soleil fit son entrée en scène. La jeune fille ne résista pas plus longtemps. Elle déposa un instant sa boîte à instrument sur un banc public et, son parapluie fleuri à la main, sauta allègrement de flaque en flaque en chantant. Elle éclaboussait ses bottines et ses bas mais elle n’en avait cure, elle riait à gorge déployée. Elle ne s’était jamais autant amusée étant enfant. C’était incroyable qu’il faille attendre d’avoir 18 ans pour pouvoir enfin jouer à sa guise sous la pluie !


Derrière la vitrine d’un café, Pablo n’avait pas raté une seule seconde de ce remake de comédie musicale. Il avait été saisi par la vitalité de cette jeune fille qui quelques instants plus tôt sortait, d’un air un peu trop grave, du Conservatoire. Par instinct il avait sorti son reflex de son sac, avait choisi un téléobjectif et avait commencé à prendre quelques clichés en espérant que la vitre ne les gâche pas trop. Il se retourna pour avaler son café d’une gorgée avant qu’il ne refroidisse. Ses yeux se dirigèrent de nouveau vers l’extérieur : elle avait disparu…


(…)


Lorsque Pablo arriva chez lui il vit de la lumière filtrer sous la porte d’entrée. Julie devait être là. Il regrettait déjà d’avoir cédé à son caprice et de lui avoir donné une clef. Il aurait préféré rester seul ce soir, il était las, fatigué.


La chaleur de la pièce le prit à la gorge en entrant. Rien de surprenant quand il vit sa maîtresse avancer d’une démarche féline dans un déshabillé rouge. Elle tenait un verre de Martini à la main, ses seins lourds se balançaient au rythme de ses pas.



Il l’embrassa distraitement du bout des lèvres.



Elle fit la moue.



Elle colla son corps chaud contre celui de son amant. Déjà un mois… C’était bien la première fois qu’il gardait une fille aussi longtemps. À croire qu’il avait vieilli, qu’il était fatigué de courir derrière une paire de fesses pour la promesse d’une nuit d’amour et de réconfort dans des bras féminins. C’est l’apanage, dit-on, de tous les artistes. Et Pablo, le photographe, n’échappait pas au cliché, c’était le cas de le dire. D’origine latino-américaine, toutes les femmes qu’il rencontrait craquaient pour sa peau bronzée et sa barbe qui lui donnait un petit air bohême. Ses photos étaient régulièrement exposées dans de nombreuses galeries d’art et sa cote ne cessait de grimper. Il avait toujours autant de succès aussi bien auprès du public que des critiques, mais il commençait à se lasser de cette vie superficielle. Il rencontrait certes beaucoup de monde : des jeunes photographes qui lui donnaient la nostalgie de ses débuts, lorsqu’il avait galéré pour se faire une place au soleil ; les grands noms du métier, chez qui il retrouvait la même lassitude que celle qu’il vivait au quotidien ; et toute une cour de grands journalistes, critiques, admirateurs en tous genres, où il pouvait sans difficulté piocher ses conquêtes… C’est de là que venait Julie également. Mais aujourd’hui, il se sentait blasé, désabusé. Il savait qu’il avait besoin de renouveau, de renaissance, d’un nouveau printemps après un long hiver passé sous la glace. Mais il ne savait pas encore où le trouver.


Julie lui mordilla l’oreille tandis que sa main venait masser son sexe à travers son pantalon. Il prit de la vigueur, par habitude plus que par désir. Pablo ne résista pas et se laissa entraîner dans la chambre et là il la laissa lui faire l’amour machinalement, sans vraiment d’enthousiasme. Il devait toutefois bien reconnaître qu’elle savait se montrer très efficace, il avait presque envie d’ajouter « très professionnelle »… Elle eut vite fait de faire jaillir son sexe de son pantalon pour tout de suite le faire disparaître dans sa bouche. Sa langue, ses lèvres, entrèrent alors en action pour entretenir une érection plus que respectable. Les yeux clos, l’esprit de Pablo était ailleurs. Lorsqu’elle se redressa, il évita son baiser et s’empressa de l’allonger sur le lit pour s’agenouiller entre ses cuisses et lui rendre la caresse buccale qu’elle venait de lui prodiguer. Julie savait profiter des plaisirs de la chair et se déhanchait, gémissait au rythme de la langue de son amant. Il y a encore un mois il aurait donné le meilleur de lui-même pour entretenir son plaisir sur la crête d’une vague qui n’en finirait pas de déferler. Mais là, il se limita au strict minimum pour la faire jouir dans les règles de l’art. Il profita ensuite de sa période d’extase post-orgasmique pour la retourner sur le ventre, et s’allonger sur elle. Il ne voulait pas voir son visage. Il la prit alors avec délicatesse et entama de lents va-et-vient qui rallumèrent les braises dans le ventre de sa partenaire. Pablo, par contre, dut vraiment se concentrer pour jouir à son tour et éviter ainsi toute la batterie de questions qu’il préférait éviter. Pour une fois, il ne lui en voulut absolument pas de lui tourner le dos avant de s’endormir, comblée, satisfaite.


Pablo s’allongea sur le dos et se cala sur l’oreiller. Il n’avait pas besoin de ses yeux pour le voir dans la pénombre, il savait qu’il était là, en face, accroché au mur, il le connaissait par cœur. Il savait exactement où Monet avait appliqué la moindre touche de couleur. Nympheas… Il rêvait souvent à la quiétude de ce tableau. Il aurait aimé se fondre dans la toile, plonger son corps nu dans le bleu de cet étang, nager au milieu des couleurs. Peut-être qu’au loin, hors du cadre, des nymphes profitaient, elles aussi, de cet océan de pastels. Qu’elles pourraient du même coup profiter de sa nudité. Et peut-être viendraient-elles le rejoindre dans l’onde fraîche…


Il entendait une respiration calme près de lui et sentait la chaleur qui irradiait du corps tout proche du sien. Il pressentit qu’il ne pourrait s’endormir avant longtemps. Toujours nu, il se leva pour aller à sa chambre noire. Sur le pas de la porte, il jeta un coup d’œil en arrière. Julie était couverte d’un drap mais on devinait facilement les courbes de ses hanches, ses fesses, ses longues jambes de top model. Il ne comprenait pas vraiment ce qu’il faisait avec elle. Pas plus qu’avec toutes les autres, d’ailleurs… Elle avait un physique parfait mais il n’y avait jamais eu de sentiment, juste l’envie de s’abandonner, s’oublier quelques instants dans une étreinte charnelle. Une sorte de fuite en avant pour éviter de se retrouver seul et ne pas avoir à réfléchir sur la futilité de son existence.


