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Temps de lecture estimé : 10 mn
03/06/07
Résumé:  Élodie rencontre Coralie et elles s'aventurent sur le chemin boisé des confidences.
Critères:  ff fff portrait
Auteur : Ortrud  (une femme)            Envoi mini-message
Coralie et Élodie

Élodie.


Dix-sept heures trente, les rues sont bondées, les magasins débordent sur les trottoirs, et les badauds s’endettent un peu plus pour acheter des objets inutiles ou renforcer leur aspect extérieur au détriment de ce qui les habite. Comme ils ont l’air vides, et pourtant ils sont pressés, incapables d’un sourire, d’une démarche lente, sauf les gens âgés qui en sont réduits à marcher sur les bords.


C’est bien de venir à Paris quelques jours, s’immerger dans la musique surtout, endosser l’indifférence, se ficher complètement de ce qui se passe et ne penser qu’à sa petite béatitude. Peut-être est-ce d’ailleurs le sentiment commun ici.


Qui est le drôle de bonhomme qui a vanté les Parisiennes ?


Dans cet océan de gris et de bleu déclinés sous toutes les nuances, c’est vrai qu’on remarque vite la femme élégante, en tâchant d’oublier l’adolescente à peine vêtue, les hordes de jeunes à casquette orientable et les quelques minettes qui vous jettent un regard trouble, tout string dehors. Méfiez-vous, jeunes femmes, que les garçons ne préfèrent bientôt deux beaux yeux entourés d’un voile pudique aux jeans destinés à laisser voir votre culotte.


Elles me plaisent, ces petites musulmanes. Je sais que leur sort n’est pas toujours enviable et qu’elles deviennent souvent des outres à enfants, mais je ne peux pas m’empêcher, à travers leur réserve, de retrouver le charme exotique connu une fois avec une jeune Marocaine.


Le café est uniformément italien, le thé servi avec mépris par des garçons impolis et dédaigneux, ce qui va ensemble, mais il fait beau et une apparition se produit. Mes yeux figent mon visage sur cette silhouette balancée, négligente, un peu hautaine. Coralie !


Son regard me balaie, s’évade, réfléchit le doute, revient, je me lève, ça y est, nous sommes ensemble. Elle sent bon, a gardé une pointe d’accent, nous avons le même âge, j’ai l’air de ce que je suis, elle ressemble à… à quoi au fait ? Un peu bourgeoise, un peu bohème, pas du tout la fonctionnaire des Finances qu’elle est.


Célibataire, désinvolte, elle s’inquiète de moi, je me rapproche d’elle pour mieux recevoir son parfum. Jamais je ne l’avais vue aussi féminine, elle qui accrochait partout des photos de femmes nues et portait son lesbianisme militant comme un étendard. Non, elle n’a pas changé de mœurs, elle a changé de monde.


Chez elle, je la retrouve, murs blancs, mobilier réduit, des taches de couleur, du bois d’ébénisterie, rien d’industriel, donc de l’argent, voyons, un chef de bureau au Ministère, oui, elle doit tourner dans les 3 000 euros, et l’appartement ?


