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n° 11882Fiche technique22075 caractères22075
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Temps de lecture estimé : 15 mn
24/10/07
Résumé:  Une femme reçoit un message qui accompagne une cassette vidéo. Sa petite amie, sage et réservée, son ange idolâtré, s'est laissée entraîner par une voisine dans une spirale dangereuse.
Critères:  ff fff voisins amour photofilm -amouroman -regrets -initiat
Auteur : Nicky Gloria  (Femme mariée qui assouvit ses fantasmes en écrivant.)      
Le message immonde

C’est étrange comme le destin peut vous jouer des tours, vous prendre comme bouc émissaire et s’amuser à chambouler votre vie de façon si cruelle. Tout me souriait : une vie heureuse et sereine, un boulot passionnant, une amante adorable, et en si peu de temps tout vient de s’écrouler. Assister à ma propre chute sans me battre me semble logique, un juste châtiment, le prix à payer pour des années d’égoïsme, de boulot acharné, de course à la promotion, et tout cela aux dépens de ma vie amoureuse… Anéantie, je me traîne pitoyablement comme une âme en peine, abandonnant toute dignité. Qui s’en préoccupe maintenant ? C’est avant que j’aurais dû réagir, m’inquiéter ou sentir venir le danger, et tout faire pour que cela n’arrive jamais. Aujourd’hui, il est trop tard, j’ai tout perdu.


De la culpabilité, de l’amertume, du désespoir, c’est un mélange perfide de tout cela qui me laisse sans forces. Quel nom donner à ce trou béant qui vient de s’emparer de tout mon être ? Je ne sais pas, mais j’en connais le résultat final, une horrible vérité que je ne suis toujours pas prête à affronter. Je traverse le salon d’un pas chancelant, sur des jambes lourdes qui ont du mal à me guider, comme si elles appartenaient à quelqu’un d’autre. J’ai la désagréable impression d’être une marionnette manipulée par une volonté pleine de bonnes intentions mais manquant réellement d’expérience dans son art.


Je me fais violence pour sortir de cet état végétatif dans lequel je sombre lamentablement, fonçant sur ma télévision d’une démarche un peu plus assurée. Ma décision est prise. Je dois connaître la vérité, même si le mal est déjà fait. Le seul moyen d’en être sûre est de visionner ce foutu film. Là, j’en aurai enfin le cœur net, ce sera le triste dénouement d’une sombre histoire. Tant de folies qui me paraissent incompréhensibles, qui ont pris ici des proportions démesurées. C’est ce matin de fin d’été que tout s’achève, et l’appréhension de ce que je vais voir me fait encore hésiter. La vérité me flanque la frousse, je ne peux le nier, mais j’éprouve la sensation encore plus forte et plus insidieuse de satisfaire une curiosité presque malsaine.



J’évite le papier qui traîne à côté, ce message immonde qui vient de me frapper en pleine figure, il y a deux minutes :


Ta copine m’appartient, elle est à moi maintenant, et en voici la preuve. Signé, Laure.


Pour l’instant, je ne peux me résoudre à regarder l’écran. Je ferme les yeux, retiens mon souffle, rouvre les yeux en levant la tête. Je laisse échapper l’air de mes poumons, avec le sentiment de fondre sur place en affrontant les premières images. Ce n’est pas un caméscope numérique, la qualité s’en ressent péniblement. Une image affreuse, des couleurs qui bavent, avec des défauts de granulations et de contrastes dans les scènes sombres qui accentuent le côté glauque et réaliste du film amateur.


Je distingue un enchevêtrement de corps nus, de membres entrelacés, de seins et de pubis qui apparaissent dans un flou qui n’a rien d’artistique, et pendant un long moment il m’est impossible de reconnaître qui que ce soit. L’image tremblante se perd d’un coup vers le plafond, si haut qu’il en est invisible dans les ténèbres, puis redescend le long de pierres dures et lisses, couleur grenat, faiblement éclairées par quelques torches qui brûlent dans des niches creusées dans la paroi. Les murs sont à peine décorés de tissus perlés et de rares sculptures en cire, comme ces visages de femmes aux traits figés dans un masque de luxure, abaissant leurs regards torves vers le sol. Leurs têtes coupées sont inclinées dans un angle grotesque, qui ne les rend que plus sinistres.