Il développa rapidement ses pellicules de la fin d’après-midi et après un rapide examen des négatifs il choisit de faire quelques tirages papier. Sous la lueur rouge il travailla rapidement et avec précision, faisant passer les rectangles de papier blanc de bain en bain. La silhouette de la jeune musicienne se dessina peu à peu, presque timidement. Il se rendit compte qu’il n’avait pas cessé de penser à elle. C’est à cet instant précis qu’il décida de mettre fin à sa relation avec Julie.


(…)


Mariane se réveilla assez tôt, trop tôt pour un samedi en tous cas. Dehors, il faisait encore gris et elle serra son ours en peluche contre son cœur. Encore une triste journée en perspective où même les tonalités entraînantes d’une valse ne pourraient la libérer de sa mélancolie. Elle enfouit son pouce dans sa bouche après avoir soutenu son soupir durant au moins deux rondes. De l’autre main, elle pianotait d’un air impatient sur son oreiller. Qu’attendait-elle ? L’arrivée du soleil peut-être. Elle avait beau aimer la pluie, elle n’aimait pas le ciel gris. Mais il resta caché derrière un rideau de nuages taciturnes. Je n’ai pas envie de me lever… Je veux rester au chaud sous les draps… Elle se sentait bien, protégée. La chaleur de son nounours, au creux de son ventre, lui rappelait celle de Fred, son petit copain. Comme il lui manquait à cet instant précis… Elle s’était sentie bien déboussolée l’an dernier à la rentrée en débarquant à la fac de lettres. Rien à voir avec son lycée de campagne. Alors lorsque Fred l’avait abordée au restaurant universitaire elle s’était accrochée à lui comme à une bouée de sauvetage. Un étudiant de licence, ça aide pour s’y retrouver, même s’il venait de la fac de sciences. Par la suite ça avait été un jeu d’enfant pour lui de la draguer, la séduire, jusqu’à l’amener dans son lit. Mariane se sentait bien dans ses bras, et il savait lui donner du plaisir. Pourtant, elle n’aurait su dire pourquoi, elle restait toujours sur sa faim. L’amour, ça ne pouvait pas être que ça quand même. Elle avait bien tenté de lui en faire part, mais Fred, se méprenant sur ses mots, s’était alors senti obligé de mettre les bouchées doubles pour la satisfaire, comme s’il ne s’agissait que d’un exploit physique, une performance sportive. Elle n’avait plus insisté. Mais du coup, c’était justement lors de ses absences qu’elle se sentait le plus amoureuse. Lorsque, son nounours au creux de son ventre, ses mains au creux de ses cuisses, elle imaginait des étreintes remplies d’amour, de sensualité, de tendresse, de toutes ces choses qu’elle aspirait à partager avec un homme.


Les doigts de Mariane se glissèrent sous l’élastique de son pyjama, puis sous l’élastique de sa culotte. Elle rencontra rapidement la douce toison avec laquelle elle aimait jouer. La caresse de ses doigts lui faisait du bien, elle sentait son ventre se réchauffer, s’ouvrir comme une fleur au soleil. Elle effleura sa fente tout en descendant entre ses cuisses, loin, toujours plus loin, avant de remonter jusqu’à son bouton de plaisir. Elle recommença plusieurs fois, s’enfonçant toujours plus loin dans sa grotte d’amour, jusqu’à la sentir bien onctueuse. Elle ôta alors pyjama et culotte pour s’allonger sur le ventre et coincer son oreiller entre ses cuisses. Elle enlaça son ours en peluche et yeux clos, elle imagina une étreinte avec un bel inconnu, sans visage, sorti tout droit de ses rêves d’adolescente. Depuis qu’elle était avec Fred elle avait bien essayé de l’inclure dans ses étreintes imaginaires, mais la magie ne fonctionnait pas. Après quelques temps de culpabilité elle s’était fait à l’idée de partager son cœur entre amant irréel et un p’tit copain par ailleurs très gentil, même si elle trouvait qu’il avait trop tendance à partir le week-end, pour retrouver ses parents ou pour partir en virée avec ses potes.


Le plaisir s’intensifiait. Mariane soupirait, ses hanches ondulaient la délivrance approchait. Comme c’était délicieux de chevaucher ce mystérieux inconnu, de le sentir là, entre ses cuisses, dans sa fente… Ses doigts s’activaient sous son ventre, juste sur son clitoris, lui procurant un plaisir bien plus délicieux que lorsqu’elle se doigtait. Dans un dernier sursaut elle poussa un ultime râle de volupté et son corps s’abandonna à l’orgasme. Elle garda les cuisses bien serrées sur l’oreiller pour le prolonger le plus longtemps possible, tandis que des tremblements incontrôlés parcourraient son corps. Puis elle se relâcha, se détendit complètement, et laissa le sommeil l’emporter à nouveau dans un univers moins gris que cette journée.


Lorsqu’elle se réveilla de nouveau il était tard, mais le temps toujours aussi gris. Elle se fit violence pour se lever, repoussa les couvertures et sauta de son lit. Dans sa minuscule chambre d’étudiante, deux pas lui suffisaient pour arriver devant le grand miroir qu’elle avait placé au-dessus de son évier, pour donner plus de luminosité et d’espace à la pièce.


