n° 11183 | Fiche technique | 10706 caractères | 10706 1729 Temps de lecture estimé : 7 mn |
16/02/07 |
Résumé: J'étais d'accord : un week-end complet, du samedi matin 8 heures au dimanche soir 8 heures. D'ailleurs, il nous était impossible ni de diminuer, ni d'étendre cette durée : cela aurait été ridicule ou déraisonnable ! | ||||
Critères: #exercice #délire fh cérébral humour | ||||
Auteur : Paxal |
J’étais d’accord : un week-end complet, du samedi matin 8 heures au dimanche soir 8 heures. D’ailleurs, il nous était impossible ni de diminuer, ni d’étendre cette durée : cela aurait été ridicule ou déraisonnable ! Non… de 8 heures à 8 heures, 24 heures durant, c’était à la fois initiatique et inespéré ! Et d’ailleurs, j’avais été le promoteur zélé de ce projet, alors je ne pouvais qu’approuver…
À mon arrivée, le samedi matin, Mathilde m’avait dit :
Et pour joindre ses gestes à ses paroles, Mathilde m’avait entraîné aussitôt dans une plongée spectaculaire, plongée qui, d’entrée de jeu, avait épuisé une bonne partie de mes forces. Par orgueil, j’avais trouvé judicieux - dès le début - de déployer une quantité invraisemblable de techniques éprouvées – et que je savais très efficaces - et qui d’ailleurs le furent : Mathilde était au paradis.
À peine remis de cette première épreuve, alors que mes muscles étaient encore marqués par l’effort, Mathilde proposa :
La respiration encore haletante, au prix d’un terrible effort de motivation, j’ai pris position derrière elle - gagnant néanmoins quelques précieuses secondes en prétextant une gêne quelconque - et je me glissai sans difficulté à ma place, tant Mathilde était engageante. J’ai alors commencé assez lentement mon balancement. Mais Mathilde m’infligeait un rythme infernal qu’il me fallait suivre… héroïquement. Plus d’une fois je me sentis défaillir, les muscles me lâchaient, ma motivation cédait, mais je parvins finalement à résister à ma lâcheté, en ondulant péniblement, un peu lamentablement, jusqu’au bout… pour le plus grand plaisir de Mathilde, qui soupirait inlassablement de contentement.
La matinée avait été difficile et très objectivement, j’en étais bien plus affecté que Mathilde. Non qu’elle ne fut elle aussi fatiguée par l’effort que nous avions fourni "d’entrée de jeu", mais je sentais bien que la détermination chez elle était restée entière : quitte à se violenter, elle irait jusqu’au terme de l’épreuve. Ne l’avait-elle pas, elle aussi, désirée ?
Nous avions prévu de reprendre des forces régulièrement aussi, des pauses devaient ponctuer notre marathon. Je goûtais donc sans vergogne ce premier arrêt, tentant de profiter pleinement de chaque seconde, espérant intérieurement être encore à la hauteur de ma tâche, au terrible moment de la reprise, me motivant pour cela en explorant du regard les formes captivantes de Mathilde.
La reprise fut douce et cela ne me contraria pas ! Oh non ! J’étais sournoisement parvenu à faire accepter à Mathilde l’idée de nous engager dans des préliminaires copieux pour créer une « dynamique paroxysmique » vers le milieu de l’après-midi, voire la fin de l’après- midi. Elle se prit au jeu et déploya une multitude d’astuces. Je dus, bien sûr, à plusieurs reprises, la tempérer lorsqu’elle se livrait à des exercices que j’estimais trop éprouvants pour moi. Cependant, globalement, cette reprise fut vraiment douce, mais aussi… vraiment longue, tragiquement longue… ce qui ne favorisa pas le maintien permanent de mon état que l’exercice imposait : parfois, honteux, je trouvais une combinaison savante de positions qui m’éloignait des yeux scrutateurs de Mathilde, parfois, compréhensive et délicate, elle s’appliquait à me motiver, à modeler le gage de notre réussite commune. À ce petit jeu, nous devions donc parvenir calmement à l’orée de la phase finale, puis finalement – au titre du schéma que j’avais imposé - au terme de cette « dynamique paroxysmique ». Cependant, toujours très vaniteux - et en partie reposé grâce à ce temps de papillonnage (que d’illusions !) - je m’appliquai à imprimer quelques fois une cadence respectable. Par excès de prétention - pour tenter de montrer à Mathilde que je gardais la maîtrise totale de mes forces et de ma volonté - j’accélérais le mouvement soudainement, la peau me brûlait, Mathilde soufflait, gémissait, se pâmait dans l’effort, je ralentissais soudainement, reprenais mon souffle et infligeais à Mathilde une nouvelle épreuve de turbulence. Mon objectif secret, je dois bien l’avouer, était d’épuiser Mathilde… qu’elle me demandât grâce, au moins jusqu’au dimanche matin. J’espérais, à l’aide de cette manigance, que nous ne tiendrions pas jusqu’au dimanche soir… et qu’ainsi je conserverais dans cet échec programmé un peu de mon honneur ou, plus probablement, que l’échec serait de fait partagé.
Erreur…
Mathilde n’était pas épuisée, elle était au contraire grisée par mon numéro éreintant. Je dus donc me résigner à poursuivre ma politique offensive et, bien que faible et lassé, je réussis ainsi à « tirer » jusqu’au soir, jusqu’à la pause, divine pause ! La pause où nous devions faire le point sur cette première étape et, surtout… dormir, enfin dormir… nous reposer !