De toute façon, tout semble lugubre et macabre, un décor gothique assez effrayant, renforcé par l’architecture imposante, écrasante même. Mais le décor me semble vite anodin lorsque l’image descend et se fixe sur une dizaine de lits immenses, recouverts de lin, posés dans le même alignement à distance égale. Le caméscope va rapidement de l’un à l’autre, comme cherchant quelqu’un, et ce à une telle vitesse que je ne distingue plus rien. Enfin, l’image s’arrête sur un lit et ne bouge plus. Un zoom plus précis se fixe sur les personnes qui s’y ébattent joyeusement dans une mélodie de soupirs extasiés.


La chevelure claire de Daphné étincelle un instant dans ce mélange de chairs impudiques, mais pas son visage qui reste enfoncé dans la fourche de cuisses féminines. Celle qui accueille tous ces éloges dans sa plus grande intimité, une belle femme à la longue chevelure rousse et flamboyante, jette de temps en temps des regards insolents à la caméra, comme prenant à témoin les futurs spectateurs ou spectatrices du plaisir qu’elle veut leur faire ainsi partager.


En voilà une qui passe du bon temps et qui ne fait rien pour s’en cacher. Le décor est maintenant planté. On est là en pleine soirée échangiste, dans un pseudo temple dédié aux plaisirs de la chair, pour de longues nuits de débauche. Ici, les clientes se livrent à toutes sortes de perversions, parodiant quelques cérémonies antiques et obscènes, au cours d’orgies interminables. Les grands lits occupés par des femmes qui gémissent et se tordent les unes sur les autres me donnent raison à cent pour cent. Mon cœur se serre d’angoisse lorsque l’image plonge soudainement au cœur même de l’action, où toutes ces peaux luisantes qui s’emmêlent me font penser à l’étreinte sinueuse des serpents, un fouillis à la fois immonde et voluptueux.


Imaginer Mélanie dedans me procure une excitation si vive et si inadmissible que je la chasse aussitôt. Honteuse, je m’accroche à l’espoir de ne pas l’y trouver, mais je n’y crois pas trop. À quoi bon alors ce message et cette cassette qui l’accompagnait ? L’attente me devient insupportable, et je ne peux m’empêcher pendant ce temps de laisser dériver mon esprit en arrière.


Au début, il n’y a que les ténèbres, puis la confusion, avec l’impression de vivre simultanément dans le passé et le présent. Quelques détails se gravent enfin avec une précision redoutable, revenant souvent à cette fois où l’on a croisé Laure dans le couloir de l’immeuble, alors qu’elle venait d’emménager. Elle nous a fait un effet immédiat, et apparemment beaucoup plus à Mélanie, ce que je n’aurais jamais soupçonné.


Laure est une femme qui impressionne, qui en jette, avec un look ravageur qui attire d’emblée les regards, dans le genre gothique, énigmatique et vénéneux. Souvent vêtue de cuir noir ou d’habits aussi sombres, elle dégage un sex-appeal et une sensualité débordante, avec un naturel désarmant. Son beau visage ajoute encore du charme, elle n’a rien à jeter : yeux noirs qui brûlent d’un feu intérieur, grande bouche pulpeuse, nez aquilin, maquillage ténébreux qui accentue son côté sombre et mystérieux. Sa beauté rebelle a réellement du piquant. Avec piercing et tatouage d’un ange sur l’épaule gauche, elle affiche un tempérament de femme libre et anticonformiste. Bref, tout le contraire de Mélanie, qui est plutôt classique, un peu BCBG, timide et discrète en toutes circonstances, et qui ne fera jamais rien pour se démarquer.


Contre toute attente, malgré leurs différences, le courant est très bien passé, un peu trop même… Et moi, stupide et aveugle, je n’ai rien vu, trop préoccupée par ce poste de rédactrice en chef que je souhaitais absolument obtenir, travaillant jour et nuit sans relâche, délaissant complètement ma petite chérie. Certes, notre vie amoureuse n’était déjà pas au beau fixe ces derniers temps, nous étions enlisées dans le triste refrain boulot dodo, mais comment faire autrement lorsque le couple travaille beaucoup trop chacune de son côté, avec très peu de temps libre et de loisirs ? Bon, je n’essaie pas de me trouver des circonstances atténuantes, cela n’excuse pas tout, mais une vie si active ne facilite pas l’intimité ou le dialogue.


