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Temps de lecture estimé : 14 mn
29/09/07
Résumé:  C'est au coeur des locaux de la société Mabuse que je trouverai enfin Fritz et le Metropolis.
Critères:  nonéro policier sf -revebebe -policier -sf
Auteur : Gufti Shank            Envoi mini-message

Série : La traque

Chapitre 03 / 08
The Mabuse Company

Résumé de l’épisode 1 : Je fus réveillé un matin par l’inspecteur Forman de la PAV, la Police des Activités Virtuelles. Il venait m’accuser de contact avec les terroristes sexuels du groupuscule Revebebe. Il me proposa de me blanchir en échange d’une infiltration de leur réseau. Je demandai un délai pour réfléchir, et mis à profit ces quelques heures pour prendre la fuite. Je décidai de tenter de contacter de mon côté Revebebe pour me placer sous leur protection. J’entrai par hasard en relation avec une dénommée Tilya qui m’apprit que j’étais surveillé, et qui se proposa de me guider dans ma quête. Mais un flic de la PAV nous retrouva bien vite et abattit Tilya tandis que je m’enfuyais. Ses dernières paroles furent à mon attention : « Courez et trouvez Fritz au Metropolis. »


Résumé de l’épisode 2 : Réfléchissant à ces paroles, qui semblaient évoquer Fritz Lang, le réalisateur du film Metropolis, j’errai au hasard des rues. Je cherchai des informations sur un endroit appelé Metropolis, mais je ne trouvai rien, si ce n’est que la PAV avait le même objectif que moi. Je trouvai refuge chez Jared, un jeune prostitué qui m’offrait ses services. Et je découvris que le hall de son immeuble était gardé par une femme-robot ; cela me ramenait encore au film Metropolis. Jared m’hébergea quelque temps, mais un communiqué de la PAV tomba sur son ordinateur central, dévoilant mon visage. Il prévint la police et essaya de me retenir, mais je parvins à l’assommer et à prendre la fuite, non sans avoir découvert le nom de la société qui commercialisait ces femmes-robots : la compagnie Mabuse. Encore un nom qui me ramenait à Fritz Lang…







Je marchais au hasard des rues sous le soleil froid qui se levait. Pas tout à fait au hasard, en fait, cette fois, j’avais un but : Mabuse. Une compagnie qui apparemment fabriquait en série des robots de grande qualité. Le nom de cette boîte m’était inconnu, du moins en temps que boîte, justement. Mais c’était après ce nom que je courais. Ce nom qui m’évoquait un lien infime avec les dernières paroles de Tilya : « Cherchez Fritz au Metropolis. »


Je n’étais pas seul dans les rues, mais je ne faisais pas attention aux gens, cherchant plutôt à les éviter. Mon visage s’était imprimé quelques heures auparavant sur la totalité des ordinateurs centraux individuels et sans doute aussi collectifs. Avec en prime un message de la PAV qui disait aux braves citoyens que j’étais un criminel en fuite. Merci bien. Du coup, impossible de parler à quiconque ou d’entrer où que ce soit sans la crainte d’être reconnu et aussitôt à nouveau pourchassé.


Mais je devais trouver un moyen de localiser la compagnie Mabuse. Je ne savais même pas dans quel coin de la ville chercher. Il fallait que je dispose d’un ordinateur pour faire une recherche sur cette boîte. Mais où aller pour être sûr de ne pas se faire balancer ?

Je repensai au bar où j’étais rentré au petit matin, avant d’aller chez ce salaud de Jared. Le mec du bistrot avait craché par terre lorsqu’on avait évoqué la Police des Activités Virtuelles. Il ne les portait pas dans son cœur, c’était sûr. Il avait certainement un poste…


Je retrouvai péniblement le chemin par lequel j’étais arrivé à la grande avenue où j’avais rencontré Jared. Je baissais la tête dès que je croisais quelqu’un, mais c’était inutile, les gens ne me regardaient pas. C’était vraiment chacun pour soi, dans cette ville.


J’entrai à nouveau dans ce bar minable, le vieux était toujours derrière son comptoir, seul. Il avait l’air complètement cuit. Il avait dû veiller toute la nuit, à servir quelques sombres clients.



