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n° 10528Fiche technique19686 caractères19686
Temps de lecture estimé : 12 mn
18/06/06
Résumé:  J'ai tout prévu pour que cette soirée avec Stéphane soit particulière. Elle l'est, mais dans une tournure surprenante.
Critères:  fh nonéro
Auteur : Sofie  (Où commence les mots, commence la passion...)            Envoi mini-message
L'amour du risque

Nous voici dans son appartement, Stéphane et moi. Assise sur le canapé je prends le verre qu’il me tend puis il s’assoit à côté de moi. La soirée se poursuit à merveille, après le restaurant très calme où il m’a emmenée, prendre un verre chez lui est une bonne initiative. Cela fait quatre mois que je sors avec Stéphane. Du rancard aux flirts, voilà que nous commençons à être un jeune couple. Tout se passe à merveille entre lui et moi, il est à mon écoute, très disponible et j’adore sa joie de vivre. Il est toujours de bonne humeur, lorsque l’on est avec lui, on a l’impression qu’il profite de chaque moment de la vie. C’est un bonheur d’être avec Stéphane.


En plus, c’est un parfait gentleman, galant bien élevé et pas entreprenant. Loin de là, même, voici donc quatre mois que nous nous voyons très régulièrement et pas une fois il n’a tenté de me mettre dans son lit. Toutefois, je dois bien avouer que ce que j’ai perçu comme une marque de respect et de bienséance, au début, commence aujourd’hui à me faire poser des questions. Mais ce soir, je suis bien décidée à mettre tous les atouts de mon côté, et franchir ce cap ou du moins essayer. La chaleur aidant, je porte pour cette soirée un haut ayant un décolleté fort profond et avec ma poitrine généreuse mais raisonnable, j’espère bien attiser ses envies. Décolleté tellement plongeant que je ne l’ai dévoilé qu’une fois dans le restaurant en enlevant le châle de tissu qui me recouvre les épaules. En attendant ma courte jupe avait commencé le travail de séduction, je le pense de manière assez efficace.


Bref, pour l’instant tout se passe à merveille. Quelques battements de cils, regards langoureux et appuyés nous ont conduits jusque chez lui et à ce verre que je serre délicatement dans ma main.


Nous discutons de tout et de rien, je ris de nombreuses fois à ses multiples plaisanteries, et d’approche en approche, nos corps se rejoignent irrémédiablement. Ma main se pose sur sa jambe de la manière la plus naturelle possible, je caresse sa cuisse, remontant peu à peu plus que de raison. Je le fixe dans les yeux, j’essaye de dégager tout le charme que je peux avoir dans ce regard et prends nos verres respectifs pour les poser sur la table. Nos visages se rapprochent, je tends mes lèvres, elles aboutissent sur leur cible. Nous nous embrassons dans des baisers délicats, je me blottis dans ses bras. Il me serre de manière réconfortante, une poigne de virilité enveloppée dans une vague de douceur. Mes doigts effleurent sa gorge, je ronronne de plaisir et d’attente. Soudain, d’une poussée légère de mes jambes nous basculons sur le canapé. Moi sur lui. Mes baisers se font plus fougueux, avec un pied je masse une de ses jambes de manière suggestive. Stéphane se laisse faire, mes charmes commencent sans doute à le faire enfin craquer. Notre étreinte se fait plus langoureuse, mon bassin dessine des cercles sur son entrejambe, à son tour il se met à ronronner. Je passe ma main sur son pantalon, de manière on ne peut plus explicite, cherchant à saisir sa braguette. Puis, il se retire.


À ma grande surprise Stéphane s’échappe de mes bras et s’assoit sur le canapé et d’une moue que je n’arrive pas à comprendre me dit : « S’il te plaît, j’ai pas envie. Tout est bien comme cela, ne change rien. »


Il me repousse, ni plus ni moins. Vexée, je repousse ses bras loin de moi, me redresse bouillante de colère et me lève prestement. Poussée par l’exacerbation de son comportement, je m’éloigne de lui et fonce vers la salle de bains, je claque la porte et la verrouille d’un geste. J’entends à peine derrière moi la voix de Stéphane tentant vainement de me rattraper ou s’excuser.


