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n° 11402Fiche technique31521 caractères31521
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Temps de lecture estimé : 22 mn
22/05/07
Résumé:  La merveilleuse histoire du pas d'armes de la Belle, qui vit la Dame Astride rencontrer le noble chevalier de Lalaing, puis ensuite son confesseur, puis ensuite quelques autres.
Critères:  #humour #historique fh religion soubrette pénétratio fdanus fsodo jeu
Auteur : Lignière  (Le pas d'Armes du Puits de la Belle)      Envoi mini-message
La confession

Chapitre I


Le seigneur Jacques de Lalaing descendit pesamment de son cheval de guerre, le puissant Moreau, qu’il avait choisi de chevaucher plutôt que son hongre, plein de vie mais toujours fatiguant à maîtriser. La journée avait été très longue : partis avant l’aube, lui et ses bêtes avaient couvert plus de vingt lieues, ne s’arrêtant que pour se désaltérer. Le soleil brûlant et la poussière du chemin avaient rendu ces haltes plus fréquentes. Ce soir, il allait pouvoir apprécier le confort d’un bon lit ainsi que le plaisir d’une bonne chère, car la ville de Chalon est réputée pour la qualité de ses mets et les mérites de ses vins.


Ses chevaux confiés à la maréchalerie, il se présenta au domicile de Dame Astride, veuve du chevalier François de Crèvecœur avec qui il avait combattu sous les ordres du duc Philippe. Il fut accueilli avec chaleur et accepta l’offre de son hôtesse de séjourner en sa demeure aussi longtemps qu’il demeurerait en la bonne ville de Chalon.



Dès le lendemain, Messire de Lalaing se mit en quête d’un écuyer. Sur les indications de son hôtesse, il se dirigea vers la demeure de Pietre Vasque qui avait, en son temps, accompagné le Seigneur de Charny lorsqu’il avait tenu son pas à L’Arbre de Charlemagne. L’arrangement entre les deux hommes se fit promptement tant était grande l’envie de messire Vasque de participer de nouveau à un défi qui allait sûrement attirer les plus braves et les plus vaillants. Il partit dès le lendemain pour Dijon informer le duc du projet de son vassal et lui prier de déléguer le seigneur Toulongeon, roi d’armes de la Toison d’Or, en qualité d’arbitre.


Les jours suivants, le crieur public parcourut les rues de la ville criant aux passants et aux badauds :



Le premier à se présenter fut un cavalier qui mit pied à terre et franchit lentement le pont Saint-Laurent. Il fut joyeusement accueilli par Pietre Vasque qui avait accroché à la margelle du puits trois petits boucliers ronds, l’un peint en blanc, le second en violet et enfin le dernier en noir. Le visiteur connaissait le rituel. Il se dirigea vers l’un des boucliers qu’il décrocha en déclarant :



La joute entre les deux hérauts dura un long moment. C’était la coutume que de s’affronter verbalement tout en évitant les paroles fâcheuses ou blessantes. Les deux jouteurs étaient habiles du plat de la langue et les saillies se succédaient pour leur plaisir mutuel. Faute de pouvoir déclarer un vainqueur, ils se quittèrent bons amis, se promettant mille joies le jour du combat.

Le soir même, le seigneur de Lalaing piaffa de joie en apprenant le nom de l’assaillant. Il avait eu connaissance des exploits de ce dernier et le tenait en très haute estime. Le combat serait sans merci et sa victoire d’autant plus belle. Les jours suivants le pré à vaches attenant au Puits de la Belle fut aménagé pour accueillir les combats. On érigea trois tentes, celle de l’arbitre en toile grise, celle de l’écuyer de Chiandos de soie vermeil et celle de messire Jacques en satin blanc.



