n° 11631 | Fiche technique | 9998 caractères | 9998 1759 Temps de lecture estimé : 8 mn |
16/08/07 |
Résumé: Deux nouvelles petites histoires. La première est une version champêtre du texte "Le dépôt", publié il y a peu. La seconde parle de l'étrange alchimie du rêve et du désir, capable de rendre présent l'absent. | ||||
Critères: #poésie fh train cérébral revede | ||||
Auteur : Louise Gabriel Envoi mini-message |
Collection : Mes petites histoires matinales |
Pour un souffle qui devient tempête,
Le corps comme un champ labouré,
La peau, attendent la semence des caresses.
Une étendue douce et dorée.
Ils balancent leur tête colorée de lumière solaire,
Ils ondulent doucement, les épis de blé,
Se plient avec grâce sous la tendresse du vent.
Ils se frôlent, se cajolent, se pressent, se compressent,
S’appréhendent, se prennent, se possèdent…
Ils se font l’amour sous la brûlante morsure
Du soleil de l’été.
Animal, végétal, viscéral, profondeurs abyssales,
De brise estivale le vent se fait ouragan hivernal.
De la clarté naît l’ombre épaisse
Propice à vos courbures multiples.
Lueurs inutiles, seul le geste porté prête forme
À vos saveurs.
Vous jaillissez de l’effleurement,
Vous vous soumettez à l’impérieuse envie,
Champ désordonné, jamais déshonoré.
Répondre à la supplique de ses désirs,
Au besoin obligatoire de prendre et d’appartenir.
Animal, végétal, qu’importe ! La nature a si bien fait les choses
Qu’il n’est rien de plus beau qu’une forêt de corps
Se faisant l’amour avec frénésie
Dans la lumière vespérale.
Il est un moment où le temps tutoie l’éternité. Il n’en finit plus de s’étendre, de se répandre en une mer liquide, fluide, insaisissable. Et tu deviens à ton tour insaisissable.
Étrangeté de l’éloignement face à l’étrangeté des moments fantasmés qui deviennent le moteur obligatoire, rire insensé du songe obligé.
Tout vrille au sourire, aux éclats, par la magie de l’écriture, de mes plus folles habitudes de vivre autant en rêve que je vis en vrai.
La réalité a le beau rôle parfois, elle sait reprendre ses droits. Je dirais même qu’elle fait preuve de la plus belle dictature qui soit, elle terrorise mes rêves à coup de réel bien saignant, bien tranchant et elle taille dans le vif, elle écorche, elle décharne avec savoir. Elle sait mieux que personne effacer les illusions « illusoires » !
Mais je serai acharnée moi aussi, l’obligatoire de mon existence, de ma subsistance, est à ce prix. Le coût du rêve n’est jamais en solde.
Il coûte cher, très cher, mais qu’importe ! Mes folies n’ont pas de prix, et finalement rien n’est à vendre là-dedans, tout est à prendre, à bras-le-corps, à âme oubliée, pour des sourires charnels qui me rendent éternelle !
Cette insaisissable caresse qui ne parle plus, qui fait silence… Mais pourquoi les choses sont-elles aussi compliquées ? Ces circonvolutions infinies, ces méandres obligés ont fini par rendre le parcours tactile des plus magiques.
De l’alchimie de l’improbable rencontre d’icebergs à la dérive sur des planètes bien trop éloignées est née une construction, faite de briques de rêve, de sourires, de poésie et de couleurs, une bâtisse bien différente.
Pas un exercice de style d’un vague architecte à la mode, non : elle est bâtie de pavés tendres au goût de guimauve, de barbe à papa pour les relents d’enfance, d’un peu de barbelés pour les cicatrices et les griffures du temps, de granit pour la solidité de l’amitié, et de tout le reste, le ciment du geste porté, la magie, l’indécence, la joyeuse indécence, l’oubli dans la gestuelle amoureuse, celle qui dit mieux autrement ce qui ne sait être tu…
Pourquoi prêter tous ces pouvoirs, autant d’emprise à la futilité, à la nudité, à l’innocence finalement, de cet envoûtement suave, cette évidence tactile qui, même lorsqu’elle n’est présente, peut me faire voyager des heures au cœur du moutonnement nuageux de ce milieu d’après-midi ? Je peux noircir des pages sans que jamais cela ne s’arrête. Ma seule obligation est la solitude absolue, je me dois d’être seule sinon la magie s’évanouit, je ne puis plus voguer comme bon me semble, ou alors il me faut la foule, l’anonymat, n’être personne, me volatiliser dans la multitude, me noyer, et je suis partout, ailleurs, comme je le veux.
Et tu es ici et là, lutin un rien joueur, à jouer à cache-cache, à violenter mes nerfs sans le savoir. Je t’attrape, et te voilà déjà parti ailleurs, une vraie anguille, glissante, trop glissante à mon goût. Mais j’ai l’habitude de l’effort, je ne m’avoue jamais vaincue. Ah ça, non !
Et puis, ta peau glissante comme de la soie m’inspire tant et tant… Je prends plaisir à la laisser s’évader de moi, pour m’en saisir de nouveau, sentir une fois encore la surprise, les picotements de ce velours si particulier, qui aiguise mes sens des plus éveillés. Je me repasse en boucle cette sensation au point d’avoir le corps en émoi, cela s’infiltre dans ma chair, et je dois avoir un sourire un peu bizarre, des mouvements un peu étranges… Le jeune homme en face de moi me regarde avec la plus grande attention. Serait-ce le train sur ses rails qui n’avance plus tout à fait aussi droit, ou alors suis-je habitée par une bestiole qui me donne le rose aux joues ?
