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n° 11626Fiche technique51405 caractères51405
Temps de lecture estimé : 28 mn
13/08/07
Résumé:  Suite à un hold-up, je me retrouve abandonné en pleine forêt par les malfrats, en compagnie de la plus insupportable de mes collègues. Je précise que ces sadiques se sont tirés avec nos fringues, et m'ont offert un magnifique cadeau d'adieu.
Critères:  fh collègues forêt pénétratio humour policier -aventure -nature
Auteur : Mirthrandir      Envoi mini-message
À poil !



Je regarde le type, espérant qu’il plaisante.



Le mec agite d’un air menaçant le canon de son fusil mitrailleur :



Je jette un coup d’œil sur la droite, et découvre, dans la demi-pénombre, la mine effarée de Geneviève.



L’autre type qui est près d’elle et qui tient un pistolet automatique lui retourne immédiatement une gifle.



Je n’ai jamais eu l’étoffe des héros, surtout avec un fusil-mitrailleur braqué sur le bide, alors je m’exécute sans mot dire. Comme Geneviève a cessé de protester, je suppose qu’elle joue les effeuilleuses, mais je n’ose pas regarder dans sa direction pour m’en assurer. Je l’entends qui renifle à plusieurs reprises, ce qui indique qu’elle doit sangloter.



Je m’aperçois que la fille qui les accompagne me regarde d’un air dégoûté, puis se tourne vers son complice au fusil-mitrailleur.



Ça me rassure tout à coup de savoir qu’ils ont hâte de filer. J’avais craint un instant qu’ils envisagent de nous faire subir quelques sévices sexuels - ce qui aurait sans doute quelque peu rabattu le caquet de cette pimbêche de Geneviève, soit dit en passant -, mais rien de tout ça de prime abord.

La petite donzelle insiste cependant auprès de celui qui a l’air d’être le chef :



Elle s’approche de moi et me fout son flingue sous le nez. De loin, il avait l’air petit, mais vu d’aussi près, le trou du canon a l’air tout près de m’engloutir.



Je sens la sueur mouiller mon front.



Mais je n’ai pas le temps d’en dire davantage. Une douleur fulgurante m’atteint l’entrejambe et je tombe à genoux, le souffle coupé. Le front au sol, j’essaie, la bouche grande ouverte, d’avaler une bouffée d’air, mais mon thorax est pétrifié par la douleur. Un brouillard rouge tombe sur mes yeux baignés de larmes et un bourdonnement sourd s’empare de mes tympans. Deux ou trois secondes interminables s’écoulent avant que l’air n’envahisse brutalement mes poumons. Je souffle bruyamment comme un type qui vient d’échapper de justesse à la noyade ou comme une otarie du jardin zoologique à l’approche de l’heure du repas, et reprends peu à peu le contrôle de mes sens. J’entends une voix ricaner, à travers le bourdonnement de mes oreilles.



C’est bien mon avis également, mais je serais bien incapable d’articuler un seul mot pour dire ce que je pense de cette gonzesse qui vient de me filer un coup de genou dans les bijoux de famille.



J’entends des pas craquer sur les branchages, les feuilles et les brindilles qui recouvrent le sol, puis ces mêmes pas qui s’éloignent rapidement. Et enfin, le silence.


Je roule de côté, les mains sur les parties génitales et le souffle court. La douleur irradie par tous côtés, dans mon bas-ventre et dans mes cuisses. Des larmes coulent sur mes joues. Je cligne des yeux, tentant de vaincre ce brouillard rouge qui peu à peu se déchire devant moi.


Geneviève est assise à même le sol, à quelques mètres, les genoux repliés contre son buste et entourés de ses bras. Malgré la pénombre qui envahit peu à peu le sous-bois, je peux distinguer sa mine horrifiée, sans toutefois pouvoir identifier ce qui l’effraie le plus, de mon sort ou du sien. Je présume toutefois, connaissant ses sentiments à mon égard, que sa nudité personnelle doit l’inquiéter bien davantage que l’état de mes roubignolles. S’apercevant que je la regarde, elle resserre d’ailleurs sa position de manière à ne rien laisser voir qu’elle voudrait me cacher.


Je jette un regard circulaire : nous sommes entourés de partout par les arbres et les broussailles, et la nuit ne va pas tarder à être totale. Il fait déjà frais. Bientôt, il fera froid. Je n’ai pas la moindre idée de l’endroit où nous nous trouvons.