Une fois enfermée, je tente de retrouver mon calme. Je regarde le reflet de mon visage dans la glace au-dessus du lavabo. Je vois mes yeux qui commencent à être embués et le maquillage qui résiste tant bien que mal. Cela me rend folle de rage autant d’efforts pour rien. Je suis si moche, si peu attirante ? Mon bras s’abat violemment sur la plaquette au-dessus du lavabo et j’expulse les nombreux médicaments qui s’y trouvent. Ils volent en éclats à travers la pièce. Les larmes commencent à couler le long de mes joues. Cette fois, c’est foutu pour mon maquillage. La soirée est un échec dorénavant, je n’oserai même pas ressortir pour qu’il me voie comme cela. De toute façon, je n’ai pas envie de le revoir. Il m’a humiliée. De nouveau, je me regarde dans la glace, je scrute le moindre détail de mon visage, essayant de trouver une réponse à ce refus catégorique.


Mes yeux s’attardent sur mon nez, j’ai toujours eu l’impression que mon nez est trop grand. Non, cela ne doit pas être ça, pas à ce point, pas au point d’être repoussée par un homme. Je ne comprends pas. Je me rappelle lorsque j’avais quinze ans ce même nez n’était pas si repoussant. Je me rappelle encore du nombre de garçons qui m’ont emmenée au cinéma pour me peloter voire tenter plus en dessous de ma jupe. Ces mêmes garçons ne semblaient pas être gênés par mon nez quand j’avais 18 ans et qu’ils frimaient dans leurs premières voitures avec une plage arrière toujours disponible…


Et pourtant, aujourd’hui, je fais fuir. Quatre mois que nous sommes ensemble. Pas une fois, il n’a tenté, pas même sur un quiproquo. Nous ne sommes plus des enfants, la trentaine passée, nous savons bien que si le sexe ne scelle pas un amour, il en est l’ingrédient. Alors pourquoi ?


Une autre aventure ? J’y ai pensé bien sûr, à plus d’une reprise mais on passe beaucoup de temps ensemble et puis il est tout sauf un séducteur, assez timide même et son comportement « passif » avec moi le confirme. Quant au fait qu’il soit puceau, j’ai du mal à y croire. Certes, être puceau et avoir la trentaine n’est pas incompatible, néanmoins cette solution n’a pas beaucoup de crédit à mes yeux. Ce qui m’arrange certes. Il est désintéressé du sexe, c’est une autre hypothèse, mais à ce point, quatre mois d’abstinence, autant rester célibataire alors !


Stéphane tape sur la porte à plusieurs reprises :



Je ne réponds pas tout de suite, ne sachant pas quoi lui répondre et encore terriblement énervée. Finalement, sachant bien que je vais devoir sortir, je décide de lui répondre quand même.



Je crie cela à travers la porte toujours le regard plein de désarroi dans la glace.



A cet instant sa voix m’horripile.



Enervée, je prends la première chose qui passe sous ma main et la jette contre la porte.



Sa voix parait troublée, elle aussi par ce qui se passe. De toute façon, je vais bien devoir sortir. Mais pas avant de savoir la raison, s’il y en a vraiment une.



Le trouble est évident dans sa réponse mais je ne céderai pas, à lui d’être gêné.



Plus de larmes dans ma voix, seulement de l’agacement et de la colère contre lui.



Sa voix devient suppliante, je n’en ai que faire.



Mes mains serrent de toute leur force le rebord du lavabo.



Comme pour mieux accentuer cette phrase, son poing cogne la porte violemment. Je reste figée une seconde, abasourdie par ce qu’il vient de dire. Ne réalisant qu’après un laps de temps qui paraît une éternité. Abasourdie, voilà comment je me sens. Ni en colère, ni triste, ni rien. En un mot surprise.


