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Temps de lecture estimé : 25 mn
29/11/06
Résumé:  Un jeu de vacances qui va trop loin, et déséquilibre un couple sage
Critères:  fh extracon vacances dispute fellation jeu
Auteur : Xavier2  (Xavier 2)      Envoi mini-message
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Je présume que les gens de notre entourage disent de Sophie et moi que nous formons un couple heureux, serein, sans histoires. Heureux et serein, c’est vrai. La vie nous a épargné ses mauvais coups. Nous avons deux enfants. Nous nous aimons. Le sexe ? Pas tout à fait comme au premier jour, après douze ans de mariage. C’est sans doute inévitable. N’empêche que j’adore lui faire l’amour. Je la connais bien, la réciproque est vraie. Sophie a peut-être moins de désir que moi ou plutôt moins souvent. Mais je sais lire dans ses yeux, certains soirs, qu’un sang allègre coule dans ses veines. J’aime la laisser venir. Dès qu’elle a couché les enfants, elle me rejoint sur le canapé du salon.

Je l’embrasse, je la caresse, je retarde délibérément le moment de l’emmener dans notre chambre. Là, elle va chercher dans son coffret le godemichet que je lui ai offert, parfois les liens en cuir avec lesquels je lui attache les poignets quand elle se sent d’humeur docile. Le reste n’appartient qu’à nous. Mais je suis fier de dire que ma femme est la meilleure baiseuse que j’ai jamais connue. Et le matin, au réveil, elle a des papillons dans le corps et la tête.


Nos amis ont raison : nous sommes un couple heureux. Sans histoires ? Pas tout à fait. Car nous avons eu une histoire, il y a quatre ans. Aujourd’hui, nous l’évoquons de temps en temps, toujours au lit. C’est souvent elle qui me provoque en évoquant ce souvenir. Je feins de m’en offusquer, la traite de salope. Et elle se fait pardonner sur l’oreiller.


Cette histoire s’est passée après la seconde grossesse de Sophie. Notre fils a mis du temps à faire ses nuits. Notre vie sexuelle s’en trouvait affectée, et Sophie s’en inquiétait. Elle se demandait, à tort, si je ne la voyais pas davantage comme une mère que comme une épouse, et exprimait souvent ses doutes par une interrogation :



Mes dénégations n’arrivaient pas à la convaincre :



Le débat était sans fin. Comment chasser ce nuage de sa tête ? J’ai eu une idée : non pas une deuxième lune de miel, mais une deuxième « première fois ».



Sophie a éclaté de rire, puis est devenue brusquement sérieuse. Elle a allumé une cigarette. Des rides barraient son front, comme lorsqu’elle réfléchit à quelque chose de très sérieux :



Cet accord, nous l’avons scellé le soir même, au lit.


Un mois plus tard, nous sommes partis à Roissy prendre un vol pour La Réunion. Aucun problème pour l’inscription au Club Med. Sophie a gardé son nom de jeune fille dans ses activités professionnelles. Elle s’est inscrite sous ce nom, en faisant adresser son courrier de confirmation à son bureau. Ainsi, nul ne pouvait savoir que nous étions mari et femme. Seule entorse à notre condition de présumés célibataires, nous avons gardé nos alliances. Je ne me voyais pas l’enlever. Le symbole aurait été trop fort, le geste trop grave. Et une brève tentative nous a définitivement dissuadés : nous portions l’un et l’autre une marque blanche au doigt, trace de l’absence de bronzage… De sorte que l’enlever aurait été pire que la garder. Nous avons convenu d’une explication : Sophie portait une alliance pour éviter d’être la cible des dragueurs, et moi parce que j’étais en instance de divorce.


Ça nous a fait étrange de nous quitter sur le quai du RER, sur un dernier baiser. J’ai pris la rame suivante, pour ne pas arriver en même temps qu’elle à l’enregistrement. Je l’ai revue dans la salle d’attente. Ça me plaisait de la regarder, de la trouver belle à distance. Mais le temps m’a paru long en avion, assis entre deux inconnus alors que j’aurais pu partager ces heures forcément intimes avec ma femme. Deux fois, je me suis levé pour passer devant elle. La première fois, elle m’a regardé franchement, comme le fait une femme quand elle croise un homme qui lui plaît. C’était plutôt excitant. La seconde, elle dormait. De nouveau, je l’ai trouvée belle et ai regretté qu’elle ne dorme pas contre mon épaule.


L’arrivée au Club a été plutôt tumultueuse : transfert en bus, formalités d’usage, recherche du bungalow, installation des affaires, présentation avec mon colocataire. Je n’ai pas vu la matinée passer. J’en avais même oublié Sophie, preuve que je me sentais vraiment dans la peau d’un célibataire.


