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n° 10503Fiche technique9282 caractères9282
Temps de lecture estimé : 6 mn
10/06/06
Résumé:  Une salle de spectacle bien spéciale ! Des jeux de cartes très érotiques !
Critères:  grp inconnu copains cinéma volupté cérébral voir intermast conte
Auteur : Dentelle            Envoi mini-message
Château de cartes

Il est des secrets qu’on ne dévoile pas, par pudeur ou simplement par mystère.


Ce soir-là, nous avions décidé de mettre une amie à la fête. Florence avait 25 ans, était toujours célibataire et allait porter la coiffe de Sainte-Catherine. Timoré, notre ami de toujours, devait préparer avec soin toutes les réjouissances. Nous l’avions surnommé comme cela au vu de son caractère renfermé et surtout parce qu’il était notre confident, notre ami secrétaire à qui nous confions tous nos petits secrets libertins. Il avait décidé de nous faire la surprise de notre vie à toutes les deux.


Arrivée au Club du Jeu de Cartes. Je n’en avais jamais entendu parler. C’était un minuscule théâtre créé dans une ancienne maison de maître. Elle avait, par ses particularités architecturales, un destin tracé pour l’exubérance. Un petit couloir menait à la pièce principale où une petite estrade était dressée. De petites loges s’encourraient sur toute la largeur, cachant les spectateurs aux yeux des regards indiscrets. Au centre de la scène, une grande toile claire était tendue. Sur le devant, de hauts tabourets de bar semblaient attendre leurs clients. Un maître de cérémonie nous installa dans notre minuscule alcôve.



L’allusion aux cartes nous fit sourire de connivence. Nous continuions notre babillage quand retentit un gong. Le départ fut donné. Une musique lancinante se frotta à nos tympans, agaçant d’une façon assez sauvage notre ouïe. Il était impossible de définir l’instrument dominant de la mélodie, un clavecin, un piano à queue peut-être ? Le noir tomba sur nous tel un couperet. Puis, soudain, « musique maestro »… des spots multicolores teintèrent la scène d’un mélange de couleurs obscènes.


Les 6 tabourets étaient occupés: quatre Dames et deux Rois. Subitement, nous étions plongés dans un autre univers, une autre dimension.


La Dame de pique était assise, nonchalante, à l’extrême gauche. Sa tenue semblait tout droit sortie de l’enfer. Elle portait un harnachement de cuir noir. On eût dit une combattante prête à tout donner pour faire subir à sa victime les plus horribles supplices sexuels. Un petit fouet était sanglé à sa ceinture. Ses seins trop volumineux dégoulinaient de son corset. Elle portait de hautes cuissardes. Tout était sombre en elle. Elle semblait piquée à l’ammoniaque d’une haine féroce. Son regard se perdait dans le vague et semblait scruter la salle. Il me glissait un frisson glacé dans le dos. Le sado-masochisme était sans aucun doute sa tasse de thé.


La Dame de trèfle était la deuxième personne qu’on nous présentait par un savant jeu de spots éclairants. Le vert était sa couleur de prédilection. Ses yeux en amande laissaient courir sur le public un regard satisfait. Effet de beauté orientale, drapé moulé de soie verte, laissait sa poitrine quasiment à nu. La quasi-absence de mamelon contrastait douloureusement avec le reste de sa personne. Étrange fut le premier mot qui me vint à l’esprit en l’épiant.


La Dame de cœur nous fut présentée comme l’incarnation de la beauté même. Le rouge amarante était sa couleur dominante. D’ailleurs, même ses cheveux semblaient cracher le feu de la braise. Elle était de loin la plus attirante. Sa poitrine était masquée par un fin tulle de dentelle, mais on la devinait parfaite. Par contre, son sexe nous était dévoilé. Son pubis était coiffé d’une légère toison couleur cuivrée et découpée en forme de cœur. Magnifique fut mon impression.


