n° 11579 | Fiche technique | 10994 caractères | 10994 1881 Temps de lecture estimé : 8 mn |
25/07/07 |
Résumé: Deux petits textes qui parlent de solitude, de frustration, mais aussi de sensualité. | ||||
Critères: #poésie #tutu fh ff hh hotel douche cérébral fellation hsodo | ||||
Auteur : Louise Gabriel (Pour un souffle d'abandon) Envoi mini-message |
Collection : Mes petites histoires matinales |
Il a dû m’arriver de faire des bêtises qui m’ont conduite dans ce monde clos. Je suis une emmurée vivante, enfermée sur le silence de mon passé peu glorieux, prisonnière de mes actes anciens. Je suis donc là, l’âme en vadrouille permanente, puisqu’elle seule peut franchir la frontière de ces murs de béton, elle seule a ce pouvoir-là, de m’emporter vers des cieux plus cléments.
Tu es le rêve que j’attends toutes ces fins de mois où tu me rends visite, lumière solaire éclairant l’espace d’un instant mon univers carcéral.
Ma compagne de cellule n’a de cesse de me dire que je parle en dormant, qu’elle écoute religieusement le débit saccadé de mes errances inconscientes. Elles sont jolies, paraît-il, mes histoires à l’empêcher de dormir.
Le mois de février touche à sa fin. Je ne suis pas allée à la promenade du matin. Le ciel est couleur ciment, aussi bétonné que les murs alentour, et je n’en puis plus de cet espace sans horizon où il faut immanquablement lever la tête pour surprendre le soleil. Je me contenterai du chant criard d’un moineau pour me rappeler que je vis encore sur la planète Terre.
À tant me promener en songe, je finis par perdre le fil de la raison et, finalement, je n’y tiens pas tant que cela, aux dures réalités de la prison. Je préfère imaginer ta venue, cet après-midi, après le déjeuner. Les repas finissent par avoir une importance considérable ; ils morcellent le temps, ils sont repères obligatoires pour moi qui n’ai jamais pris un grand plaisir aux joies de la table.
Enfin le moment tant et tant attendu arrive.
Nous sommes toutes en rang d’oignon, sages, apprivoisées, clouées par la très longue attente. Chacune à notre tour, nous avons droit à la demi-heure d’évasion, nécessaire absolu pour lutter contre la réelle folie.
J’entre enfin dans cet espace encore plus clos, plus restreint ; mais elle en devient presque rassurante, la proximité étouffante des murs gris, elle m’empêche de me fuir complètement, elle me contraint à la violente concentration ; j’ai la sensation que mon corps meuble tout l’espace disponible, il s’étale, il s’éparpille.
Tu es là, bien sagement assis, et tu viens toujours avec ce que j’aime par-dessus tout, un si joli sourire. Lui seul m’offre déjà le voyage loin d’ici, si loin.
Et il faut une imagination débordante pour se faire l’amour au travers d’une cloison en verre trempé. S’appréhender à la seule force d’un regard demande de n’être plus qu’un œil perceptif au moindre cillement. Le plus simple, le plus petit des gestes devient caresse abyssale.
Nous nous regardons, intensément, nous avons depuis longtemps déjà cessé de nous parler, le temps est compté, bien trop court pour s’égarer dans la parole. Et les mots prononcés par nos corps respectifs sont bien plus volubiles que toutes les phrases du monde. Cette camisole de béton donne toute son importance, toute son évidence à cette fuite de soi pour partir à la rencontre de l’autre.
Et l’on devient liquide, aérien, volatil. Ce sentiment de sortir par la porte ouverte de son regard, l’œil, miroir de ses volontés de volupté.
Mes yeux gris acier t’enveloppent, te câlinent, et tes yeux bruns couleur caramel brûlé viennent caresser la rondeur de mon épaule, et notre ballet oculaire n’en finit pas.
Se caresser du bout des cils est ressentir la violence du manque, chaque battement de paupière aussi cinglant qu’un coup de fouet.