En voyant entrer Gilles, j’ai pensé que la cohabitation allait être pénible. Il représentait, a priori, tout ce qu’un homme n’aime pas chez les autres hommes. Assez belle gueule, trapu, pas très grand, un peu gros, les poils qui sortent de la chemise, la convivialité envahissante. Au bout de cinq minutes, je savais tout de lui, restaurateur, divorcé et content de l’être, clin d’œil pour me dire que son ex-femme trouvait qu’il regardait les jolies serveuses de trop près, habitué du Club, trois ans de plus que moi. Mais encore cinq minutes plus tard, j’étais bien forcé d’admettre qu’il était sympathique.


Sa conception du club, il me l’a vite exposée : la journée, on fait du sport, le soir on drague. Je me souviens m’être dit, plutôt rassuré, qu’il n’était pas le style de Sophie. J’espérais en revanche que sa colocataire serait à mon goût. Mais impossible de trouver ma femme de toute la journée. Le programme que m’avait imposé Gilles, tennis et ski nautique, ne devait pas être le sien. Je ne l’ai revue que le soir, au dîner, mais nous n’étions pas à la même table. Nous avions prévu un plan B : retrouvailles le soir au bar devant la piscine, après le spectacle.


Effectivement, ma femme était là : sandales à talons, pantalon serré, tee-shirt blanc. Elle était belle, mais j’ai surtout regardé Cécile, sa nouvelle amie : brune comme Sophie, plus grande, belle poitrine. Pas mal du tout… J’ai dit à Gilles que j’avais repéré deux femmes seules au bar, je les ai abordées en leur proposant de prendre un verre avec nous, Sophie a accepté avant que Cécile ait le temps de répondre. Ainsi, la glace a été rapidement brisée. Nous avons prolongé la soirée dans la boîte de nuit attenante. Mais Sophie a vite levé le camp, suivie par Cécile, en prétextant la fatigue.


Dans notre bungalow, j’ai eu droit aux félicitations de Gilles pour ce premier contact réussi. Grand seigneur : il m’a même laissé le choix en me demandant laquelle je préférais :



J’ai rangé le compliment dans ma tête, en me promettant de le répéter à Sophie à la première occasion. Cécile ne me laissait pas indifférent. Sophie avait attiré l’œil de Gilles. L’affaire semblait bien partie.


Nous les avons revues le lendemain en fin d’après-midi, sur la plage. Le corps de Sophie, je le connaissais par cœur. J’ai davantage regardé celui de Cécile : elle était plus charpentée que je l’avais cru la veille, avec des hanches plutôt larges, mais appétissantes. Naturellement, une partition s’est opérée : je parlais avec Cécile, tandis que Gilles entretenait Sophie. Ils étaient dos à moi. Je ne comprenais pas ce qu’ils se disaient, mais, de temps en temps, j’entendais le rire de ma femme. Il me semblait qu’elle en rajoutait pour me provoquer. Je trouvais la situation excitante : Sophie et moi, en maillot sur la plage, tournés chacun vers des inconnus qui ne savaient pas que nous étions mari et femme. Encore un jour ou deux de ce régime, et nos retrouvailles allaient être vraiment chaudes.


Le soir, nous avons dîné ensemble. Puis même circuit : spectacle, bar, boîte de nuit. J’avais remarqué que Sophie avait un peu bu, peut-être pour se donner du courage. En boîte, elle a dansé avec Gilles. Il la serrait de près, lui parlait à l’oreille. Quant à Cécile, elle m’agaçait un peu avec son discours convenu de célibataire trentenaire, genre : « Les femmes indépendantes comme moi font peur aux hommes, ils préfèrent les femmes qui ne leur font pas d’ombre ». Et elle insistait pour savoir si ma femme et moi étions vraiment en instance de divorce, si la séparation n’était pas temporaire. Comme la veille, c’est Sophie qui a donné le signal du départ. Cette première journée au grand air l’avait épuisée, disait-elle. Elle m’a quitté sur une bise rapide. Ça m’a fait bizarre de sentir furtivement son odeur. D’autant que la bise qu’elle a donnée ensuite à Gilles m’avait semblé plus appuyée.


