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Temps de lecture estimé : 7 mn
28/09/06
Résumé:  Jade, qui aime raconter les histoires vécues par Alice, part en week-end avec elle et raconte leurs aventures communes.
Critères:  inconnu sport forêt caférestau volupté cérébral nopéné
Auteur : Jade  (Alice et Jade en week-end)            Envoi mini-message
La balade

Cette forêt était magnifique, la douceur de l’air magique et je n’arrêtais pas de suer et de peiner dans cette côte qui avait l’air de ne pas vouloir aboutir. Décidément, je n’étais pas faite pour l’endurance, mais heureusement le paysage était superbe et mis à part mes bruits de forge, seul le léger bruissement des feuilles dans la brise tiède était perceptible. Les douloureux élancements dans mes mollets alors que j’appuyais péniblement sur les pédales de mon VTT me rappelaient que l’osmose avec la nature se mérite, et j’en payais à ce moment-là le prix fort !


Évidemment, Alice avait disparu depuis un long moment, et je lui savais gré de me laisser savourer – si on peut dire ! – cet instant sans interférence. Elle était probablement en haut depuis longtemps, en train de savourer une cigarette. Quant à moi, impossible de lâcher le guidon ne serait-ce qu’une seconde pour éponger la sueur qui coulait de mon front sous peine de me retrouver couchée sous mon vélo, c’est donc les yeux brûlants d’eau salée que j’arrivais enfin en vue de la fin de cette séance de torture.



Le pire est que je ne perçus dans sa voix que sa joie d’être là et même pas la moindre pointe d’ironie.



C’était ma première sortie VTT – vélo que j’avais d’ailleurs gagné à… un tournoi de badminton – et j’hallucinais rien qu’en regardant ce que je venais tout juste de gravir. Comme quoi, on a parfois des ressources insoupçonnables ! Par contre Alice, elle, était non seulement une championne aux jeux de raquettes, mais en plus pouvait facilement damer le pion à bien des costauds en ce qui concernait l’endurance.


Il faut dire que cet endroit était vraiment particulier, tout concordait au bien-être, la beauté non seulement esthétique mais aussi intrinsèque qui faisait que ce lieu donnait l’impression d’être seul au monde. Ajouté à l’absence de nuisances sonores de source humaine, il s’en fallait de peu qu’on ne soit guère surpris de voir surgir un troll ou autre elfe au contour d’un hêtre au ramage fuyant.


J’aurais aimé prolonger cet instant, non seulement pour apprécier pleinement la quiétude ambiante mais aussi pour récupérer la moindre évidemment, mais déjà Alice écrasait son mégot de son talon et enfourchait son engin.



Yes, of course…


Nous étions arrivées la veille au soir dans une auberge isolée, au terme de tours et détours que seules deux blondes peuvent inventer, et nous nous étions écroulées avec soulagement dans nos couettes respectives pour un repos des guerrières bien mérité après une semaine de dur labeur. Nous avions écumé ce matin les bords du lac, longé le golf et bu un café sur une terrasse qui n’avait rien à envier à la Croisette, savourant autant notre complicité qui nous épargnait des flots de mots inutiles que les toutes premières chaleurs annonciatrices de l’été, avant d’attaquer cette petite virée classée pourtant « facile » selon mes informations ! Et bien heureusement que je n’avais pas choisi la « moyenne »…


Après cette balade (de trois heures, quand même), nous avons décidé de nous accorder une petite pause et sommes allées nous désaltérer d’un petit rosé à une magnifique terrasse, à laquelle nous avions accédé par funiculaire. Le Tessin valait vraiment le détour, avec ses bords de lacs alanguis, ses routes sinueuses et ses écrins de nature à vous couper le souffle.


Après quelques explorations infructueuses, nous avons décidé de sortir de Lugano qui décidément nous horripilait toutes deux et sommes parties en grandes exploratrices vers des contrées plus accueillantes.


N’ayant rien avalé depuis le petit-déjeuner, mon estomac commençait sérieusement à se faire entendre et réclamait sa pitance, vu qu’on approchait quand même à grands pas de la fin d’après-midi. Alice, quant à elle, ne ressentait rien d’autre qu’une petite envie d’apéro. Va pour le rosé aux chips, alors…


Sur les conseils mal éclairés de la tenancière du troquet qui était persuadée que tout était complet, nous nous sommes arrêtées dans le premier hôtel venu qui, faute d’être chaleureux, avait au moins le mérite de nous héberger très correctement. Après une douche extrêmement bienvenue, nous sommes parties à pied chercher un grotto ou n’importe quel établissement qui nous fournirait quelque chose de substantiel pour nous rassasier. Le lac se teintait de pourpre quand nous avons passé la commande et nous avons commencé à nous détendre en grignotant les olives que nous avait amenées un charmant serveur typé latin.


Grisées toutes deux par les quelques verres ingurgités dans la journée ensoleillée et encore sous le coup de l’effort fourni, nous étions relativement gaies et riions haut et fort. Malgré mon état de légère euphorie, je remarquais du coin de l’œil nos deux voisins qui commençaient sérieusement à lorgner du côté de notre table. J’en fis part à Alice, qui était en train de me raconter sa dernière aventure incroyable avec un gars qui l’avait quasiment agressée à la sortie d’un vernissage, et avec lequel elle avait passé une nuit dont la description commençait sérieusement à m’émoustiller.


