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Temps de lecture estimé : 20 mn
18/08/06
Résumé:  Yann, timide, a trouvé la compagne idéale, mais...
Critères:  fh médical amour intermast fellation cunnilingu pénétratio
Auteur : Bertrand D  (Rêveur solitaire)            Envoi mini-message
Apparences trompeuses

D’un coup d’épaule, Yann pousse la porte des urgences en bouclant son duffle-coat. Encore une fois, il a fait du rabiot. On lui a demandé un coup de main pour maintenir un ivrogne qu’on ne pouvait maîtriser. Heureusement, avec son mètre quatre-vingt-cinq et sa carrure de rugbyman, il n’a pas eu de peine. D’autant qu’avec sa gueule carrée, peu avenante lorsqu’il est en colère, il en impose aux plus récalcitrants. Pourtant, ceux qui le connaissent - et particulièrement ceux qui travaillent avec lui - savent que, sous cet aspect un peu revêche, se cache un cœur d’or. Et surtout quand il s’occupe des plus faibles, enfants ou personnes âgées, accidentés angoissés, malades en fin de vie, car alors sur son visage se dessine un sourire gentil, rassurant, qui le transforme totalement.


N’empêche pas moins qu’une fois de plus il sera en retard, on aura tout débarrassé au restaurant. Heureusement, on lui aura gardé son repas. Poussant la porte, il fait entrer un courant d’air froid dans la salle. Au passage, il caresse les fesses de la serveuse qui nettoie les tables. Celle-ci se redresse vivement, puis sourit en voyant l’agresseur. On sent une grande complicité entre eux.


C’est depuis un soir, il y quelques mois, où Claire est arrivée affolée : son fils, fruit des amours d’un soir, était gravement malade et elle n’arrivait pas à contacter un médecin. Yann l’a suivie et, voyant l’état du gamin, l’a amené avec sa voiture directement aux urgences. Lorsque le petit fut guéri, c’est encore lui qui a ramené la mère et l’enfant chez eux. Au moment de partir, Claire a saisi sa main et l’a attiré vers elle. Yann a compris qu’elle voulait le remercier à sa façon. Il n’était pas contre. Depuis qu’il était client, il avait remarqué cette femme de trente-cinq ans, assez grande, un peu enveloppée, juste ce qu’il faut, et surtout son sourire et sa bonne humeur en toute occasion. Jamais pourtant il ne s’était permis la moindre privauté. Il était reparti au matin, agréablement surpris par sa nouvelle maîtresse. Depuis, ils se retrouvent parfois, pour satisfaire un besoin physique, mais surtout pour un moment d’amitié.



D’un signe de main, son copain attire son attention. Pas de grandes salutations, cela fait plus de dix ans qu’ils se connaissent, depuis le lycée.



Tous deux se ressemblent assez, physiquement du moins. Ils ont pratiqué le rugby ensemble plusieurs années. Mais Alain est avantagé, une jolie gueule qui fait des ravages dans les cœurs féminins. En ce moment, c’est Carine qui est sa compagne. De plus, fils d’un gros commerçant, il a toujours eu une vie facile, sans soucis matériels. Après le bac, ils se sont inscrits tous deux en fac de médecine. Mais à la fin de la première année, Alain a abandonné, trop dur pour lui. Il est allé tâter les beaux arts sans plus de succès. En ce moment, il aide ses parents. Par contre, Yann a perdu son père très jeune, sa mère l’a élevé seule. Grâce aux bourses et surtout à son acharnement au travail, il a brillé dans ses études. Pour lui permettre de poursuivre en fac, le père d’Alain lui a trouvé un travail d’extra dans une auberge tenue par un de ses amis. Maintenant qu’il est interne, il n’assure plus que des dépannages dans les cas exceptionnels, cela lui permet de se payer de petites fantaisies.



Le samedi suivant, Yann se retrouve dans la voiture de son copain, ils vont chercher la fille en question. Lorsqu’ils s’arrêtent, malgré le peu de lumière, il aperçoit une grande fille assez mince, une jolie silhouette. Quand elle s’assied auprès de lui sur la banquette arrière, elle lui dit simplement « Bonsoir ». Un peu froid, pense-t-il, encore une bêcheuse.


