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Temps de lecture estimé : 54 mn
16/07/07
corrigé 12/11/10
Résumé:  Rentrer au bercail plus tôt que prévu et s'apercevoir qu'on est cocu n'est sûrement pas une expérience amusante. Mais s'abstenir de virer l'intrus, est-ce de la lâcheté ou de la perversion ? Ou peut-être les deux ?
Critères:  fh ff 2couples amour voir exhib fellation cunnilingu pénétratio fdanus init -couple -entrecoup
Auteur : Mirthrandir      Envoi mini-message

Série : Travail d'artiste

Chapitre 01 / 02
Travail d'artiste (1/2)

Normalement, j’aurais dû être furieux. Logiquement. Parce qu’un type qui rentre de son boulot à l’improviste et découvre soudain qu’il est cocu devrait débouler dans la chambre et expulser manu militari l’intrus qui ose lui souiller le lit conjugal ! Alors, que je sois resté planqué derrière la porte entrebâillée à profiter du spectacle au lieu de sortir de mes gonds pourra passer aux yeux de certains pour de la perversion, voire de la lâcheté.


Je n’ai jamais été violent, mais nul n’ignore que le plus paisible des hommes peut, dans certaines circonstances, se transformer instantanément en une bête hurlante et avide de sang. Je n’ai jamais non plus été accro aux scènes de ménage, et ne me faisais d’ailleurs aucune illusion quant aux tentatives d’explications que j’aurais éventuellement pu obtenir, si d’aventure je m’étais naïvement risqué à en exiger.


À vrai dire, j’étais fasciné. Les rais de lumière s’insinuant dans la chambre malgré les tentures fermées éclairaient subtilement les corps nus qui s’agitaient sur le lit, les mouvements des hanches de Charline, le doux balancement de ses seins, ses yeux mi-clos et sa bouche qui s’entrouvrait sur des dents blanches venant mordiller sa lèvre inférieure. Je connaissais cette attitude, ces légers soupirs, ces murmures, ces discrets gémissements et cette sensation de bien-être que je pensais être seul à lui procurer. J’aimais ce visage aux traits réguliers, cette matité de peau et la mâchoire volontaire se tendant parfois dans une expression de défi. J’adorais cet air détendu que lui donnait le plaisir charnel, et l’effet bénéfique qu’il exerçait sur son épiderme pour atténuer les petites rides et crispations dues aux tracas de la journée.


Charline était belle. Très belle. À quarante ans, je la trouvais plus désirable que jamais. Les quelques kilos pris ici et là, loin d’empâter sa taille ou d’alourdir son apparence, semblaient au contraire lui avoir apporté cette maturité et cette sensualité qu’affichent sans retenue ceux qui vivent pleinement leur sexualité et connaissent sur le bout des doigts le langage corporel. Le plaisir charnel la rendait plus belle encore, plus sensuelle, plus féminine ; et j’aimais la regarder, voir l’image de son visage et de son corps dans la grande glace recouvrant la porte de la penderie tandis que nous faisions l’amour. Certains rabat-joie adeptes du feng shui nous avaient pourtant affirmé que la présence de miroirs dans une chambre à coucher n’a rien de zen, mais nous n’en avions cure.


Et ce jour-là, tandis que j’étais immobile dans le couloir, comme hypnotisé, un autre que moi profitait des charmes de ma femme. Un autre dont je ne distinguais pas les traits, parce qu’il était couché sur le dos, le visage et le haut du corps dissimulés par celui de Charline. Elle était à genoux au-dessus de lui et je la contemplais presque de face pendant que les mouvements de son bassin faisaient apparaître et disparaître sous les poils sombres de son pubis le pénis dressé de son amant. Je voyais la sueur sur leur peau, les mains de l’homme, aux doigts ornés d’anneaux argentés, accrochés aux hanches de ma femme, ses coups de reins tandis que son sexe allait et venait, trempé et luisant. Charline se mordillait les lèvres, y passait une langue rose et humide, laissait fuser de petits gémissements. Je regardais ce visage dont je connaissais chacune des expressions, les froncements de sourcils, les pincements de lèvres, la bouche qui s’ouvrait sur la blancheur des dents, les soupirs et les halètements. Je ne pouvais détacher mon regard de ces yeux mi-clos, de cette tête qui se renversait vers l’arrière en emportant dans son mouvement des vagues dansantes de mèches brunes, de cette bouche qui aspirait goulûment l’air surchauffé de la chambre pour l’expulser ensuite dans un souffle accompagné de menus bruits de gorge.


Charline allait jouir. Je le voyais, je le sentais, je pouvais palper cette atmosphère de plaisir emplissant la pièce et s’échappant jusqu’à moi par la porte entrouverte. Elle gémit à nouveau, arqua le buste, poussa un « oh » prolongé. Sa tête revint d’arrière en avant, ses cheveux couvrant son visage. L’agitation des corps se ralentit tandis qu’elle soupirait encore, respirant rapidement en se courbant vers l’avant. L’homme la retint par la taille et arrêta ses mouvements. J’éprouvais un mélange de sensations étranges devant cette situation imprévue, ce fait accompli dont j’étais témoin et qui venait s’enfoncer comme un coin dans un bonheur que je croyais jusqu’alors invulnérable.


Je sortis de mon engourdissement et tournai silencieusement les talons. J’étais en sueur. Ils ne m’avaient ni vu, ni entendu. J’avais pour habitude de me déplacer sans bruit, tel un chat, surprenant souvent Charline par ma présence soudaine et silencieuse. Une fois en rue, j’errai sans but pendant d’interminables minutes, indifférent au monde qui m’entourait.


Je finis par m’asseoir sur un banc, dans le parc municipal, face à l’étang. Un flot de questions jaillissait, en tête desquelles : « Depuis quand ? » Je pressentais que la scène dont j’avais été témoin n’était qu’un des maillons d’une longue chaîne, un élément d’une série dont le début ne devait dater ni de la veille, ni de l’avant-veille. Les faits s’étaient produits un lundi, soit précisément le jour où, chaque semaine, Charline fermait son cabinet d’esthéticienne jouxtant notre habitation. Elle ne recevait en principe ni le dimanche, ni le lundi, mettant ce dernier jour à profit pour se livrer à quelques indispensables tâches ménagères et faire un peu de shopping. Et prendre le temps de s’envoyer en l’air, comme je venais d’en faire la bouleversante découverte.


Après tant d’années de vie commune, de bonheur total, jamais je n’aurais prévu un tel coup de théâtre. Je m’interrogeais sur l’attitude à adopter. Je ne parvenais pas à m’imaginer rentrant furieux au domicile conjugal et lui assénant un « je sais tout » assorti de menaces de séparation et de divorce, pas plus que je n’envisageais la simple idée de la soumettre à un interrogatoire serré, façon mari jaloux. Je n’étais d’ailleurs ni jaloux ni possessif, et seul le hasard avait voulu que je rentre à la maison bien plus tôt que de coutume.


Charline n’était-elle pas heureuse, elle aussi ? Cet autre homme lui apportait-il quelque chose de plus que moi ? Je décidai que non, bien qu’ayant pu évaluer la taille respectable de ses attributs virils. La scène à laquelle j’avais assisté n’indiquait aucunement de sa part une compétence supérieure à la mienne en matière sexuelle. Charline était franche et directe, elle ne simulait jamais son plaisir et n’hésitait pas à s’exprimer clairement sur le sujet, me faisant comprendre sans détour ce qu’elle trouvait bien, moins bien ou pas bien du tout. Si quelque chose en moi lui avait déplu, si elle éprouvait un manque ou une frustration, elle s’en serait ouverte immédiatement, j’en étais persuadé.


Je pris la ferme résolution de la boucler et de faire mienne la tactique du Wait and see, chère aux Anglo-saxons, tout en me remémorant ironiquement le sage précepte selon lequel il est préférable d’être à plusieurs sur une bonne affaire que seul sur une mauvaise.


J’en étais là dans mes pensées, me demandant si je parviendrais à garder mon calme et à adopter une attitude naturelle quand, plus tard, je rentrerais à la maison et me retrouverais face à Charline, lorsqu’un crissement de pas sur le gravier du parc me fit lever les yeux. Une grande femme blonde approchait, d’une démarche souple et sensuelle. Elle me lança un « bonjour » sonore, assorti d’un sourire chaleureux, tout en accomplissant les quelques enjambées qui la séparaient encore de moi.



En fait, je ne pensais pas, j’en étais sûr. Il suffisait d’avoir croisé cette charmante personne une seule fois et d’avoir échangé quelques mots avec elle pour s’en souvenir des années durant. Elle avait une voix chaude et veloutée assortie d’un accent traînant et légèrement râpeux qui trahissait son ascendance hollandaise, des yeux d’un bleu profond et un sourire propre à dégeler une banquise. Sa taille supérieure à la moyenne, ses formes harmonieuses et sa démarche légère mais assurée faisaient se retourner les hommes sur son passage et arrachaient aux femmes des regards inquiets mêlés de jalousie. Elle était cliente de Charline et, bien que ne l’ayant croisée qu’une seule fois à l’entrée de la propriété et n’ayant échangé avec elle que quelques politesses, je m’en souvenais avec une confondante précision.



Je hochai la tête et lui souris, flatté d’avoir, malgré une apparence physique bien plus insignifiante que la sienne, marqué suffisamment un petit coin de son esprit pour qu’elle me fasse l’insigne honneur de s’en souvenir.



Puis, ajoutant un « Vous permettez ? » des plus aimables, elle s’assit près de moi sur le banc, posant sur ses genoux un léger sac de peau qu’elle caressa négligemment du bout de ses doigts aux ongles parfaitement manucurés.