Se servir de ses mains parce que les yeux n’y suffisent plus, parce que le désir, la soif ont la nécessité d’être étanchés. Et nous buvons l’élixir de nos doigts jusqu’à en être saouls.
Finir par croire à l’illusion, sentir ta chair glisser dans la mienne, sentir mon corps se faufiler dans le tien.
Être si proche que ton odeur devient réelle.
Les mentales confusions ont ce magnifique pouvoir de rendre palpables les moindres recoins de ton intime maritime. Je suis vague océanique, tu es galet poli par mes flots.
Tu deviens ogre dévorant, m’engloutissant tout entière.
Cohésion parfaite, imparfaite réalité, parce qu’il faut revenir, repartir, se quitter dans la cruauté, oublier le songe, atterrir dans la douceur d’un échange de sourire.
Et nous nous levons, nous partons chacun de notre côté. Ne plus se retourner, garder captif au creux de soi le regard du désir de l’autre, comme nourriture, comme rempart à la trop grande mélancolie.
Je me retrouve peu de temps après dans ma cellule. La compagne avec laquelle je partage depuis quelques mois cet espace des plus restreints est dans la même détresse du manque de caresses. Et dans la pénombre, nos corps se rapprochent obligatoirement, l’une et l’autre asservie au besoin de chaleur, de moiteur.
Et ses mains seront les tiennes, et mes mains seront celles de l’être qu’elle désire plus que tout, nos bouches n’auront plus de frontières.
Nos corps, déserts arides, vont se muer en jungle luxuriante où l’on devient liane ondulante, sous-bois humide et odorant.
Obligatoire vibration, ne jamais succomber à la grisaille d’un ciel hivernal…
Si tous les grands hôtels de Paris devenaient ton terrain de chasse, ton terrain de jeu favori…
Ces endroits sont pleins d’âmes seules, de corps en manque de caresses. Les couloirs feutrés où les pas s’enfoncent dans la moquette épaisse, l’enfilade de portes closes sur des vies en voyage, le son étouffé de la ville qui fait se sentir hors du temps, le bar où ils te donnent rendez-vous, les lumières tamisées, les serveurs stylés dont tu ferais bien parfois ton quatre-heures pour te mettre en bouche avant ton futur client, la musique sirupeuse et presque désincarnée juste là pour meubler les silences, ces notes de piano d’un pianiste d’ambiance que l’on n’écoute plus depuis si longtemps qu’il semble lui aussi ne plus être tout à fait là, perdu ailleurs, dans un monde où sa musique aurait enfin un sens, des oreilles douces capables de l’entendre.
Toi qui connais la musique, qui ne joues plus parce que la perte de dextérité te met dans la frustration, leurs peaux, à leur insu, sont devenues le clavier où tu promènes désormais tes doigts, peut-être pour combler le manque, créer d’une façon ou d’une autre l’émotion, le frisson !
Et tu arrives, dans ta danse forcément séductrice. Tu as revêtu ton habit de travail, tes atours, le tee-shirt près du corps, le jean moulant, mise en scène de tes fesses, le blouson juste entrouvert, ton sac à malice en bandoulière, le sourire dessiné sur le visage, l’œil de biche. Théâtrale attitude, mais elle participe à ta prise de pouvoir, moyen de capturer le regard, certitude qu’il aura envie de toi à juste te regarder arriver, évidence qu’il saura que c’est toi qu’il attendait sans même que tu aies ouvert la bouche. La juste mouvance de ton corps lui dira tout ; il comprendra instantanément, au regard porté, que tu vas lui offrir les mille et une saveurs qu’il désire tant, de tes mains expertes, de ta queue veloutée, de ce savant massage venu de territoires lointains. Il va chavirer, basculer vers les délices de la chair.
Il va tout de même entendre le son de ta voix, qui se fait langoureuse et ferme tout à la fois. Maître séducteur et surtout rien d’autre, mais ils aiment ça, tes clients des palaces parisiens. Ils apprécient une certaine forme de domination, celle qui laisse l’âme partir en voyage, où l’on se laisse guider par la douceur suave d’une main, sans plus rien décider, profiter de la lente glissade vers les gouffres de soie, sans pensées, pour le seul plaisir de la sensation.