De retour au bungalow, Gilles semblait sûr de son fait :



Je lui ai répondu que oui. Ce n’était pas faux. Cécile ne s’était pas dérobée non plus quand je l’avais serrée en dansant. Mais elle ne m’attirait pas vraiment. À une autre époque de ma vie, peut-être, mais pas là, pas dans ces circonstances. J’ai préféré orienter de nouveau la discussion sur Sophie, en demandant à Gilles ce qu’il lui trouvait :



Je n’ai pas aimé qu’il me parle ainsi du visage de ma femme. Elle n’est pas d’une beauté spectaculaire, mais ses traits sont réguliers, j’adore la manière dont elle rit en relevant sa lèvre supérieure pour découvrir ses dents bien rangées. Et Gilles ignorait l’essentiel : combien Sophie est belle après l’amour ! En revanche, il me plaisait de l’entendre parler de son corps, de son tempérament amoureux. Ça me faisait bander dans mon lit en pensant au moment où nous nous retrouverions. Mais il fallait vraiment que je trouve un moment pour lui parler seul à seul le lendemain, afin de planifier la sortie de ce subterfuge.


L’occasion s’est trouvée en fin d’après-midi. Gilles avait déniché un nouveau partenaire pour jouer au tennis. Je les ai rejointes le premier sur la plage. Après un moment, Cécile s’est levée pour chercher à boire. Peut-être espérait-elle que je l’accompagne, mais je suis resté avec Sophie, et nous sommes allés nous baigner pour parler au calme :



Nous avons de nouveau dîné ensemble ce soir-là. Mais il y avait comme une ligne de fracture qui séparait la table. L’ambiance était nettement plus chaleureuse entre Sophie et Gilles qu’entre Cécile et moi. Sans doute parce que je commençais à ressentir une pointe de jalousie. Lorsque nous sommes allés prendre le café au bar, Sophie et Gilles marchaient derrière nous. J’aurais aimé me retourner, les regarder, entendre ce qu’ils se disaient. Ensuite, après le spectacle, Gilles a dit qu’ils partaient faire un tour sur la plage, sans nous proposer de les accompagner. Il a juste ajouté qu’ils nous rejoindraient plus tard, et ils nous ont plantés là. J’étais crucifié. Gilles, avant de partir, m’avait lancé un affreux regard complice. En boîte, je ne pensais qu’à ce regard. Je me raccrochais au regard que ma femme m’avait adressé en même temps, pas du tout sur le même registre. Du style : « Fais-moi confiance, je maîtrise ». N’empêche que l’horloge tournait, et qu’ils n’étaient toujours pas de retour.


De dépit, j’ai invité Cécile à danser. J’avais pas mal bu, pour tromper l’attente. Je l’ai serrée, lourdement, pour « flirter » moi aussi. Elle m’a repoussé :



Sa gentillesse me confondait. Je me trouvais ignoble d’avoir entraîné cette femme dans notre petit jeu, comme si elle n’était qu’un cobaye. Elle méritait mieux. Un homme qui la désire vraiment. Nous sommes retournés à notre table. Elle m’a passé la main dans les cheveux, en me souriant :



Le double sens de sa phrase m’a touché droit au cœur. Elle pensait à ma femme. Moi aussi. Mais elle ne pouvait pas savoir qu’il s’agissait de Sophie.


Entre nous, le silence devenait lourd. Heureusement, Sophie et Gilles sont revenus peu après. Malheureusement, il la tenait par la main, il avait l’air triomphant. Et elle, gênée, au point de fuir mon regard. J’ai allumé une cigarette pour essayer de trouver une contenance. Ce n’était pas possible. Elle n’avait quand même pas couché avec lui ! Le pire, c’est que je ne pouvais même pas le lui demander.

J’aurais aimé être à des milliers de kilomètres de là, ou deux mois avant, pour tout effacer par avance, pour ne jamais être allé dans ce putain de club. La bonne humeur de Gilles tombait à plat. Ni Sophie ni moi, ni Cécile mais pour une toute autre raison, n’avions le cœur à rire. Cécile s’est levée la première en disant qu’elle allait se coucher. Sophie lui a emboîté le pas. Gilles leur a dit qu’il les raccompagnait. Du coup, j’y suis allé aussi. Je ne voulais pas laisser Sophie avec ce type. Quand il lui a pris la main, il m’a semblé qu’elle avait un mouvement de recul, comme un réflexe, n’empêche qu’elle l’a laissée. Et, en la quittant, il lui a posé un rapide baiser sur la bouche. Moi, je n’ai eu droit à rien. Sophie a filé dans son bungalow, imitée par Cécile.