Je saisis un mouchoir dans la pièce, sèche mes yeux et tente d’essuyer un minimum les traces de mon maquillage défait. Puis, je pose ma main sur la poignée de la porte. Figée, je n’ose l’ouvrir de suite. Que vais-je dire après ? Je pose mon oreille contre la porte, tentant de deviner ce qui se passe de l’autre côté. Je n’entends rien, absolument rien. Il est temps que je prenne le courage d’ouvrir et d’affronter la situation. Je tourne la poignée et sors de la salle de bains.


Stéphane est assis sur le fauteuil, le regard dans le vide. Je m’avance et m’assieds sur le canapé en face de lui. Nous restons ainsi dans le silence, sans nous regarder, jusqu’à ce qu’il lève la tête. À ce moment-là, nos regards se croisent. Stéphane tente de prononcer quelque chose, mais je le coupe avant qu’il puisse commencer.



Mes mots partent plus vite que ma pensée, toujours surprise de ce qui se passe.



Il dit sa réplique avec un sourire d’une tristesse éclatante.



Gênée, je n’ose le regarder en face.



Je l’écoute ne sachant quoi répondre. Stéphane a le SIDA. Tout se bouscule dans mon esprit. Plein de détails refont surface. Comme le jour où après s’être coupé en ramassant les débris du verre que j’ai lâché, il s’est mis en colère et m’a chassée de la cuisine. Et sa manie de regarder la montre et de s’absenter quelques minutes dans la salle de bains. Sans doute pour prendre son traitement à heure régulière. Me voici bien bête avec ma scène. Stéphane se lève et l’air désabusé me dit :



A ce moment, tout tourne autour de moi. Stéphane celui qui me rend heureuse depuis quatre mois est devant moi. Il est en pleine détresse et moi en plein désarroi. M’en aller ? Non, bien sûr que non. Il a besoin de moi et moi j’avoue avoir besoin de lui…


Je bondis, je suis devant lui. Je le regarde et sans hésitation je le gifle. Sa joue marque de suite.



Je l’embrasse, nos lèvres sont posées l’une contre l’autre. Mais lui ne m’embrasse pas.



Les mots de Stéphane tombent comme une sentence, le choc est lourd. Un de plus.



Je recule et sors de la pièce pour aller dans le couloir, je prends mon manteau et quitte l’appartement. Sans aucun artifice, aucune mise en scène. Je referme la porte derrière moi et m’appuie dessus. J’ai l’impression d’être vidée, usée, une chape de plomb sur ma tête. Je ne sais que faire, j’ai vraiment besoin de prendre l’air. Je descends l’escalier. D’abord marche par marche, doucement, en m’agrippant à la rampe, puis peu à peu les marches défilent plus vite, beaucoup plus vite jusqu’à descendre à toute allure les dernières. J’ai besoin d’air, que le vent gifle mon visage pour redresser mes esprits. En plein désarroi, je déambule dans la rue, je fais quelques pas, sans savoir trop où aller.


Soudain, je pense à Stéphane, non pas que je n’y pensais pas auparavant bien sûr, mais je pense à Stéphane. Seul dans son appartement, après avoir révélé son secret. Il doit sans doute penser que je l’ai abandonné, comme les autres se dira-t-il.


Non, je ne peux pas le laisser sans explication. Nous sommes tous les deux dans la tourmente ou le doute, je veux le rejoindre, je vais le rejoindre. Tout est brouillé, complexe mais une chose est sûre à l’heure qu’il est. Je veux le rejoindre, je désire être avec lui. Je fais demi-tour et pars retrouver Stéphane…


Je presse une fois, puis deux, puis je laisse mon doigt appuyé sur le digicode de son appartement. Enfin sa voix retentit : « C’est toi ? »



Je pousse la porte et file dans l’escalier. Cette fois-ci, dès les premières marches, je les avale, trébuchant presque. Arrivée sur le palier, j’ouvre la porte de son appartement et me précipite dans son salon. Encore haletante, je regarde Stéphane, debout au milieu de la pièce et je lui déclare :



Je m’avance vers lui et saisis son col de chemise. Je l’embrasse. Pendant ce temps, je plonge ma main dans ma veste et en sors ce que je suis allée chercher avant de le rejoindre.