Je me tourne à nouveau vers ma collègue.



Elle ne répond pas, bien qu’elle me regarde.



Toujours le mutisme.


« Et merde », me dis-je. « Ça va être coton, pour sortir d’ici ». Si déjà elle pouvait m’indiquer la direction prise par nos ravisseurs, on pourrait se mettre à la recherche d’un chemin. La camionnette qui nous a amenés doit bien être repartie quelque part. Je ne pense pas avoir marché longtemps avec une cagoule sur le crâne, mais suffisamment pour avoir complètement perdu mon orientation. Déjà, allongé par terre à l’arrière de la camionnette avec les pieds d’un des types appuyés sur mon dos, j’avais abandonné l’idée d’essayer de mémoriser le trajet emprunté, d’ailleurs plutôt longuet. Et les hectares de forêt ne manquaient pas dans la région.


« On est paumés, voilà. Et en plus, j’ai mal aux couilles ».


J’insiste auprès de Geneviève :



Elle fait « non » de la tête.



Elle a parlé rapidement, d’une voix aiguë. Elle a vraiment les jetons.



J’essaie de faire quelques pas, mais la douleur est violente.



Elle a de ces questions !



Je choisis une direction au hasard et avance de deux pas. Des ronces s’accrochent au bas de mes jambes et le sol est loin d’être tendre sous la plante de mes pieds nus, mais ces douleurs sont bien faibles comparées à celle qui me taraude l’entrejambe.



C’est presque un cri. Je me tourne vers elle :



Elle est toujours assise, cachant sa nudité.



Je n’ai pas la moindre envie d’être gentil avec elle. À la limite, je me dis que cette bêcheuse n’a que ce qu’elle mérite, elle qui me couvre de son mépris depuis tant de mois, m’interdisant même de la tutoyer. Bosser toute la journée dans une banque à quelques pas de ce genre de carriériste, fut-elle bien roulée, ça vous donne rapidement le sentiment d’être pris pour un vulgaire étron, et vous prenez rapidement le parti d’être désagréable.

Que les malfrats ayant braqué les guichets de l’institution nous aient choisi tous deux comme otages ne manquait assurément pas de sel !



Bon. Elle insiste, alors je m’arrête à nouveau et fais volte-face.



Je la regarde à nouveau :



Elle ne dit rien.



Elle regarde autour d’elle avec effroi, mais il fait de plus en plus sombre et elle ne doit plus distinguer grand chose. Je la vois qui se lève, entourant ses seins nus de son bras et dissimulant son pubis sous sa main.



Je hausse les épaules et lui tourne résolument le dos. Si ça l’amuse de faire cette gymnastique pour cacher sa nudité, libre à elle. Je me mets en marche, à l’instinct, et je l’entends qui me suit, poussant de petits cris de douleur.



Je me retourne, et elle tente de dissimuler son corps de son mieux.



En fait, ça ne m’exciterait probablement pas beaucoup, parce qu’après le traitement que mes bijoux de famille viennent de subir, je suis loin d’être dans de bonnes dispositions pour la gaudriole. Chacun de mes pas s’accomplit dans la douleur, et je m’accroche régulièrement aux basses branches pour garder l’équilibre et reprendre mon souffle.



Nous progressons à une lenteur désespérante. Il fait de plus en plus sombre, la nuit sera bientôt totale. Je lève les yeux, mais les arbres me cachent le ciel. Nous trébuchons de plus en plus souvent, je grogne et Geneviève gémit et se plaint continuellement. Sa fierté est en train d’en prendre un coup ! Elle se contente de me suivre à quelques mètres, mais je l’entends plus que je ne la vois. Lorsque je me retourne, je distingue à peine la pâleur de sa silhouette. Finalement, il fait nuit noire, et je m’arrête au pied d’un arbre contre lequel j’ai manqué de justesse de me briser le nez.



Je finis par attraper une basse branche, m’y accroche et entreprends de me hisser dans l’arbre, ce qui ne se fait pas sans mal, étant donné mon état de forme du moment !



Mais je ne l’entends déjà plus. Une branche craque sous mon pied, et je dégringole d’un mètre en poussant une bordée de jurons. Je dois m’être écorché le dos au passage. Inutile d’insister. Je redescends et me laisse choir depuis la dernière branche. Geneviève s’est prudemment écartée, et mon pied atterrit juste sur ce qui doit être une pomme de pin. Je pousse un cri de douleur, suivi d’une nouvelle bordée de jurons.



