J’étais tout seul au MacDo. Je mangeais tristement un big mac en rêvassant, quand deux grosses blacks sont venues s’asseoir à la table juste à côté de moi en faisant un raffut du tonnerre. J’ai relevé la tête. Celle qui me faisait face était particulièrement épanouie et replète avec une poitrine maousse-costaud. Elle devait avoir environ la quarantaine. Plutôt jolie, avec sa peau café au lait uniformément pigmentée et ses cheveux tressés, et très à l’aise dans sa personne, l’Antillaise dans toute sa splendeur. Elle était dotée d’une paire de seins réellement énormes, une poitrine débordante d’enthousiasme.
Mais, question opulence, sa vis-à-vis ne perdait rien au change car, même vue de derrière, on ne pouvait que remarquer ses hanches hyper-larges et son derrière mastoc.
Deux grosses blacks donc, aussi grosses que blacks, divinement grosses et divinement blacks. Elles me rappelaient un peu Joséphine, une voisine martiniquaise qui avait peuplé durant de longues années mes fantasmes d’adolescent boutonneux et craintif. Joséphine ? Qu’était-elle devenue au fait ? Cela faisait bien dix ans que je ne l’avais pas vue. J’avais toujours été fasciné par sa prestance.
Les deux femmes riaient, elles gloussaient, elles parlaient fort, elles vociféraient, sans aucune gêne et sans considération pour leur entourage. Mais, du fait de leur dynamisme, elles restaient fort sympathiques.
- — Oh, dis donc, ma vieille, c’est pas possible des choses comme ça, tu devrais le lui faire payer (avec un fort accent antillais) ! C’est vraiment un grand démon.
- — C’est surtout un beau salopard. Je le déteste vraiment. Qu’il aille donc la retrouver, sa pétasse ! Si elle veut de lui, je le lui laisse et, si elle n’en veut pas, qu’il aille se faire foutre !
- — Tu ne l’aimes plus ?
- — Pffff, c’est un tchatcheur, un frimeur, un dragueur, encore plus un inutile, il m’a humiliée avec cette salope. T’as vu ça, le genre qu’elle se donne, en plus ? Une vraie petite pute manucurée ! Et t’as vu ça, les airs qu’elle prend ? Madame la comtesse prout, prout, qui se la joue, qui se la pète. Elle est même pas jolie sous son maquillage de pouffe. La seule chose qu’elle sait faire, c’est ouvrir la bouche et écarter les cuisses.
- — Tu devrais lui arracher les yeux. Dix ans de mariage, tu ne vas pas laisser tomber, quand même !
- — Si tu en veux, tu peux le prendre, je te le donne. Moi pour c’est fini, je le déteste.
- — Mais enfin, je ne comprends pas, au début, vous étiez si bien ensemble !
- — Les trois premières années, peut-être. Et puis monsieur a commencé à faire le beau auprès de ces dames. Il voulait sortir, voir du pays, et au besoin découcher, collé serré contre des allumeuses… mais surtout pas rester avec sa femme à la maison. Et puis, tu as la mémoire courte, tu oublies la fois où il avait essayé de te draguer. Et encore, avec toi il devait faire gaffe car il savait que tu pouvais toujours m’en parler. Mais avec les autres, tu crois qu’il se gênait ? Je lui ai pardonné une, deux, trois, dix fois… mais combien d’incartades en tout ? Maintenant c’est fini et puis, avec l’autre pouffe, c’est encore plus grave, car elle se l’est accaparé.
- — Il se lassera d’elle, elle a la tête vide comme une noix sèche.
- — Elle doit déjà être cocue cette salope. Mais il s’en trouvera une autre. Mais moi, c’est bien fini, je n’en veux plus, il m’en a trop fait baver. Je le maudis. Ses simagrées ne font plus rien que m’agacer.
