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18/08/06
Résumé:  Nous avions veillé toute la soirée autour du traditionnel feu de camp en dégustant de la bière glacée, tant pour atténuer les effets de la chaleur moite et poivrée de l'été louisianais que pour alimenter les discussions passionnées...
Critères:  fh 2couples
Auteur : Achille Napo      
Cypermore Point

La lune brillait sur Cypermore Point. Nous étions allés camper avec un couple d’amis sur cette petite plage en bordure du Golfe du Mexique. Nous avions veillé toute la soirée autour du traditionnel feu de camp en dégustant de la bière glacée, tant pour atténuer les effets de la chaleur moite et poivrée de l’été louisianais que pour alimenter les discussions passionnées auxquelles on se livre volontiers dans la vingtaine, lorsque l’on a toute la vie devant soi et le monde à refaire.


Vers minuit, sous l’effet combiné de la chaleur et des vapeurs de l’alcool, nous étions allés dormir dans notre minuscule petite tente. La lune en éclairait faiblement l’intérieur à travers la moustiquaire du toit ajouré que nous avions laissé ouvert pour profiter pleinement de la douceur de la nuit.


Marie et moi avions réunis nos sacs de couchage, et Suzanne et Paul en avaient fait autant. À cause de la chaleur, nous n’y étions cependant pas entrés, préférant nous dévêtir discrètement pour nous étendre nus sur nos duvets moelleux, Marie et Suzanne au centre, et Paul et moi contre les parois de la tente. Nous avions aussi laissé ouvertes les petites fenêtres latérales dans l’espoir bien illusoire de produire un courant d’air.

La nuit était calme et il n’y avait pas l’ombre d’un souffle de vent. Notre petite bulle baignait dans une tiédeur un peu langoureuse, aussi le sommeil ne fut pas long à venir. Nous nous endormîmes confortablement sur la couche douillette des duvets reposant sur un fond de sable fin. Pour ma part, ce fut un sommeil sans rêve : ceux de la journée et de la discussion qui s’ensuivit ayant été largement suffisants.


Vers les cinq heures du matin, nous fûmes soudainement réveillés par l’arrivée intempestive d’une nuée de moustiques venus se repaître de l’abondante nourriture que leur offraient nos corps endormis. Le réveil fut brutal, car les intrus étaient affamés et ils nous arrachèrent sans ménagement à la torpeur de la nuit.

Chacun de son côté, Paul et moi commençâmes par fermer le plus rapidement possible les moustiquaires des fenêtres latérales afin d’arrêter l’invasion. Pendant ce temps, Marie et Suzanne s’activaient frénétiquement à écraser les malheureux insectes qui avaient eu l’audace de troubler notre sommeil.

Il fallut quelques bonnes minutes pour en venir à bout, car les intrus étaient nombreux ; même dans l’espace restreint d’un petit dôme d’à peine cinq mètres carrés, il était difficile de les attraper ; nous réussîmes tout de même à nous en débarrasser, et le dernier d’entre eux fut enfin écrasé dans le claquement sonore des paumes de Suzanne. C’est alors que nous prîmes conscience de notre nudité, personne n’ayant pu y porter attention jusque là.


Les reflets rosés du matin pénétraient par la moustiquaire du toit. Ils apportaient avec eux un léger souffle frais et salin en provenance du Golfe qui semblait s’être lui aussi réveillé tout à coup. Nous étions assis tous les quatre, et nous regardions, avec un étrange mélange de gêne et de curiosité fascinée, empreinte des premiers élans d’un désir naissant. Nous échangions nos regards, allant de l’un à l’autre, sans vraiment savoir où ils nous mèneraient ; car malgré la proximité physique, il y avait une distance que personne, pour l’instant, n’osait franchir.

Je regardais Suzanne. Je regardais aussi Paul et je voyais ses yeux luisants porter un regard d’homme sur les beaux seins ronds de Marie, tout en jetant un œil inquiet vers sa femme, comme pour en supputer les réactions. Elle aussi semblait captivée par l’irréalité soudaine de la situation ; elle aussi promenait son regard sur l’espace restreint de la tente, allant des mamelons roses et durs de Marie à la tumescence émergente qu’elle supposait chez son mari comme chez moi. Pour ma part, je la regardais avec la même fascination gênée qui semblait nous envoûter tous les quatre.

Je notais sans oser y attarder mon regard la rondeur pleine de ses seins, la minceur de sa taille et la cascade de boucles dorées qui descendaient doucement sur ses épaules nues. En même temps, j’étais presque douloureusement conscient du fait qu’elle ne me laissait pas indifférent, et je ne pouvais m’empêcher d’être troublé à l’idée qu’elle s’en aperçût.