Je me remets en marche, les bras battant l’air devant moi. J’entends la voix de ma collègue, derrière moi.



Mais je n’attends pas. Je veux mettre un peu de distance entre cette pimbêche et moi. Au bout de quelques minutes, je m’arrête contre un arbre, m’accroupis et attends. J’entends quelques craquements, assez éloignés, puis le silence soudain rompu par la voix de Geneviève.



Je m’abstiens de répondre, et m’assois sans bruit.



La voix est plus aigüe, plus angoissée, ce qui me fait ricaner dans ma barbe.



Je suis en train de goûter cet instant de basse vengeance. Toutes les rebuffades subies depuis les quelques mois qui ont suivi son arrivée à l’agence, son égoïsme et son mépris, me reviennent en mémoire. Qu’elle vive quelques instants d’humilité ne peut lui faire de tort.



J’entends sa voix qui se brise. Elle est au bord des larmes. Soudain, je me redresse, en proie à la douleur.



Les exclamations m’ont échappé. Je me suis assis sur un nid de fourmis !



Je l’entends qui s’approche de moi.



Elle ne dit rien, mais je l’entends qui marche derrière moi. Nous avançons encore de longues minutes, à l’aveuglette, puis je m’arrête, et je sens son corps nu buter contre mon dos.



Mais j’interromps ma phrase et ravale mon venin.



Elle ne dit rien, mais sa main trouve mon bras dans l’obscurité, puis s’accroche à mes doigts. Je me remets en marche, tirant Geneviève derrière moi. Sa main est glacée. Lorsque nous nous arrêtons, je peux sentir les grelottements qui traversent son corps jusque dans ses doigts. La nuit est trop fraîche, il nous faudrait un abri, ou de quoi nous vêtir.



Je cherche un emplacement aux alentours pour y passer la nuit. Je me rappelle que les grands singes se confectionnent une litière de feuillages à cet effet. Je dis à Geneviève de ne pas bouger pendant que je vais arracher quelques branches aux arbres environnants. Dans l’obscurité, elle m’aide à aménager un abri, dans un creux de buissons. Nous étalons des feuillages sur le sol, après que je me sois copieusement écorché les paumes à arracher un entrelacs de ronces et d’orties et à disposer des branches feuillues tout autour de notre abri.


Nous nous recroquevillons sur notre lit de feuilles, en chien de fusil, le dos tourné l’un à l’autre. Geneviève essaie d’abord d’éviter tout contact de son dos avec le mien, mais la fraîcheur de l’air et l’étroitesse de notre couche l’incite à se rapprocher de moi. Finalement, nos fesses se touchent et restent en contact. Nous sommes trop meurtris pour y trouver malice. Geneviève grelotte. Je sens dans mes reins les frissons qui parcourent son corps. Immobile, je ferme les yeux, tentant de trouver le sommeil malgré la douleur lancinante qui s’est emparée de mes attributs virils. Je glisse une main vers mon entrejambe, palpant mes testicules endoloris. Sont-ils bleus ? Rouges ? Noirs ? Ils me semblent intacts, mais il ne s’agit plus de les maltraiter. Mentalement, je maudis la donzelle qui m’a mis dans cet état : « Si jamais je retrouve cette pouffe de Marisol, je lui fais bouffer ses nichons ». La probabilité que cela se réalise a beau être faible, ça me fait du bien d’y penser et d’imaginer la façon dont j’assouvirais ma vengeance.


La nuit s’écoule, longue, sans lune, remplie de bruits inquiétants, de craquements, d’ululements de rapaces nocturnes. Nous ne trouvons le sommeil que sporadiquement, nous tournant et nous retournant sur notre couche de fortune. Un moment, Geneviève se coule contre moi. Son dos glacé cherche le contact de mon torse et de mon ventre, y trouve un peu de chaleur. Je l’entoure de mon bras, posant la main sur la litière de feuilles, devant sa poitrine. Elle sursaute, s’écarte :



J’enlève le bras.