Dès la porte de leur bungalow refermée, j’ai posé à Gilles la question qui me brûlait les lèvres depuis un moment, en essayant de déguiser ma colère sous un ton léger :



Et il a ri…



Je continuais à marcher, mais j’étais KO debout. De retour au bungalow, Gilles a continué sur sa lancée :



J’avais envie de l’avilir, de m’avilir, de boire jusqu’à la dernière goutte le poison qui me rongeait les tripes. Ma voix était glaciale :



C’était surréaliste. J’étais en train d’écouter un type me raconter comment ma propre femme lui avait taillé une pipe une heure plus tôt. Et je ne pouvais rien dire pour expulser ma rage, sinon être sarcastique :



En plus, il critiquait Sophie. C’était de pire en pire. J’ai préféré l’arrêter. En matière de pipes, j’en avais assez entendu :



Après tout, si Sophie voulait s’envoyer en l’air avec ce type, pourquoi je me gênerais ? Au moins, on serait sur un pied d’égalité. C’était une réaction idiote. Gilles, repu, satisfait, s’était endormi. Moi, je ne pouvais pas. Je pensais à Sophie, au sexe de ce type planté dans sa bouche. Je n’avais pas besoin de faire de gros efforts d’imagination. Ça s’était passé là, dans cette pièce où je dormais, où j’avais mes affaires, sur le lit voisin du mien. Et Gilles n’était pas du genre pudique. Plusieurs fois, il s’était baladé nu dans le bungalow en sortant de la douche, le sexe pendant.


Il y a pire encore que d’être cocu : être cocu et ridicule. J’étais les deux. L’homme qui s’était vidé dans la bouche de ma femme dormait tranquillement à côté de moi. J’avais même été obligé d’écouter ses commentaires graveleux sur les talents amoureux de Sophie ! Il ne pouvait quand même pas inventer ce qu’il m’avait dit. Je me disais que c’était impossible, qu’on ne pouvait pas avoir gâché tout ce qu’on avait construit, notre amour, pour un type comme lui. Subitement, le doute m’a assailli : s’il n’avait pas était le premier, s’il y avait eu plein avant lui, depuis le premier jour, pour qu’elle se livre ainsi à un homme rencontré dans un club de vacances, presque sous mes yeux en plus, dans ma chambre ? Il fallait que je lui parle. Je me suis levé, me suis rhabillé, et j’ai marché vers son bungalow.


Elle était assise sur le sable, devant sa porte, les pieds nus. Elle fumait une cigarette. Sa voix était calme, presque détachée :



J’essayais de la blesser par des mots pour réfréner l’envie que j’avais de la gifler.



Sa voix a déraillé. Elle a allumé une autre cigarette. J’ai vu qu’il y en avait un tas, écrasées près d’elle, dans le sable :



Elle avait presque crié en prononçant ces mots. En d’autres circonstances, ça aurait été comique : une femme qui se justifie devant son mari en lui disant qu’elle a sucé un autre homme, mais sans avaler.



Je n’ai pas répondu à sa question. C’était inutile. C’est cette nuit-là que j’ai compris le sens de l’expression « lâche soulagement ». Je l’avais cru prise d’une folie subite. J’avais cru la perdre. Et je découvrais une femme aussi désemparée que je l’étais. C’était comme si on venait de réchapper à un accident. J’avais eu peur, mais elle était encore là, l’essentiel était préservé. Le reste, les dégâts, passaient au deuxième plan.


N’empêche qu’il fallait maintenant sortir de cette situation idiote, si possible sans nous couvrir de ridicule. Nous n’avions pas besoin de ça, en plus. Sophie m’a dit qu’elle s’en chargeait, puisque c’était elle qui avait franchi la ligne. Elle avait retrouvé un ton résolu. Au moment de la quitter, j’ai serré sa main dans la mienne. Je ne pouvais pas la prendre dans mes bras, et encore moins l’embrasser. C’était au-dessus de mes forces. Elle l’a compris.


Le lendemain, quand Gilles m’a réveillé pour aller jouer au tennis, je lui ai dit que j’avais passé une mauvaise nuit, que je préférais continuer à dormir. Je n’allais quand même pas passer la matinée avec l’homme, à qui ma femme avait fait une pipe la veille ! Il est revenu dans le bungalow vers 11 heures, et m’a à nouveau tiré de mon sommeil :



Je ne comprenais pas un mot de ce qu’il disait. Il a poursuivi :



Gilles était de bonne humeur. Pour lui, l’affaire était classée. Des femmes libres, au club, il y en avait d’autres. J’en ai eu assez de cette situation invraisemblable. Notre jeu avait pris une tournure sinistre. Je ne me voyais pas poursuivre ce mensonge pendant quatre jours encore, faire semblant de séduire Sophie après ce qu’elle avait fait, continuer de mentir à Gilles et à Cécile :