Je sentais ma gorge se nouer, et balbutiai un « Oui, un peu… » en guise de réponse, tentant de cacher mon trouble et de me débarrasser de la poigne de fer qui était en train de me broyer le bas du ventre. À vrai dire, c’était moi qui, le premier, avais parlé d’elle à Charline, le soir du jour où nous nous étions croisés devant la maison. Esthéticienne, Charline recevait nombre de dames dans son cabinet voisin de notre logis, et il m’arrivait d’en rencontrer l’une ou l’autre au hasard de mes allées et venues, essentiellement le samedi matin puisque je n’étais pas au bureau les week-ends. Je posais parfois à ma femme quelques banales questions concernant ses clientes, par simple curiosité, questions auxquelles elle ne donnait que de vagues réponses, me faisant ainsi clairement comprendre qu’elle n’avait pas l’intention de se muer en faiseuse de cancans et que la délicatesse était une des vertus de sa profession.



Je pris une profonde inspiration et croisai les jambes pour m’accorder un bref instant de réflexion.



Puis j’ajoutai, regardant bravement la jolie blonde droit dans les yeux :



Je haussai les sourcils :



Elle me gratifia d’un sourire désarmant et s’éloigna d’un pas rapide, me laissant seul sur mon banc à contempler sa silhouette qui s’amenuisait.


Je demeurai de longues minutes immobile, en proie à des pensées contradictoires, avant qu’une évidence me vînt à l’esprit : si Mieke et Charline avaient sympathisé, notre rencontre ne pourrait vraisemblablement rester longtemps secrète, pas plus que ma présence dans le parc cet après-midi.


Je me levai à mon tour et me mis en chemin dans la direction opposée. Il était temps de regagner la maison.


Je l’atteignis en quelques minutes d’une marche rapide, et m’efforçai d’adopter une attitude naturelle en introduisant la clé dans la serrure et en poussant la porte d’entrée. Charline était-elle encore au lit ? Était-elle seule ? Respectueux de mes habitudes, j’entrai silencieusement et pénétrai dans le living, tout comme je l’avais fait un peu plus tôt dans la journée. Tout était propre et bien rangé. J’appelai doucement Charline, chose que je n’avais pas faite lors de mon précédent retour, car intrigué par les bruits en provenance de la chambre… Seul le silence me répondit. Le lit était fait, les draps soigneusement tendus et la maison vide. Charline était partie.


J’étais à ce point sidéré de ne trouver personne que plusieurs minutes s’écoulèrent avant que je ne recouvre ma lucidité. Je me traitai mentalement d’idiot : Charline n’était pas partie. Elle était sortie, tout simplement. Mon retour précoce au bercail suite au congé de l’après-midi et les divers événements que j’avais vécus dans la foulée m’avaient fait perdre la notion du temps et le sens des réalités. J’aurais dû m’apercevoir que la voiture n’était plus en stationnement dans l’allée devant la maison, et m’abstenir d’explorer les pièces une à une. J’étais en piteux état et complètement assoiffé. J’avalai coup sur coup trois grands verres d’eau, me dévêtis et me prélassai sous la douche pendant de longues minutes. Après quoi, enveloppé dans une sortie de bain en tissu éponge, j’allumai le poste de télévision et m’en fus me vautrer sur le canapé en attendant le retour de Charline.



*

* *



Lorsqu’elle rentra, chargée de deux sacs à provisions remplis à craquer, je venais à peine d’émerger du sommeil dans lequel je m’étais laissé emporter, un sommeil peuplé de rêves où tour à tour une femme brune que je connaissais bien et une grande fille blonde aux yeux bleus que je connaissais mal se livraient à des ébats torrides sur un lit en compagnie d’un apollon musclé membré comme un âne en rut pendant que je les regardais, caché derrière la porte entrebâillée. Je décidai instantanément de la jouer fine et de guetter chacune des expressions du visage de Charline.



Je me levai tandis qu’elle refermait la porte, franchis la courte distance qui me séparait d’elle et la pris dans mes bras. Elle répondit instantanément à mon baiser et se serra contre moi. Je sentis son corps contre le mien au travers du tissu éponge et de la légère robe d’été en coton qui lui allait à ravir, et humai le gourmand parfum, fruité et fleuri, de son eau de toilette préférée.



J’essayais de maîtriser mes émotions, de garder la tête froide, mais c’était tâche malaisée, lorsque ma femme se lovait ainsi dans mes bras. Je me laissai aller à mes impulsions toutes naturelles. Mes mains partirent en exploration le long de son dos, de la courbe de ses reins, et s’arrêtèrent sous les deux globes fessiers, palpant les rondeurs recouvertes du doux tissu de la robe. Au même moment, je sentis s’écarter les pans de la sortie de bain et les deux mains de Charline s’enhardir sur ma peau.



Je reçus la pression de son ventre contre mon sexe déjà gonflé, et perçus ensuite le léger mouvement du bassin qu’elle adopta pour augmenter mon excitation. Elle entoura mes joues de ses mains tout en m’embrassant, ses doigts filèrent autour de mon cou puis de mes épaules, repoussant le peignoir éponge, que je laissai choir au sol derrière moi d’un souple geste des bras. J’étais à présent complètement nu devant Charline, qui se serrait tout contre moi comme pour mieux épouser les reliefs de mon corps. J’insinuai les mains sous sa robe, remontai le long de la courbe de ses hanches, frôlant au passage la douceur élastique de la petite culotte, et lui saisis la taille tandis qu’elle me tendait les lèvres pour un baiser passionné. Mes mains atteignirent la base du soutien-gorge, soulevant le léger vêtement, glissèrent dans son dos, redescendirent vers ses reins, mes doigts effleurant sa colonne vertébrale. Elle frissonna, abandonna mes lèvres et posa la bouche sur ma poitrine, plia les jambes et descendit le long de mon ventre, caressant ma taille, mes hanches, mes fesses. Mes ongles s’enfoncèrent dans ses cheveux, taquinèrent le contour des oreilles, la nuque.


Charline enserrait à présent dans ses doigts mon pénis dressé. Tandis que l’autre main empaumait mes testicules, sa bouche remonta, ses lèvres humides atteignirent le bout du membre et, pendant que sa main exerçait un mouvement de va-et-vient, sa bouche enveloppa l’extrémité du gland dénudé.


Les mains posées doucement sur la tête de Charline, les doigts perdus dans sa chevelure, j’essayais vainement de remettre de l’ordre dans mes pensées, si tant est qu’un homme subissant le voluptueux traitement que j’étais en train de subir soit en mesure d’accomplir une telle prouesse !


Charline avait semblé si peu surprise qu’elle ne m’avait même pas interrogé quant à ma présence à la maison ! Il convient toutefois de préciser qu’elle n’en avait guère eu le temps. Les explications viendraient sans doute après. Je me promis d’être encore plus vigilant, de guetter chacune de ses expressions, mais d’éviter de la brusquer avec des questions abruptes ou de dangereux sous-entendus. Je ne tenais pas à ce qu’elle sache que j’avais été témoin de ses ébats.


Une vague de chaleur me parcourut l’entrejambe et le bas du ventre, stoppant net mes cogitations. Salivant généreusement, Charline promenait la bouche sur mon sexe fièrement dressé, aspirant par-ci, léchant par-là, jusqu’à taquiner de la langue le frein du prépuce en y exerçant une légère succion. C’en était trop pour que je garde mon calme. Pressant les mains de chaque côté de sa tête, je l’invitai à se lever et l’attirai contre moi.



J’appréciai l’ironie de la remarque en envoyant un petit rire lutter à armes inégales avec la douceur gourmande de ses baisers. Elle me connaissait si bien, savait interpréter la signification de chacun de mes gestes, de chaque vibration de mon corps ! Tout en répondant à ses baisers, je glissai les mains sous sa robe, fis remonter le fin coton jusque sous ses bras et, d’un mouvement rapide, dégrafai son soutien-gorge. Elle m’aida à la débarrasser des vêtements, puis pivota et appuya son dos nu contre ma poitrine, pressant les fesses contre mon membre gonflé. Je palpai son ventre ainsi offert à la caresse, emprisonnai les globes de ses seins, effleurai les tétons dressés. Je l’embrassai dans le cou, descendis une main vers son pubis tandis que de l’autre épousait la courbe d’un sein comme pour le soupeser, les doigts s’attardant autour du mamelon. Je glissai l’autre main vers son entrejambe, mes ongles vinrent au contact de l’étoffe soyeuse de la petite culotte, rencontrèrent la douce et chaude humidité qui imprégnait le tissu à cet endroit. Charline se serra davantage contre moi, entamant un lent mouvement des reins qui plaquait mon pénis dressé contre la raie de ses fesses, au travers du souple vêtement, dans un frottement entretenant mon excitation, et que j’accompagnai d’un même mouvement des doigts sur la moiteur de l’étoffe, poussant celle-ci entre les lèvres de son sexe humide.


Nous n’étions pas coutumiers de ce genre de débordements impromptus ; non par manque de fantaisie, d’ardeur ou de penchant pour le plaisir des sens, mais parce que, la maturité aidant, nous avions admis les avantages et toute la satisfaction que l’on peut tirer d’ébats charnels accomplis dans de bonnes conditions de confort, en prenant le temps de goûter pleinement à chaque sensation, à chaque contact. Bien qu’ayant essayé chaque fauteuil, chaque centimètre carré du tapis du salon, la table et les chaises, la baignoire et la douche, le garage, la voiture et tous les coins de la cuisine, c’était sur notre grand lit que nous éprouvions le plus de plaisir à nous retrouver, à explorer les courbes de nos corps, à découvrir et redécouvrir nos endroits les plus secrets.