Elle s’inquiète de moi, pour la première fois :



Je soupire, lui tourne le dos. Je cherche en vain le sommeil. Plus tard, elle vient se serrer contre moi. Je sens son souffle sur ma nuque, ses seins contre mon dos. Ses mains aux poings serrés sont contre mes fesses, ses genoux se serrent à l’arrière de mes cuisses. Elle s’est endormie et je reste immobile de longues minutes, savourant la chaleur qui s’installe entre nous, là où nos peaux se touchent. Elle s’éveille soudain, se retourne en maugréant, fuyant le contact. Nous passons la nuit ainsi, tantôt serrés l’un contre l’autre, lorsque le sommeil nous gagne et que l’instinct prend le dessus, tantôt séparés lorsque nous nous éveillons et laissons s’exprimer notre inimitié.


Les premières pâleurs de l’aube s’infiltrant entre les arbres nous trouvent à nouveau blottis l’un contre l’autre en chien de fusil, elle devant, moi derrière, partageant notre chaleur. Nos formes s’épousent, nos corps se serrent, cherchant le contact et le réconfort. Mes genoux au creux des siens, mon sexe contre ses reins, nos bustes soudés l’un à l’autre, mon souffle dans ses cheveux, nous nous éveillons à ces premières lueurs. Geneviève ne bouge pas, ne s’écarte pas, bien qu’elle ne dorme plus. Elle se serre davantage contre moi et nous restons encore immobiles quelques minutes, puis elle s’écarte brusquement et se retourne. Ses regards se portent vers mon sexe.



Évidemment, que je souffre ! Que croit-elle donc ? Que je vais pouvoir bander fièrement au contact de son petit cul après avoir reçu un coup de genou dans les roubignolles ?


Geneviève ne cherche plus à dissimuler son corps. Je la regarde discrètement, dans les premières lueurs du jour naissant. Elle n’a plus rien de la pimpante demoiselle employée de banque. Les ronces ont laissé des traces sanguinolentes sur la pâleur de sa peau, ses cheveux sont défaits et parsemés de morceaux de feuillages, les larmes qui ont envahi ses yeux à plusieurs reprises aux cours des dernières heures ont massacré son maquillage. Elle en devient presque humaine.


Je me lève à mon tour.



Je décèle une lueur d’espoir dans son regard.



Elle tourne les talons et s’enfonce dans le bois, en s’efforçant de poser les pieds là où la végétation la torturera le moins.



Je reste immobile, la regardant s’éloigner. Au bout de quelques pas, sentant que je ne la suis pas, Geneviève s’arrête et se retourne.



Je fais deux pas vers elle, sans grande conviction.



Je passe devant, sans me hâter, décidant de me préoccuper d’elle le moins possible. Le bois s’incline en pente douce, tandis que nous avançons au hasard, espérant rencontrer quelque chose ou quelqu’un. Un chemin ferait déjà notre bonheur.


Nous croisons un ruisselet, bruissant entre les feuilles et les cailloux. Je m’agenouille et, les mains en coupe, recueille de l’eau pour étancher ma soif.



Geneviève s’agenouille à deux pas de moi et s’abreuve également.



Elle se frictionne les bras, de ses deux mains.



Elle me jette un regard assassin.



Je me remets en route en suivant le ruisselet dans la pente. Nous marchons pendant plus d’une heure, glissant parfois sur les feuillages et l’humus rendus humides par la présence de l’eau. Finalement, le ruisselet atteint un petit chemin de terre, qu’il traverse en suivant la rigole qu’il s’y est naturellement creusée, pour s’enfoncer dans le bois de l’autre côté.

Nous nous arrêtons et buvons quelques gorgées d’eau.



Je me penche, ramasse deux brindilles et les dissimule presque totalement dans ma main.



Nous nous mettons en marche vers la droite. Le chemin est étroit et caillouteux, mais au moins nous ne nous battons plus avec les broussailles et les épineux.



Elle me regarde froidement :



Je la plante là et reprends ma marche, sans me retourner. Il ne lui faut que quelques secondes pour me rejoindre, et nous progressons silencieusement sur le chemin de terre. Ça et là, quelques troncs élagués, couchés le long du chemin, attendent d’être enlevés ou débités. Nous distinguons soudain une pétarade, quelque part vers l’avant. Quelqu’un doit tronçonner du bois.



Geneviève accélère le pas, mais nous ne voyons rien. Plus loin, le chemin fait une boucle, et nous distinguons des bruits de voix au milieu des pétarades de la tronçonneuse. Nous atteignons le coude. Un 4x4 jaune est garé sur le chemin, une vingtaine de mètres plus loin, et un type est debout dans la remorque qui y est attelée. Il remarque aussitôt notre présence alors que nous faisons quelques pas dans sa direction, et je le vois qui se frotte les yeux puis secoue la tête, incrédule.