Eh bien, la petite bête, c’est toi, et tu me fais rosir plus que de convenable. Et je plante mon regard dans le sien, qu’il saisisse, qu’il sente ce qui ondule au fond de moi, le désir d’appartenir, le désir de se laisser fuir dans de coulantes perceptions.
Parce que je suis liquide, fluide, souple, je suis liane qui ploie avec aisance, je suis béance dévorante, je suis prédatrice, le calice de mes saveurs débordant d’un nectar narcotique qui veut être bu jusqu’à la lie.
J’exige d’un œil suppliant, mais comprendra-t-il enfin ce que je veux de lui, sans aucune parole, sans aucun son qui tuent mon rêve, sinon ?
Il me faut la prédation du bout des yeux, la compréhension évidente sans l’esquisse du moindre geste, l’évidente séduction, celle qui ne laisse de place à rien d’autre, qui meuble tout le corps, de la racine des cheveux à la pointe des pieds.
Mon désir remplit tout l’espace du wagon, il est tentacule et instant suave en cette fraction de seconde où il chavire. Il me touche la main du bout des doigts, il a enfin compris : rien à perdre, tout à gagner, une efficace manière de faire passer le temps à la vitesse de l’éclair. Les trains de nuit ont le confort de la pénombre, cette facilité des recoins un peu sombres qui autorise les gestes, ils ouvrent la porte à mes envies lascives et lancinantes.
Il est beau. Il l’est forcément. Il est beau du désir, rien que cela les rend magnifiques. Il ouvre la bouche, il voudrait parler, je pose mon doigt sur sa bouche, je l’en empêche, seule la musique du train suffira à nos ébats. Ne pas briser le rêve, rester avec toi alors que je suis avec lui. Tu vas prendre possession de ce corps somptueux, tu vas l’habiter, combler le vide de ton absence. Et il me caresse déjà la nuque, comme s’il savait que rien au monde ne me fait autant basculer vers le délice.
Elles sont douces, ses mains, elles me câlinent. Je m’enroule autour de lui comme un gros matou, je ronronne. Il glisse un doigt dans la ceinture de mon pantalon mais je vais plus vite que lui, je déboutonne à toute vitesse son jean. La sensation de raideur, de rigidité bien trop à l’étroit m’a ouvert l’appétit et la belle gourmandise se dresse comme un lutin jailli d’une boîte à malice, je la gobe tout entière, sans préambule. J’éclaterais presque de rire lorsqu’il étouffe un cri de surprise de tant d’audace. Nous ne sommes pas tout à fait seuls, moi je suis seule sur une île déserte quand mon désir est devenu tortionnaire. Et rien ne m’arrêtera plus.
Il imprime ses doigts dans la peau du crâne. Ma chemise est largement ouverte maintenant. Je profite de la saveur goûteuse de sa belle queue, il se promène le long de ma colonne vertébrale, il se faufile un chemin jusqu’à mes fesses, il me caresse à n’en plus finir et je le suce à l’unisson avec la même langueur.
Je deviens fontaine ruisselante, eaux tumultueuses. La tempête se fait violente, je me glisse sur son membre affolant, je me cloue avec rage, je me crucifie sur cette douceur à la peau de velours et, bon Dieu qu’elle est crucifiante à souhait, encore mieux que je ne l’avais rêvée ! Elle irradie dans tout mon être, une vraie bénédiction, un cadeau des dieux pour moi qui ne crois en rien, si ce n’est au pouvoir de mon imagination, à la puissance de mes confusions.
Et je vais et je viens, il m’embrasse dans le cou, il est tendre, toujours un peu dans l’hésitation, dans la retenue, terriblement attendrissant et un rien enfantin.
Il me laisse faire, il se laisse prendre, piller par effraction sans rien dire du tout. Il a juste ce si joli sourire, cette peinture, cette couleur sur le visage qui dit mieux que les mots qu’au moment présent il est heureux.
Je continue mon tango argentin, ma valse souple et ondulante. Je me branle, mes deux mains plantées dans ses épaules. J’ai depuis longtemps quitté le wagon, je suis dans l’extase, la douce et violente ivresse du corps à corps.
Dans le langage de la chair, il est toi, tu es eux, à chaque fois, dans cette mouvance consumante, dans cette prise de plaisir qui fait de moi un feu de joie. Des flammes me lèchent, sa langue humide et brûlante a remplacé sa queue, il goûte avec curiosité le suc de mes folies, elle est taquine et inventive, enfin délestée de toutes les appréhensions. Et il me fait jouir de la pointe acérée d’un petit bout de chair rose. Je m’évade, je vole, je suis devenu papillon fou, elfe d’un monde où seul le geste porté a valeur de parole. Et je lui rends ce qu’il vient de m’offrir, je câline, je prends un soin méticuleux à sucer la belle friandise, doucement au début pour une reprise de contact dans la liqueur onctueuse de ma bouche, et ma succion devient plus appuyée, je l’avale tout entière jusqu’au tréfonds de ma gorge. Il me tient la tête, il ne veut plus que je me sauve, son va-et-vient devient cavalcade, galop d’un jeune cheval, il explose en une pluie d’étoiles qui ruisselle aux commissures de mes lèvres. J’y passe la langue pour récupérer le divin nectar.
Je ris aux éclats, je lui fais le plus doux bisou qui soit. Pour lui dire merci, pour lui dire au revoir, pour t’avoir prêté vie le temps d’un voyage.
Je me lève, je m’en vais m’asseoir plus loin, sans plus me retourner, non, surtout ne pas assassiner les songes, rester dans la saveur cotonneuse de ta gestuelle onctueuse.