Chapitre II


Église Saint Just de Bretenières, confessionnal, conversation chuchotée :




Chapitre III


Au jour dit, le treizième du mois de septembre, la brume matinale s’était vite évaporée et la température s’était rapidement faite oppressante. Messire Toulongeon revêtu d’une cotte aux armes du duc de Bourgogne, se présenta très tôt sur l’île Saint Laurent. Il était accompagné de Philippe Pot, seigneur de la Roche Nolay, chancelier du duc, et de nombreux puissants et redoutés seigneurs tous experts en l’art des tournois. Comme le voulait la coutume, ils s’attablèrent sous la tente réservée au maréchal de la lice et firent bombance aux frais de l’entrepreneur. Trois jeunes filles enrôlées par la dame Astride assuraient le service pour que pas un des convives ne puisse prétendre avoir vu son assiette ou son verre vide.


Mâtines chantées, messire de Chiandos emprunta le pont Saint Laurent accompagné du seigneur de Bastie et de Thibault son héraut. Tous les trois se présentèrent à l’entrée de la tente du juge qui interrompit ses agapes pour les saluer. Puis ils se dirigèrent vers la chapelle sise à portée d’arc où ils purent s’assurer de la protection de la Vierge du Marché. Dix ans auparavant, n’avait-elle pas permis aux habitants de la ville mettre en déroute une bande de routiers ?


À l’heure dite, Toison d’Or fit sonner la corne pour appeler à lui les deux rivaux. L’écuyer de Chiandos examina avec soin les trois haches qui lui étaient présentées pour en retenir une, solidement emmanchée de houx, ferrée et cloutée avec un volumineux maillet en forme de pyramidion qui conviendrait parfaitement pour les coups de revers. Le seigneur Jacques s’empara de celle qui était la plus proche de lui comme si cela n’avait pas d’importance. Si une arme cassait au cours d’un assaut, un assistant s’interposait immédiatement et la remplaçait par une neuve.


Les deux combattants se retirèrent chacun dans sa tente pour se préparer. Malgré la chaleur, messire Jacques décida de conserver son ample robe au-dessus de sa cotte d’armes. Il parla un long moment avec Pietre Vasque qui le poussait à hâter la fin du combat pour ne pas avoir à trop souffrir des rayons ardents du soleil. Lui, au contraire, préférait se ménager, laissant l’écuyer de Chiandos mener des attaques qui le fatigueraient et attendre l’occasion pour frapper un coup décisif. Il ne cherchait pas la mort de son adversaire mais il ne ferait rien pour l’éviter. Il quitta sa tente, boucla sa salade ronde sur la tête et se dirigea vers l’arbitre qu’il salua de nouveau.


Pierre de Chiandos fit de même, puis les deux adversaires se jaugèrent à distance suffisante pour éviter un coup imprévu. Le Seigneur de Toulongeon leva son bâton blanc, insigne de sa charge, puis l’abaissa, autorisant ainsi le début de la joute. Elle fut malaisée à suivre tant messire de Chiandos mit de la fougue et du mouvement. Il courut sus à son adversaire et frappa un grand coup de taille que le défenseur évita aisément. Les coups suivants furent donnés avec une violence inouïe. Les deux hommes étaient solides et vigoureux, le seigneur Jacques virevoltant ainsi qu’une mouche impossible à saisir, tandis que son adversaire était massif et lourd, un peu lent mais tellement puissant.


Il faillit pourtant prendre un réel avantage quand, messire Jacques ayant été déséquilibré, il porta un coup d’une vigueur inouïe qui aurait pu décapiter un cheval. La feinte de messire Jacques avait réussi, il s’était esquissé à temps et avait contourné son adversaire pour lui porter un formidable coup sur l’épaule. Le combat bascula alors en faveur du défenseur, dont les coups se firent de plus en plus pesants et qui avait pris l’ascendant, quand les deux assistants du juge arrêtèrent le combat car le décompte des coups portés par messire de Chiandos avait atteint la limite fixée de dix-sept. Les deux hommes se dirigèrent vers le juge qui déclara que messire de Lalaing pouvait continuer à défendre le Puits de la Belle car son adversaire, le très valeureux écuyer de Chiandos, avait failli à l’en empêcher. Messire Jacques fit alors porter à Toison d’Or, qui avait été bon juge en ce combat, une longue robe de drap d’or fourrée de martres zibelines.