Il faut m’expliquer, elle le fait en tournant autour des mots et ne s’enhardit que lorsqu’elle sent que j’adhère à la cohérence de ses explications…


~~~oooOOOooo~~~


Coralie.


Je suis une femme entretenue et payée, non, je ne suis pas une pute, enfin, oui, peut-être on peut le traduire comme ça, il ne me manque que le trottoir, mais je n’ai que des clientes. Non, non, ne te méprends pas, ça existe. Mais ça ne concerne qu’un certain milieu. Ah oui, pute de luxe, tu pourrais dire poule de luxe, ou femme entretenue, je ne vais pas chipoter là-dessus.


Il y a de tout, bien sûr, je préfère les femmes qui m’emmènent en week-end (quelle horreur cette expression !), à Saint-Tropez ou à Londres, mais il faut savoir écouter aussi la mère de famille stressée ou l’avocate qui en a assez de jouer et se pose un moment.


Ce n’est pas difficile d’en arriver là, mais ça ne se fait pas en dégringolant l’échelle sociale, c’est la rencontre qui fait tout, il y a des portes qui ne s’ouvriront jamais, même si la candidate tambourine toute nue.


Le hasard, rien de plus ; j’ai été invitée à un vernissage pas spécialement mondain, tout simplement je connaissais la sœur de l’artiste, oui, j’avais couché avec elle.


J’ai noué conversation avec une femme, la cinquantaine épanouie, quelques kilos en trop mais de l’abattage, bonne culture générale. C’était peut-être un traquenard, mais je ne crois pas. Le fait est qu’elle a compris tout de suite ce que j’étais, et moi je m’étais laissé abuser par son alliance. On a flirté en paroles et nous avons quitté ensemble la soirée pour aller chez elle.


Elle était très bien, un excellent « coup », joli appartement, belle lingerie, un corps très bien entretenu, c’était un véritable plaisir, l’aventure rêvée. Elle a eu la pudeur de ne pas me bassiner avec sa situation matrimoniale ; je lui en ai été reconnaissante. On a baisé, baisé encore, on est un peu passées par des petites déviations pas désagréables, et le petit déjeuner était excellent.


Ah ! ne fais pas de morale, on n’est plus au temps de Renée Vivien et de Nathalie Barney, dans les guirlandes musquées de Liane de Pougy. On ne meurt plus de consomption, on baise, voilà tout, on a au moins gagné ce droit à l’exultation. Pardonne-moi.


Rentrée chez moi, je trouve une enveloppe avec 1 000 euros, une rage, je l’appelle, et je m’emporte.



Dit comme ça, pour faire bref, ça paraît invraisemblable, mais tu peux imaginer les circonlocutions, les à-peu-près et les non-dits.


Elle avait eu l’intelligence de ne pas me donner de conseils vestimentaires, j’ai donc fait simple, parce que je ne pouvais pas faire mieux.


Ça se passait dans une belle maison, pas un château à la mode du divin marquis ni dans une caverne ténébreuse, non, une belle maison de campagne, ancien corps de ferme, de la terre autour, un mur de clôture et deux grandes pièces en rez-de-chaussée. L’hôte était une septuagénaire plus vraie que nature, une affiche pour le Monocle : grande, mince, je dirais maigre, des lunettes et des yeux d’acier, la main sèche et toutes les expériences dans son maintien, chevaux, jeunes filles, elle avait dû avoir des quantités de montures.


Quant à l’assistance, les invitées (payantes, je l’ai su après), c’était comme un congrès d’agents d’assurance, des femmes de toutes sortes, pas d’élégance particulière, mais les tissus sentaient l’argent, les cuirs étaient beaux, et les chaussures étaient comme les voitures, intérieur cuir.


On me présente, je souris, malgré une tonne de boules dans la gorge. Ce n’était pas une réunion de mannequins époustouflants, comme dans n’importe quel roman de gare, non, des femmes, quelques gros derrières, quelques amazones, quatre ou cinq très très jeunes filles dont une en jupe écossaise qui ne lâchait pas l’hôtesse d’une semelle.


On a dansé, flirté, rapidement des couples se sont formés et on a commencé à voir des chemisiers ouverts, apparaître des seins, et des petites culottes sur les tapis. La bonne orgie, au féminin. Schroeder-Devrient a très bien décrit ça, alors pourquoi pas moi ? Je ne te raconterai pas le détail, je n’avais aucun moyen de faire marche arrière. J’ai seulement essayé de garder une certaine contenance, mais vers une heure du matin, quand tu es complètement à poil, que tu as déjà goûté plusieurs minettes, et que tu ne sais plus trop qui stationne entre tes cuisses, tu ne penses pas vraiment à ta pudeur.