Nous avions presque oublié notre nudité ! Geneviève se couvre de ses bras et de ses mains, et nous nous arrêtons à une dizaine de mètres, alors que le type descend de la remorque. Je l’entends qui hèle ses copains :



Un autre gars sort aussitôt du bois, un peu en avant du 4x4. Je trouve qu’il est vachement près et qu’il a une sale tronche.



L’autre, qui est sorti de la remorque, s’avance près de son pote.



Et il part d’un rire gras, alors qu’un troisième type, du genre balèze, sort du bois en trimbalant une tronçonneuse. Il reste là, un moment, la bouche ouverte, à nous regarder. Puis il pousse un juron et crache par terre.



Trois rires gras retentissent dans l’allée. Je commence à me sentir vachement mal à l’aise.



Le malabar dépose sa tronçonneuse et fait un pas vers nous.



Puis, en me regardant :



Et les trois types repartent d’un gros rire, puis les deux premiers s’avancent vers nous, d’un air qui ne me dit rien de bon.



Rapidement, nous tournons les talons et nous mettons à courir sur le chemin, en direction du tournant que nous venions de franchir.



Puis, une autre voix, au moment où nous franchissons le tournant et disparaissons à leur vue :



Nous galopons de plus belle, nous meurtrissant la plante des pieds sur la terre et les cailloux. J’entends tout à coup Geneviève gueuler derrière moi. Je me retourne : elle vient de s’étaler. Deux des trois types, celui aux dents pourries, talonné par le costaud, débouchent du tournant.

Et merde ! je fais.


Malgré la trouille qui me prend aux tripes, je fais un rapide retour vers ma collègue, me penche et l’aide à se relever. Dans le mouvement, je ramasse une grosse pierre qui traînait là et la balance en direction de nos poursuivants. Le premier l’évite en se baissant, mais le castard ne l’a pas vue arriver et se la prend en pleine poire. Je l’entends qui gueule tandis que je reprends ma course, tirant Geneviève par le bras.


Nous retrouvons le petit ruisseau et sautons par dessus, l’autre mec sur nos talons. J’entends le grand, plus loin, qui vocifère :



Un bruit de moteur me parvient : le troisième a dû mettre le 4x4 en route ! Je tire Geneviève vers la droite, et nous quittons le chemin pour nous enfoncer dans le bois, du côté vers lequel le ruisseau continue de descendre.



Nous dévalons la pente, qui commence à s’accentuer. Les branches basses nous fouettent le corps au passage, nos pieds et nos jambes se couvrent d’éraflures sanguinolentes. Le type s’est engagé sous les arbres, à notre poursuite, soufflant et grognant. Au bruit, nous devinons qu’il vient de se prendre une pelle : branches écrasées et rafale de jurons. Je jette un œil derrière mon épaule : effectivement, le type est au sol. Le costaud est dans le bois lui aussi, il le rattrape et le dépasse :



Ni Geneviève ni moi n’éprouvons l’envie de nous colleter avec ce malabar en colère. La peur provoque une salutaire poussée d’adrénaline au creux de nos reins, et nous cavalons de plus belle. Nous arrivons au bas de la pente, et nous trouvons face à une petite rivière. Deux mètres de large, pas plus, et pas très profonde. Il faut la franchir.


De l’eau jusqu’aux genoux, nous nous engageons. L’eau est glacée, et le courant assez fort. Geneviève passe sans problème, mais je glisse sur une pierre, m’étale et bois la tasse. Je me relève en crachant, juste comme notre poursuivant arrive au bord de l’eau. Il a la bouche en sang.



Il s’apprête à mettre les pieds à l’eau, mais j’ai à nouveau ramassé une pierre. Il bat en retraite derrière un arbre pour l’éviter, ce qui me laisse un court répit : je quitte la flotte et me lance sur les traces de ma collègue. La pente est montante, cette fois, plus pierreuse et moins boisée. Geneviève m’a mis une vingtaine de mètres. Je grimpe à sa suite. Ça monte dur. La pente s’accentue. Des pierres roulent sous nos pieds. Nous nous accrochons aux buissons. Un regard vers la rivière : le gros achève de la franchir, moulinant des bras pour garder l’équilibre. Une fois au sec, il se remet à nous courser. Son poids ne l’avantage pas, mais il a des chaussures. Trempées, mais des chaussures quand même. Il continue à gueuler des insultes et des menaces à notre intention.


