n° 11060 | Fiche technique | 9141 caractères | 9141Temps de lecture estimé : 6 mn | 29/12/06 |
Résumé: Panique. | ||||
Critères: bain forêt -merveille | ||||
Auteur : Tithon Envoi mini-message |
Ma chère Sélène,
En réponse à ton dernier mail, je t’envoie de mes nouvelles. La vie en ville est un peu monotone et le pays me manque. Il ne se passe pas grand chose par ici et pourtant ! Cette aventure dit le contraire.
L’autre jour il m’est revenu cette étrange histoire.
J’étais au marché en bas de la rue, à négocier une botte de radis, quand une odeur florale est venue exciter mes cellules olfactives. Orchidée, vanille et cannelle.
À mon dernier séjour chez Lucien, tu sais, le Lucien de la campagne, à côté de Vaour. Au printemps dernier, j’étais allée passer quelques jours chez lui.
Je l’aime bien, lui aussi m’aime bien.
Petite évasion rurale dans ce coin perdu de campagne et de bois.
Je me suis revue en ce matin de juin où il m’a entraînée à la recherche de prétendues girolles qui, selon lui, auraient poussé dans la nuit au pied des sapins dans le vallon, sous sa maison.
Tu parle d’une expédition !
Main dans la main nous sommes partis vêtus de nippes légères, lui un short et un tee-shirt à trous, moi une légère chemise et une culotte. Au pied des espadrilles avachies.
Giraumon, le cabot local, gambade devant nous en aboyant aux feuilles et aux piafs posés sur le chemin. La chaleur de ce matin de juin se pose sur mes épaules, des envies montent dans mes jambes. La caresse de l’air glisse sur mes cuisses et coule sur mon buisson doré.
En descendant le chemin, Lucien pose sa main au creux de mes reins, manière de me faire avancer.
Je sens encore sa main posée au creux de mon dos, chaude et douce, juste posée en haut de mes fesses… Hummmmmmmmm !
Il m’a poussée gentiment contre un arbre au bord du chemin, ses mains sur mes seins m’ont dit patience, sa bouche sur la mienne m’a condamnée au silence. Devant nous s’ouvre la forêt de sapins. Il m’a poussée sur la mousse, est venu s’asseoir à côté de moi. Sentant son désir et le mien, je suis venue me poser sur lui, mon sexe trempé l’a absorbé.
Tu la sens, ma girolle !
Il m’a murmuré des choses que j’ai oubliées ou que je n’ose écrire encore. Juste, imagine ce moment.
S’il y eut jouissance ? Je ne sais plus, le temps s’est arrêté, là, dans l’odeur du bois, dans le bruit des abeilles, dans le silence de l’étreinte.
Après, longtemps après, nous sommes repartis sous les arbres dans le chemin. Plus bas un ruisseau tiède murmure sur les cailloux. Mes pieds s’y mouillent les siens m’y suivent. Sa main a retrouvé mon dos. Le soleil filtre à peine au travers des branches épaisses des sapins, l’ombre s’intensifie. Un rai de soleil éclaire une plaque de mousse comme une invite à se poser, un lit d’elfe, un nid de gnome.
Silence de mon satyre préféré, juste sa main un peu plus insistante qui descend sa caresse sur mes fesses jusqu’à se faufiler entre mes cuisses.
Le ruisseau s’insinue dans une fracture de la colline, fendue comme un sexe féminin. Nous frôlons les lèvres tapissées de mousse. Impression d’entrer dans un sauna.
Dans la semi-obscurité qui règne dans cette caverne apparaît une vasque, grande baignoire en forme de U d’où s’élève une vapeur diaphane qui en cache le fond.
Je le sens dans mon dos, collé à moi. Ses mains sur mes hanches me guident. L’eau monte peu à peu jusqu’à mes genoux, elle est chaude, un poil de plus que la température de mon corps. Elle atteint mes cuisses, puis mon sexe ! Ouh! c’est bon. Comme si cette eau se répandait à l’intérieur de moi et me chauffait encore plus ! Je sens le sexe de Lucien derrière moi qui enfle. La brume se fait plus dense et je ne vois plus rien. L’eau est au niveau de mon ventre, le sol sous mes pieds est plat, doux et chaud. Il me semble que je marche depuis longtemps quand soudain la brume se fait moins épaisse, puis disparaît.