Debout près de la porte et nous frottant l’un à l’autre, impatients comme de jeunes amants, nous effectuions un curieux retour en arrière qui aurait pu me remémorer quelques rapports accomplis à la sauvette, dans des lieux inhabituels, et qui produisaient davantage d’adrénaline que de volupté. Mais la journée était inhabituelle, justement, et si je n’avais écouté que mes plus bas instincts, j’aurais collé Charline à la porte et lui aurais ramoné la chatte à grands coups de reins ou l’aurais renversée sur le dossier d’un fauteuil pour jouir en levrette au plus profond de son intimité. N’étais-je pas dans mon bon droit ? Ne pouvais-je profiter à fond de mon petit « chez moi » ? Ne pouvais-je résolument adopter un comportement égoïste, à présent que le total abus de confiance avait été perpétré ? L’envie ne m’en manquait pas, mais un autre désir, plus fort que tout, s’était ancré en moi : je voulais comprendre.


Mes doigts s’insinuèrent sous l’élastique du slip et repoussèrent l’étoffe, dévoilant la vulve. Je caressai doucement le bourgeon offert. Charline se dressait sur la pointe des pieds, cambrait les reins pour amplifier les ondulations de son bassin. Passant une main derrière elle, elle tira sur son sous-vêtement, rejetant de côté le tissu pour dénuder la rondeur de ses fesses et mieux frotter sa peau contre mon pénis. J’accentuai les attouchements sur le clitoris gorgé de sang, introduisis deux doigts dans la fente chaude et mouillée, les laissai entrer et sortir au gré de la sensuelle agitation de nos deux corps. Charline se serrait contre moi, tournant la tête pour m’offrir ses lèvres, pressant sa joue contre la mienne. Je devinais son sourire, ses yeux mi-clos, tandis qu’elle émettait de petits bruits de gorge pour exprimer son plaisir. J’éprouvais de plus en plus de difficultés à conserver l’équilibre et, cherchant un appui, je pivotai vers l’arrière, entraînant ma partenaire dans le mouvement. Je me retrouvai adossé à la porte du hall d’entrée, dont le frais contact m’arracha un léger sursaut que Charline perçut instantanément.



Je m’emparai d’un mamelon, le fis rouler entre mes doigts, le pinçai doucement. Charline montait et descendait contre moi, laissant glisser mon membre dans la raie de ses fesses moites de nos transpirations mêlées. Elle se dressa au maximum, soulevant légèrement un pied pour gagner en hauteur malgré les talons de ses chaussures, et emprisonna mon sexe entre ses jambes. Les mouvements se firent plus courts, horizontalement cette fois. Je sentais la mouille baigner mon gland, qui coulissait doucement dans l’entrejambe de ma bien-aimée tandis que, le nez perdu dans ses cheveux, je lui agaçais du bout de la langue le cou et le lobe de l’oreille, m’enivrant de l’odeur de son corps. Mes mains saisissaient ses hanches, sa taille, remontaient sous les globes de ses seins, s’en emparaient et les malaxaient en s’attardant sur les mamelons, redescendaient vers le ventre, le haut des cuisses, le pubis. Du bout des doigts, je taquinais le clitoris, en alternance avec mon sexe qui allait et venait le long de la fente. Nous étions mouillés de transpiration et d’excitation, Charline tirait sur sa petite culotte pour libérer au maximum ses parties intimes. Il y eut un bruit d’étoffe déchirée, et le léger sous-vêtement tomba à nos pieds.



Je n’eus pas l’occasion de répliquer, car Charline, d’un souple mouvement des reins, modifia rapidement sa position pour permettre à mon membre de s’introduire en elle. Je soufflai un « Ah ! » de surprise et de contentement.



Charline reprit ses ondulations lascives, lentement, attentive à bien faire coulisser mon sexe dans le sien, pendant que je caressais toutes les parties de son corps que mes mains pouvaient atteindre. Je sentais des ondes de plaisir gagner mon bas-ventre, mes testicules remontaient dans les bourses, une vague de chaleur m’inondait peu à peu tandis que Charline amorçait des mouvements que n’aurait pas reniés une danseuse du ventre. J’étais fortement adossé à la porte, les pieds déportés vers l’avant pour compenser notre différence de taille, et me trouvais donc peu libre de remuer le bas du corps. Charline, qui avait accroché d’une main la poignée de la porte, en profitait pour monter et descendre en ondulant des hanches, son vagin engloutissait profondément mon pénis, remontait jusqu’à ce que seul le gland soit encore recouvert, puis redescendait dans une oscillation lascive. C’était follement excitant, malgré le peu de confort offert par ma position, et à ce régime je n’allais pas tarder à lâcher la bonde. Je la laissai effectuer quelques mouvements supplémentaires, mais je sentais le plaisir grimper en moi, aussi me dégageai-je prestement et, la saisissant dans mes bras en l’embrassant, je la repoussai à son tour contre la porte.



Je m’agenouillai lentement, promenant les doigts sur sa peau en embrassant au passage le bout de ses seins. Elle avait posé les mains sur ma tête, m’ébouriffait les cheveux. Mes lèvres atteignirent la touffe de poils pubiens, descendirent vers la vulve. Charline arqua le corps, se caressa la poitrine tout en abandonnant son sexe brûlant aux oeuvres de ma bouche. Ma langue s’insinua sous les replis, titilla le bourgeon, s’enroula autour de lui. Mes lèvres l’aspirèrent doucement. Je sentis les mains de Charline se poser à nouveau sur ma tête, puis glisser vers mes oreilles. Elle s’appuyait du haut du dos et de l’arrière du crâne au panneau de porte, poussant le bassin vers l’avant pour mieux s’offrir à la caresse de ma bouche et de mes mains, qui épousaient le galbe de ses cuisses, la douce courbe de son ventre, la rondeur de ses fesses. Tout en continuant à lui sucer le clitoris, je glissai un pouce dans son vagin, l’enfonçant de plus en plus loin, jusqu’au mont de vénus, dans un mouvement de va-et-vient. Charline enserrait à présent ma tête entre ses paumes, j’entendais ses murmures de plaisir, je devinais ses dents mordillant sa lèvre inférieure, ses yeux se fermant pour mieux concentrer ses pensées sur l’orgasme qui se préparait. Je sortis mon doigt couvert de mouille, en posai l’extrémité sur la rosette toute proche tout en remontant les autres doigts entre les fesses humides. Ma langue fouilla le sexe ruisselant, mes lèvres happèrent le bourgeon dilaté.


Charline frémit lorsque mon pouce s’introduisit doucement dans son anus. Mon autre main partit en exploration, glissa sur le ventre, atteignit le galbe d’un sein, caressa le mamelon érigé. Je sentis le corps de ma bien-aimée se tendre à l’extrême, se crisper sous la montée du plaisir. Je ralentis les mouvements de ma langue, m’emparai du téton, le fis jouer entre mes doigts. Charline poussa un petit gémissement et j’arrêtai mes caresses, accueillant sur ma langue et autour de mon pouce les spasmes de sa jouissance. Après quelques secondes d’immobilité, je me redressai, le menton et les joues luisants de bave et de mouille, serrai mon épouse dans mes bras et l’embrassai à pleine bouche.



Ces mots avaient à peine franchi mes lèvres que je les regrettai. Ils devaient sonner comme de la provocation, aussi guettai-je immédiatement la réaction de Charline. Elle se contenta cependant de pouffer de rire.



C’était moi qui n’étais pas rassuré ! Je sentis mon ventre se crisper. Elle y allait fort ! Et moi qui voulais m’abstenir de la provoquer, alors que dans le genre, elle ne manquait pas de culot ! Comment pouvait-elle faire montre d’un tel aplomb, d’une telle sérénité, alors qu’elle me trompait sans vergogne sous notre propre toit ?



Elle se suspendit à mon cou, nouant les jambes autour de ma taille.



Je n’aurais pas exactement appelé cela l’ambiance, mais si elle était loin d’être cassée, elle avait quand même baissé d’un cran !



Elle n’en resta pas moins fermement accrochée à mes hanches. Je l’emmenai ainsi jusqu’au salon et nos corps enlacés churent sans ménagement sur le divan de cuir, qui recula d’un demi-mètre en protestant bruyamment.



Nous desserrâmes légèrement notre étreinte. Je lui baisai le front tout en lui effleurant la tempe du bout des doigts, repoussant une mèche de cheveux.



Elle avait l’air parfaitement sincère. Ses yeux brillaient. Elle me sourit, son regard vert sombre dans le mien, et je sentis une bouffée de tendresse m’envahir. Je n’arrivais pas à lui en vouloir. J’étais heureux en sa compagnie, je ne désirais rien d’autre que vivre avec elle, toucher son corps, l’embrasser, lui donner du plaisir et y prendre le mien. J’étais peut-être stupide, naïf ou trop sentimental, mais j’étais amoureux, et cette existence que je partageais depuis tant d’années avec Charline me comblait de bonheur.


Ses doigts couraient dans mon dos en taquinant mes vertèbres, des ondes soyeuses voyageaient le long de ma moelle épinière. Je posai une main sur son flanc, suivis la courbe de sa hanche, de sa taille, et remontai jusqu’à la base du sein. Elle serra davantage les jambes autour de moi, ses talons prenant appui sur mes fesses. Mon sexe accrocha le sien, la chaleur humide de la vulve invitait le membre, qui retrouvait rapidement sa vigueur, à la pénétration. Charline accentua la pression de ses pieds, tira son corps vers le haut.