Mariane fit la grimace en voyant le visage face à elle, comme s’il appartenait à une personne étrangère et pourtant si familière. Ses cheveux assez courts étaient tout ébouriffés. Elle avait un point noir sur le menton et des petits cernes sous ses yeux. Elle s’aspergea d’eau fraîche et jeta de nouveau un coup d’œil rapide dans la glace. Mouais, c’était pas encore ça… Mais ça irait pour aujourd’hui. Elle n’avait pas de rendez-vous galant, Fred étant rentré chez lui pour le week-end. Elle regretta de ne pas avoir fait la même chose en entendant le souffle plaintif du vent. Elle vit les feuilles mortes valser avant de se coucher sur le trottoir, attendant un regain de vigueur de leur partenaire pour se remettre à danser. Si je ne sors pas de cette chambre, je suis bonne pour la déprime, se disait la jeune étudiante. Elle décida donc d’aller profiter du grand air au parc du centre ville. Elle pourrait ensuite se réchauffer avec un chocolat chaud au troquet du coin de la rue du Conservatoire. Avec un peu de chance, se disait elle, une averse lui permettrait de laisser noyer son esprit dans un grand verre d’eau de pluie, et le chemin lui paraîtrait plus court…


Le long du trajet, chacun de ses pas raisonnait sur le bitume. L’averse tant désirée la surprit une fois dans le parc et c’est trempée, des mèches de cheveux en bataille collées sur le visage qu’elle poussa la porte du café. Les gens dévisagèrent le temps d’une demi-pause son expression étrangement radieuse et se replongèrent dans leurs journaux ou leurs discussions. Elle alla s’asseoir dans un coin sur la pointe des pieds et passa commande. Au bout de quelques minutes, on lui apporta un chocolat bouillant et un croissant frais bien chaud qui fondait sous la langue et réchauffait le cœur. Son nez huma le délicat parfum et elle porta la tasse à ses lèvres pour la première gorgée. Lorsqu’elle releva les yeux, un homme s’était installé en face d’elle et lui souriait. Elle fronça les sourcils.



La musique de son rire s’éleva dans la pièce. Il attrapa la serviette en papier et essuya le contour de sa bouche d’un geste amical, presque paternel.



Elle esquissa un sourire timide avant de retrouver complètement ses esprits. Il ne lui laissa pas le temps de demander d’explications sur sa présence.



Elle secoua énergiquement la tête la tête de droite à gauche, ne comprenant pas vraiment ce que désirait ce quadragénaire inconnu. Pablo ressentit un petite pique dans son ego, il n’était plus habitué à être un personnage anonyme. Cependant il poursuivit.




Elle rougissait sous les compliments, mais sans pouvoir s’ôter de l’esprit que cet homme devait être une sorte de pervers ou un très mauvais dragueur qui de toute façon, était bien trop vieux pour elle. Et puis, elle était déjà prise. Elle se leva mais il la retint par le bras. Le rythme des battements de son cœur s’accéléra.



Son regard rencontra les yeux vert-noisette du photographe. Elle hésitait. Finalement elle se rassit et écouta la suite.


(…)


Le ciel était cendré et essuyait ses dernières larmes. Mariane marchait en équilibriste sur le bord d’un bassin dans lequel nageaient des poissons rouges. Elle se servait de son parapluie comme balancier. Le vent venait gonfler sa jupe et elle riait à pleine dent en plaquant sa main dessus telle Marilyne Monroe. Pablo mitraillait la scène tel un paparazzi. Un peu embarrassée au début, l’étudiante avait finalement réussi à oublier l’objectif indiscret et encore une fois, elle était en quelque sorte retombée en enfance. Ses joues étaient rougies par le froid, la rendant encore plus pure et plus belle. Ils semblaient seuls au monde. Le parc du centre ville, très fréquenté lorsque les fleurs coloraient l’endroit, était totalement abandonné une fois que leurs pétales bleus ou rouges vifs avaient fait place à la palette de jaunes, ocres et marron de la fin de l’année.


Bien qu’il n’eut pas apparu de la journée, on se rendit tout de même compte que le soleil était parti, quand, à la fin du jour, les lumières artificielles des lampadaires prirent la relève. C’est alors qu’ils interrompirent la séance.



Mariane lui répondit par un sourire. Elle avait presque regretté qu’ils arrêtent tellement elle s’était bien amusée. Pablo n’était pas le style de photographes à parler sans arrêt pour lui dire quoi faire ou comment se mettre. Il plantait simplement le décor en début de séquence pour lui expliquer le sentiment, l’expression, la situation qu’il cherchait à mettre en valeur, et il laissait libre cours à la jeune fille pour interpréter ses paroles et les mettre en scène. Il ne faisait aucun commentaire sur sa prestation, ce qui déstabilisait quelque peu son caractère encore assez marqué de « bonne-élève-première-de-la-classe » et titillait sa curiosité. Elle fut donc doublement heureuse que Pablo lui propose de l’accompagner. Elle pourrait satisfaire sa curiosité d’une part, et prolonger ce moment de complicité si particulière d’autre part.


(…)


L’appartement de Pablo était grand, moderne, très design. Des meubles aux lignes épurées, de grands murs clairs, ça et là quelques photos, et rendu très clair par les grandes baies vitrées et un éclairage judicieusement choisi.



Elle ne releva pas la remarque et admira les volumes de la pièce.



Un sourire, mi-coquin, mi-amusé éclaira le visage de la jeune fille.



L’homme disparut dans la chambre noire et Mariane décida de faire le tour de l’appartement. Sur tous les murs recouverts d’un papier peint clair, étaient accrochées des photos soigneusement encadrées et mises en valeur. Des paysages, des compositions, mais aussi des hommes ou des femmes, posant comme elle l’avait fait un peu plus tôt, ou pris sur le fait dans un instantané de leur vie. Elle hésita un peu avant de pénétrer dans sa chambre mais finalement elle se décida. Elle pouvait faire comme chez elle après tout… Là, les murs étaient nus à l’exception de celui en face d’un immense lit. Un tableau signé Monet, qu’elle ne connaissait pas. Elle le regarda d’abord rapidement. Puis ses yeux s’accrochèrent aux détails et tout son esprit plongea dans l’étang irisé de nénuphars. Elle s’allongea sur le lit, essayant d’imaginer ce que ressentait Pablo en face d’un tel chef-d’œuvre. Ce devait être la plus belle vue que l’on puisse espérer à son réveil. Elle se laissa emporter dans ses rêveries et se vit en nymphe qui baignait son corps parfait de déesse à la peau laiteuse dans cette onde immobile. Sans s’en rendre compte, elle laissa sa main errer par-dessus ses vêtements, sur son ventre, ses seins, ses cuisses. Elles allaient se glisser sous sa jupe, lorsqu’une musique grave parvint à ses oreilles. Elle fredonna cette mélodie monotone dont elle ne comprenait pas la signification.