Elles bavaient depuis bientôt une demi-heure contre le mari infidèle. N’ayant rien de mieux à faire, j’écoutais leur conversation tout en les matant discrètement. Celle qui me faisait face s’en aperçut bientôt. À un moment donné, elle me surprit même alors que je reluquais avidement sa gorge profonde, bien mise en valeur par le décolleté plongeant de son t-shirt échancré. Gêné d’avoir été ainsi percé à jour, j’ai aussitôt détourné la tête, en prenant l’air absent. Mais quand nos regards se sont à nouveau croisés, j’ai entraperçu un sourire plutôt sympa à la commissure de ses lèvres moqueuses et délicieusement ourlées.
Elles se mirent alors à parler créole en gloussant bruyamment et, quelques minutes plus tard, celle qui me faisait face fit un signe pas très discret à sa copine, qui se retourna franchement dans ma direction. Elle me regarda de la tête aux pieds puis ses jolis yeux de braise se posèrent dans les miens. Pas froid aux yeux, c’est le moins qu’on puisse dire. C’était une femme bien plus âgée que moi, à vue de nez la cinquantaine, mais une cinquantaine bien dans sa peau et une cinquantaine très épanouie. J’avais du mal à ne pas lorgner vers son t-shirt qui camouflait à peine un soutien-gorge lourdement rempli, encore plus rempli, semble-t-il, que celui de sa comparse.
Devant mon air ahuri, les deux femmes s’esclaffèrent de plus belle et, quelques mots de créole plus loin, elles éclatèrent d’un rire franc et massif qui emplit toute la salle. Les rares clients et les serveurs se retournèrent vers nous en se demandant ce qui se passait, ce qui n’entacha en rien la bonne humeur de mes voisines.
Étaient-elles en train de se payer ma bobine ? C’était plus que probable. Vexé, je pris mon journal et fis mine de le lire, ce qui ne les empêcha pas de continuer à rigoler grassement dans leur coin.
Elles finirent finalement par se lever et s’en furent sans dire un mot, me donnant en spectacle la vision grandiose de leurs derrières XXL. Leurs hanches étaient très larges, leurs fesses trop bien remplies… C’était vraiment de sacrés beaux morceaux qui avaient dû satisfaire plus d’un homme.
L’incident était clos, je repris là mes rêveries en essayant de me concentrer vainement sur mon travail… Le temps passa…
- — Pardon monsieur, auriez-vous l’extrême obligeance de nous laisser nous installer à votre table ?
Médusé, je redressai la tête en reconnaissant le fort accent antillais. Elles étaient de nouveau là, revenues sans faire de bruit, sans dire un mot : elles étaient, toutes les deux, tout sourire, des dents blanches et éclatantes, à l’image de leur bonne humeur. Et devant mon air ahuri, elle éclatèrent de rire.
Sans me laisser le temps de répondre quoi que ce soit, elles s’installèrent face à moi :
- — Je crois bien que vous plaisez à Bernadette, lança joyeusement l’opulente délurée, avec une malice non dissimulée. Elle m’a dit qu’elle vous trouve très, très… à son goût.
- — Oh, ne l’écoutez pas, protesta son aînée, c’est plutôt elle qu’a le béguin pour vous.
- — Tuh, tuh. Elle m’a dit : « Mignon et sexy ». Alors, je lui ai dit : « Bernadette, écoute-moi, si ce monsieur te plaît, ne laisse pas passer ta chance, il a l’air vraiment très gentil et il peut sûrement consoler ton chagrin et t’apporter plein d’bonheur ». Et j’ai rajouté : « Allez, vas-y, fonce, profites-en, il est plutôt beau gosse ».
- — Ce qu’Honorine vous dit pas, c’est qu’à elle aussi vous plaisez, s’insurgea ladite Bernadette. Elle m’a même dit « Je le croquerais bien, ce petit blanc-bec ! ».