Doucement, mon pénis s’introduisait en elle, glissait dans le fourreau chaud et lubrifié tout prêt à l’accueillir. Je jouissais de la sensation procurée par cette lente progression, centimètre par centimètre. Les meilleures choses ont une fin et mon instrument de virilité étant loin de faire exception à la règle, la pénétration stoppa faute de moyens supplémentaires. Je restai immobile quelques instants, le sexe planté bien au chaud, les bourses s’humidifiant au contact des parties intimes ruisselantes de ma partenaire, puis me retirai lentement. Je sentis la fine et ferme musculature des jambes de Charline se tendre tandis que ses talons éperonnaient mes fesses comme pour une incitation au galop.


Elle se souleva pour mieux m’accueillir en elle, pour accompagner mon rythme qui s’accélérait. Les genoux et les orteils enfoncés dans le cuir du divan, les mains agrippées à l’épais accoudoir de part et d’autre de la tête de Charline, le visage dans ses cheveux, le souffle court, je ne pensai plus à rien d’autre qu’au feu de notre étreinte, à mon sexe qui fouillait sa chair de ses mouvements de piston. De petits bruits mouillés se mêlaient à celui de nos respirations, nous transpirions abondamment l’un sur l’autre, nos ventres se frottaient, mes cuisses battaient sur ses fesses, mes genoux glissaient sur le cuir, m’amenant à rectifier de temps à autre ma position. Charline s’accrochait fermement des mollets autour de ma taille en nouant les chevilles sur mes reins, prenait appui de la nuque et des épaules sur le sofa pour balancer son corps à l’unisson du mien.


Épuisé nerveusement par les émotions de la journée, j’étais incapable d’accomplir quoi que ce soit de raffiné. Je ne m’occupais plus que de ma petite personne, grognant et ahanant contre l’oreille de ma partenaire dans une attitude que j’aurais ordinairement qualifiée de bestiale. Je perçus à peine les crispations de ses mains dans mon dos, les ongles qui griffaient ma peau, la plainte qui s’échappait de sa gorge. Entièrement dans mon trip, je restai sourd à ce gémissement et ne mis fin à mes coups de boutoir que lorsque je fus enfin pris d’un violent orgasme, fait de plaisir et de douleur mêlés. Tremblant, haletant, les muscles abdominaux en compote et victime d’un début de crampe au mollet, je m’effondrai sur le divan et sur Charline, l’écrasant à demi sous mon corps pantelant.


De longues secondes s’écoulèrent avant que je reprenne mes esprits. Je sentis un liquide chaud couler sur ma joue, atteindre ma bouche, y laissant un goût salé. Allongée tout contre moi, les yeux baignés de larmes, Charline sanglotait silencieusement. Un épouvantable sentiment de honte s’abattit sur moi, mes intestins se tordirent douloureusement, une sueur glacée courut le long de mon échine, envahit le creux de mes reins. Qu’avais-je donc fait ? Quel monstre étais-je devenu en l’espace de quelques minutes ?



Elle secoua la tête et sa réponse se noya dans ses pleurs, entre deux hoquets, tandis qu’elle collait sa joue contre la mienne.



Elle m’interrompit :



Elle posa les mains de part et d’autre de mon visage, attirant mes yeux dans les profondeurs humides des siens.



Je devais avoir l’air parfaitement idiot.



Cette fois, elle éclata de rire en contemplant ma mine défaite. Elle renifla doucement, essuya du bout des doigts les larmes qui perlaient encore au coin de ses paupières.



Je n’arrivais pas à comprendre. Sans doute étais-je dur à la détente.



Elle rit de plus belle, caressa mes cheveux.



Mais alors ? Pourquoi ces larmes ? Le bonheur ? Les remords ? Mais pourquoi se serait-elle émue de cela, tout à coup, alors que la scène à laquelle j’avais assisté me laissait à penser que son comportement de ce début d’après-midi était tout sauf accidentel ?



Elle me regarda et partit à nouveau d’un rire clair.



Je songeai à ma crampe naissante et aux petits étirements discrets auxquels je me livrais depuis quelques minutes, à mes pauvres abdominaux en compote et à la sensation de brûlure qui régnait entre mes omoplates, là où ses ongles avaient zébré ma peau.



Sa bouche s’arrondit en un « Oh ! », qu’elle recouvrit de ses doigts. Elle s’agrippa à mon cou et se redressa pour regarder par-dessus mon épaule.



Je déposai un rapide baiser sur son front et me levai.



Puis, désignant les deux sacs à provisions restés au sol de part et d’autre de la porte d’entrée :



Debout sous le jet bienfaisant, je tentai de rassembler mes idées et de comprendre le comportement de Charline. Tromper son conjoint est une chose, mais le faire sous le toit conjugal en est une autre. Je supposais les amants plutôt discrets et au début, la plus grande prudence devait être de mise. À la longue, l’attention pouvait évidemment se relâcher, une fois prises certaines habitudes d’impunité. Je n’avais jamais envisagé d’un jour tromper Charline. C’était contraire à mes principes. J’avais bien sûr connu d’autres femmes avant elle, mais depuis notre rencontre elle était seule dans ma vie. J’étais sidéré de n’être pas l’unique homme dans la sienne ! Étais-je naïf au point de m’être laissé abuser si longtemps ?

Et si, au contraire, ce n’était vraiment que le début d’une relation extraconjugale de Charline ? Dans ce cas, la présence des amants chez moi pouvait indiquer que le type ne jouissait probablement pas de la liberté de « faire ça » aisément chez lui ; ce qui, à défaut d’envisager l’intervention d’une vieille maman éduquée par les nonnes, signifiait que je n’étais vraisemblablement pas le seul cocu dans l’histoire.


Qu’allais-je faire à présent ? Me taire et espionner Charline ? N’en avais-je point assez vu ? Des images qui défilaient dans ma petite tête, j’étais bien forcé de constater que celle qui m’obsédait le plus, c’était celle du visage de Charline tandis qu’elle prenait son plaisir autour de la quéquette d’un autre ! Le souvenir de cette vision provoquait une sensation bizarre dans mon abdomen.


D’un seul coup, je fis basculer le robinet mélangeur de la douche du côté marqué par un point bleu. L’assaut de l’eau froide sur mon crâne et mes épaules me coupa la respiration pendant quelques secondes. Je sautillai sur place et soufflai bruyamment, m’habituant à la chute brutale de température. J’entendis une voix moqueuse derrière moi :



Je tendis vivement les mains et réussis à saisir Charline avant qu’elle ne se dérobe. Je l’attirai près de moi sous le jet glacé et la tins fermement dans mes bras tandis qu’elle poussait de petits cris.



Elle reprit peu à peu son souffle. Nous restâmes de longues secondes sous la fraîcheur revigorante de la douche, nous savonnant l’un l’autre et riant comme des enfants. Nous nous séchâmes mutuellement puis Charline insista pour passer un peu d’alcool sur les égratignures laissées dans mon dos par ses ongles.



Je glissais volontairement de côté le début de ma balade, qui m’avait conduit tout droit à la maison !



J’affichai à mon tour une mine interrogative.



En effet, ce n’était pas la première fois. Mais dans le cas présent, c’était chez des gens que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam.



Puisqu’elle le disait ! Je haussai les épaules et m’en fus vers la lingerie, où je choisis un short de toile et un vieux tee-shirt. Samedi, c’était encore loin, et j’aimais autant éviter de me préoccuper d’un futur aussi peu immédiat alors que le présent me mettait déjà copieusement le mental en ébullition. Je m’habillai en me demandant quelle tuile allait me tomber sur la tête dans les prochains jours, glissai mes pieds nus dans des espadrilles et partis vers la cuisine à la recherche d’une canette de bière.



*

* *



Contrairement à mes appréhensions, aucune tuile n’eut la funeste idée de prendre mon crâne pour cible au cours des jours qui suivirent. J’avoue avoir mis pendant ce laps de temps un maximum de chances de mon côté en évitant les sujets de conversation scabreux, les questions idiotes et les débordements affectifs inopportuns. Ni séance de baise sauvagement improvisée sur et autour du sofa, ni pelotages furtifs dans la cuisine ou ailleurs. Charline était, comme à son habitude depuis près de vingt ans de vie commune, une compagne agréable et gaie, auprès de laquelle je ne connaissais jamais l’ennui. Je ne ressentais aucune envie de gâcher la fête par une attitude agressive ou inquisitrice et, bien qu’il me fût impossible d’oublier les événements du lundi, je me comportai cependant comme s’ils n’avaient jamais existé.


J’avais écarté de mon esprit la curieuse invitation à « dîner au bord de la piscine », estimant sans doute ne devoir y attacher qu’une importance toute relative, ce en quoi j’avais tort.


Je ne m’en aperçus que samedi, lorsque Charline entama ses préparatifs pour la soirée. Recevoir des invités ou être les hôtes d’un soir de quelque autre couple n’était évidemment pas chose rare, mais c’était toujours pour Charline l’occasion de déployer un touchant surcroît d’activité. Elle voulait être digne de l’honneur qu’on lui faisait en l’accueillant ou en lui rendant visite, choisissant ses vêtements avec le plus grand soin ou mitonnant de succulents petits plats.

Mais ce samedi-là n’était assurément pas pour ma femme un samedi comme un autre. Cette invitation semblait l’avoir mise dans un état d’excitation inhabituel. Je tentai à plusieurs reprises de calmer son agitation, mais tant que nous ne fûmes pas prêts à partir, Charline courut de gauche à droite en se livrant à de fiévreux préparatifs. Elle avait acheté du champagne et des chocolats, et choisi chez la fleuriste un splendide bouquet dont je m’abstins prudemment de demander le prix dans la crainte d’un subit accès de vertige.

Elle insista pour que j’emporte un maillot de bain.



Ce devait être une forme de logique purement féminine. Moi, lorsqu’on m’annonçait « dîner au bord de la piscine », j’entendais d’abord « dîner », et ensuite « au bord ». Quant à la piscine, elle me paraissait être le dernier des accessoires.