Je suis rentrée avec une amazone un peu saoule qui m’a gardée deux jours ; deux jours sans culotte ni soutien-gorge, sans pudeur, jusqu’à faire mes besoins avec elle. Elle voulait être fouettée, j’ai réussi à la faire reculer jusqu’à la fessée.


Et voilà, après j’ai reçu des appels, des demandes, je pourrais te faire un cours de sociologie érotique. Je n’ai pas lâché mon travail, il fallait seulement que je m’organise. Après quelques semaines de fins de semaine amoureuses, j’ai fini par prendre un tiers-temps.


J’ai des mères de famille excédées qui se sont découvert des tendances, qui ne peuvent pas les réaliser, pour des raisons familiales et aussi, soyons objective, économiques, alors elles viennent relever leur jupe et baisser leur culotte pour se faire sucer par une jolie fille. Elles peuvent tomber amoureuses.


Le plus fréquent, ce sont les executive women, elles ne sont pas lesbiennes, elles se reposent du monde pénible dans lequel elles évoluent : généralement, ça dure une fin de semaine, on jette le tailleur veston et le petit nœud-pap, on passe à la jupe et à la petite culotte transparente pour conjuguer tout ça au féminin. Elles restent des décideurs, mais elles s’abandonnent, elles rêvent souvent, après l’amour j’ai droit aux petites caresses, aux monologues. Oui, tu as raison, c’est le côté geisha. Tiens, le nu, là, c’est une compagne qui l’a peint. Elle réalisait son vœu, peindre une femme nue dans un geste impudique ; on n’a presque pas fait l’amour, on était bien chez elle, en déshabillé, elle était heureuse.


Je ne demande jamais d’argent, elles me le donnent, c’est un code.


Bien sûr, il y a des fofolles, ou des perverses, mais il faut juste leur lâcher quelque chose.


Le plus touchant ce sont les vieilles dames : elles ont soin de peindre et d’orner leur visage pour réparer « des ans l’irréparable outrage », aujourd’hui c’est remplacé par des liftings, et ça fait illusion. La chatte, par contre, on ne peut rien faire, quoique si, mais ça manque de charme.


Non, vois-tu, contrairement à ce que je pensais, on ne me demande presque jamais d’utiliser le godemiché, elles ne viennent pas pour ça. Elles viennent surtout s’appuyer sur un corps semblable au leur, ce ne sont pas des lesbiennes.


Si, tiens, j’ai une compagne lesbienne, franchement, elle n’est pas aidée par la nature : une tête au ciseau à bois, pas de seins, des fesses étroites et des épaules en bouteille de Badoit. Elle est gentille, humble, pudique, d’une propreté impressionnante, elle adore me déshabiller, me respirer à mesure, sentir mon linge. Avec elle, j’ai fait un petit voyage en Allemagne, elle était très fière de ma présence, et ne cachait pas du tout notre relation. Je n’ai pas voulu d’argent, elle a tellement dépensé pour le voyage, alors elle m’a envoyé, tiens, cette canne-épée, oui, c’est de l’argent, et la lame est splendide. Tout un symbole. Je crois qu’elle vit avec sa mère dans un rapport sado-maso vaguement incestueux, tu sais genre « La Pianiste », elle est notaire.


Pour certaines, non, ne rigole pas, c’est presque un service d’urgence. Il faut qu’elles décompressent, bon, tu te rappelles l’histoire d’un certain cardinal qui s’était tapé une crise cardiaque en sortant de chez Mme Claude, je crois, j’ai un personnage de ce style : la présidente d’une association très chrétienne, liée à l’archevêché, Chevalier de Malte, Légion d’Honneur, elle étouffe et ne peut se dégager de rien, elle est circonvenue


Quand elle a besoin de moi, elle m’emmène dans une villa en Normandie. Elle se lâche, une vraie gosse, elle a quatre enfants, tu te rends compte et elle me fait l’amour comme une jeune fille ; ardente, une fois, il a fallu s’arrêter dans un chemin pour lui baisser sa culotte, elle était inondée. Elle a pris ma main, je l’ai masturbée, c’est tout, elle léchait mes doigts comme dans une nouvelle érotique.