Je ne saurais dire s’il me reconnut ; toujours est-il qu’il me dévisagea longuement avant de me répondre d’un vague grognement :



Je scrutai la pénombre du bar, cherchant à m’assurer que nous étions bien seuls. Puis, tout en fouillant dans ma poche à la recherche de quelques billets, je le regardai à nouveau, fixement, hésitant :



Je sortis cinq billets, poursuivant :



L’homme observa un long silence, me dévisageant davantage encore.



Je ne répondis rien, continuant de lui tendre mes billets.



J’approuvai intérieurement.



Il ne répondit rien. J’ajoutai, avec un sourire :



Il sembla réfléchir quelques secondes, puis se saisit de l’argent que je lui tendais toujours, et enfin me désigna l’arrière-salle, en m’expliquant avec un sourire :




* * * * *



Quelques heures plus tard, j’arrivai exténué au pied d’un immense immeuble d’un gris sombre, presque noir, et d’une architecture rigide et froide. Une petite plaque auprès de la porte d’entrée m’indiquait :



Mabuse Company – Restricted area.



J’entrai quand même, pour me trouver, presque sans surprise, devant un nouveau robot, clone parfait de celui qui gardait l’immeuble de Jared, image d’une femme somptueuse, assise devant un ordinateur.


Elle leva les yeux vers moi tandis que je m’avançais dans le vaste hall d’entrée. Celui-ci comportait quatre portes de sortie, que j’imaginai toutes électroniquement verrouillées.



Je ne savais pas trop quoi faire. Il fallait sans doute des codes ou des autorisations pour pouvoir entrer. La femme-robot me suivit du regard tandis que j’allais vérifier rapidement chaque porte, par acquit de conscience. Elles étaient numérotées, de 1 à 4. Mais toutes étaient évidemment fermées. Je revins vers la « serrure intelligente », tentant d’instaurer le dialogue :



Elle ne répondit rien, semblant attendre quelque chose. Il fallait sans doute une clé électromagnétique, ou une carte. Je tentai à tout hasard de lui présenter une carte de crédit, la lui tendant sous les yeux.



Cette réponse bête me mit hors de moi. J’en avais marre de tous ces robots à la con. Je me mis à hurler :



J’étais excédé, mais elle continua :



Je me retournai et tentai de me calmer en soufflant. Elle poursuivit encore ainsi quelques longues secondes, à m’agonir de conneries. Je ne l’écoutais pas. Je réfléchissais. Que pouvais-je bien faire ? Ce robot avait justement été fait pour ne laisser passer personne facilement.



À ma grande surprise, elle me répondit :



J’hésitai.



Il y eut un silence.



Incroyable ! Cela marchait ! J’étais donc vraiment sur la bonne piste…



Une sirène se mit soudain à retentir bruyamment tandis qu’un rideau de fer s’abattit brusquement derrière la porte d’entrée.

« Merde ! Je suis vraiment con ! » pensai-je.



Je me mis à taper de toutes mes forces sur ce robot, mais sans autre résultat qu’une vive douleur à mes avant-bras. La sirène n’en finissait plus de rebondir dans mon crâne. J’essayai toutes les portes, tentant de les ouvrir l’une après l’autre. Je commençai bientôt à me résigner.


Mais la porte marquée du numéro 1 s’ouvrit soudain, commandée sans doute de l’intérieur. Un homme en sortit et s’avança vers moi en me regardant d’un air anxieux.



Il courut jusqu’au bureau de la femme-robot et présenta une carte électronique devant son regard en disant :



Il y eut comme un éclair dans les yeux du robot ; l’alarme s’arrêta et le rideau de fer se releva.



Il ne répondit pas et m’entraîna par la porte numéro 1. Nous parvînmes dans un couloir éclairé. Je vis plusieurs lourdes portes métalliques de part et d’autre.



Il traversa en courant le couloir ; je le suivais tant bien que mal en essayant de comprendre où je me trouvais. Et je m’arrêtai soudain lorsque je vis, marqué au-dessus d’une porte :



M le maudit



Je regardai les autres portes ; elles étaient toutes surplombées d’un titre.