- — Oh mais toi aussi tu veux bien le croquer. Si vous l’aviez entendue dans la voiture, tout à l’heure, elle n’en pouvait plus : « Quand je l’ai vu, j’ai tout de suite craqué. Je le trouve hyper-mouillant ce type. En plus, il me déshabillait des yeux, c’était un délice ».
- — Mais toi aussi tu as dit : « Il est craquant, hyper-sexy sous ses airs de faux timide. J’aimerais bien l’essayer pour voir ce qu’il donne au lit ».
- — Non, ça c’est toi qui as dit ça. Tu n’en pouvais plus, tu avais la bave aux lèvres et les yeux brillants d’envie. Tu m’as même dit qu’il avait fait mouiller ta petite culotte ! Si tu veux, tu nous la montres, qu’on vérifie ?
- — Honorine ! Tu n’es qu’une vipère et je ne sais pas laquelle de nous deux est la plus humide.
- — Vous ne voyez pas comme elle vous regarde ? Comme elle vous croque des yeux ! Comme elle est excitée ! On dirait une jeunette amoureuse.
- — HONORINE !
- — Elle avait trop envie, elle m’a supplié de faire demi-tour et nous voici… Bernadette vient de perdre son mari qui lui a donné des cornes et elle a besoin de beaucoup de gros câlins…
J’étais sur le cul, complètement ahuri par tant de confidences. Je ne savais trop quoi répondre.
Alors elles ont à nouveau éclaté de rire et jouant des coudes.
- — En plus elle aime les hommes jeunes, comme vous : 25, 30 ans, elle adore ça, ajouta-t-elle en chuchotant, sur le ton de la confidence. Et elle possède vraiment toutes les qualités requises pour que vous passiez tous les deux un très bon moment.
Je levai les yeux. Honorine, qui était sans doute la plus réservée des deux, était passablement déconfite après ce que venait de dire sa copine, ce qui trahissait une certaine gêne et un certain émoi, preuve qu’il y avait sans doute, dans tout ça, un soupçon de vérité. Je profitai de son désarroi passager pour admirer un instant sa gorge profonde. Les deux femmes éclatèrent aussitôt de rire, je ravalai ma salive. L’opulence de leurs poitrines ne faisait aucun doute et le couillon que j’étais avait beaucoup de mal à y échapper.
Mais, d’un autre côté, il était évident qu’elles se payaient un peu ma tête.
- — C’est qu’il a l’air de nous trouver très à son goût ! Et il aime ça les gros lolos !
- — On dirait bien que t’as raison, t’as vu comme il nous les mate.
- — Ma pauvre Bernadette, tu crois que ce petit jeunot pourrait te faire oublier ton vilain mari ?
La susdite secoua la tête, complètement enthousiaste à cette évocation :
- — Oui, oui, oui, je crois bien, lui saura quoi faire de mes roploplos, en tout cas.
- — J’ai l’impression qu’il aime aussi ton gros derrière. Si t’avais vu comme il le zyeutait quand il était derrière toi ! Il n’arrêtait pas. Je ne sais pas à quoi il pensait, mais très certainement à des choses pas très catholiques. J’crois bien qu’il avait envie de lui faire sa fête, à ton gros derr’ !
- — Parce que tu crois que toi, il te zyeute pas ? Il n’arrête pas ! Allez hop, encore un p’tit coup d’œil sur tes lolos, et vas-y que j’te mate.
- — En plus d’être cocue, tu ne serais pas un peu jalouse ?
Elles se chamaillaient joyeusement et bruyamment, elles en faisaient profiter toute la salle. J’étais dans mes petits souliers, complètement à la merci des deux femmes.
- — C’est quoi ton petit nom ?
C’est Honorine qui avait parlé.
- — Bernard.
- — Bernard, Bernadette… Mais, dites donc, c’est qu’en plus vous êtes faits l’un pour l’autre… Bernard bande pour Bernadette et Bernadette mouille pour Bernard. Alors, gentil Bernard, laquelle de nous choisis-tu ? Je serais toi, je prendrais Bernadette. Elle est très chaude et très cochonne au lit.