Je rattrape Geneviève.



Elle s’arrête, reprend son souffle et me regarde :



« Merde alors », me dis-je. « Manque pas de culot ! Moi qui ai fait ça pour l’aider ! »


Geneviève est repartie à l’assaut de la pente.



Je n’ai plus assez de souffle pour répliquer. La pente devient abrupte. De plus en plus de cailloux roulent sous nos pieds, et nous glissons à plusieurs reprises. Un fracas retentit derrière nous : le grand vient de glisser et boule sur la pente. Un arbre l’accueille sans ménagement, et je le vois qui glisse encore sur quelques mètres, puis s’immobilise dans la pente. Quelques cailloux continuent à rouler, puis le silence s’installe. Le type ne bouge plus, et nous n’entendons pas les autres. J’hésite un instant puis, prudemment, je redescends la pente.



J’arrive près du type. Il est sonné. Je lui déboucle la ceinture, desserre son pantalon et commence à lui ôter la chemise, arrachant plusieurs boutons dans ma hâte. Ses manches sont retroussées, je tire et libère ses bras l’un après l’autre, mais le vêtement est encore coincé derrière son dos. Il grogne et commence à remuer. Pas le temps de fignoler : je repousse son corps dans la pente, en tirant sur la chemise. Le mec roule sur le ventre et dégringole deux mètres, en marcel et le pantalon défait. Je m’apprête à le rejoindre, mais il recommence à remuer en grognant, et j’entends des bruits de pas dans le bois, en contrebas, puis la voix de Geneviève.



D’en bas, un appel nous parvient :



« Flûte ! », me dis-je en faisant demi-tour et en reprenant mon exercice de grimpette. Ma collègue a pris de l’avance. La peur semble lui donner des ailes, et je mets plusieurs minutes à la rejoindre.



J’ouvre la bouche pour lui répondre, mais un bruit de moteur, au-dessus de nous, attire notre attention.



Un véhicule s’arrête, le moteur continue de tourner au ralenti. Une portière claque. Une voix, en haut :



«Le 4x4 ! » me dis-je.



D’en bas, nous entendons ledit José répondre :



J’attrape Geneviève par le bras, et lui indique la gauche.



Nous nous coulons entre les buissons, à demi courbés, veillant à ne pas faire rouler de pierres. Plus loin, nous entendons les bruits des pas de nos poursuivants, des craquements de branches et des voix qui s’interpellent.



Elle s’arrête et me regarde :



Nous progressons très lentement. Plus loin, nous entendons les bruits de pas et le bourdonnement de voix des trois hommes.



Elle regarde la chemise, que je tiens toujours en main.



Je la lève devant moi. Une chemise à carreaux en coton épais, sale et sentant la transpiration.



Geneviève me fusille du regard.



Je la lui tends.



Elle se détourne.



Elle pivote vers moi, me défiant du regard :



Elle pivote et se remet en marche en enfilant la chemise, qui lui tombe à mi-cuisse. À cet instant précisément, les bruits cessent. Le ronronnement du diesel du 4x4, qui tournait au ralenti, s’arrête également. J’attrape ma collègue par le bras pour qu’elle cesse d’avancer, et m’approche de son oreille :



Nous nous accroupissons lentement, en essayant de garder l’équilibre malgré la pente et en nous abstenant de tout bruit ni parole.


De longues minutes s’égrènent ainsi, dans un silence inquiétant, troublé seulement par quelques bourdonnements d’insectes et, loin en bas, le murmure du petit cours d’eau. Même les oiseaux se sont tus, troublés par notre présence.


Brusquement, je sens la crampe assaillir mon mollet droit. Je déplace la jambe, pour la déplier, en grimaçant sous la douleur, mais mon autre pied se dérobe sur les cailloux, et je glisse et me rattrape du mieux que je peux, en m’accrochant aux buissons. Des cailloux dévalent la pente. Des cris nous parviennent, loin derrière.