Et sur ce bon mot, elle éclata de son rire clair et retourna à ses préparatifs. Nager tout nu ! Alors qu’on allait là pour manger. En outre, repas et natation ne faisant pas bon ménage, je doutais fort d’en arriver à avoir envie de faire trempette.


Le trajet fut accompli en silence. Il était dix-huit heures à peine, ce qui me semblait un peu tôt pour dîner, mais Charline avait insisté… Je lui laissai le soin de conduire, puisqu’elle connaissait le chemin. Elle gara la voiture dans l’allée d’un jardinet merveilleusement fleuri et soigneusement entretenu et, les bras chargés de paquets, nous nous dirigeâmes vers une villa dont le loyer devait flirter avec des sommets hors de portée de mes moyens financiers.


Mieke, tout sourire dehors, nous attendait sur le perron. Elle était vêtue très simplement d’un paréo marron et crème et d’un haut de bikini assorti. Je fus tenté de tourner les talons, de grimper dans la bagnole et de retourner à la maison enfiler un short et un tee-shirt à fleurs, mais décidai finalement que mon ensemble chemise et pantalon de lin écru ferait aussi bien l’affaire. Mieke se pencha légèrement pour embrasser Charline qui lui tendait la joue, puis s’avança vers moi.



Bien que chaussée de simples tongs de cuir brun, elle était presque aussi grande que moi. Elle était à la fois belle et effrayante. Belle parce que belle, et effrayante parce que les femmes de haute taille me faisaient toujours un peu peur et que celle-là ne dérogeait pas à la règle.


Elle accueillit chaleureusement le champagne et les chocolats et s’extasia sur la beauté du bouquet de fleurs, après quoi elle nous invita à la suivre à l’intérieur de la villa, de sa démarche rapide qui donnait l’impression que ses pieds touchaient à peine le sol. Charline me prit la main et s’élança à la suite de Mieke, m’entraînant dans son sillage. Je pus apprécier au passage l’aménagement luxueux des quelques pièces que nous traversâmes, ainsi que l’extraordinaire variété de meubles et d’objets exotiques disposés avec goût. Si les maîtres de ces lieux n’avaient pas voyagé pour ramener tout cela, d’autres avaient dû le faire pour eux, pensai-je immédiatement.


Mieke nous conduisit dans le jardin, derrière la villa. J’y découvris une vaste terrasse dallée de pierres naturelles, qui menait à une piscine entourée de pierres identiques. Tout autour, des haies fleuries et, plus loin, des arbres parmi lesquels je reconnus quelques fruitiers assuraient aux baigneurs potentiels discrétion et intimité. Un homme, grand et bien bâti, s’était levé à notre approche, abandonnant un fauteuil d’osier couvert de coussins bariolés. Il était pieds nus, vêtu d’un pantalon trois-quarts en toile kaki et d’un large tee-shirt sans manches en tissu ajouré.


Je sentis la main de Charline presser la mienne plus fortement, ce qui ne manqua pas de m’intriguer. Je me tournai un bref instant vers elle et notai immédiatement son regard inquiet fixé sur moi en une sorte d’implorant appel au silence.


Mieke me présenta Ben, son mari, que Charline embrassa sur la joue et à qui je serrai poliment une pogne qui se révéla grande et ferme, avec de longs doigts ornés de plusieurs anneaux argentés. Un signal d’alerte s’enclencha soudain quelque part dans ma boîte crânienne, tandis que nous échangions quelques banalités d’usage.


Un bref silence embarrassé s’ensuivit, rapidement brisé par Mieke qui nous invita à prendre place dans les fauteuils de jardin pendant qu’elle nous préparait des rafraîchissements. Ces quelques secondes me permirent néanmoins de surprendre quelques curieux échanges de regards entre mes trois compagnons, forme de conversation muette de laquelle je me sentis exclu et qui me conforta dans la décision que je venais de prendre de me tenir attentivement sur mes gardes.


Charline voulut m’entraîner vers la magnifique balancelle qui formait un des côtés du salon de jardin, face à la piscine, mais je la laissai s’y installer, préférant le confort plus stable d’un fauteuil d’osier et de ses accueillants coussins. Charline fronça les sourcils mais ne dit rien, tandis que Ben regagnait son siège tout proche du mien, mais légèrement de biais.


Mieke déposa sur la plaque de verre de la table basse un grand saladier de cristal rempli d’un liquide rouge sombre que j’identifiai comme étant de la sangria, et dans lequel nageaient quelques glaçons et de nombreux morceaux de fruits. Des gobelets assortis, aux multiples facettes renvoyant les rayons du soleil couchant, attendaient déjà sur la table. Mieke s’agenouilla de l’autre côté et s’assit sur ses talons, juste en face de moi, pour remplir les verres au moyen d’une petite louche, tandis que Charline délaissait le confort de son siège pour distribuer les gobelets que son amie garnissait. Elle en tendit un à Ben et fit de même pour moi.



Quand les deux femmes furent servies, elles s’installèrent l’une près de l’autre sur la balancelle qui oscilla doucement. Nous levâmes nos verres et bûmes à notre santé à tous. Nos compagnes semblaient ravies de se trouver là, je les entendais bavarder et rire, interrompues de temps à autre par une remarque de Ben, mais je n’écoutais déjà plus. Ma cervelle était de nouveau en ébullition. Dans quel traquenard étais-je venu me fourrer ? Quelques gestes, quelques regards avaient suffi à éclairer une lanterne qui refusait de s’allumer depuis lundi, et je ressentais tout à coup un profond malaise. « On s’est foutu de ma balle », pensai-je.


L’attitude de Charline m’avait immédiatement intrigué, et j’acquis en quelques secondes la certitude d’être assis à deux pas de son amant, bien que n’ayant vu ni son visage, ni le haut de son corps. Les pieds et les jambes que Ben, vautré dans son fauteuil, étendait vers la table ressemblaient à des pieds et des jambes de mec comme il devait y en avoir des millions, et je n’aurais pu jurer que c’était ceux-là que j’avais aperçus lundi dernier. Je ne pouvais non plus prier mon hôte de se déculotter pour confrontation du témoin avec les attributs virils du suspect, mais j’avais pu distinguer ses mains, et les bagues qu’il portait aux doigts ne me semblaient pas étrangères.


Mais, plus que toutes ces choses, c’est leur attitude à tous les trois, et plus particulièrement celle de Charline, qui avait ancré dans mon esprit cette certitude soudaine. Charline savait que je savais ! J’ignorais la source de ses informations, mais elle avait appris que je l’observais dans ses ébats sexuels, lundi après-midi. Peut-être m’avait-elle aperçu, après tout ! Dans cette éventualité, je devais saluer son sang-froid ! Je sentis un frisson me parcourir l’échine. La diablesse m’avait bien donné le change, avec ses mots d’amour et son corps en feu. Voulait-elle se faire pardonner ?


J’avais été joué, ce qui me mettait en rogne davantage que tout le reste. Je n’avais rien dit, Charline pas davantage. Et voilà qu’elle m’emmenait chez son amant, précisément. Et Mieke qui ne se doutait de rien !


Je les observai à la dérobée. Installées l’une près de l’autre sur la balancelle, elles pépiaient, riaient en dégustant leur sangria. Épaule contre épaule, elles étaient assises bas, une jambe se balançant dans le vide et la seconde à demi pliée sur les coussins, dans une curieuse symétrie.


Ben dit quelque chose que je ne compris pas, aussi dirigeai-je vers lui un regard interrogateur.



Je répondis que oui, sans savoir s’il parlait des deux femmes ou des dalles de la terrasse.



Elle se leva et se tourna vers Charline, lui tendant la main pour prendre son verre.



Rapidement, elle se débarrassa de sa légère robe d’été et exhiba un superbe maillot de bain deux-pièces d’un blanc brillant, qui contrastait avec sa peau dorée. Mieke avait posé les verres vides sur la table.



Elles s’éloignèrent en riant vers la piscine, m’abandonnant là avec Ben. Je m’aperçus que je restais immobile mâchoire pendante depuis quelques secondes, au risque de gober une mouche de passage. J’entendis la voix de Ben :



Je lui jetai un regard sombre, mais me détendis en voyant son sourire. Je lampai une gorgée de sangria.



Il m’invita à faire de même puis, s’emparant de nos deux gobelets, s’en alla les remplir en les plongeant directement dans le saladier.



Nous bûmes un peu. Derrière nous, les deux femmes riaient de bon cœur et je percevais des bruits d’eau remuée. Malgré la chaleur, je n’éprouvais aucune envie d’aller les rejoindre et Ben ne fit aucun geste en ce sens lui non plus. J’admirai le haut de son bras, orné d’un magnifique tatouage.



Mon admiration n’était point feinte. L’ouvrage était de grande qualité.



Le dessin était monochrome, savamment élaboré dans une gradation allant du noir profond au gris moyen. Il représentait une jonque émergeant de la brume. Le tracé en était d’une extrême finesse, composé de minuscules détails que mon hôte me laissa admirer à loisir.



Je pensai aux meubles, aux ornements que j’avais brièvement remarqués en traversant la maison.



Je détaillai discrètement mon interlocuteur. Il était grand et bien bâti, sans un gramme de graisse superflue. Ses traits, fins et réguliers, ses cheveux noirs et ses yeux sombres témoignaient de cette lointaine ascendance chinoise. Il émanait de lui une impression d’aisance et de distinction, que ne démentaient ni sa voix, douce et agréablement timbrée, ni ses gestes parfaitement mesurés. Il s’exprimait en outre dans un français parfait, sans le moindre accent étranger.



« Elle vous plaît beaucoup à vous aussi », pensai-je aussitôt, mais je gardai l’observation pour moi.