J’ouvre ma main et dévoile un préservatif.



J’embrasse de nouveau Stéphane. Il résiste un peu, ce qui me paraît un enfer. Puis, enfin ses lèvres s’entrouvrent. Nous nous embrassons pleinement, sans retenue. Nos mains chiffonnent les vêtements de l’autre dans de multiples caresses et effleurements. Le souffle de Stéphane réchauffe mes oreilles. J’ai le cœur qui bat à cent à l’heure. Mes doigts défont les boutons de sa chemise. Puis, je la retire promptement, je pose ma joue contre son torse, je sens la chaleur de son corps, j’ai encore plus envie de lui. Il me susurre au creux de l’oreille « Viens dans ma chambre, on sera mieux ».


Joignant le geste à la parole, il me prend la main et me conduit dans sa chambre. Je m’assois sur le lit, nous reprenons nos baisers de plus en plus fiévreux. Aucune trace de gêne ou de crainte. Tout cela s’est éclipsé, absous par ses baisers, sa tendresse. Je lève les bras et il m’aide à retirer mon haut, me voici en soutien-gorge. D’un geste habile, il le dégrafe, ma pièce de dentelle tombe et ce sont les mains de mon compagnon qui recouvrent mes seins à présent. Je m’allonge sur le lit avec lui. Sur la route, Stéphane enlève son pantalon et son caleçon. Il dépose de très légères bises sur ma poitrine, mon ventre et glisse jusqu’à mes pieds, emportant ma jupe au passage. Il remonte et me regarde tendrement et me présente sa main qu’il ouvre. Dans la paume apparaît le préservatif, qu’il a conservé jusque là. « Tu es sûre ? »


Pour toute réponse, je me saisis du bout de plastique et lui fais un léger signe de tête. Mes mains saisissent sa verge dressée. J’avoue ressentir un certain malaise, la raison n’est pas précise, sans doute une petite appréhension. Mais je la chasse très vite et déroule le préservatif le long de son sexe. Maintenant, je peux me permettre de lui faire un petit plaisir. Ma bouche se rapproche de sa verge et mes lèvres enveloppent délicatement son gland. Je le suce un peu mais le parfum du préservatif, bien que censé être aromatisé, a néanmoins un fort goût de caoutchouc. Mon plaisir n’y est pas et je cesse mon soin délicat. C’est sans doute une question d’habitude, je m’y habituerai.


Je remonte me blottir dans ses bras en faisant glisser ma culotte, me retrouvant nue. Ensuite, je bascule au-dessus de lui. Mes regards atterrissent sur son sexe, une boule monte au fond de mon ventre. Mes muscles se contractent, je n’arrive pas à faire le mouvement de plus pour m’unir avec lui. Je bloque, mes mains commencent à trembler. Une bouffée de chaleur me serre la gorge et me donne une sueur froide.


Au final, je tombe à côté de lui. « Désolée, je ne peux pas. Je ne peux pas. Désolée. »



Je ne parviens pas à finir ma phrase et tombe en sanglots.


L’émotion est trop forte, je suis totalement perdue. Je l’aime, mais ce n’est pas si simple, il avait raison. Une forme de crainte, d’appréhension me saisit et me paralyse. Tout se bouscule dans ma tête, sa maladie, le quotidien d’une vie en couple. Malgré mon envie, je n’arrive pas à percer cette barrière invisible. Et si le préservatif craque ? Et si ? Mon esprit s’embrume, j’ai mal à la tête. Les larmes coulent sur mes joues. Et ce qui est sûr, c’est que mes larmes sont autant dûes à mes questions multiples qu’au fait que je dois lui faire du mal également. Finalement, cette révélation a eu un effet inattendu. Je suis amoureuse de Stéphane.