J’aurais dû avoir la puce à l’oreille lorsque Mélanie s’est montrée plus indépendante, plus émancipée, subissant l’influence néfaste de la voisine, sans que je m’en rende compte réellement. Et, de même, j’aurais dû avoir plus tôt des soupçons sur les orientations sexuelles de Laure, qui ne recevait que des filles. On peut dire que ça défilait chez elle, des filles de tout genre et toutes nationalités, dont cette immense et sculpturale femme, Daphné, que je n’ai jamais aimée. Elle avait ce petit air moqueur et condescendant qui veut vous rabaisser, celle-là je ne pouvais pas l’encadrer ! Laure, elle, était plus avenante, même si elle me donnait l’impression de se forcer un peu, pour mieux me tromper sans doute, pour que je ne me braque pas contre elle et interdise catégoriquement à Mélanie de la voir.


J’aurais dû également deviner ses intentions rien qu’à sa façon de la regarder, comme si elle voulait la manger à la petite cuiller. Comme j’ai été stupide ! J’ai atteint le sommet de la bêtise humaine en laissant Mélanie seule durant toute une semaine. Je n’avais pas trop le choix, ce foutu séminaire à Toulon m’avait été imposé par le patron, mais j’aurais dû quand même refuser. L’abandonner si longtemps fut la plus grosse erreur de ma vie. Et j’avais tellement confiance, croyant en son amour indéfectible et absolu. Comme je fus naïve aussi ! C’est cette fameuse semaine qu’il s’est passé quelque chose, car elle fut ensuite différente. Oui, plus aucun doute, alors que j’y repense, le changement radical s’est opéré à ce moment-là. Depuis, elle se montre distante, absente, perdue dans ses rêves, délaissant le ménage et ses petites manies domestiques, fuyant ma présence le peu de fois où l’on se voit.


Je ne sais pas ce qui lui est arrivé mais je crois que je vais bientôt le savoir, et certainement le regretter. Je reporte mon attention sur la télé, me concentrant sur les images qui se font plus nettes, dans un plan plus général. Enfin, tout m’apparaît clairement. Aucune trace de Mélanie, et je me sens soulagée, avec l’infime espoir que je me suis inquiétée pour rien. Sur le lit, quatre femmes font l’amour, et il me semble reconnaître Daphné dont la peau claire contraste violemment avec celles de ses compagnes. Je ne connais pas les trois autres.


La scène est maintenant éclairée plus distinctement par un chandelier à sept branches, aux lueurs blafardes. Un mouvement brusque me signale qu’il va y avoir du changement. Les trois femmes inconnues basculent sur le côté, toujours étroitement enlacées, libérant ainsi Daphné qui en profite pour sortir du lit. Elle ondule, splendide dans sa nudité, et s’approche de Laure qui, la laissant venir à elle, s’étire avec une grâce féline tout en regardant fixement la personne qui filme, une autre femme sans aucun doute. Les yeux de Laure sont des fentes brûlantes, et c’est comme si elle me voyait à travers l’objectif.


Je repousse ce sentiment absurde. Étrangement, elle est habillée d’une combinaison de cuir noir qui la moule étroitement, avec un décolleté plongeant à donner le vertige, et malgré moi je dois reconnaître qu’elle n’a jamais été aussi sexy. Elle détourne les yeux, inspectant les lieux avant de diriger son regard dans la même direction que Daphné, droit devant. Cette dernière se passe souvent la langue sur les lèvres, avec des hochements de tête approbateurs. Je ne sais pas ce qu’elles lorgnent ainsi, mais cela a l’air de leur plaire drôlement. Elles se dirigent ensemble vers un escalier de pierre qui s’enfonce dans la pénombre. Le caméscope suit maladroitement leur progression, faisant en même temps un plan serré. Une magnifique silhouette, silencieuse et immobile, s’encadre dans le champ de vision. Je la reconnais tout de suite : Mélanie. Mon cœur ne fait qu’un bond.



Je sens monter en moi une panique irraisonnée. Évidemment, je m’en doutais, mais jusqu’au bout j’osais croire le contraire, avec l’entêtement de celle qui refuse la vérité. Cela risque de modifier à jamais ma façon de vivre, de m’obliger à réaliser que l’amour peut engendrer bien des folies et des aberrations, si loin de mes principes et de ce bon sens auquel j’ai toujours cru. Même si ce n’est que justice d’en faire cruellement les frais, j’aimerais avoir une deuxième chance, réparer mes erreurs, tout recommencer à zéro. J’ai envie de crier, de tout arrêter, d’avertir Mélanie, de la mettre en garde et de lui ordonner de s’enfuir le plus loin possible de cet endroit décadent où l’attendent les pires sévices. Je parviens à me maîtriser ; cette réaction est aussi puérile que stupide, je connais le résultat final et mon inquiétude n’y pourra rien changer.