Elle comprit soudain qu’il s’agissait de la voix de Pablo et stoppa net le cours de ses pensées, se redressant en sursaut.



Pablo haussa un sourcil. C’était bien la première fois que quelqu’un d’autre que lui ressentait quelque chose de particulier face à ce tableau. Pourtant elles avaient été nombreuses à se succéder ici… Toutefois il ne fit pas part de ses réflexions à Mariane.



Il allait répondre, mais il arrêta à temps le flot de ses paroles concernant quelques pensées inavouables. C’était étrange, avec cette jeune fille, il avait l’impression que rien de pouvait le retenir. C’était comme Nymphéas, elle l’amenait dans ce pays des merveilles dans lequel il aurait aimé se perdre, s’abandonner. Oui… S’abandonner dans son corps, dans ses bras, s’enivrer d’elle et ne plus jamais retrouver son chemin vers la réalité. Voilà l’une de ces pensées qui l’avait envahi dernièrement, pas plus tard que la nuit dernière même.



Elle se pinça les lèvres et rougis jusqu’aux oreilles, comme une petite fille prise avec la main dans le pot de bonbons.



Cette remarque ne put qu’accentuer le rouge aux joues de Mariane. Quelle honte, elle s’était donnée en spectacle, qu’est ce qu’il allait donc penser d’elle. Elle se leva d’un bond pour sortir précipitamment de la chambre, bien décidée à partir pour ne jamais revenir. Mais il lui prit la main au passage et sans prêter attention à ses timides protestations il l’entraîna à sa suite, comme une enfant.



La chambre noire était normalement éclairée maintenant. Il avait fait des 20-30, en noir et blanc, comme toutes les photos que Mariane avait vues aux murs de l’appartement. Elle n’était pas habituée à ce style, elle leur trouvait donc un air désuet dont le charme ne la laissait pas insensible. Elle s’avança dans la pièce, Pablo derrière lui.



Les photos séchaient encore, pendues à un fil. Et sur toutes, Mariane se voyait dans les différentes séquences qu’ils avaient montées dans l’après-midi. C’était elle certes, aucun doute possible, mais pourtant elle avait du mal à se reconnaître. Il y avait là quelque chose d’indéfinissable qu’elle n’avait jamais vu sur les photos de famille qu’on pouvait faire d’elle. Elle avait la sensation de voir son âme mise à nue, que cet homme avait réussi à mettre au grand jour quelque chose d’enfoui au plus profond d’elle-même. Elle resta muette d’admiration et se contenta d’esquisser un petit hochement de tête.



Il posa sa main sur son épaule, d’un geste paternel et amoureux à la fois.



Elle se retourna et se hissant sur la pointe des pieds :



Son visage n’avait jamais été aussi proche du sien.



Elle avait lancé cette phrase sur un ton, moitié provocation et allumeuse, moitié innocence et naïveté. Pablo ne savait pas vraiment ce qu’il devait en penser, mais son corps fut traversé par un délicieux frisson et son sexe commença à prendre un certain volume.



Elle se recula aussitôt, légèrement effrayée, prenant conscience de l’ambiguïté de la situation.



(…)


Mariane n’avait pas hésité longtemps avant d’accepter. Quand elle s’était rendu compte, à l’adolescence, des transformations de son corps, elle avait rangé dans un coin du grenier sa robe rose bonbon de princesse, sa couronne et le prince charmant qui allait avec, et les avait remplacés par une impressionnante collection de dessous multiformes et multicolores. Comme pour beaucoup d’adolescentes, ses défilés se déroulaient dans sa chambre avec elle seule pour témoin. Bien sûr, elle savait qu’il n’était pas sans risque d’aller faire ce genre de photos chez cet homme qu’elle connaissait à peine, juste elle et lui dans un studio photo… Mais l’idée que son visage, son expression, son corps ne le laissaient pas indifférent lui plaisait bien. Elle avait bien remarqué cette lueur dans ses yeux dans la chambre noire. Une lueur qu’elle aurait bien aimé retrouver chez Fred d’ailleurs. Mais comme pour d’autres choses, c’était peine perdue. Beaucoup d’autres choses d’ailleurs, commençait-elle à penser. Elle aurait pu attendre son retour pour lui parler de son aventure mais… quelque part elle ne voulait pas courir le risque d’un refus ou une scène de sa part.


Dès dimanche après-midi, elle se présenta chez l’artiste avec sa panoplie d’étudiante coquine. Il l’accueillit toujours aussi souriant, lui indiqua le studio et lui proposa la salle de bain comme loge d’artiste.


Elle choisit un ensemble en dentelle blanche d’apparence très sage et qui pourtant laissait voir beaucoup de choses d’ordinaire cachées. Elle se déshabilla lentement, regardant son corps dans un miroir. Elle imaginait quel pourrait être le regard de Pablo. Regard d’un photographe ou tout simplement d’un homme ? Elle fut soudain envahie par une bouffée de pudeur et mit longtemps avant de se décider à sortir.


L’homme avait préparé son matériel. Posant à peine les yeux sur elle, il lui demanda de le suivre et commença à lui donner les premières explications. Elle se vexa malgré elle. Sans aller jusqu’à lui sauter dessus, elle aurait espéré qu’il la trouve tout de même un peu désirable. Un lit était installé au milieu du studio. Elle s’y assit d’un air boudeur. Sans prévenir, l’éclat des flashes l’éblouit durant une fraction de seconde.



Elle lui tira la langue avec malice et une nouvelle fois, une lumière éclatante l’aveugla tandis qu’un rire chantant inondait ses oreilles. Elle se laissa tomber à la renverse sur le matelas en souriant.