Elle s’interrompit dans son récit en jetant négligemment un regard aux deux incriminés, puis me regarda à nouveau dans les yeux :



On n’avait généralement pas, mais alors pas du tout les mêmes goûts en ce qui concernait la gente masculine, mais là il aurait fallu être vraiment plus que difficile pour ne pas apprécier l’esthétique de ces deux hommes. L’un avait les cheveux brun châtain coupés courts, la trentaine bien entamée, une apparence musclée et des gestes tout en douceur, ses yeux verts reflétant la lueur de la bougie que les yeux noirs de son vis-à-vis renvoyaient également, sous le désordre de boucles brunes en pétard qui encadraient un visage parfait, aux lèvres sensuelles et au teint mat des gens du sud, et qui paraissait à peine un peu plus jeune que son compagnon. Ces deux hommes dégageaient une sorte de félinité et un côté baroudeur qui ne nous laissaient pas insensibles, autant Alice que moi. Pour une fois, on crochait sur les mêmes !


Baissant le ton, Alice a continué à me raconter ce qui s’était passé cette nuit-là, et toute habituée que j’étais à ses récits hauts en couleurs – sans compter les quelques verres supplémentaires qu’on avait consommé depuis qu’on attendait notre repas – je commençais sérieusement à sentir mon intimité se liquéfier. Peut-être quand même que la présence de ces magnifiques spécimens à côté de nous n’était pas pour rien dans l’effet que me produisait son récit ! D’autant plus que je percevais leur regard à la dérobée, et j’imaginais que deux blondes plutôt bien faites, court vêtues, bronzées et rieuses ne devaient pas les laisser insensibles.


Lorsque le serveur nous a amené nos plats, j’ai discerné que lui non plus n’était pas insensible à nos charmes respectifs vu que mes yeux portaient à peine au-dessus de son entrejambe qui arborait une fière protubérance. Alice ne l’avait pas raté non plus et on n’a pas eu besoin de parler pour éclater de rire simultanément lorsque nos regards se sont croisés ! On a alors énergiquement attaqué nos plats de pâtes, pressentant que la nuit allait être longue…


Comme on est toutes deux ferventes adeptes de l’épicé, on a levé les yeux dès la première bouchée avalée pour chercher le poivrier. Devant notre air inquisiteur, le plus jeune des deux hommes d’à côté n’a pas tardé à réagir en nous tendant l’objet de nos convoitises, tout en baragouinant une tirade en italien que nous ne comprenions ni l’une ni l’autre. Je le remerciais, les yeux pétillants et le sourire accrocheur.



La discussion était lancée et il n’a pas fallu longtemps avant que ces messieurs ne s’invitent à notre table dès nos dernières bouchées avalées, avec notre large assentiment faut-il le préciser.


Nous avons ri et plaisanté, jonglant entre les langues respectives. Le plus âgé, Bruno, parlait couramment le français et nous servait d’interprète lors des passages difficiles. Il travaillait dans l’humanitaire à Mogadiscio et était en vacances dans sa famille pour quelques semaines. Gianni, quant à lui, était architecte et pratiquait à Milan, mais il était venu passer une semaine avec Bruno pour faire des randonnées pédestres. Nous leur avons expliqué que nous étions en week-end d’escapade du quotidien et résumé nos situations respectives.


Après quoi, tout s’est enchaîné assez rapidement. Un café bienvenu, une envie commune de bouger et nous sommes partis du grotto dans le but d’aller visiter l’église qui nous surplombait de quelque cent cinquante mètres. L’occasion de respirer et digérer la moindre, après ces abus divers… et celle aussi pour Gianni de nous éclairer sur l’origine de cette église magnifique, perchée sur son éperon rocheux dominant le lac à nos pieds. On aurait dit qu’il avait vécu en ces temps reculés, où les hommes édifiaient des monuments à la force de leurs poignets avec pour seuls outils leur volonté et une inextinguible foi.


Gianni avait le don de nous faire vivre ces temps de pauvreté et d’austérité avec un réalisme surprenant. Nous étions tous trois suspendus à ses lèvres dans un silence quasi religieux, et lorsque sa voix se tut un long silence s’ensuivit, instant d’éternité suspendu dans son envol que personne ne voulait rompre.


Après de longues minutes, c’est Bruno qui s’est décidé le premier. Nous étions tous accoudés au parapet, Bruno entre Alice et moi, et Gianni à côté de moi. Bruno nous a toutes deux enlacées, sans un mot qui aurait d’ailleurs tout gâché. On s’est alors noyés dans les yeux les uns des autres et Gianni a fermé le cercle. On est restés ainsi un long moment, Alice et moi avons joint nos mains à cette quadrature, et elles ont toutes commencé une ronde pourtant si connue, mais si agréable à partager à la découverte de territoires inédits. La communion tant des esprits que des corps était au rendez-vous, nous nous laissions doucement aller à cette sensation de déjà-vu, à cette attente de ce que nous savions dès lors tous qu’elle nous emmènerait au-delà du verbal.


On a resserré le cercle, on a laissé nos hanches happer celles de nos voisins, des mains se sont rejointes derrière les dos et les lèvres se sont assemblées dans un doux mélange. Les sens en émoi, l’un de nous a donné le départ imperceptiblement et nous avons formé une joyeuse ribambelle jusqu’à l’hôtel. Les deux vieilles filles suisses allemandes de la chambre adjacente rougissent encore aujourd’hui de tout ce qu’elles ont entendu cette nuit-là…