Je laissai la phrase en suspens. La conversation était agréable, la sangria excellente, mais je ressentais toujours une sorte de malaise.



Mon hôte étendit les jambes, but une nouvelle gorgée d’apéritif et se tourna vers moi.



Il me regarda fixement :



Il indiqua le dessin, sur son bras.



J’étais intrigué.



Je hochai la tête. Ben pivota dans son fauteuil. Les femmes revenaient de la piscine.



Je vis le visage de ma compagne s’éclairer. Je la devinai prête à battre des mains comme un enfant à qui l’on annonce une partie de son jeu préféré.



Que Charline se découvre un intérêt soudain pour l’art du tatouage aurait pu m’étonner si je n’avais été au courant de sa relation avec Ben ! Elle désigna la jonque, sur le bras de notre hôte.



Elle était debout tout près de moi et chacun de ses mouvements faisait voler quelques gouttes d’eau autour d’elle. Sa peau mouillée se parsemait de petits points et, sous la blancheur du maillot dégoulinant, je pouvais deviner la tache brune des aréoles, le bout durci des mamelons et, plus bas, le sombre triangle des poils pubiens



Notre hôtesse n’avait pas hésité à s’immerger tout entière, car elle était trempée de la tête aux pieds. Elle s’était débarrassée de son paréo, sous lequel elle portait le bikini assorti, de teinte marron et crème.


J’aurais pu rester bouche ouverte à la contempler en essayant de maîtriser les premiers symptômes d’une embarrassante érection, si quelque chose de particulier n’avait rapidement capté mon attention.


Au-dessus de l’élastique du minuscule slip de son maillot deux-pièces, sur le côté gauche de son ventre, s’étalait un tatouage d’une incroyable beauté, représentant un oiseau aux longues plumes multicolores. De sept à huit centimètres de haut seulement, le dessin était d’une finesse inouïe, mais riche d’innombrables détails. Chaque trait, chaque point avaient été réalisés avec un soin défiant l’imagination. L’oiseau ne paraissait pas avoir été ajouté. Il semblait être né directement de l’abdomen de Mieke, comme si par quelque tour d’une fabuleuse magie, le dessin avait soudain fait surface, jaillissant de l’intérieur. Les tonalités pastel utilisées, pourtant multicolores, formaient une unité d’un goût exquis, en harmonie parfaite avec le physique et, je le devinais, la personnalité de notre hôtesse.


Je détachai les yeux de ce spectacle, tout à coup conscient d’être l’objet de l’attention de mes trois compagnons.



Elle tourna les talons avec élégance et s’en fut chercher deux serviettes en tissu éponge au sommet d’une petite pile préparée à cet effet et disposée sur une chaise, un peu à l’écart.



J’étais absolument certain que ce chef-d’œuvre était né de sa main et de son imagination, et je ne cachai ni mon respect ni mon admiration devant un tel talent.



Charline restait debout près de moi, visiblement aux anges. Elle ne daigna bouger que lorsque Mieke lui tendit une serviette. Tandis que les deux femmes se séchaient, Ben remplissait les verres, à même le saladier comme il l’avait fait précédemment.



Notre hôtesse nous prit à témoin :



Tout le monde rit et nous trinquâmes à nouveau tous les quatre, à la santé des artistes cette fois. L’alcool commençait à produire ses premiers effets, déliant les langues et chassant les inhibitions, créant un climat de bien-être. Nous écrasions toujours les coussins de nos fauteuils, tandis que nos compagnes avaient repris leur place sur la balancelle. Elles étaient très proches l’une de l’autre, pendant que nous bavardions aimablement, sirotant notre sangria et grignotant quelques biscuits salés en attendant l’heure du repas. Mieke entourait Charline de son bras et Charline, sans la moindre retenue, nichait sa tête au creux de l’épaule de son amie. « Elles ont vachement bien sympathisé ! » pensai-je en les regardant.


Je m’aperçus que ma femme baissait très souvent les yeux vers le ventre de Mieke, comme pour s’assurer que l’oiseau ne s’était pas envolé, et j’eus la très nette impression qu’elle mourait d’envie d’arborer elle aussi un semblable chef-d’œuvre. Elle avait vidé son verre, qu’elle tenait d’une main, l’autre reposant négligemment sur la cuisse fuselée de la compagne de Ben. Le tableau était touchant et, à en croire l’échauffement qui commençait à me taquiner l’entrejambe, plutôt excitant à regarder. Je me tournai vers Ben, qui souriait en les observant, et me demandai s’il connaissait les mêmes sensations. Il dut s’apercevoir que je l’examinais, car il m’adressa un très bref clin d’œil et désigna les deux amies d’un discret mouvement du menton.


Mes regards se portèrent à nouveau vers la balancelle. Doucement, Charline promenait les doigts sur le tatouage de Mieke, comme pour en souligner les contours ou en éprouver le toucher. Mieke, les yeux fermés, la joue appuyée contre la tête de ma femme, laissait faire sans rien dire, les lèvres étirées par un léger sourire.


Plus personne ne parlait. Le soleil déclinant couchait sur la scène une lumière oblique d’un jaune chaleureux, qui assombrissait les creux et mettait les reliefs en valeur.


Ben se leva silencieusement, posa son verre sur la table, récupéra celui que Charline avait fini par abandonner sur le coussin de la balancelle, ainsi que celui que Mieke tenait à peine du bout des doigts, et les déposa également. Après quoi il me fit signe de le suivre. M’arrachant à regret à la contemplation du touchant tableau, je quittai mon siège et accompagnai mon hôte non sans avoir jeté un dernier regard en arrière pour m’assurer que les deux femmes n’avaient pas bougé.


Ben me conduisit à l’autre bout de la terrasse, ouvrit une porte à l’arrière du bâtiment et m’introduisit dans une pièce que j’identifiai immédiatement comme étant son cabinet de tatoueur. Carrelage, murs, plafond et mobilier étaient d’un blanc immaculé. Une petite fenêtre, à demi occultée par un store à lamelles, laissait entrer des rais de lumière du couchant. Un large fauteuil relax, réglable en tous sens et recouvert de cuir blanc, occupait le centre de la pièce. Aucun matériel de tatoueur n’était apparent, mais je devinai qu’il était dissimulé dans les tiroirs et derrière les portes des armoires soigneusement closes. La table de travail était parfaitement propre, et le tout dégageait une atmosphère de propreté chirurgicale. Ben me pria de m’asseoir sur un siège tendu de cuir blanc et aux pieds chromés, ce que je fis avec lenteur et délicatesse, en veillant à ne rien salir au passage. Mon hôte manœuvra un interrupteur et la lumière d’ampoules électriques judicieusement disposées éclaira soudainement la pièce, ajoutant à l’atmosphère clinique qui y régnait. Il ouvrit une armoire et en tira un mince classeur, qu’il me tendit. Je souris en recevant l’objet, car la couverture en était d’un gris tout à fait ordinaire.



Soigneusement rangées sous des enveloppes de plastique transparent, des feuilles de papier à dessin portaient divers croquis et esquisses, figurant pour la plupart des animaux ou des fleurs. Du simple crayonné au résultat final à l’encre de Chine, chacune des œuvres était représentée aux divers stades de son évolution. Les traits étaient d’une grande finesse, et les dessins incroyablement petits en regard du foisonnement de détails qui les composaient.



Je pensai au tatouage, sur le ventre de sa compagne.



Je hochai la tête, trop impressionné pour parler.


Il tira un second classeur de l’armoire et me le tendit. Il possédait une couverture blanc crème et ne contenait que quelques feuillets. Je sentis mon estomac se nouer en les examinant. Il s’agissait d’un ensemble de croquis représentant un oiseau de sept à huit centimètres de haut. Les premières esquisses étaient de simples crayonnés, puis l’œuvre évoluait, s’affinait et se colorait, pour devenir le magnifique oiseau reproduit sur l’abdomen de notre hôtesse. Le dernier dessin à l’encre était superbe.



Me remémorant la merveille dont il parlait, je ne pus qu’acquiescer. Je me raclai la gorge.



J’étais abasourdi.



Je commençais à comprendre.



Il se pencha vers moi, souriant de ma mine étonnée.



« Évidemment ! » pensai-je. Comment aurait-il pu en être autrement ? Une question me brûla aussitôt les lèvres :



Ben me regarda fixement.



Il se leva prestement, me laissant digérer l’information pendant qu’il rangeait les classeurs dans l’armoire. Il éteignit ensuite les lumières et ouvrit la porte menant au couloir.



Nous regagnâmes l’extérieur et reprîmes la direction du salon de jardin. Les deux femmes étaient toujours sur la balancelle, et nous nous arrêtâmes à quelques pas pour les regarder, tant elles formaient un tableau édénique, dans la lumière dorée du soleil couchant. Elles étaient toutes deux complètement nues. Mieke était allongée sur le dos, la tête relevée par un coussin, et Charline, à genoux entre ses jambes, lui faisait subir un traitement que je savais être particulièrement voluptueux.


Ses mains papillonnaient élégamment sur le corps de son amie en un émouvant ballet, caressant par-ci, massant par-là, soulignant les courbes ou les modifiant brièvement le temps d’une pression des doigts ou de la paume de la main. J’étais fasciné. J’avais déjà eu à maintes reprises l’heureux privilège de goûter à l’expertise de Charline en la matière, et j’imaginais sans peine le déluge de sensations de plaisir et de bien-être qui devait s’emparer du corps de la belle femme blonde étendue sur les coussins de la balancelle.