Je n’ai rien dit, je me suis observé, petit, mou, fourbu, sans appétit. Dès la fin de la matinée, j’avais rêvé de cette nuit, douce, calme, tranquille et voilà qu’elle devenait sauvage, rude et décourageante. À demi-allongée sur le dos, Mathilde constata mon triste état :
Elle s’appliqua à me badigeonner d’une crème veloutée, chaude et relaxante. Et, malgré toute ma volonté, ses mains expertes finirent par redonner à mon corps la tension nécessaire pour continuer notre aventure.
Mon corps était réveillé, certes, mais ce n’était pas la grande forme, je le sentais bien : cependant c’était, malheureusement, suffisant pour repartir. Nous repartîmes donc, d’abord tranquillement, Mathilde prit les choses en main. Elle s’occupait régulièrement de faire naître le désir, sans quoi rien n’était possible. Parfois, elle n’en pouvait plus, c’était évident, mais elle s’évertuait à poursuivre et trouvait- je ne savais où - de nouvelles forces. De honte, de temps en temps, je prenais le relais… à ma mesure. Alors elle s’abandonnait, elle exhalait de lourds soupirs, elle chavirait sous les assauts. Je la tourmentais un peu plus et elle finissait par hurler dans la nuit… une fois de plus. Je m’effondrais, les acteurs changeaient alors de rôle. Elle m’enduisait de baume, me laissait sur le dos, sortait de son sac des ustensiles indescriptibles qu’elle plaçait ça et là et, miraculeusement, je repartais à l’abordage, cognant, étrillant, pilonnant, comme aux premières heures. Nous ne dormîmes que quelques heures, cette nuit-là. En deux temps.
Au matin, nous fîmes le point : nous avions rempli la première partie de notre contrat : la journée d’hier et la nuit avaient été fructueuses. Aussi nous décidâmes de considérer comme il se doit l’état de la situation – une de mes idées, bien sûr ! - et de modérer nos ardeurs. La matinée fut donc suave, sans excès, il y eut une pause vers 10 heures, après que nous eûmes expérimenté de nouvelles positions et, comme il se doit, été jusqu’au bout de chacune de nos nouvelles expériences. Au début de l’après-midi, nous fîmes même une sieste, peu longue il est vrai, mais nécessaire pour aborder dans des conditions optimales l’étape finale.
Ces propos – mais surtout la fin de l’épreuve enfin en vue - me permirent de retrouver un second souffle (le savait-elle ?) et nous partîmes donc vaillamment à la conquête de ce dernier septième ciel. Trop tôt et trop rapidement sans doute - à certains moments, je perdais le contrôle de mes gestes - mais nous franchîmes des sommets et, dans l’allégresse de l’altitude, je repartais fermement à l’attaque. Mathilde avait opté pour un registre sonore des plus audacieux : lorsqu’elle sentait monter en elle la chaleur typique de l’euphorie de l’effort, elle se cabrait, fermait les yeux, jetait sa tête en arrière puis entrouvrait les lèvres. Là, elle laissait filtrer quelque gros soupirs, quelques râles, quelques gémissements. Cette légère brise se transformait soudainement en petits cris, en éclats de voix, en appels. Puis arrivait le tumulte des clameurs, des hurlements, des plaintes, des prières, avant l’agonie finale. Moi, je me délectais dans le rythme endiablé - et nécessaire - que j’imprimais à mes gestes désordonnés : mes muscles brûlaient, mon souffle bruissait, mes mains accrochaient, mes jambes se raidissaient. Je vrombissais sauvagement puis vibrais de tout mon être, hurlais à pleine gorge lors de l’apothéose.
Dimanche 7 heures.
Le triomphe était à portée de main, mais il fallait qu’il soit monumental. Mathilde sortit de son sac de quoi théâtraliser cette parousie. Elle savait dès le début que nous serions – que je serais - abrutis de fatigue et elle avait donc prévu de quoi nous redresser. Je revêtis un nouvel habit, savamment imaginé pour la circonstance et Mathilde mit une tenue merveilleusement friponne. Gagnés par l’allégresse de la fin, nos regards fiévreux décidèrent que ce dernier élan serait effectivement plus majestueux encore que ce que nous avions pu imaginer, le triomphe ultime, la consécration suprême : j’avançais sans réserve la possibilité de transgresser toutes les frontières du raisonnable. Mathilde, habile et astucieuse, jouait un jeu savoureux, en avouant sur un ton ingénu son accord philosophique à l’idée mais un désaccord pudique à la proposition. Exalté par la mise en scène, je disposai énergiquement Mathilde comme la manœuvre l’exigeait - devant moi - elle rougit un peu, se courba faiblement, je m’enquis de ses bonnes dispositions, elle me répondit dans un langage candide mais volontaire, je me positionnai doucement et esquissai le geste perpétuel. À une cadence prometteuse, nous commençâmes à onduler, à ondoyer, à nous balancer en rythme, à tanguer, à nous agiter, à valser et swinguer. Aux mouvements ordonnés se succédèrent des mouvements bien plus chaotiques, des allures plus véhémentes. L’agitation devint turbulente et fougueuse. Notre ardeur prit une tournure de bacchanale désordonnée, effrénée et tourmentée. Mathilde hurlait, j’éructais. Elle clamait son ravissement, je rugissais mon extase. Je poussais, je tirais, encore un peu… la tempête éclata. Ivresse, vertige…
Nous étions parvenus à faire la descente de l’Ardèche en canoë en moins de 24 heures. À bout de force, certes, usés, fourbus, harassés, vidés, mais heureux de cet exploit irrationnel.