La Dame de carreau retint cependant le plus longtemps mon attention. Sa couleur n’était pas le rouge mais le bleu. D’une beauté banale, ses yeux bleus perçaient au fer blanc l’âme des spectateurs. On ressentait en elle la puissance de la carte maîtresse du jeu. Et elle l’était, en parfaite opposition à la réalité des lois des cartes. Vêtue d’un ensemble carrelé vichy, on voyait parfaitement la rondeur appétissante de ses seins. Ses mamelons larges et basanés contrastaient avec le laitage de sa peau. Ce qui captiva mon regard, c’est le tatouage imprimé sur son sein gauche : une tête de joker. Il semblait nous narguer et se gausser de nous du coin de l’œil. Une chaînette dorée lui enserrait délicatement la taille. Un autre détail hypnotisait notre œillade suivant le jeu de lumière. Il semblait nous échapper et en même temps nous aguicher. Un petit anneau d’or avait percé le plus grand secret de son intimité. À chaque fois qu’elle s’asseyait, il devait cruellement ou plaisamment lui rappeler sa présence.


Les deux rois étaient en retrait, presque invisibles. Un Roi noir et un Roi blanc laissaient paraître leurs torses nus aussi prometteurs qu’un tapis de jeu vert.


La musique tournoyait, virevoltait sans tenir compte des acteurs. Elle se tut, comme effacée d’un coup de baguette magique. La Dame de carreau semblait regarder dans notre direction. Elle restait de marbre tandis que nous commencions à piaffer d’impatience. Je gardai cependant en mémoire tous ses atouts.


Elle annonça enfin la couleur du début de la soirée appelant Florence sur le podium. Nous comprenions maintenant l’enjeu des paris. De spectatrice elle allait passer à actrice principale de ce jeu de cartes corporelles. Timoré la poussa du coin du bras pour l’aider à se décider. Et elle osa ! Devant elle, la Dame de carreau sortit un petit bout de papier que nous avions rempli dès notre arrivée. Nous avions dû noter la couleur de la dame et du roi de notre choix. En l’occurrence, les miens étaient carreau et blanc. Florence se glissa à pas calqués derrière la toile tendue et commença, par un savant jeu d’ombres à se dévêtir. On la supposait complètement nue et désarmée. Elle gisait là, debout dans l’attente du premier supplice.


La Dame, complètement glacée, nous nargua et passa avec le roi blanc derrière le tissu protecteur, générateur de mille illusions. Là, le ballet de leurs corps commença. Nous ne pouvions que deviner ce qui s’y passait mais c’était déjà suffisant pour nous mettre en appétit. Les gémissements surpris furent très vite remplacés par d’autres sonorités des plus agréables : succion, léchage, légers claquements de corps contre corps. Nous étions en train de visualiser le spectacle sans vraiment rien voir. C’était d’une splendeur excitante, d’une volupté à vous couper le souffle s’il vous en restait.


Là, je sentis sa main. Timoré était bien entendu resté assis sagement derrière moi pendant la représentation. Mais à ce moment-là, il franchit un pas vers moi. Il n’avait pu s’empêcher d’enfourner sa main sur la mienne, comme une demande de consentement muet. À l’écoute des gémissements de plaisir de Florence, un bouquet de sensations diffuses d’une chaleur torride s’était enraciné en moi. Je ne pus que consentir à la demande devenue pressante de mon ami. Je guidai ses doigts au plus profond de moi. Ce qu’il y découvrit le surprit agréablement car il plongeait, ressortait, léchait… Il m’obligea à me lever sous prétexte de mieux profiter du spectacle. Il m’enserrait le corps, il déboutonnait, dégrafait, butinait de ses mains l’offrande de mes sentiments d’envie. Je sentais aussi la fièvre le gagner mais Timoré souhaitait de nouveau rester dans l’ombre. Il ne pensait qu’à moi, me fouillant plus profondément et plus intensément aussi. Il avait libéré ma poitrine de son étau. Il pouvait ainsi mieux évaluer l’ampleur de notre déraison.


Il me laissa là, chancelante d’un plaisir inanimé par son savoir-faire. Son doigté restera à jamais gravé dans ma mémoire. En même temps que je m’abandonnais à une plantureuse satisfaction délirante, un cri époustouflant retentit. Florence venait de jouir. Le spectacle était fini pour nous, satisfaisant, éblouissant.


Nous devions nous retrouver tous trois à l’entrée de la maison. Florence était là, souriante, juste un éclat particulier dans les yeux. Nous n’osions piper mot de crainte de gâcher tous les merveilleux moments. C’est elle qui prit la parole en premier :



Timoré et moi n’avons jamais soufflé mot de cette expérience. Finalement, nous avons gardé notre secret dans un coin de notre mémoire, de peur que sa divulgation n’efface tout, comme la chute d’un château de cartes.