Les amortis de la braguette qui affirment que le corps masculin, contrairement au corps féminin, ne possède qu’un nombre limité de zones érogènes concentrées principalement sur et autour des parties génitales, n’ont probablement jamais eu affaire à une partenaire de la trempe de Charline ! Non que je veuille prétendre que ces personnes, de formation scientifique pour la plupart, appuient leurs conclusions sur des études fantaisistes, mais j’avais pu constater que, livré à la magie virevoltante des mains de ma femme, mon corps, de l’extrémité des orteils à la racine des cheveux, réagissait comme s’il n’était plus qu’une immense zone érogène. Que devait-il en être alors de Mieke, si les femmes sont réellement supérieurement réceptives que les hommes à ce genre de traitement ?


Nous nous approchâmes silencieusement de la balancelle et Charline leva les yeux sur moi. L’intensité de son regard et, je l’avoue, l’embarrassant gonflement qui commençait à s’affirmer dans mon pantalon m’ôtèrent immédiatement l’envie qui m’avait pris de lui décocher une œillade sévère destinée à lui faire comprendre l’incongruité de son comportement.


Je m’immobilisai à deux pas du couple. Mieke, les yeux fermés, était probablement en train de planer à cent lieues de là. Son corps était parcouru de frissons tandis que les mains de Charline s’y promenaient avec légèreté, y dessinant ce qui ressemblait à des passes magiques. Charline évitait de toucher directement les points les plus sensibles, tournant alentour, s’en éloignant pour s’en approcher par un autre côté. La poitrine et le ventre de Mieke s’abaissaient et se soulevaient rapidement, au rythme de sa respiration.


Elle secoua lentement la tête de gauche à droite, dirigea une main sur un sein pour l’effleurer. Les mamelons étaient fièrement dressés, frémissants. Je la vis replier une jambe, sur laquelle Charline posa les mains et qu’elle caressa doucement, du bout des doigts, en descendant du genou vers l’aine. Mieke cambra les reins, sa main libre se porta vers son ventre, vers le pubis entièrement rasé sur lequel l’oiseau multicolore paraissait jeter un regard bienveillant. Du coin de l’œil, je vis Ben se déplacer, s’approcher de sa compagne et s’accroupir près d’elle. Comme il se penchait sur son visage, elle ouvrit les yeux, eut un léger sursaut puis, semblant reprendre contact avec le réel, lui fit un sourire langoureux. Sa main quitta le sein qu’elle caressait, décrivit une gracieuse courbe dans les airs et se posa sur la nuque de Ben, attirant sa tête vers un téton érigé. Les lèvres de notre hôte s’en emparèrent doucement tandis qu’il s’agenouillait près de la balancelle. Il lécha et suça lentement la pointe du sein pendant qu’il y portait la main pour le pétrir en douceur. Son autre main se porta naturellement sur l’autre sein pour le flatter. Charline poursuivait ses caresses, cette fois sur les deux cuisses de son amie. J’entendis Mieke gémir et vis sa main descendre vers son entrejambe, caresser un instant la zone pubienne, puis atteindre les grandes lèvres. Elle y introduisit un doigt, puis deux, et je pus apercevoir les bouts de chair rose et luisante, abondamment lubrifiés par la grâce du traitement de faveur que notre hôtesse subissait.


« Merde », pensai-je, « ils ne vont quand même pas s’y mettre à trois ! Et moi, je fais quoi ? Je regarde et je me branle ? »

Je m’approchai de Charline, me demandant si je devais prendre part au jeu en cours de partie, comme Ben venait de le faire, mais elle dut percevoir mon hésitation, car elle se redressa souplement et quitta la balancelle, qui oscilla brièvement avant que Ben ne l’arrête en s’y appuyant.


Charline passa les bras autour de ma taille, se serrant contre moi en me tendant ses lèvres. Son visage était radieux, ses yeux brillants et son baiser chaud et humide, d’une incroyable douceur. Je distinguai son odeur corporelle, nette et épicée, mélangée à d’autres senteurs : sangria, eau de toilette, piscine et végétation environnante.



Je jetai un regard vers la balancelle. Ben avait pris le relais, suçant, léchant, pétrissant. Nous entendîmes Mieke pousser de petits cris.



Charline se dressait sur la pointe des pieds, sa bouche tout près de la mienne.



Elle avait déjà glissé une main dans mon pantalon, qu’elle déboutonna avec expertise.



Elle ne mentait pas. D’ordinaire, Charline affichait déjà un fameux tempérament, mais ce soir-là, elle avait probablement décidé de se surpasser. Elle me poussa vers l’arrière dans un fauteuil pour m’enlever chaussures et chaussettes, ainsi que le pantalon qui était tombé sur mes chevilles. Je vis, en face de moi, que Ben s’était hissé sur la balancelle et avait pris la place de Charline entre les jambes de son épouse. Il lui avait même glissé un coussin sous les fesses pour pouvoir lui lécher la vulve plus confortablement. Mieke secouait la tête de gauche à droite et je l’entendis à nouveau gémir et murmurer quelques mots que je ne compris pas. La belle Néerlandaise devait certainement exprimer plus spontanément son extase dans sa langue maternelle !

Je me désintéressai soudain de l’affaire, car Charline venait de s’emparer de la mienne au travers de mon slip distendu.



À genoux devant moi, elle commença à me caresser par-dessus le vêtement et je me rendis compte que j’étais sérieusement échauffé. Je fis relever Charline tout en me redressant moi aussi, et nous fûmes debout l’un en face de l’autre. Elle n’avait pas lâché mon sexe, au travers du caleçon, et continuait à le flatter. Je glissai une main vers son entrejambe, et l’abondance de mouille que je rencontrai me confirma les torrides dispositions de ma chérie. Le contact de mes doigts sur son intimité la fit frémir, elle se serra davantage contre moi et de sa main libre me saisit la nuque. Nos bouches se trouvèrent spontanément, nos langues se mêlèrent tandis que nos mains continuaient à s’affairer. Charline eut un nouveau frisson lorsque mes doigts trouvèrent son clitoris. Je sentis sa main qui se crispait davantage autour de mon membre, marquant un temps d’arrêt.



Les gémissements de Mieke nous parvinrent à nouveau. Ben utilisait la langue et les doigts pour titiller le bourgeon offert à la caresse. Mieke lui posa les mains sur la tête, serra les cuisses autour de ses oreilles. Nous l’entendîmes pousser de petits cris de plaisir.



Elle pivota pour regarder, puis se détacha de moi et me tendit la main :



Elle m’entraîna dans la villa. Derrière la baie vitrée grande ouverte trônait un salon de coin, vaste et accueillant. Nous nous y jetâmes sans la moindre gêne. Je déboutonnai ma chemise et la laissai choir sur le tapis de sol, pendant que Charline me débarrassait de mon caleçon. Complètement nus, nous nous allongeâmes et nous serrâmes l’un contre l’autre.


C’était la seconde fois en quelques jours que nous nous retrouvions dans un tel état d’excitation et d’impatience, alors que nous avions pour habitude de prendre notre temps, de rechercher la détente et la volupté.


Nous rajeunissions soudainement, placés dans une situation inhabituelle, émoustillés par le stress de l’inconnu et, je commençais à m’en rendre compte, par la réalisation soudaine de certains de nos fantasmes les plus secrets.


Charline allongée contre moi, je glissai une jambe sous ses cuisses, tout en lui caressant le ventre. Elle souleva le bassin et je me retrouvai à demi couché sous elle. Ses fesses vinrent au contact de mes parties intimes, mon membre dressé toucha une zone humide et chaude. Je redressai le buste, ma bouche s’aventura sur sa poitrine. Charline passa le bras derrière ma nuque tandis que, du bout de la langue, je suivais la courbe de son sein, remontais vers l’aréole, tournais autour du mamelon. Ma main atteignit l’autre sein, s’en saisit, le caressant et le pétrissant successivement.


Charline émit un petit rire, sa main libre fila vers son entrejambe et atteignit mon sexe dressé pour le plaquer contre le sien. Elle le taquina de ses doigts humides, en décrivant de menus cercles sur le frein du prépuce, tandis qu’elle frottait lentement sa vulve sur mon gland. C’était jouissif, et je le lui fis savoir en enserrant entre mes lèvres le mamelon dressé, en aspirant doucement, puis plus fort. Elle comprit instantanément et relâcha quelque peu l’action de ses doigts, poussant davantage le bout de mon sexe contre le sien. Je cessai la succion, repris mes caresses de la langue et des lèvres. Ma main partit en exploration sur la douceur de son abdomen, conquit le galbe de la cuisse, partit à l’assaut du pubis. Je la posai sur la sienne, où elle resta un instant, accompagnant ses mouvements. Puis, d’une poussée experte, Charline dirigea mon pénis jusqu’en elle, où il s’enfonça profondément. Je déplaçai le bras passé sous le haut de son dos, ma main atteignit l’aisselle, puis le sein. Mon autre main s’aventura sur sa toison pubienne, caressa le sommet de la vulve, chercha le bourgeon gorgé de sang. Je sentis les doigts de ma partenaire se poser sur les miens, accompagner mes caresses sur son clitoris tandis que mon membre allait et venait dans la gaine douce et chaude de son vagin ruisselant. Je sentais la mouille baver sur ma cuisse et mes testicules alors que ma bouche et mes doigts s’affairaient sur son corps pour lui procurer de multiples sensations.


Elle pressa sa tête contre la mienne, je poursuivis mes caresses et mes mouvements, très doucement, mais ma bouche abandonna son mamelon. Je tournai mon visage vers le sien, mon regard rencontra un instant le vert sombre de ses yeux, puis nos souffles se mêlèrent et nos lèvres se joignirent à l’instant où Charline frémissait de plaisir. Elle me mordilla la langue. Sa main serra la mienne par-dessus nos sexes unis, tandis qu’elle se laissait gagner par les spasmes de la jouissance. J’éprouvai une folle envie de la rejoindre dans l’orgasme, de donner les derniers coups de reins qui me feraient déverser ma semence au plus profond de son intimité, mais je remis à plus tard la recherche du point culminant de mon plaisir. Je ne voulais pas que cela s’arrête si rapidement.