Et tu sais parfaitement les chemins, les routes parfois tortueuses de leurs désirs profonds.
Faire d’eux l’Unique, l’espace de quelques heures, les écouter d’abord d’une oreille attentive en sirotant tranquillement un cocktail couleur des mers du sud, confortablement installé dans des fauteuils d’un cuir rare et odorant, ton regard attardé de temps à autre sur le magnifique serveur derrière le bar, qui ne cesse de t’envoyer des œillades assassines. Friandise somptueuse, tu commanderas d’ailleurs une autre boisson pour le seul plaisir de frôler sa main, sentir son parfum lorsqu’il viendra vous servir pour la seconde fois.
Vous avez fait connaissance, le voilà détendu. Un peu d’alcool, quelques mots doux, et il t’amène vers sa chambre avec l’envie chevillée au corps.
Mais il va devoir prendre patience.
Le rituel du déshabillage les met un peu mal à l’aise. La nudité rend fragile et désirable tout à la fois, qu’ils soient ronds, maigres, ou très bien de leur personne, il y a l’inconnue du regard de l’autre, cette sorte de mise en danger que ressentent certains lorsqu’ils se montrent enfin comme au jour de leur naissance.
Mais tu es déjà parti faire couler un bain. L’eau bienfaitrice, elle réchauffe la peau, délie les dernières tensions. Vos deux corps à l’unisson dans la mousse onctueuse, et tes mains entament le ballet aquatique. Elles glissent sur lui, au début doucement, presque tendrement, parce que ce client-ci tout particulièrement met tes sens en émoi, il a tout pour te plaire.
Et tu prends un soin méticuleux à promener tes doigts dans les moindres recoins, tu le caresses et tu le caresses encore, et encore, à n’en plus finir, tu aimes, il aime, il bande, tu attendais avec presque impatience qu’il daigne t’offrir sa rigidité et tu le fais profiter de la succion appuyée de ta bouche goulue.
Mais l’eau du bain se rafraîchit un peu, et il souhaite, tu souhaites passer à des plaisirs plus intrusifs.
Sortir à la hâte, enfiler un peignoir pour se sécher le plus rapidement possible et vous jeter l’un sur l’autre. Plus besoin de discours, plus besoin d’explications, de justifications d’aucune sorte, le corps parle tout seul dans le corps à corps tant et tant désiré.
Et à peine ton enveloppe d’éponge est-elle tombée au sol qu’il t’agrippe les fesses dans une volonté démesurée de se glisser au cœur de ton intimité. Et tu lui offres tes fesses de bonne grâce, avec un réel délice de te faire empaler par cette si jolie queue.
Ses mains douces et un peu fripées d’être restées trop longtemps dans l’eau te caressent l’échine, tu te cambres sous ses assauts répétés et répétés encore, il glisse doucement, puis bien plus vite, tu gémis de plaisir d’être embroché de la sorte, par tant de frénésie.
Et il jouit, et il hurle son bonheur de partir en éclats.
Il a une belle générosité, il se jette sur ta queue, il veut te goûter, te sentir d’encore un peu plus près. Après être allé au fond de tes entrailles, il veut que tu exploses au fond de lui et il t’offre sa bouche, une si douce enveloppe, humide et chaude, gourmande à souhait. Il suce et suce encore ta belle queue, il ouvre grand, très grand sa bouche, et tu te branles.
Et tu jouis, et ton sperme dégouline sur le bord de ses lèvres.
Le liquide dessine de jolies traînées blanchâtres aux commissures de ses lèvres. Il passe sa langue sur leur rebord ourlé, il goûte avec saveur l’essence de toi, il se nourrit de ces giclées de plaisir jusqu’à la dernière petite goutte.
Partir d’un éclat de rire dans les lustres, le luxe et le velours pourpre de la magie d’un grand hôtel.
Volupté…