La lumière a changé. En levant la tête, je vois un rayon de soleil qui tombe droit devant moi sur une sorte d’île ou d’avancée de terre
Sa voix a changé plus rauque, plus chaude. Dans mon dos, ce n’est plus une peau douce contre laquelle je m’appuyais. Je mets les mains en arrière et je sens une peau couverte de poils rêches. Je me tourne, un sourire de faune, des yeux vifs et rieurs me regardent. Des mains qui se veulent rassurantes me retournent et se posent sur ma poitrine. Dans l’instant je sens la pointe de mes seins se dresser. Un faune ! Moi qui parlais de satyre tout à l’heure !
Où est passé Lucien, où suis-je ? Pourtant malgré les changements je ne me sens pas en danger, plutôt émoustillée même.
Le sol remonte peu à peu, je touche terre. Devant, c’est un bois tropical. Des fleurs étranges des feuilles grasses et luisantes, des arbres hauts, très hauts, une forêt vierge, primitive.
Avec ses habitants.
Un sentier tapissé d’herbe douce s’enfonce dans le bois et mène à une clairière ensoleillée. Au-dessus une ouverture montre le ciel bleu. Le soleil y entre à flots. Tropical ! Quelle chaleur !
Des mains douces me déshabillent. Mon guide a disparu, remplacé par deux créatures nues à pattes de chèvre, jusqu’à mi-cuisses. Ce sont des femmes chèvres.
Sur une sorte de mélopée primitive, un faune entre dans la clairière. Tête cornue, barbe en broussaille, yeux vifs, torse velu et membre dressé !
PAN !
Soudain me reviennent en mémoire les cours d’histoire. Pan, le dieu Pan !
La suite ? Panique !
Sans jeu de mots : Panique, Pan nique. (Oui, je sais, c’est facile.) J’aurais voulu vous y voir ! J’étais avec l’Être. Il m’a fait chanter comme un Stradivarius, des arpèges, des trilles et des trémolos. Un jour, une heure, une minute, le temps a disparu. Des ménades sont venues puis reparties… J’ai dû hurler, à un moment, je me suis entendue.
Lui ? Je ne sais.
Imagine ! Baisée par un dieu, et quel dieu ! De quoi devenir chèvre !
Je sens encore son poids sur moi, l’impression de le sentir encore là, au creux de mon corps.
J’ai rêvé, je rêve encore ?
Un miel doré est versé directement des mains d’une ménade dans ma bouche. Un pur régal, une ambroisie. Vitaminée, car deux minutes après je pète le feu. Hélas, le dieu a disparu.
Le soleil a quitté le trou de la caverne.
Je suis allongée dans l’eau tiède, le regard de Lucien interrogatif se pose sur moi.
Sortis de la caverne, en remontant à travers les bois, je parle, les mots s’écoulent de ma bouche. Lucien écoute sans un mot.
Le chien qui nous avait attendu devant la caverne gambade derrière les papillons. Tout semble normal. Un léger parfum flotte dans l’air. Orchidée vanille cannelle.
Lucien me dit alors que sur ce vallon circulent de vieilles légendes. Des femmes se seraient égarées, auraient passé des nuits en compagnie d’êtres surnaturels dont on ne sait pas trop quoi, mais c’était du temps d’il y a longtemps et dans les campagnes, sait-on jamais, peut-être y a-t-il eu des sorcières et… Patin-couffin. Son raisonnement m’endort. Moi, je sais, je sens encore. Ce vallon est magique, au moins pour moi !
De retour à la maison je passe l’après-midi dans ma chambre, secouée, rêveuse.
Depuis je suis rentrée en ville, j’ai cherché des images de Pan, ses légendes. Rien qui me satisfasse. Ai-je rêvé ? Ai-je rencontré Pan ? Je ne saurais jamais.
Reste l’odeur, orchidée vanille cannelle.
Voilà le récit de mes aventures, chère Sélène, j’espère que cela te feras rêver.
Avec mes affections,
Adèle.