Nos bouches se séparèrent. Levant les yeux, j’eus un brusque sursaut. Debout à l’entrée du salon, nos hôtes nous observaient. Je fis un mouvement pour me redresser, mais Charline me retint.



Ben était derrière elle, la tenant dans ses bras et nous regardant par-dessus son épaule. Elle se laissait aller contre lui et, joue contre joue, ils semblaient tous deux ravis d’être là.



« Facile à dire ! » pensai-je en les voyant s’asseoir gentiment à l’autre bout du salon.


Charline poussa doucement sur ma poitrine pour que je m’allonge à nouveau.



« Je ne m’en fais pas, tout va bien », me rassurai-je. J’étais sûr que la coquine savait qu’ils nous regardaient. Elle les avait sans doute vus entrer pendant que je la tétais goulûment.


« C’est sans doute pour ça qu’elle était aussi excitée », me dis-je ironiquement tout en constatant que de mon côté, c’était plutôt la débandade. Mater est une chose, mais s’exhiber et rester cool se révélait être une tout autre affaire !


Charline se plaça à califourchon au-dessus de moi et me caressa le ventre, puis elle se pencha pour m’embrasser, ce qui m’obligea à cesser de regarder nos hôtes. Les pointes de ses seins vinrent chatouiller ma poitrine, celui de sa langue suivit les courbes de mes lèvres pendant qu’elle posait sensuellement sa toison pubienne sur mon membre défaillant. Elle frotta son buste contre le mien, descendit doucement en l’embrassant. Ses mains se posèrent sur mes hanches, ses lèvres sur mon ventre, un bout de langue taquina mon nombril. Je fermai les yeux, je ne voulais rien voir, et surtout ne pas tourner la tête vers nos hôtes qui, je le supposais, nous regardaient tranquillement. J’imaginai qu’ils s’occupaient d’eux-mêmes plutôt que de nous, qu’ils faisaient l’amour, là, tout près, indifférents à notre présence.


Les mains de Charline quittèrent mes hanches, se rejoignirent sous mes testicules pour les envelopper. Je sentis leur chaleur puis celle, humide, de sa bouche qui se posait à la base de mon sexe et remontait doucement. Lorsque ses lèvres atteignirent le gland et l’humidifièrent, j’étais déjà dans de bien meilleures dispositions. J’ouvris les yeux au moment où Charline se saisissait de mon membre raidi et en embouchait l’extrémité. Sa main monta et descendit, lentement, tandis qu’elle couvrait le gland de salive et poursuivait, de l’autre main, les caresses sur mes bourses. Je l’attirai vers moi pour un court baiser baveux, puis elle se redressa et rectifia sa position. Son sexe rejoignit le mien, entama un mouvement d’avant en arrière qui le couvrit de mouille. Les seins de Charline balançaient doucement et j’y portai les doigts, voyageai vers le ventre, effleurai le pubis, m’arrêtai un instant sur les cuisses puis lui saisis les hanches au moment où elle dirigeait mon membre vers sa chaude intimité. Je baissai les paupières, savourant l’agréable sensation et accompagnant des mains le va-et-vient de son bassin.


Une ombre légère nous frôla, j’entrevis la silhouette élancée de Mieke qui se déplaçait, aérienne, presque irréelle. Elle se positionna à genoux derrière Charline, passa les mains par-devant et, la joue contre celle de ma partenaire, se mit à la caresser voluptueusement. Elle semblait posséder une collection de mains, car elle la touchait partout, des épaules jusqu’à la vulve. Je pouvais voir ses doigts papillonner, tourner sur les tétons, souligner les galbes, descendre et chercher les petites lèvres, le bourgeon gonflé, remonter sur le pubis, le ventre… Ils vinrent même frôler mon pénis qui entrait et sortait, luisant et tendu à l’extrême.


Je jetai un regard vers l’autre côté du salon. Ben était allongé et nous regardait en se masturbant doucement, mais ça ne m’inquiétait plus, à présent qu’une nouvelle pensée traversait ma petite tête. À vrai dire, je m’y attendais depuis un moment déjà, mais sans oser me l’avouer, aussi lorsque ma partenaire se retira pour céder le relais à notre hôtesse, je ne manifestai aucune surprise. Charline dirigea elle-même mon pénis qui disparut sous le pubis rasé de Mieke, comme aspiré d’un seul coup par son vagin ; puis elle posa une main sur ma joue et m’embrassa affectueusement avant de s’en aller rejoindre Ben sur l’autre moitié du salon de coin. Elle se plaça sur lui comme elle l’était sur moi auparavant, et nos deux couples formèrent une curieuse symétrie, nos pieds d’hommes tournés vers l’élément d’angle, les femmes nous chevauchant.


Les yeux bleus de Mieke étaient fixés sur moi, guettant l’expression de mon visage. Je lui souris, puis mes regards se portèrent vers sa poitrine ronde et haut perchée aux mamelons roses fièrement dressés. J’avançai les mains, un peu timidement. Les seins étaient fermes, presque durs, je les devinai fort sensibles et les touchai délicatement. La Néerlandaise entrouvrit la bouche, baissa les paupières. Le va-et-vient de nos corps suffisait pour que les tétons se frottent à mes doigts quasi immobiles. Elle se pencha un peu pour accentuer la pression de sa poitrine sur mes paumes, mais je le remarquai sans le voir, car mes yeux étaient à présent fascinés par les mouvements de son ventre, par le pubis rasé sous lequel je voyais monter et descendre ma hampe luisante, et par ce petit oiseau fabuleux qui semblait s’animer, prêt à s’envoler. J’effleurai le tatouage du bout des doigts : il était doux, sans le moindre creux ni relief, et pourtant il m’apparaissait en trois dimensions, presque vivant.


J’entendis Charline soupirer. Elle était légèrement de dos tandis qu’elle chevauchait Ben, qui la regardait avec une curieuse attention. Elle tourna vers moi son visage et me sourit, sa bouche s’arrondit en un baiser silencieux à mon intention, puis ses yeux me quittèrent et je vis danser ses mèches brunes. Elle renversa la tête en arrière, sa main s’accrochant au dossier du divan. Elle poussa un gémissement, presque un miaulement, qui s’acheva en une plainte rauque, grave, émouvante. Son plaisir arrivait jusqu’à moi, en vagues successives, et je sentis à mon tour monter l’orgasme. Mes mains se crispèrent sur les hanches de Mieke au moment où ma semence se déversait en elle par saccades. Elle se pencha sur moi, accrocha mes épaules, ses cheveux encore partiellement humides frôlèrent ma joue tandis que les derniers spasmes de la jouissance me laissaient le souffle court, le cœur battant à tout rompre. Elle accéléra ses mouvements, son halètement emplissait mon oreille. Je serrai les dents, mon pénis devenait douloureux, je ne pourrais plus tenir longtemps.


Mieke dit soudain « Oh oui ! », se redressa les bras tendus et les mains toujours sur mes épaules, murmura quelque chose que je ne compris pas, et je sentis du liquide, mélange de sperme et de mouille, couler sur mon bas-ventre et se frayer un chemin entre mes fesses.


Nous restâmes immobiles de longues secondes, reprenant notre souffle et nos esprits, échangeant tous quatre des regards complices, puis Ben se leva, déposa un baiser sur le front de Charline et, nu et luisant de sueur, le sexe pendouillant, sortit sans un mot par la porte-fenêtre.




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* *



Ben ne réapparut que bien plus tard, au moment de passer à table. Le repas était excellent, essentiellement composé de fruits de mer, mais personne n’avait grand-faim. Seul Ben mangea de bon appétit. Nous parlions peu, nous étions épuisés physiquement et nerveusement par ce que nous venions de vivre et la mélancolie nous envahissait, car nous pressentions que cela ne se reproduirait plus.


Ben repoussa son assiette vide et me regarda :



Mais le cœur n’y était pas.



Je savais ce qu’il préparait. J’en avais une idée d’ensemble, du moins. Charline, assise à mon côté, me tenait la main, sous la table. Nos genoux se touchaient

Je me souvins avec angoisse de la journée de lundi. J’avais failli tout gâcher en rentrant plus tôt.



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Charline se rendit encore plusieurs fois chez Ben et Mieke au cours des jours qui suivirent, puis nous ne les vîmes plus. Deux semaines plus tard, la villa était vide. Une agence la proposait en location, mais nous n’étions pas intéressés et, de toute façon, ce n’était pas dans nos moyens.


La vie continue pour nous, nous sommes heureux et amoureux. Parfois, nous ressentons un vide lorsque nous pensons à cette soirée d’amour complice. Nous n’osons plus franchir le pas, rencontrer d’autres couples et mélanger nos corps. Ce ne serait pas la même chose.


Le tatouage de Charline est une pure merveille. C’est un félin aux yeux verts pailletés d’or, de sept à huit centimètres de haut, son pelage d’une finesse extrême est réalisé dans un camaïeu de teintes fauves. Il ne paraît pas avoir été ajouté. C’est comme s’il était né de lui-même pour vivre en trois dimensions sous la peau, qui reste extrêmement douce au toucher. Lorsque nous faisons l’amour, il a l’air de sourire. Il me semble parfois que ses yeux flamboient.


Nous ne le montrons à personne. C’est notre secret. À la piscine ou à la plage, Charline porte toujours des maillots d’une seule pièce.


Nous ne parlons jamais de cette aventure autour de nous. D’ailleurs, personne ne nous croirait.