En suivant les indications de Pablo elle s’allongea sur le ventre, bras croisés sous le menton, la mine songeuse. Il fit démarrer sur la platine CD les quatre saisons de Vivaldi et lui demanda simplement de se laisser peu à peu pénétrer par la musique et son ambiance, d’oublier sa présence, pour laisser simplement guider par les sensations que la musique lui inspirait. Comme la veille, elle eut du mal dans un premier temps à oublier la présence de Pablo, et ses gestes restaient empruntés. Le photographe se déplaçait lentement autour du lit, cherchant le meilleur angle de vue, jouant avec la lumière, tantôt l’augmentant, tantôt la diminuant, très discret. Et tout comme la veille, Mariane se laissa aller peu à peu, dévoilant à l’artiste ce qu’il désirait trouver en elle.


Elle était maintenant langoureusement étendue, les mesures du quatrième mouvement, l’été vivaldien, inondaient la pièce. Yeux clos, sa main caressait négligemment ses hanches, son ventre, sa cuisse… Pablo avait vu sa jeune modèle passer de la mise en sommeil de l’automne à la léthargie de l’hiver, avant de la voir revenir à la vie avec le printemps. À n’en pas douter son esprit était très loin d’ici maintenant, et toute la vitalité de sa jeunesse éclatait sous ses yeux. En début de séance il était resté parfaitement professionnel et soigné ses prises de vue, mais il avait maintenant du mal à dissimuler son trouble. Il émanait de cette jeune fille une sensualité irrésistible, il avait envie d’en voir plus, de connaître par cœur la mélodie des courbes de son corps. Son cœur tapait fort dans sa poitrine. Il avait chaud et la pensée de se dénuder lui aussi lui traversa l’esprit. Elle avait fermé les yeux. Elle ressemblait à une belle au bois dormant provocante et sulfureuse qu’il aurait aimé réveiller par un baiser…plusieurs baisers et des caresses…en lui faisant l’amour dans son sommeil et remplir son esprit des rêves les plus doux.


Le silence suivit les dernières mesures de la mélodie. Elle ne bougeait pas. Il se rapprocha d’elle et effleura sa cuisse du bout des doigts. Il la sentit frissonner et ses paupières se soulevèrent alors qu’elle s’étirait à la manière d’un chat qui se réveille.



Mariane ne répondit pas, se contentant de rougir en baissant les yeux. Elle était redevenue la jeune étudiante, timide, et troublée par les compliments de cet homme qui la laissait de moins en moins insensible.



Elle ne détourna pas les yeux. Elle ne pouvait pas vraiment dire que cette proposition l’étonnait. Elle y avait songé depuis la veille elle aussi, préparant ses arguments pour refuser tout en restant polie. Mais à l’instant présent, tout ce qu’elle voyait, c’était cette petite lueur dans le regard du photographe… À moins que ce fut tout simplement dans le regard de l’Homme… Elle resta toutefois muette. Pablo poursuivit



Et sa main glissa sur son épaule et fit glisser la bretelle de son soutien-gorge. Le passage du vouvoiement au tutoiement n’avait pas échappé à la jeune fille. Avec le geste qui avait suivi, elle ne pouvait ignorer qu’elle s’engageait sur un terrain hautement glissant. Elle se laissa pourtant faire, appréciant la caresse de ses doigts fins sur sa peau, ces doigts qui semblaient dégager de l’énergie, qui laissaient une trace brûlante sur leur passage, et qui pourtant la faisaient frissonner. Sans dire un mot elle se leva et alla récupérer le CD sur la platine. Puis elle sortit de la pièce, son regard l’invitant à la suivre. Il laissa tout son matériel pour n’emporter que son Leica. Il comprit rapidement qu’elle allait vers la chambre. Une fois arrivés, il s’assit sur le lit tandis qu’elle lançait à nouveau la musique. Elle vint s’asseoir près de lui en lui tournant le dos. Pablo dégrafa délicatement le vêtement. Puis elle s’allongea sur le ventre, dans la même position que tout à l’heure, pour cette fois-ci l’inviter à la débarrasser de ce qui lui restait de dentelle. Il suivit la colonne vertébrale, ses doigts s’accrochèrent à l’élastique et l’entraînèrent jusqu’à ce qu’elle se retrouve nue comme au premier jour… Nue comme une déesse antique… Nue comme une nymphe toute prête à jaillir du tableau, toujours accroché au mur…


Le photographe s’éloigna de quelques pas et commença à figer les scènes qui se succédaient. La magie de la musique reprenait ses droits, cette fois-ci associée à celle du tableau. Les poses s’enchaînaient naturellement, tantôt pudiques, enveloppant son corps dans un drap pour ne laisser voir que certains détails ; tantôt totalement impudique pour ne plus rien lui cacher. Ses yeux n’arrivaient pas à se détacher de ce jeune corps. Sans le flash, Mariane entendait simplement au loin les déclics de l’appareil qui se succédaient, et sentait le regard qui glissait sur sa peau comme une délicieuse caresse. Elle savait maintenant qu’il s’agissait du regard de l’homme, et non plus celui du photographe. La mélodie de Vivaldi chantait dan son cœur. Son corps vibrait au diapason, se laissant inonder de désir comme les plantes renaissent à la vie avec la sève. Son ventre la brûlait, ses tétons se redressaient fièrement, impudiques. Elle aurait aimé qu’il l’entoure de ses bras, qu’il la recouvre de son corps. Elle se sentait fondre délicieusement, c’était insoutenable… Dans un dernier tableau, elle se retrouva allongée sur le ventre, les mains entre ses cuisses, et l’orgasme la ravagea alors que l’été resplendissait de mille feux. Mais cette fois-ci, l’inconnu qui peuplait ses rêves inconfessables avait un visage qu’elle ne connaissait que trop bien…


La musique se tut. Pablo lui aussi sortit de son rêve éveillé. Il se rendit compte qu’il avait consommé une quantité impressionnante de rouleaux et pourtant il n’en avait pas un très clair souvenir. Mariane ne dit pas un mot, une certaine gêne était apparue. Elle s’entoura d’un drap et sortit en silence vers la salle de bain.