- — Qu’est-ce qu’il faut pas entendre ! s’insurgea cette dernière.
- — En plus, elle a des talents cachés. Elle fait des choses que les autres femmes ne veulent pas entendre, je pense que tu ne seras pas déçu.
- — Oh, tais-toi donc… Ne l’écoutez pas Bernard ! Elle ment comme elle respire. Si tu savais de quoi elle est capable, l’experte de l’amour, c’est elle. Elle a une de ces réputations ! Tous les beaux mâles lui sont passés entre les mains. Et pas seulement entre les mains ! Et, question spécialités, c’est Honorine qu’il faut choisir. C’est elle la plus vicieuse. Elle a tout vu, tout essayé. Avec elle, c’est plaisir assuré !
- — Mais c’est qu’elle me ferait passer pour une pouffe, celle-là !
- — Avoue que tu as le sang chaud et des envies bizarres.
- — Avoue que tu en as bien profité et que tu n’as jamais dit non. Au jeu de lèche-minou, elle faisait la fine bouche. N’empêche qu’après y avoir goûté, maintenant c’est elle qui me relance. Avec ses airs de ne pas y toucher, elle aime les filles autant que les hommes et, question vices, je suis battue à plate couture… La plus anale des deux n’est pas celle qu’on pense !
Les deux femmes me regardaient intensément, surveillant la moindre de mes réactions. Au mot « anale », elles se donnèrent un coup de coude.
- — Et pourquoi pas toutes les deux ? finis-je par dire, sans trop vraiment en avoir envie, pour couper court à cette fausse dispute et pour détourner la conversation.
Mais elles éclatèrent de rire de plus belle. Elles se tapaient les mains sur les cuisses, elles étaient complètement hilares :
- — Mais c’est qu’il parle, constata Bernadette.
- — Messieurs, dames, « BERNARD PARLE », renchérit Honorine à destination de toute la salle.
- — Chut, protesta son amie pour l’inviter à plus de modération.
- — C’est que nous avons de très gros besoins, ajouta Honorine sur le ton de la bonhomie.
- — De très, très gros besoins, renchérit Bernadette.
- — Et un tempérament de feu.
- — Et des envies insatisfaites…
- — Et des désirs de grosses cochonnes, susurra Honorine en s’approchant de moi et en passant très lentement sa langue le long de ses lèvres… Vois-tu, mon p’tit Bernard, nous sommes vraiment deux grosses cochonnes avec des envies dans tout le corps. Alors, si tu viens avec nous, j’crois bien qu’on va te croquer tout cru. À tes risques et périls. On va user de toi et en abuser, jusqu’à plus soif. On va te vider jusqu’à la dernière goutte, jusqu’à ce que t’en puisses plus. Pas vrai Bernadette ?
- — Humm siiiii, répondit simplement cette dernière avec un regard vitreux. J’en mouille déjà et j’ai très envie de voir ce qui se passe entre les cuisses de ce beau mâle. Son dard me fait saliver.
- — Hola, doucement, ne va pas me l’user prématurément, il faut en garder pour toutes les deux !
Je suis sorti du MacDo entouré des deux femmes qui se faisaient désormais très pressantes. J’avais la ferme conviction d’aller droit à l’abattoir et n’avais pas la prétention de satisfaire ces deux beautés créoles, je me serais bien contenté de les admirer. Comment un être ordinaire pourrait-il d’ailleurs répondre aux majestueux désirs de ces deux déesses de l’opulence ?
Honorine habitait une cité pas très loin. Elles m’entraînèrent joyeusement au milieu des immeubles délabrés couverts de graffitis, vers le numéro 12, troisième étage, porte gauche, pour une longue nuit de folie qui s’acheva par épuisement.
Par la suite, je mis au moins dix jours à m’en remettre.