L’automne se termina sans qu’un seul champion ne se présente au pont Saint Laurent pour toucher un bouclier. Pourtant, Pietre Vasque se tenait chaque samedi à son poste pour y recevoir quiconque souhaitait se déclarer.


Chapitre IV


Église Saint Just de Bretenières, sacristie, conversation chuchotée :




Chapitre V


Il fallut attendre les premiers jours de janvier de l’année suivante pour qu’un chevalier, arrivant par le chemin de Dole, intrigué par le héraut vêtu de sa cote d’armes se tenant près du puits où étaient pendus trois boucliers, ne s’arrête, descende de cheval et approche en demandant la signification de cette installation. Messire Pietre lui déclara, sans le nommer, qu’un chevalier entrepreneur lui faisait garder le puits pour permettre à tout noble de pouvoir toucher un bouclier l’engageant à combattre.



Jehan de Bonniface était fort, vigoureux, courageux et possédait toutes les vertus cardinales d’un grand chevalier. Mais il n’avait pas le don de messire de Lalaing pour affronter un adversaire à la course à la lance. Ils rompirent chacun onze lances dans un combat qui fut longtemps équilibré mais par un coup de maître, le défendeur, à la quinzième course, réussit à planter le bout de sa lance dans le pommeau de selle de son concurrent. La sous ventrière de sa selle se déchira et Jehan de Bonniface roula à terre ce qui le disqualifia immédiatement ainsi que le précisait le contenu des chapitres.



Chapitre VI


Église Saint Just de Bretenières, sacristie, conversation chuchotée :




Chapitre VII


Après que le chevalier méconnu eut fait toucher la blanche targe comme le premier, vint au pavillon Savoye le héraut, vestu de sa cotte d’armes ; et dit à Charolois qu’il estoit là envoyé de par un noble homme qui luy avoit commandé de toucher les trois targes, et qu’il désiroit de sa personne accomplir l’aventure des trois targes, pour le secours de la Dame de Plours. Ce qui luy fut accordé : et nomma son maistre ; en ceste partie, Jaques d’Avanchies, un moult gentil escuyer du duché de Savoye. Le quatriesme fut Guillaume Basam, un escuyer bourgongnon, qui fit toucher la targe noire. Le cinquiesme fut Jehan de La Villeneufve, dict Passequoy, escuyer pareillement bourgongnon, homme puissant et addrecé, qui fit toucher la blanche targe. Le sixiesme fut Gaspart de Dourtain, un escuyer de Bourgongne, en celuy temps puissant et redouté à merveilles ; qui fit toucher la blanche targe ; et le septiesme fut un escuyer de Bourgongne, nommé Jehan Pientois, grand et puissant, lequel fit pareillement toucher à la blanche targe ; et furent apportés les noms d’iceux sept audict messire Jaques, enregistrés comme ils avoyent premier fait toucher : dont l’exécution fut telle qu’il s’ensuit.


Extrait de Livre des faits de Jacques de Lalaing, attribué à Georges Chastellain (1405-1475)



Chapitre VIII



Église Saint Just de Bretenières, sacristie, conversation chuchotée :




Postface


Lors du Pas d’armes de la « Fontaine de Plours » qui se tint à Chalons sur Saône en l’an 1450, Messire Jacques affronta dix adversaires différents en treize combats, neuf à la hache pour trois cent soixante-quatre coups reçus, trois à la lance pour soixante-quinze courses et un à l’épée pour onze coups reçus. Jamais, il ne fut vaincu.


Après avoir été élu Chevalier de la Toison d’Or au chapitre de Mons en 1451, Jacques de Lalaing, seigneur de Bugincourt, périt le 3 juillet 1453 à l’âge de 32 ans. Il participait à l’assaut de la forteresse de Poucques qui défendait l’accès à la ville de Gand qui s’était révoltée contre son suzerain le Duc de Bourgogne. Il eut la tête emportée par le boulet d’un canon, alors qu’il se tenait sur les barricades entre Philippe le Bon et le plus jeune de ses fils Charles le Téméraire, comte de Charolais. Peut-on imaginer les conséquences si la tête emportée avait été celle de Charolais ? La Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg seraient peut-être aujourd’hui des territoires français.