À la descente, Alain fait les présentations :



Ils se sont regardés, se sont souri poliment.


À leur arrivée, la fête a déjà commencé. Alain prend une table et commande immédiatement une bouteille de whisky. Ça se voit que c’est papa qui paie, pense Yann. À peine le temps d’échanger quelques mots et déjà le couple est parti sur la piste. Tous deux se retrouvent en tête à tête, deux inconnus. Si ce n’était sa froideur, elle ne serait pas mal, pense-t-il. Un visage un peu pointu, encadré de cheveux blonds assez courts. La paire de lunettes fine ajoute à son air distant. Le reste semble intéressant, enfin du moins la partie qui est visible.



C’est mal parti, pense-t-il, elle ne cherche pas à faciliter les choses. Il lui propose d’aller danser.



Ils échangent quelques phrases, mais gênés par le bruit, ils abandonnent rapidement. Quand le couple revient à la table, Alice dit :



Il veut protester, mais déjà elle s’est levée, et se dirige vers la sortie. Résigné, il saisit les clés et la rejoint.



En conduisant, il se maudit d’avoir accepté cette invitation. Elle garde le silence. Toutefois, devant sa mine renfrognée, elle comprend sa déception. Elle lui dit :



Ils sont montés chez elle, un petit appartement dans un immeuble neuf. L’intérieur est banal, seuls quelques bibelots donnent une touche féminine. Pendant qu’elle est allée se changer, il regarde les livres, les CD : Brassens, Brel, Ferré, de la musique classique, mais aussi du moderne, Poulenc, Bartók.



Elle est arrivée derrière lui sans bruit. Il se retourne. En survêt., elle n’est pas mal du tout. Des hanches minces, mais des épaules assez larges et surtout un buste fourni. Elle a dû pratiquer la gym ou la natation.


Détendus, en prenant un café, ils discutent musique, littérature, partageant souvent les mêmes goûts. Yann revient sur sa première impression, pas bête, jolie et surtout drôlement sympathique. C’était probablement la perspective de rester toute une soirée en boite qui provoquait sa mauvaise humeur. Pourtant, après une paire d’heures, elle baille et lui dit :



Elle l’embrasse amicalement et va dans sa chambre. Il bouquine un moment, mais sentant venir le sommeil, part sans faire de bruit.


À son retour en boite, il trouve le couple un peu éméché.



Certes, cela n’aurait pas déplu à Yann, mais ce n’est pas son genre de sauter sur la première fille qu’il rencontre. Il rentre perplexe, cette fille l’intrigue. Il l’a quittée sur une bonne impression et la reverrait volontiers. Mais il ne connaît même pas son nom de famille ni son téléphone. Quant à demander à Alain, pas question, il se moquerait de lui. Toute la semaine, il a pensé à elle, puis a abandonné son rêve, tant pis, une occasion loupée.


Un soir, le téléphone le surprend dans son studio.



Yann est ravi de la chance qui lui est offerte. C’est sûrement Alain qui a monté ce coup-là, il le charrie toujours sur le fait qu’il ne drague pas. Enfin, le principal, c’est de la revoir.


Il est à l’heure devant la porte de l’immeuble. À son coup de sonnette, elle descend rapidement. Il n’aperçoit que son visage au-dessus de son manteau, mais elle lui paraît encore plus attirante que la première fois. Le film les a emballés. À la sortie, ils le commentent en rentrant. Le froid est vif et elle se presse contre lui. Yann, d’un bras, entoure les épaules et la serre contre lui, ce qui n’a pas l’air de lui déplaire.



Ils se séparent sur un baiser amical.


La soirée doit lui avoir plu, car elle le relance la semaine suivante. C’est un vieux film d’épouvante. Yann est bien, elle se serre contre lui aux passages terrifiants. À la sortie, naturellement, il l’enlace et ils rentrent serrés. Au pied de l’immeuble, il lui dépose un baiser sur les joues. Elle lui prend la tête à deux mains et ses lèvres viennent contre celles de Yann. Longuement, ils s’embrassent. Elle se dégage, lui dit :



À peine entrés, elle l’entraîne dans la chambre, allume une simple lampe de chevet. Le manteau, l’écharpe sont jetés au loin. Il l’imite, elle se colle à lui. Pour la première fois, il peut serrer ce corps dont il rêvait. La repoussant doucement, il la déshabille, mais lentement, appréciant chaque partie qu’il dévoile. Immobile, son regard s’émerveille, elle est encore plus belle que ce qu’il avait imaginé. Mais cet hommage visuel ne suffit pas à sa compagne, elle veut le connaître, le dépouille, impatiente de voir enfin cet homme. Lorsqu’il se trouve nu à son tour, la prenant dans ses bras, il la dépose sur le lit.