Je ne sais pas si j’avais compris, mais ce que je savais, c’était que « M le maudit » était le titre d’un film de Fritz Lang. Je me remis à courir, mais plus doucement, en prenant le temps de lire ce qui était marqué au-dessus de chaque porte : « La Femme sur la Lune », « Les Espions », « Les Nibelungen »…



Je courus jusqu’à lui. Au-dessus de la porte qu’il m’indiquait était écrit :



Metropolis



Je l’observai un instant, droit dans les yeux. Il soutint mon regard mais ne broncha pas. J’allai poser une des mille questions qui me venaient à l’esprit, mais il me devança :



Il ouvrit la porte et me poussa presque à l’intérieur, et, tandis qu’il la refermait derrière moi, je l’entendis crier :



La porte claqua. Je me trouvai dans une immense salle, et ce que je découvris me donna presque des frissons. Tous les décors du film avaient été reconstitués dans cette pièce : j’avais l’impression d’évoluer au sein même de diverses scènes de « Metropolis », au milieu de personnages de cire dans des poses évocatrices d’un des grands moments du film. C’était donc sans doute une sorte de musée. Je m’avançai prudemment, observant partout.


La pièce était vraiment gigantesque, je n’en devinai qu’à peine le bout. Elle était partagée en plusieurs endroits par de hautes cloisons, qui ne laissaient qu’un petit passage vers la scène suivante. J’avais vu ce film il y a très longtemps, mais quelques images me revenaient en mémoire au fur et à mesure que je traversais les décors.


La surprise et la curiosité passées, je me mis à réfléchir : j’avais probablement maintenant atteint l’endroit que je cherchais, et si je me fiais aux paroles de Tilya, il me restait à y trouver « Fritz ». Sans doute devais-je chercher une statue de cire représentant Fritz Lang, le réalisateur du film…


Je me mis à courir, esquivant de justesse une statue ou renversant par endroits un petit objet ou un morceau de décor, à la recherche de Fritz. Mais je ne savais même pas ce que je devais chercher. Plusieurs minutes passèrent tandis que je tournais en tous sens dans cette immense pièce.


Un bruit me fit soudain sursauter. C’était la porte par laquelle j’étais arrivé ; quelqu’un venait de l’ouvrir. Je m’immobilisai instantanément, caché derrière un décor ; j’étais à peu près en plein centre de la salle. J’entendis des bruits de pas. Deux personnes venaient d’entrer et parlaient ; je reconnus la voix de l’homme qui m’avait amené ici, et la seconde voix me rappela également quelque chose.



« Ça y est. J’ai trouvé, » pensai-je, « c’est la voix de l’inspecteur Forman. » Ce charmant policier de la PAV qui était venu me trouver à mon appartement pour m’envoyer infiltrer Revebebe… Il y eut un silence, et il reprit :



Encore un silence. Quelques bruits de pas qui s’approchaient.



La voix de l’inspecteur Forman me tira de la rêverie.



Ce flic ne doutait de rien. Il pensait vraiment que j’allais lui répondre ?



Sa voix se rapprochait doucement de moi ; il marchait dans ma direction. Il fallait que je bouge. Je décidai d’enlever mes chaussures, pour faire moins de bruit. Je les cachai silencieusement sous un meuble de décor, puis me faufilai à pas de loup dans une autre direction.



Cet inspecteur était stupide ; comme il parlait, il m’indiquait sa position. Je n’avais qu’à m’éloigner de lui. Mais, en même temps, pour aller où ? Tout en m’esquivant, je cherchai toujours des yeux ce qui aurait pu être Fritz.


J’étais en train de me déplacer doucement en silence lorsque je tombai presque nez à nez avec une statue de ce qui aurait pu être un réalisateur. L’homme de cire avait le visage enfoui derrière une grosse caméra qui semblait dater de la protohistoire du cinéma, et il levait la main droite en avant, légèrement vers le haut, dans une sorte de geste de victoire.


Je l’étudiai quelques secondes, mais quelque chose me fit tressaillir. Une ombre qui avait bougé sur le côté. Je me figeai dans une pose théâtrale, retenant ma respiration. Et je devinai un mouvement sur ma gauche ; l’inspecteur Forman venait de passer à quelques mètres de moi.


J’attendis qu’il se fût éloigné pour regarder plus précisément la statue de cire de Fritz. Mais qu’y avait-il à voir ? Rien si ce n’est tout un attirail et d’autres statues autour de lui qui semblaient confirmer que ça pouvait être Fritz Lang qui était représenté ici.