Inutile de chercher à nous cacher davantage ! Nous fonçons le plus rapidement que le permet le terrain, décrivant de larges crochets destinés à désorienter nos poursuivants. Nous entendons passer le 4x4, lentement, sur le chemin en haut. Nous décidons de remonter la pente, arrivons au bord du chemin comme la jeep jaune s’éloigne. Elle disparaît derrière un tournant. En vitesse, nous traversons ce nouveau chemin de terre et nous enfonçons dans le bois, de l’autre côté, tandis que le conducteur du véhicule manœuvre pour un énième demi-tour et repasse lentement sur le chemin, derrière nous. Nous nous dissimulons derrière la végétation, de ce côté où le terrain est presque plat, pendant que le 4x4 dépasse l’endroit où nous nous trouvons et s’éloigne dans l’autre sens. Nous décidons de reprendre notre marche, plus lentement, en évitant le bruit.


Une heure plus tard environ, nous nous arrêtons, à bout de forces, au bord d’un enchevêtrement de buissons épineux. Nous nous glissons par-dessous, nous écorchant un peu plus au passage, et nous allongeons sous l’abri de végétation, silencieux, fourbus.


Nous passons le reste de la journée terrés comme deux lapins dans leur terrier, tremblant de frousse, tandis que nos trois agresseurs parcourent les bois en tous sens à notre recherche. Finalement, les bruits s’éloignent, nous n’entendons plus le 4x4, et nous restons seuls, dans le silence, sans oser bouger encore.


Lorsque la nuit tombe sur la forêt, nous sommes sûrs d’être à nouveau seuls, mais complètement perdus. Nous hésitons à nous remettre en marche, mais dans l’obscurité, nous ne pourrions retrouver le chemin.


Je me recroqueville pour une seconde nuit. Geneviève me tourne le dos, elle s’est emmitouflée dans la large chemise. Je ferme les yeux, tremblant de froid, cherchant un sommeil qui tarde à venir.


Je finis par m’endormir, et c’est une sensation de chaleur qui me tire, plus tard, de ma torpeur. Geneviève est tout contre moi, nue, le dos tourné, et nous nous partageons la chemise en guise de couverture. Aurait-elle éprouvé quelque remords pendant mon sommeil ? Elle soupire, se colle à moi. Est-elle endormie ? Mon bras est passé autour d’elle, ma main repose sur le haut de ses seins, qu’elle masque partiellement de ses bras. Oserais-je ? Mes doigts descendent, effleurent un mamelon dressé, s’en écartent, y reviennent doucement. Geneviève se pousse davantage contre moi, écarte son bras pour dégager son buste, ses fesses se collent à mon sexe que je sens peu à peu enfler, durcir. Je me sens soulagé d’avoir gardé cette faculté, malgré le coup reçu dans les testicules.


Ma main s’enhardit, entoure un des deux globes, le caresse lentement. Geneviève pousse sa tête contre la mienne, mon visage se perd dans ses cheveux, ma bouche atteint le lobe de son oreille, l’embrasse doucement. Je sens ses jambes bouger, sa cuisse se frotter à la mienne, pendant qu’elle arque le buste, tout entier offert à ma main cette fois. Je pétris les globes, l’un après l’autre, appréciant leur rondeur et leur fermeté, mes doigts titillent les mamelons, les entourent, les pincent.


J’abandonne les seins, explore le ventre, palpe la douceur de la peau, sur laquelle courent quelques égratignures. Ma main court sur le corps offert, suit la courbe de la hanche, le galbe de la cuisse, remonte vers le ventre, vers la poitrine et s’y attarde, avant de redescendre sur le ventre, vers le pubis. Mes doigts atteignent la toison pubienne, descendent vers les cuisses encore serrées, reviennent sur la hanche, sur le ventre qu’ils pétrissent soigneusement, puis sur les seins aux mamelons durcis. Geneviève gémit, se renverse de plus en plus contre moi, son pied caresse ma jambe, sa main se glisse sur mon flanc, atteint la courbe de mes reins, se pose sur ma fesse et la serre. Sa jambe se hisse par-dessus la mienne, alors ma main quitte son buste, atteint le ventre, le pubis, s’aventure sur la face interne de la cuisse. La peau est chaude, presque brûlante. Je sens la main de ma compagne se presser sur ma hanche, pour mieux souder nos corps. Ses fesses se frottent sur mon sexe tendu contre ses reins.


Malgré la fraîcheur de la nuit, nous commençons à transpirer sous la chemise qui recouvre le haut de nos corps. Nous ne sentons plus la douleur causée par nos multiples hématomes et écorchures, pas plus que nous ne nous formalisons de l’inconfort de notre lit de brindilles et de feuillages et de notre toit de ronces enchevêtrées.