Il nous restait encore quatre jours à passer dans ce club. Ils ont été longs. Gilles a trouvé le soir même une Italienne. Nous n’avons plus fait que nous croiser. Quand j’ai voulu m’excuser auprès de Cécile, elle m’a tourné le dos. Je savais par Sophie que l’ambiance était glaciale dans leur bungalow depuis qu’elle lui avait tout dit. Quant à nous, impossible de renouer les fils dans ce cadre, dans cette sorte de prison dorée qui nous rappelait ce qui s’était passé. Tacitement, nous nous sommes isolés l’un de l’autre. Je la voyais de loin lire sur la plage. Je faisais de même. Superbes vacances à deux…


À l’aéroport, Sophie est venue vers moi devant le comptoir d’enregistrement. Elle voulait voyager à mes côtés. Elle avait raison. Nous rentrions dans notre vie. Autant commencer tout de suite. Dans l’avion, notre discussion a été d’une effroyable platitude : les enfants, l’organisation du prochain Noël en famille… Elle s’est quand même endormie contre moi, tête sur mon épaule. Mais la gêne est revenue dès le réveil. Heureusement, le chauffeur de taxi était volubile. Il avait remarqué à notre bronzage que nous venions d’un pays chaud. Il voulait tout savoir : la température de l’eau, la qualité de la nourriture. J’ai fait l’essentiel de la conversation. Sophie regardait par la vitre.


Nous avons passé la journée à simuler, devant sa mère et nos enfants, qui étaient fous de joie de nous revoir. Puis, le soir, les enfants couchés, l’appartement est devenu silencieux. Je lisais sur le canapé du salon. Sophie m’a rejoint :



La question qui me vrillait l’esprit depuis quatre jours a jailli de mes lèvres :



Je voulais tout savoir. C’était presque du masochisme. Je savais que ses mots allaient me faire du mal. Mais rester dans l’ignorance, avec toujours les mêmes questions dans la tête, me semblait pire encore.



Elle avait raison. Mais je trouvais qu’elle s’en tirait à bon compte. J’ai voulu enfoncer le clou, pour lui faire mal :



L’invitation était précise. Mais je n’avais pas envie de Sophie. Elle l’a compris, et a eu l’intelligence de m’attendre. Pas très longtemps, en vérité. Nous avons passé deux nuits très sages. La troisième, nos corps se sont rapprochés naturellement dans le sommeil. Quand je me suis réveillé, je bandais. Nous avons fait l’amour lentement, avec des mots d’amour. Et j’ai ressenti son orgasme comme une victoire.


Il m’a fallu du temps pour accepter ce qui s’était passé. C’est moi qui en ai reparlé quelques mois plus tard, pour dédramatiser. Sophie venait de me faire une pipe. Je lui ai dit que Gilles avait raison, qu’elle était vraiment une bonne suceuse. Elle a repris la balle au bond :



Le plafond m’est tombé sur la tête. Je sortais à peine de convalescence. Un rien pouvait me faire rechuter :



Depuis, nous avons retrouvé tous nos jeux sexuels. Et même un autre : je lui ai acheté un plug, qu’elle porte pour s’ouvrir, les soirs où elle a envie que je la sodomise. La semaine dernière, lors d’un dîner, j’étais assis à côté d’une femme à la poitrine abondamment décolletée. J’ai souvent eu des regards obliques. Sophie m’en a parlé sur le chemin du retour. Le lendemain, elle m’a annoncé qu’elle avait pris rendez-vous avec un chirurgien pour se faire refaire les seins. Elle m’a dit qu’elle était complexée depuis longtemps par ses petits seins. Et qu’elle ne voulait plus que je lorgne sur la poitrine des autres. Moi, l’idée qu’elle soumette ses seins à un bistouri ne m’enchantait pas. Elle m’a répondu qu’aucun homme ne lui avait encore fait l’amour entre les seins, qu’elle voulait m’offrir cette virginité, puisque j’étais arrivé trop tard dans sa vie pour avoir les autres.


J’aime ma femme. J’aime la manière dont elle fait l’amour. Le souvenir de cette histoire ne me hante plus. Nous l’évoquons de temps en temps, toujours au lit. Je crois qu’il nous plait de savoir, à l’un comme à l’autre, que nous ne sommes pas un couple uniformément plat et lisse, que nous avons eu notre heure de déviance, même très légère. Et j’ai aussi fini, rétrospectivement, par aimer l’idée que Sophie soit sensuelle au point de ne plus savoir s’arrêter quand un homme enflamme son corps comme Gilles l’avait fait. Ça la rend à la fois séduisante et dangereuse.


À moi de savoir en profiter, de faire qu’il n’y ait plus d’autres Gilles. Tous nos jeux sexuels, maintenant, se font à deux. Exclusivement à deux.