Et alors ? Je me répétai les paroles que Tilya m’avaient adressées. Cherchez Fritz au Metropolis. Bon. J’avais trouvé Fritz au Metropolis. Et alors ? En quoi cela pouvait-il m’aider ? Je fus interrompu dans mes pensées par la voix de l’inspecteur Forman.



La provenance de sa voix me prouvait qu’il retournait vers l’entrée de la pièce.



J’eus comme une révélation.



Une autre sortie. Je devais chercher une issue. Probablement près de Fritz.



Une trappe dans le sol ? Ou un passage contre un mur ? Je fouillai chaque recoin de la salle auprès de la statue du réalisateur. Mais je ne vis rien. Rien qui paraisse une issue. Je relevai les yeux sur la statue elle-même. Je détaillai chaque centimètre carré de sa surface, cherchant à déceler une inscription ou quelque chose de spécial. Les jambes, le bassin, le torse, la tête, la caméra, le bras tendu.


Et soudain je compris. Le bras tendu, index levé. C’était ça ! C’était une indication. Je suivis des yeux la direction désignée et je sus aussitôt que j’avais raison. À quelques mètres, derrière trois autres statues de cire représentant des ouvriers peinant au travail, se trouvait appuyé contre un mur une sorte d’énorme fourneau, légèrement en hauteur, et auquel on accédait par quelques marches. Et le doigt du réalisateur pointait exactement sur le foyer de ce gros fourneau.


Je m’en approchai le plus discrètement possible, jusqu’au pied du petit escalier. Et plus je m’avançai, plus j’étais persuadé que le foyer du fourneau cachait une porte. Il me fallait monter les quelques marches. En espérant que le décor fût plus solide qu’il n’en avait l’air, je posai le pied sur la première, puis gravis la seconde. Ça tenait.


Je regardai derrière moi vers la porte d’entrée de l’immense salle, afin de m’assurer que Forman ne m’apercevrait pas de là où il se trouvait. Je ne vis pas la porte, cachée derrière d’autres décors, et en déduisis que lui non plus ne pouvait me voir.


Arrivé à hauteur du faux foyer, je tentai doucement de faire pivoter le décor, de dévoiler une porte. Mais rien ne bougeait. J’insistai un peu et fus conforté dans mon espoir. Une sorte de passage s’était dessiné dans le décor lorsque je l’avais remué. Mais je n’arrivais toujours pas à l’ouvrir. Une autre voix retentit, provenant du couloir :



Je me remis à secouer le décor. Il tremblota encore mais ne s’ouvrit pas.



Je secouai plus fort. Ça y était presque. Mais je faisais du bruit ; j’avais peur qu’on ne m’entende.



Ah, merde ! Et si je m’étais complètement gouré ?



J’entendis le son d’un objet lourd qu’on traîne sur quelques mètres. J’en profitai pour faire bouger de toutes mes forces le faux foyer devant moi, et une sorte de trappe s’ouvrit soudain dans un bruit sec. Je m’immobilisai et retins tout nouveau mouvement du décor.



Il y eut un court silence.



Les hommes se mirent à courir. Je me glissai à l’intérieur du petit passage que j’avais découvert, me retrouvant derrière le décor, tout contre le mur de la salle. Il faisait très sombre, mais je pouvais apercevoir un trou dans le mur. Comme si on avait enlevé quelques moellons. J’avais peur, mais j’étais en même temps très excité.


Je voulais fermer le passage que j’avais ouvert dans le fourneau, pour ne pas qu’on puisse me suivre, mais c’était ma seule source de lumière. Et je n’avais évidemment pas de lampe de poche, ni même de briquet sur moi. J’hésitai un instant. Les bruits de pas se rapprochaient. Tant pis, je n’y verrai rien, mais c’était ma seule chance de semer Forman. Je tirai de toutes mes forces le morceau du fourneau que j’avais ouvert précédemment. Il se referma dans un bruit sourd, m’isolant dans la plus complète obscurité. J’entendis hurler l’inspecteur :



Je m’avançai dans le passage, passais doucement à quatre pattes sous les briques manquantes du mur, et tombai soudain en avant, les mains dans le vide, manquant de peu de dégringoler dans un trou dans le sol. En tâtonnant, je découvris le sommet d’une échelle. Je me retournai avec difficulté, puis m’y engageai, et descendis rapidement les barreaux.