Il s’allonge auprès d’elle, leurs lèvres se joignent, reprenant le baiser interrompu. Elle lui a saisi la tête, le pressant contre elle. Les mains partent à la recherche des seins bien pleins. Les doigts en pincent les extrémités, font rouler les bourgeons qui durcissent sous la caresse. Les mains d’Alice prennent sa tête, la place sur sa poitrine, désirant un contact plus prenant. La bouche aspire, tête comme un bébé. Puis les dents mordillent, étirent ce fruit. Alice gémit de bonheur, elle amène la tête vers le globe jumeau afin que lui aussi profite de ce supplice. La main de Yann descend vers l’entrejambe, lisse la fourrure blonde, glisse un doigt entre les lèvres. Les jambes s’écartent, invitant à plus d’audace. Un doigt entre dans le tunnel pendant que le pouce part à la recherche du bouton. Yann se dégage, pivote et son visage se loge entre les cuisses. La bouche prend le relais de la main, la langue fait vibrer la fraise qui vient d’éclore.


Alice voit devant son visage un outil triomphant. Sa main le saisit, en prend les dimensions, le manipule doucement, découvrant une tête rose. C’est trop tentant, elle se glisse entre les jambes et prend en bouche ce morceau royal. Yann se croit au paradis, sa langue devient de plus en plus active, déclenchant le débordement de la source. Ses doigts s’insèrent dans le vagin et s’agitent de plus en plus rapidement. Et pendant ce temps, il baise ce visage, montant et descendant au rythme que lui impose sa compagne. Mais le plaisir devient trop fort, il se dégage, ne voulant pas la souiller.


Comprenant ses intentions, Alice le laisse pivoter et présenter son épée face à son fourreau. Il s’enfonce facilement dans ce conduit lubrifié. Elle noue ses jambes autour de ses reins. Les talons guident la cadence, accélèrent un moment, puis bloquent le tout lorsque son plaisir éclate. Yann, pris dans cet étau merveilleux, se laisse aller, se répandant dans ce corps désiré.


Ils sont retombés sur le coté, encore enlacés, heureux, sans dire un mot. Puis, les jambes féminines se sont desserrées. Elle retombe les bras en croix, un sourire heureux sur les lèvres.



Ils sont allés se doucher ensemble, occasion de nouvelles caresses. Après, il l’a quittée, malgré son invitation. Il a peur de s’engager, il veut réfléchir.


Toute la journée, il a soigné ses malades machinalement, ayant toujours en tête cette soirée merveilleuse. Il est merveilleusement bien avec elle. Est-ce vraiment de l’amour ou un simple plaisir physique ? Que faire ? Est-ce que je l’appelle ? Arrivé chez lui, il trouve son répondeur saturé par les appels d’Alice.


Le couple se retrouve de plus en plus souvent le soir, chaque fois que Yann est libre. Ils connaissent des moments de plaisir intense. Mais après, il rentre chez lui. Ils n’ont d’ailleurs jamais parlé de vivre ensemble, restent extrêmement discrets sur leur vie professionnelle. Il lui a dit qu’il travaillait à l’hôpital, sans préciser quelle était sa fonction exacte. Il sait qu’elle est dans une petite entreprise, mais sans en connaître le nom, ni la nature de ce travail. Car Yann envisage pour la première fois de s’engager durablement. Mais avant de lui faire des propositions sérieuses, il veut savoir si leur attachement est profond. Ils ont simplement décidé que cet été ils partiraient passer quelques jours ensemble, afin de mieux se connaître. Ils décideront après.