Pablo l’attendait dans le salon, sur le canapé. Elle préféra s’installer face à lui, sur le fauteuil. Ses genoux remontés sous le menton, ses bras entourant ses jambes, elle l’observait, songeuse. Ce fut lui qui brisa le silence.



Après un bref silence elle poursuivit



Sur ces derniers mots elle lui jeta un coussin à la figure pour essayer de dérider l’ambiance. Il se prit au jeu et le chahut qui s’en suivit leur permit de faire disparaître la gravité du moment. Ce fut Pablo qui reprit le dialogue



Ils partirent tous deux d’un grand éclat de rire.



Il haussa les épaules.



Elle acquiesça d’un signe de tête. Il ne poursuivit pas plus loin son interrogatoire comme si cette révélation avait détruit tous ses espoirs. Bien sûr qu’elle avait un copain. Une jeune et jolie fille ne pouvait pas rester seule bien longtemps.



Ils rirent de bon cœur. Elle aimait son rire et son sourire, il semblait plus jeune dans ces moments-là.



Mariane se tut un instant, avant de reprendre.



C’est à ce moment-là que tout aurait pu basculer. Le double sens des dernières phrases de Mariane n’échappa pas à Pablo. Il aurait voulu qu’elle reste pour la nuit. Elle aurait voulu dormir avec lui, l’inviter à visiter sa minuscule chambre où le peu d’espace les aurait obligés à rester collés l’un à l’autre. Mais aucun n’osa sauter dans le vide et avouer ses sentiments Les adieux furent difficiles et ils se séparèrent en s’embrassant sagement sur la joue.


(…)


Les feuilles verdissaient. Les premières fleurs distillaient leur parfum dans l’air frais de ce début de printemps. Les beaux jours étaient de retour. Depuis combien de temps ne l’avait-elle pas vu ? Elle avait longtemps espéré qu’il insisterait pour la revoir. Elle avait eu beaucoup de travail à la fac, n’avait jamais eu de nouvelles. Mais elle ne pouvait oublier son visage, chasser son image, ignorer le plaisir qu’elle avait ressenti au simple contact de ses doigts. Elle avait quitté Fred deux semaines après les séances photos, quand elle s’était rendu compte qu’elle ne supportait plus de coucher avec lui en pensant à un autre homme ; en étant amoureuse d’un autre homme.


Elle regarda le ciel bleu dans lequel les fils téléphoniques et électriques ressemblaient à des portées musicales vides. Il manquait quelques notes pour les combler. Il lui manquait Pablo pour la combler et écrire sa mélodie du bonheur. Elle courut jusqu’au parc et s’arrêta à bout de souffle près du bassin. C’était comme s’ils s’étaient donnés rendez-vous et qu’elle était arrivée trop tard, il ne l’avait pas attendue. Encore une fois, elle se rappela avec nostalgie les moindres moments passés à ses côtés, son imagination venant de temps en temps y mettre son grain de sel pour rendre ses souvenirs encore plus savoureux. Elle s’assit sur l’herbe grasse et ses yeux se portèrent sur la surface de l’eau claire, ridée par une brise légère. C’était la réplique exacte du tableau de Monet qu’elle avait découvert dans la chambre du photographe. Sa chambre… Elle rêvait souvent qu’elle s’y trouvait de nouveau. Il faisait noir et elle posait nue, sur le lit. Mais Pablo ne prenait jamais de photos. Il était nu lui aussi et venait s’allonger à ses côtés. Elle sentait son sexe dur qui lui brûlait les cuisses et ses lèvres qui glissaient sur son corps tandis qu’un flot de sensations plus exquises les unes que les autres se répandaient dans ses veines. Elle savait qu’elle n’avait besoin de rien d’autre pour jouir. Elle sentait une vague de plaisir grandir dans son ventre. Et c’était toujours à ce moment là qu’elle se réveillait, l’entrejambe trempé et affamé, espérant qu’on vienne le rassasier. Elle ne résistait jamais longtemps avant de glisser sa main dans sa culotte et d’introduire directement deux doigts dans son intimité. Elle cherchait rarement à faire durer son plaisir, voulant avant tout apaiser son désir, et jouissait en hurlant son bonheur. Son cri se terminait toujours par le murmure du prénom de cet homme avec lequel elle désirait tant faire l’amour. Elle regrettait de ne pas être retourné à son appartement plus tôt. Mais pourquoi donc n’avait-il pas compris qu’elle ne pouvait pas faire le premier pas et lui sauter au cou ? Un séducteur comme lui aurait dû savoir qu’une fille comme elle n’oserait jamais dire oui. Tout aurait été tellement différent… Mais maintenant il était trop tard. Lorsqu’elle s’était enfin décidée à repasser l’appartement était vide. Parti sans laisser d’adresse… Et maintenant, il l’avait sans doute oubliée comme on oublie une conquête facile.


Cette semaine-là, en ressortant du Conservatoire, elle vit une affichette placardée sur un panneau. Ça concernait une expo d’un certain photographe au nom à consonance latine à Paris dans une semaine. Ça l’intrigua. Cette affichette n’avait rien à faire à cet endroit, ce ne pouvait pas être un hasard. Rien ne prouvait que ce fût bien de Pablo qu’il s’agissait, mais elle n’hésita pas même une seconde. Elle savait maintenant qu’elle ne pouvait pas prendre le risque de passer à côté de sa chance une deuxième fois. Elle voulait tant le revoir.


(…)


Mariane avait passé une bonne heure devant sa pourtant modeste garde robe pour choisir la tenue appropriée. Le temps pressait, elle allait rater son train. Elle opta finalement pour une jupe rouge assez courte et un t-shirt noir satiné à manches longues.