Cette période d’observation mutuelle se prolongea pendant de longues minutes. Le désir, maintenant, n’avait plus rien de latent ; il commençait à s’affirmer jusqu’à en devenir troublant. En son for intérieur, chacun pensait la même chose ; mais personne n’osait encore donner libre cours à ses pensées, tellement elles bousculaient des interdits dont nous n’avions jusque là jamais vraiment pris la pleine mesure.

De part et d’autre, nous étions mariés depuis plus de cinq ans ; de part et d’autre, personne ne s’était encore, sauf peut-être en rêve, aventuré à franchir le rubicond fatidique de la fidélité conjugale. Mais il régnait ce matin-là une ambiance tout à fait irréelle ; les contraintes et les interdits les mieux ancrés se dissolvaient lentement dans la lumière rose du jour naissant. Sous les assauts du désir, l’impensable devenait tout à coup fort envisageable, car après tout, il y a bien des choses auxquelles on oserait pratiquement jamais songer mais, qu’en certaines circonstances, on ferait volontiers.


Suzanne fut la première à briser la transe qui nous envoûtait tous. Tout doucement, elle se retourna vers Marie et lui murmura quelque chose à l’oreille, que malgré la proximité physique, ni Paul ni moi ne réussîmes à saisir. Marie marqua un instant de réflexion, puis acquiesça d’un hochement à peine perceptible de la tête. Alors, dans l’espace étroit de la tente, les deux filles entreprirent, à force de contorsions, de changer de place. Suzanne était maintenant assise juste à côté de moi, et elle me regardait avec des yeux sans équivoque, d’où la gêne avait totalement disparu, laissant la place tout entière au désir.


Le temps me parut soudainement suspendu à son regard, mais ma pudeur fascinée demeurait. Très lentement, elle avança sa main vers moi et la posa sur ma poitrine. Le contact de sa paume fut presque comme un choc électrique ; l’intensité de mon désir atteignit alors un point tel que ma pudeur restante en fut chassée ; je posai moi aussi ma main sur elle, et ce fut le déclic.

Le temps, jusque là immobile, s’accéléra brutalement : elle était dans mes bras et moi dans les siens ; nos bouches et nos mains s’activaient frénétiquement à accomplir ce dont nos yeux avaient à peine osé rêver. Je la caressais de partout et elle en faisait de même ; je ne voyais plus, je ne regardais plus, mais la mélodie saccadée qui emplissait maintenant l’air m’indiquait clairement que notre quatuor silencieux de l’instant précédent s’était transformé en deux duos sonores et parallèles.

Tout doucement, comme avec réserve, j’avançai la main vers les replis duveteux de son intimité pour y découvrir les premiers jaillissements de ses fluides invitants ; ses fontaines intérieures débordaient d’une eau généreuse et accueillante qui perlait aux racines de sa toison dorée.


Elle s’étendit sur le dos et m’invita à la visiter. Tout doucement, je m’avançai, me glissant avec une lenteur à la fois agonisante et exquise dans la riche moiteur de ses lèvres roses pour atteindre enfin le temple intérieur de sa féminité. Le chant rythmé de ses ahanements plaintifs se mêlait à ceux de Marie qui vibrait maintenant au même diapason. Du coin de l’œil, je voyais son abondante chevelure luire de tous ses éclats cuivrés dans la lumière diffuse du petit matin, alors qu’elle s’abandonnait aux premières annonces de l’extase.

Bientôt, le staccato de ses soupirs s’accéléra et s’amplifia comme pour annoncer l’arrivée imminente de ce que Georges Sand appelait poétiquement les «embrasements célestes». Ce fut comme un signal, chacun et chacune s’accordant aussitôt au tempo de ses spasmes ; il n’y avait plus ni maris, ni femmes, ni amants, ni maîtresses ; mais plutôt quatre jeunes corps réunis, en proie à la même frénésie, cédant ensemble à la même vague déferlante de plaisir partagé. Nos chants s’harmonisèrent rapidement dans le crescendo tumultueux qui menait à l’ivresse de la chair.


Après nous nous endormîmes paisiblement dans la léthargie profonde du sommeil post-coïtal, Suzanne et Marie au centre, et Paul et moi contre les parois. Le réveil vint à nouveau quelques heures plus tard, mais il fut beaucoup plus doux. Nous refîmes l’amour, avec moins de frénésie, mais avec autant de volupté et de tendresse ; et puis nous nous allâmes baigner dans les eaux bleutées du Golfe, lavant dans les vagues du matin les reliquats de celles de la nuit.


Nous avons souvent revu Paul et Suzanne par la suite, mais sans jamais reprendre nos échanges charnels. Nos interdits s’étaient réaffirmés avec le retour à la ville, comme si chacun et chacune, en son for intérieur, sentait profondément que notre communion de la plage avait été un instant privilégié, suspendu dans le temps, qu’il n’était ni possible, ni même souhaitable de répéter.