Pour l’anniversaire d’Alice, Yann a décidé de l’amener dans un restaurant chic. Quand il est allé la chercher, il est resté ébloui. Dans une magnifique robe ivoire assez courte qui lui moule le corps, montrant des jambes merveilleuse, avec seulement un string comme sous-vêtement, elle est adorable. Il s’empresse de la féliciter. Mais elle semble contrariée et lui dit qu’elle n’aime pas ce vêtement. Pourtant, quand ils rentrent dans la salle, le ton des conversations baisse, les hommes admirent, les femmes jalousent, envient cette magnifique apparition. À cette occasion, Yann lui offre un bijou, un genre de caillou en argent à la fois arrondi et avec des angles vifs, monté en collier. Il a fait graver un minuscule A. C’est un cadeau que lui a fait un copain des beaux arts, un jour qu’il l’a dépanné.


Ce week-end, Alice va dans sa famille, Yann profite de sa liberté pour assurer un extra à l’auberge. Ce sera de l’argent pour les vacances. Il n’est pas spécialiste de l’hôtellerie, ne sert pas en salle, mais assure la plonge ou d’autres tâches domestiques. Le soir, il couche sur place afin d’aider le lendemain matin les femmes de chambre pour nettoyer, dégager le linge sale.


Ce matin, le travail terminé, il descend. Dans le hall, plusieurs employés examinent un objet. Curieux, il s’approche et reconnaît le collier qu’il a offert à Alice.



Yann est effondré. Il comprend soudain le si bel appartement, les réticences à parler de son travail, en réalité, ce n’est qu’une call-girl. « Je comprends sa classe et surtout sa science amoureuse, c’est une professionnelle. »


Il est reparti chez lui, décide de déménager immédiatement chez un copain afin qu’elle ne le retrouve pas, il ne veut plus jamais la revoir. C’était la première fois de sa vie qu’il envisageait de se fixer, de vivre en couple, d’avoir des enfants. Sa déception est immense. Il se lance dans le travail, ne sort plus, ne trouvant de consolation qu’auprès de Claire à qui il s’est confié.



L’ambulance des pompiers entre dans le sas vitré. Aussitôt le brancard sort, se déplie. Yann se précipite pour voir le blessé. Ou plutôt la blessée. Il a été avisé de la gravité de l’accident et des premières constatations sur place. Le corps est entièrement enveloppé par un drap stérile. Seul le visage, ou plutôt une éponge rouge, apparaît. Le pare-brise en sécurit a explosé, les verres s’incrustant contre la face. Toutefois, des lunettes semblent avoir protégé les yeux. Le drap est déplié. Il découpe les vêtements, nettoie. Rapide examen : la plupart des plaies pas très graves, mais par contre il y a une fracture ouverte à la jambe gauche, inquiétante, et probablement des cotes cassées. Au toucher, pas d’organes essentiels abîmés. Rapidement, il envoie la patiente vers son copain de la radio.


Pour établir son rapport, il va se renseigner auprès des pompiers. Il semble que la conductrice roulait à une allure raisonnable quand, à la sortie du virage, elle a vu arriver deux voitures qui faisaient la course. Le choc était inévitable. Le conducteur du véhicule qui l’a percutée, probablement sans ceinture de sécurité, est mort sur le coup. Pour désincarcérer la blessée, il a fallu découper rapidement la voiture car l’essence fuyait et l’on craignait un incendie.


On ouvre le sac, mais il est plein de liquide extincteur, le portefeuille est une éponge, les papiers sont illisibles. Tube de rouge à lèvres, peigne, mouchoir, tout le contenu d’un sac de femme. Et dans une petite poche intérieure, un collier. Yann reste figé, c’est celui qu’il a offert à Alice.



Ainsi, elle ne l’a pas oublié et a conservé le collier. Mais s’il s’inquiète de son état, c’est en tant que praticien. Il rejoint son collègue qui termine les examens.



Un rayon de soleil le tire de son sommeil. On ne l’a pas réveillé, elle vit. Est-ce par simple souci professionnel ? Lui qui la déteste, il s’aperçoit que ses sentiments sont plus complexes. Par contre, elle est défigurée, cela va la désespérer !


Il se rend vers la réanimation et la regarde à travers la vitre.



Yann se retourne, c’est une infirmière qui a longtemps travaillé dans son service.



En retournant dans son service, il trouve un policier qui l’attend, vient lui demander des renseignements. Il lui explique que c’était une connaissance et que c’est le collier bien particulier qui lui a permis de la reconnaître. Puis il demande si l’on a prévenu ses parents.