Le soir, on a mangé chez elle, elle avait fait livrer un repas traiteur, mais rien à voir avec les Viets qui font tout venir de l’usine de Marseille. Un repas japonais extraordinaire avec du saké tiède, on était pompettes et on a baisé comme des folles, elle a même fait pipi tellement elle avait perdu la tête.


Non, je n’accepte pas la violence, seulement la fessée amoureuse et je n’accepte pas toujours les femmes qui appellent, je préfère les rencontrer avant. Une fois, la femme est venue au rendez-vous avec sa fille, bientôt vingt ans, j’étais angoissée, la jeune fille ne disait pas un mot pendant que sa mère faisait sa chattemite. On a quand même fixé un jour de visite, et quand je suis arrivée, la fille était là aussi, toujours silencieuse. Ma parole, un roman de Simenon. Bon, après tout, c’était aussi une femme, elle devait avoir l’habitude. On s’est déshabillées, on a fait l’amour, je dois dire, c’était très bien, et la fille était là ; il m’a fallu un moment pour me décoincer. Je n’ai jamais voulu la revoir, trop émotionnel. Tu me dis que ce n’est pas moral, je te crois aisément, d’autant plus que je le sais ; mais que veux-tu, ce regard de jeune fille, cette figure rose et pincée à la fois, tournée vers la fenêtre pendant que sa mère écartait les jambes, ça me reste comme une telle perversité que je ne l’analyse même pas.


Nous sommes aujourd’hui partagés entre le désir et la morale sociale, pas individuelle, et nous avons du mal à connaître les frontières.


Oui, je suis seule, je n’ai pas d’amie, entre nous, je ne vois pas comment ce serait possible ; j’ai une « bonne amie » mais il n’y a rien entre nous, seulement une relation affectueuse fondée sur une culture commune. C’est d’ailleurs une collègue de travail, elle est ma caution, je suis son évasion.


Ce qui va être difficile, c’est d’arrêter, je ne sais pas du tout comment je pourrais m’y prendre parce que, tu vois, j’aime assez déculotter toutes ces femmes, les prendre, les faire jouir. Pour certaines, je ressens quelque chose, que je m’efforce de refouler. Bien sûr, j’ai une amoureuse qui me fait des yeux de cocker, elle parle de divorcer pour moi, enfin, tout un roman, mais tu m’imagines au centre d’un scandale mondain, ce n’est pas mon genre. J’ai trente ans, je m’étais donné cinq ans, rien de plus. Je suis presque au bout.


Après ? Je voudrais trouver une brave fille, je vais te surprendre, une fille toute simple, un peu ronde, pas forcément très jolie, qui serait contente d’étendre du linge, de se promener à la campagne, de partager un repas maison et qui aimerait se coucher avec moi, faire l’amour avec plein de petits bruits mouillés et qui des fois, en public, me mettrait le bras autour des épaules pour me plaquer un gros baiser sur la joue. Être simplement lesbienne, tout tranquillement.


Attends, Élodie, ne pars pas, on a bien le temps, tu veux qu’on aille manger quelque part ? Je t’invite, mais non, pas dans un club de filles, bêtement, à la Place Clichy, par exemple, on va manger des huîtres, d’accord ? Je le sais bien que tu as tendance à t’arrondir, les coquillages ça te fera pas grossir et puis, il est mignon tout plein ton gros derrière, mais si, mais si, ne te tortille pas comme ça, je finirai bien par te la relever cette jupe. Tu sais que tu es appétissante ? Mais, dis-moi, là, ce petit slip couleur chair, tu l’as mis pour moi ? Allez ne fais pas la sotte à prendre tes airs de professeur outragée, je suis sûre que tu aimes ça, d’avoir ta jupe relevée.


Bon, je ne t’embête plus, on file, sinon, ça nous ferait manger trop tard.


Tu n’as pas faim ?


Tu préfères qu’on reste là ? Mais tu y es en danger, ma petite, j’ai les yeux moins gros que la langue.


Bon, d’accord, on reste là, je vais juste te faire… Une langue froide ? Tu la préfères pas chaude ?


Bon, maintenant, il faut choisir, non, pas toi, moi : ou je te viole sur le champ ou tu me violes, il n’y a pas d’alternative. Après ? On verra, on peut s’associer, non ? Oui ? Je ne me rappelais pas que tu avais la langue aussi agile. Tourne-toi…