Plus la capitale était proche, plus elle se sentait à la fois nerveuse et excitée. Tu es complètement folle ma pauvre fille. C’est sans doute même pas lui. Et même si c’était lui qu’est ce que tu espères ? Tu vas le trouver avec une autre pétasse à son bras, sans compter toutes celles qui vont lui tourner autour. Des nanas qui n’auront pas d’états d’âmes pour lui faire du rentre-dedans jusqu’à l’avoir dans leur lit. T’es pas faite pour ce monde, tout ce que tu vas gagner c’est de te couvrir de ridicule devant tout le monde. Mais une autre petite voix faisait revenir à son souvenir toute l’attention dont il avait fait preuve à son égard, cette lueur dans son regard, leur osmose au sujet du tableau… Ce ne pouvait pas être par hasard. Il ressentait comme elle, elle ressentait comme lui. À chaque fois qu’elle y repensait le désir renaissait entre ses cuisses. Elle se leva plusieurs fois pour aller aux toilettes, où, elle baissait sa culotte jusqu’à mi-cuisse, enduisait son pouce de son liquide parfumé et titillait son clitoris alors que son index pénétrait son vagin. Elle jouit ainsi plusieurs fois, mais elle n’en avait jamais assez. Elle imaginait que Pablo l’avait suivie et qu’il la prenait sauvagement dans les toilettes pour assouvir leurs besoins bestiaux. De nouveau assise sur son siège, il lui suffisait de croiser les jambes pour raviver la flamme de son désir.


(…)


Le photographe était entouré d’hommes et de femmes passionnés auxquels il essayait d’expliquer son travail. L’exposition était divisée en plusieurs parties, dont Automne et Femmes. Il s’efforçait de sourire à tous ces gens, mais il les trouvait sans intérêt, surtout ces critiques d’art qui avait la prétention insensée de trouver un sens à chacun des clichés, comme s’ils avaient pu lire dans son esprit, connaître la moindre parcelle de son cœur. Que disaient-ils à propos des nus de Mariane ? La jeunesse mise à nu. Quelle bande d’abrutis… Ils ne remarquaient que son jeune âge alors que Pablo y avait vu le corps avide d’amour d’une étudiante à l’aube de sa vie de femme, une femme cherchant désespérément quelque chose qu’elle ne trouvait pas, cherchant un sens à la vie, aux plaisirs de la chair… Bref, cherchant l’amour, ce qui distingue l’être humain de l’animal. Une jeune fille qui ne niait pas posséder un corps et qui voulait profiter des plaisirs qu’il pouvait lui procurer, mais pas à n’importe quel prix. Mais alors, pourquoi n’en avaient-ils pas profités ?


Il avait passé de nombreuses soirées à fantasmer sur elle. Soirées en solitaire, il n’était plus capable de supporter une femme dans son lit. Il regardait les photos où elle lui dévoilait son corps. Il en avait affiché certaines dans sa chambre et en amenait avec lui à chacun de ses déplacements. La voir, même si ce n’était que sur un tout petit bout de papier, le rendait heureux, comme si c’était la promesse qu’il se réveillerait et la retrouverait en chair et en os, blottie tout contre lui. Un rêve insensé. Il avait essayé de déménager pour laisser son souvenir derrière lui, mais rien à faire. Il revoyait le galbe de ses fesses, le contour de ses lèvres, ses petits tétons dressés fièrement comme deux bourgeons précoces. Il se souvenait de la douceur de sa peau, de son parfum et à chaque fois, son sexe gonflait du contenu érotique de toutes ces images. Il le prenait dans sa main, c’était sa bouche, son antre chaud et onctueux, et entamait des va-et-vient de plus en plus rapides en murmurant son prénom. Il rêvait que ses mains le caressaient tantôt largo, tantôt allegro. Ses soupirs allaient crescendo. Ses doigts pianotaient sur son corps pour jouer la mélodie du plaisir jusqu’à atteindre le point d’orgue de l’orgasme. Et là, de la lave blanchâtre se déversait de son volcan de chair.


Une rumeur sourde qui s’amplifiait de plus en plus lui fit tourner la tête. Un groupe s’était formé à l’entrée du bâtiment, il n’arrivait pas à voir pourquoi. Mais un étrange pressentiment le poussa à se rapprocher. Il resta un long moment bouche bée en apercevant la jeune fille au centre de ce cercle de curieux. Il ne pouvait croire que ce fût elle. Sa respiration s’accéléra. Les battements de son cœur se firent de plus en plus rapides. Mariane n’avait pas changé. Toujours ce rouge aux joues, témoin de sa gêne et de sa timidité. Elle essayait de se frayer un chemin parmi ces gens qui l’avaient reconnue et qui l’assaillaient de questions indiscrètes. Pablo vola à son secours. Il lui attrapa la main et la tira de ce sable mouvant humain. Il l’entraîna dans une autre salle dont il ferma la porte à double tour sous les murmures de la foule.


Ils se regardaient face à face, sans savoir quoi dire.



Il sourit.



La fenêtre donnait sur une ruelle à l’extérieur. Il l’enjamba et lui fit signe de le suivre. Elle n’hésita pas une seule seconde. Ils coururent main dans la main sur le pavé comme deux adolescents, deux amants clandestins qui fuyaient une épouse légitime en fureur. Ils s’arrêtèrent à bout de souffle devant un porche. Il ouvrit, ils traversèrent jusqu’à la cour, puis il l’entraîna dans un étroit ascenseur d’époque.


Durant la montée, Pablo ne résista pas à l’envie de l’embrasser et, sans qu’elle s’y attende, elle colla ses lèvres contre les siennes. Il avait retenu la leçon de leur dernière rencontre… « Ne me demandez pas mon consentement pour agir. Vous risqueriez de ne jamais l’avoir. Et par la suite, nous le regretterions tous les deux »… Sa bouche était douce et humide. Il l’enlaça pour unir leur corps, sa langue souple s’introduisit entre ses lèvres et chercha la sienne pour l’entraîner dans une danse passionnée. Son corps de gamine paraissait frêle et fragile dans ses bras virils ; il aimait se sentir à la fois mâle puissant et prince charmant protecteur.