Surtout avec le métier qu’elle exerçait, pense Yann. Elle devra se reclasser.


Chaque jour, il prend discrètement des nouvelles d’Alice. Mais il se garde bien de se montrer, ne voulant pas qu’elle connaisse sa présence. Il remarque plusieurs fois un homme d’une cinquantaine d’année qui vient dans la chambre. Un jour, ce dernier discute un moment avec son amie l’infirmière. Yann l’interpelle :



Oui, un ami, plutôt un client fidèle. Il doit être en manque et regretter qu’elle ait perdu ses charmes, pense-t-il. Heureusement, avec sa jambe immobilisée, elle ne peut pas bouger. On a interdit de lui laisser le plus petit miroir, car son visage est maintenant à l’air libre afin qu’il cicatrise plus vite. On ne peut entamer une chirurgie réparatrice tant que l’état des plaies ne s’est pas amélioré. Et la face est vraiment abîmée.


Une nuit où il est de garde, son amie le prévient, on a retrouvé Alice évanouie devant la glace du lavabo. Malgré sa jambe immobilisée, elle est parvenue à se lever. Elle a dû être effrayée en se voyant. Fort heureusement, il n’y a pas de conséquences graves. Maintenant, on a décidé de l’immobiliser un peu mieux. Par contre, son moral est au plus bas et inquiète les médecins, ils craignent une dépression qui entraînerait automatiquement une détérioration de son état général.


Malgré tout le ressentiment qu’il éprouve à son égard, Yann la plaint, voudrait bien qu’elle guérisse même si son visage est abîmé. La nuit, elle est placée sous calmant afin d’éviter tout accident. Il décide d’aller dans sa chambre et de lui parler doucement. Elle repose inconsciente. Il lui murmure à l’oreille :



Le lendemain, quand il va prendre des nouvelles, il constate que l’homme sort de la chambre un peu moins triste. Son amie lui indique que ce matin elle va un peu mieux, qu’elle a accepté de se nourrir, de prendre ses médicaments sans rechigner.


La thérapie nocturne semble avoir agi. Aussi Yann la renouvelle les nuits suivantes. Il semble que ce soit efficace, elle est moins triste. Yann décide d’aborder l’homme qui vient chaque jour.



Le soir, il va la voir.



Le lendemain, le téléphone sonne alors qu’il est encore au lit. Il se précipite, pensant à une urgence, une catastrophe. Quelle poisse. C’est bien l’hôpital, mais pour une communication personnelle.



D’un coup, sa mauvaise humeur disparaît, il est heureux. Mais au fond de lui-même, il s’interroge : pour quelle raison s’intéresse-t-il tant à elle ? Après tout ce n’est qu’une « patiente ».


Une intervention pas très grave est prévue sur la plaie à la jambe de la malade, le retrait de broches. Mais la malade angoisse à cette idée. Afin d’éviter tout choc, il a été décidé d’endormir le bas du corps par injection péridurale. L’infirmière a prévenu Yann. Ce dernier décide d’y assister pour juger de l’état de la plaie.


La veille de l’intervention, Alice étant toujours sous calmant, il se rend dans sa chambre pour continuer la thérapie.



Mais en sortant, il se sent mal à l’aise, est-ce de la thérapie ou encore un sentiment particulier envers elle ? Il ne peut pourtant pas aimer une pute ! Il est vrai que maintenant, avec la gueule qu’elle aura, elle sera obligée de changer de métier. Et il la laissera partir, car jamais il ne pourra oublier son passé.


Il entre dans le bloc opératoire, masqué pour des raisons d’hygiène, anonyme parmi tout le personnel. La patiente est préparée, le champ opératoire séparé par un rideau afin de masquer la vue à la malade. Yann suit avec attention les gestes du chirurgien. Le bruit des instruments impressionne Alice qui instinctivement saisit un poignet.


L’intervention s’est déroulée sans problème, la blessure est en voie de guérison, les praticiens satisfaits. Dans le couloir, le vieil homme est là, anxieux. Yann se dirige vers lui et le rassure, il pourra voir son amie cet après-midi.



Il l’amène dans un bureau désert, lui désigne un fauteuil.