Ma main revient vers l’entrejambe de Geneviève, mes doigts se posent de part et d’autre de la fente humide, poussent sur les grandes lèvres et les font glisser l’une contre l’autre. Elle renverse son corps contre moi, imprime à son bassin de lents mouvements de va-et-vient pour accompagner mes caresses et se frotter à mon pénis tendu, tandis que je passe l’autre bras par-dessous ses épaules et que ma main atteint un sein pour le caresser. Nous maintenons ces mouvements quelques secondes, puis une de ses mains se pose sur la mienne, la presse davantage sur son sexe, et je glisse un doigt, puis deux dans la fente chaude et mouillée, cherchant le bourgeon. Geneviève accentue ses mouvements de hanches, m’incitant à accélérer le rythme de mes caresses sur son clitoris. Elle se soulève, glisse une main sous elle, s’empare de mon sexe tendu et le dirige vers le sien.


Rapidement, presque violemment, elle le guide au plus profond de son intimité, et nous remuons de concert, tandis que mes mains s’activent toujours sur sa poitrine et son clitoris. Notre étreinte est intense, presque sauvage, nos souffles se font courts, rauques, bestiaux.


Couverts de sueur, nous sentons monter les vagues du plaisir, et nous atteignons l’orgasme presque en même temps, en grognant comme des porcs en rut. Puis, après quelques mouvements plus lents, apaisants, nos corps s’écartent l’un de l’autre, rassasiés et fatigués.


Au bout de quelques minutes, nous sentons à nouveau les assauts du froid. Nous nous serrons l’un contre l’autre, sous la grosse chemise à carreaux, et sombrons rapidement dans le sommeil.


Nous nous éveillons alors que le jour s’est déjà bien levé. Geneviève n’émet aucun commentaire sur les événements de la nuit. Nous nous écartons pour satisfaire d’impérieux besoins naturels, puis reprenons notre marche épuisante. Une demi-heure plus tard, environ, nous retrouvons le chemin de terre. Après avoir vérifié que le 4x4 n’est pas dans le secteur, nous nous mettons en marche, choisissant une direction au hasard.


Exténués et assoiffés, nous finissons par sortir du bois, là où le chemin forestier en croise un autre, plus large et goudronné. Nous n’avons pas le temps de nous interroger quant à la direction à prendre, car un bruit de moteur se fait entendre. Hâtivement, nous refluons sous le couvert des arbres et nous dissimulons, guettant la route avec un sentiment fait d’angoisse et d’espoir mêlés. Une camionnette des forces de l’ordre apparaît bientôt, au ralenti, et s’immobilise au carrefour. Des flics en descendent. Nous choisissons de nous montrer. Geneviève d’abord, parce que vêtue de la large chemise à carreaux, elle est presque présentable. Moi ensuite, timidement, car à poil devant les flics, je me sens au plus haut du ridicule.


On nous entoure, on nous réconforte. On me fait endosser un large imperméable à bandes réfléchissantes, en attendant l’arrivée des ambulances. Oui, la bande du hold-up a été interceptée, et les poulets organisaient une battue pour nous retrouver. Les radios fonctionnent : une seconde camionnette arrive bientôt, puis une voiture avec des chefs et deux ambulances, toutes sirènes hurlantes. Infirmiers et médecins nous prennent en charge.



Ils sont gentils, attentionnés.



Puis elle suspend sa phrase et me regarde, l’air mauvais. Le médecin saisit l’allusion à peine déguisée.



Il cesse de parler et nous regarde tour à tour. Je fixe Geneviève. Je voudrais dire quelque chose, mais ça ne sort pas. En quelques fractions de seconde, le pire me vient à l’esprit, et je sens mon ventre se nouer. Une vague de panique et d’horreur m’envahit, car je sais que quelques mots de ma collègue pourraient m’envoyer en prison pour viol. Tout y est : son corps meurtri, couvert d’hématomes et d’égratignures, et les traces de nos ébats de la nuit dernière. Un simple examen médical et une plainte officielle suffiraient.


Geneviève me jette un dernier regard ironique, puis se tourne vers le médecin.



Et, sur cette brillante sortie, elle nous plante là et s’engouffre dans l’ambulance.


Non, décidément, entre cette pimbêche de Geneviève et moi, ça ne pourra jamais marcher.