Une fois la porte de l’appartement fermée derrière eux il la prit dans ses bras pour la porter jusqu’à sa chambre. Elle repéra immédiatement le tableau, à sa place, face au lit. Elle ne pouvait espérer plus merveilleuse nuit d’amour. Il la posa sur le lit et elle se laissa tomber à la renverse en riant. Pablo s’agenouilla sur le sol et entreprit de la déshabiller comme une poupée. Il retira ses chaussures, déposa un baiser sur chaque doigt de pied ce qui lui procurait de délicieuses chatouilles. Ses mains remontèrent sur ses jambes douces et firent glisser la culotte. Elle était imprégnée de nectar odorant et il s’enivra de son parfum avant de la jeter dans un coin de la pièce. Il embrassa ses genoux, vint s’installer sur le lit à ses côtés pour lui retirer son t-shirt. Sa poitrine se soulevait calmement. Il l’embrassa dans le cou, ôta son soutien-gorge et embrassa ses seins dont les tétons se redressèrent immédiatement. Elle soupira faiblement, comme si elle tentait de contenir son plaisir. Les mains de Pablo descendirent sur son ventre plat. Son index s’amusa un instant avec son nombril et continua son périple sous l’élastique de la jupe. Il sentit bientôt la douceur de sa toison. La jupe vola au loin. Elle se retrouva de nouveau entièrement nue devant lui, mais cette fois, elle était sûre qu’il la voyait avec des yeux d’homme tant son regard était lumineux.


Pablo se déshabilla et dès qu’il s’étendit sur le matelas, Mariane le couvrit de tout son être. Son sexe aussi dur qu’une barre d’acier frottait contre ses cuisses et la faisait agréablement souffrir. Elle essayait de résister à l’envie de le sentir tout de suite en elle, que cet épieu de chair pénètre dans son corps, la blessant de toute sa douceur. Ses lèvres prirent celles de l’homme. Elle sentit sa main douce mais virile caresser ses cheveux, puis peser sur sa nuque comme s’il voulait que leur baiser soit éternel. Il la laissa pour parcourir avidement son dos, suivre le sillon de ses fesses jusqu’à atteindre son petit orifice secret. Il sentait sa respiration s’accélérer. Il prit ses fesses à pleine main et les pelota comme un adolescent qui touche pour la première fois un corps féminin. Dans sa bouche, la langue de l’étudiante devenait plus fougueuse, il savait qu’elle n’allait pas tarder à le supplier de la prendre. D’ailleurs il sentait depuis déjà longtemps l’onctueux ruissellement témoin de son désir qui s’écoulait de son ventre. Par un rapide mouvement de reins, il se retrouva sur elle. Son sexe aussi lui faisait mal d’impatience de se glisser dans ce fourreau onctueux. Mais il voulait faire durer encore un peu cette délicieuse torture pour tous deux. Les hanches de la jeune fille commençaient à onduler. Il était heureux de voir combien elle avait envie de lui. Il lui chuchotait des mots tendres, lui disant combien elle était belle, combien il regrettait d’avoir tant attendu. Elle s’apaisa quelque peu. Mais quand la bouche de Pablo se posa délicatement sur ses seins, les léchant et les suçant comme la plus exquise des friandises, son excitation revint à son zénith. Elle ouvrit les cuisses en grand, l’appelant pour qu’il vienne la combler. Son sexe la pénétra doucement tandis que sa langue pénétrait sa bouche. Elle étouffa un long gémissement de volupté. Ses ongles s’enfoncèrent dans le dos de son amant. Ses va-et-vient étaient tendres et lents. Lui aussi s’était mis à soupirer. Ils ne se retinrent pas de jouir, heureux d’avoir enfin connu ce plaisir tant attendu. Il resta longtemps en elle, à contempler son visage, à l’embrasser. Puis il bascula sur le côté et elle vint se blottir contre lui.


Elle plaça sa tête au creux de son épaule et sa main caressait négligemment son torse doré. Elle pianotait sur sa peau, titillait ses tétons. Son membre retrouva rapidement sa vigueur. Elle le prit tout d’abord dans sa main et il ferma les yeux, lui faisant comprendre qu’il avait décidé de se laisser faire, comme un pacha. Elle le masturbait gentiment et déjà de petits gémissements se faisaient entendre. Elle voulait que son plaisir fût encore plus grand. Elle grimpa à califourchon sur lui et introduisit directement son sexe gonflé dans sa bouche. Elle aimait encore plus le goût musqué de la virilité en sachant qu’elle appartenait à l’homme dont elle était amoureuse. Sa langue habile entourait ce bâton de chair. Ses lèvres l’aspiraient. On aurait dit qu’elle était en train de déguster un esquimau dont elle ne voulait pas perdre une goutte. Pablo était de plus en plus excité, surtout lorsqu’il voyait son sexe disparaître entre ces lèvres juvéniles. Il attira ses fesses à sa bouche. Il y frotta son visage. Les poils de sa barbe la chatouillaient et elle se trémoussa un peu. Des ses mains, elle s’appliquait à caresser ses bourses, de sa langue, il suivait son sillon, s’arrêtant parfois sur son petit orifice, continuant d’autres fois jusqu’à l’entrée de sa caverne aux merveilles. Il se délectait de ces secrétions aux reflets étoilés qui s’en échappaient.


Les va-et-vient de la bouche de Mariane accélérèrent en rythme. Pablo donnait de petits coups de reins pour pénétrer plus profondément sa bouche. Elle ondulait du bassin pour sentir la pointe de sa langue plus profondément dans son vagin. Un nouvel orgasme les ébranla bientôt. Pablo avait le sexe de la jeune fille plaqué contre sa bouche tandis qu’elle recevait dans la sienne sa semence laiteuse. Elle l’avala à petites gorgées, comme on boit une liqueur, et vint l’embrasser passionnément, leurs saveurs se mêlant pour en former une nouvelle, unique et merveilleuse. Ils s’endormirent dans les bras l’un de l’autre.


(…)


Mariane se réveilla au milieu de la nuit. Son amant avait posé sa tête sur sa poitrine et dormait paisiblement. Elle regarda droit devant elle, elle n’avait pas besoin de ses yeux pour le voir dans la pénombre, elle savait qu’il était là, en face, accroché au mur, elle le connaissait par cœur. Elle savait exactement où Monet avait appliqué la moindre touche de couleur. Nympheas…Elle caressa les cheveux de Pablo en lui murmurant des je t’aime, elle savait que ce n’était que le début d’un roman qui n’était pas près de se terminer.