Mais elle a tenu à me régler avec la seule chose qu’elle possédait, son corps. Choqué, je voulais refuser, mais elle m’a dit que sinon elle partait. D’un autre coté, elle était si belle - vous l’auriez vue avant son accident - que j’ai accepté. Pendant un an, j’ai été à la fois au paradis, et en enfer. Je me jurais après chaque rencontre de ne plus la toucher, mais quand elle venait chez moi, je craquais, elle était si belle.

Puis un jour, il y a deux ans, elle m’a annoncé qu’elle avait quelque chose d’important à me dire, qu’elle acceptait que nous passions un week-end ensemble. Nous sommes allés dans une auberge des environs. Alice était magnifique, dans une robe claire que je lui avais offerte, tout le monde l’admirait. Le soir dans la chambre, elle s’est mise nue, a même quitté son collier. Cette nuit-là elle m’a comblé, elle d’ordinaire si réservée.

Après, elle m’a dit que c’était la dernière fois que nous nous aimions, elle m’a révélé qu’elle était amoureuse. J’ai écouté, accepté, soulagé qu’elle ait pris cette décision, car cela ne pouvait plus durer entre nous. Elle était si jeune. Au contraire, j’ai été satisfait qu’enfin elle puisse être heureuse. Nous sommes rentrés manger dans notre restaurant habituel. Après le repas, elle s’est aperçue soudain qu’elle n’avait plus son collier. Elle a pâli, est partie en courant, affolée.

Je ne l’ai revue que le lendemain matin au bureau. Elle était livide, le visage fermé. Je lui ai demandé si elle avait retrouvé son collier, elle ne m’a pas répondu. J’ai voulu lui en offrir un autre. Elle a refusé. Elle a terminé ses études brillamment, je l’ai embauchée définitivement. Elle était d’une efficacité formidable, aimable avec tout le monde, mais fermée. Je comptais me retirer dans quelques années, lui laisser l’entreprise. Puis ce terrible accident, et c’est à cette occasion que j’ai revu le collier.

Excusez-moi, je vous fais perdre votre temps, mais je suis seul, j’avais besoin de raconter mon histoire et vous êtes la personne la plus sympathique que j’ai rencontrée depuis ce malheur.



Le vieux monsieur est reparti tranquillement.


Yann s’est enfermé dans le bureau, ému jusqu’aux larmes. Ainsi, celle qu’il avait prise pour une putain n’était en réalité qu’une fille honnête et, surtout, qui l’aimait. Comment réparer ce gâchis ? Il lui faut aller la trouver, raconter son histoire, mais comment ?


La nuit suivante, bien que de repos, il est allé à l’hôpital. Il s’est approché de la chambre, voulant profiter du sommeil d’Alice. Ainsi, il pourrait s’expliquer sans qu’elle l’interrompe, puis revenir le lendemain.


Son amie l’aperçoit et, toute heureuse, lui annonce que sa malade va beaucoup mieux, elle n’est plus sous calmant et va bientôt sortir. Désappointé, Yann ne sait comment faire. N’y tenant plus, il choisit une tactique. Il entrera dans la chambre en blouse dans l’obscurité, modifiera sa voix.



Surpris, Yann ne sait comment répondre.



Il s’empresse d’aller chercher un sédatif assez puissant. Il lui tend. Il lui met dans la main, elle le porte à la bouche, l’avale avec un verre d’eau.



Il la laisse, le temps que le médicament fasse effet. Une heure après, il retourne auprès d’elle. Elle dort, respire tranquillement. Alors, doucement, il lui raconte tout.



Il se penche et pose un baiser léger sur les lèvres. Deux mains se saisissent de la tête, prolongent le baiser.



Le plus surpris a été monsieur Durand, l’ami d’Alice. Quand il est entré dans la chambre le lendemain, elle riait, l’a embrassé. Devant son air surpris, elle lui a conté toute l’histoire.


Certes Alice doit encore subir plusieurs opérations au visage, qui se trouvera transformé. Elle a aussi besoin de soins. Cela lui importe peu, Yann est là. Ils s’aiment, et n’ont pas attendu sa guérison pour se le prouver, malgré ses plaies. Ils parlent déjà de mariage, d’enfants.


Elle est heureuse d’avoir été victime de cet accident. Et monsieur Durand resplendit devant le bonheur du couple.