Mélanie, comme inconsciente du danger qui la guette, ne bouge toujours pas. Sa présence a quelque chose d’irréel, de choquant. Elle n’est pas à sa place, elle paraît si fragile, si innocente. Sa beauté ingénue illumine à elle seule la vaste pièce, et même l’image granuleuse de la vidéo qui se fige sur elle ne peut l’enlaidir. Elle est tout de blanc vêtue, un chemisier à moitié déboutonné laisse entrevoir sa gorge délicate, et Laure entreprend d’ouvrir davantage ce chemisier. Mélanie est figée, la respiration haletante, se laissant faire mais crispant tout de même ses mains sur son pantalon alors que celui-ci glisse à ses pieds. Elle ne réussit qu’à retenir son slip qui commençait à descendre avec. Elle s’y accroche faiblement, poussant un petit râle de protestation.


Laure abandonne provisoirement, soupesant les seins de Mélanie par-dessus le chemisier. Elle tente même de glisser ses doigts dessous, mais son geste est retenu – à mon grand soulagement – par ma petite chérie qui lui bloque le poignet. Laure n’insiste pas, enlacée par Daphné qui se colle dans son dos, lui caresse les bras, comme pour lui communiquer son excitation, une excitation qui n’a fait que croître en assistant à ce délicieux spectacle. Maintenant, elles la dévorent du regard, comme deux lionnes se délectant à l’avance d’un mets de choix dont elles vont profiter savamment. Mélanie en reste pétrifiée.


Elle est maintenant juste vêtue de son petit slip en soie, de couleur blanche, et je devine dessous l’ombre du pubis qui se dessine. Je me surprends encore à admirer la délicatesse de sa gorge offerte, la douceur satinée de ses épaules nues, la finesse de sa taille élancée, le galbe parfait de ses petits seins. Comme elle est belle et désirable ! Mélanie, Mélanie… Mon seul et unique amour, la femme de mes rêves, mon ange… Déjà cinq ans que l’on vit ensemble, et j’ai tout gâché en croyant stupidement que notre bonheur nous était acquis pour l’éternité.


En si peu de temps je l’ai perdue alors qu’il m’a fallu plusieurs mois pour la conquérir. Depuis notre rencontre à la piscine municipale, il y a six ans, elle m’obsédait jour et nuit, occupant mes pensées avant que j’aie le courage de l’aborder. Chaque mercredi, je restais stupide et paralysée, bouche béante, observant en silence cette jeune femme d’une étonnante beauté qui représentait à mes yeux la grâce la plus émouvante qu’il m’eût jamais été donné de voir, et la tête me tournait à force de la contempler. Oui, son souvenir m’avait réellement hantée, me réduisant à l’état d’amoureuse transie. Et plus j’attendais, plus il m’était difficile de l’approcher. Enfin, je fis le premier pas. Maladroitement, je le reconnais, bafouillant et oubliant la phrase que je pensais spirituelle et que j’avais longuement répétée, mais cela eut au moins le mérite de l’amuser, ce qui me sauva du désastre…


On devint amies. Pour attirer son attention, il fallait la faire rire et la surprendre. Mélanie avait fui sa province avec précipitation. Elle étouffait dans un contexte familial ringard et étriqué qui se complaisait dans les conventions petites bourgeoises de bas étage, et c’est ainsi qu’elle décida d’affronter seule le monde du travail alors que ses études étaient inachevées. La destination la plus proche et la plus excitante était évidemment Marseille, où elle trouva vite un emploi de secrétaire médicale. Elle occupait en location un studio bien trop cher et ses soucis financiers devinrent pour moi une aubaine car je lui proposai vite de cohabiter dans un appartement bien plus grand et bien plus luxueux.


Là, je pensais que les choses seraient plus faciles pour lui dévoiler mes sentiments, mais je me trompais. En effet, il me fallut six mois pour lui faire comprendre que j’attendais plus qu’une simple amitié. D’un naturel timide et réservé, elle était de surcroît naïve, ne voyant le mal nulle part – mais peut-on parler de mal lorsqu’une femme se sent attirée par une autre femme ? – et elle était donc longue à la détente. Ma première tentative se solda par un échec cuisant, j’eus l’impression que le ciel me tombait dessus et que ma vie s’arrêtait là, brutalement, parce qu’elle ne valait pas d’être vécue sans elle.


Mélanie était hétéro, ce dont je me doutais, mais il n’est jamais trop tard pour comprendre ses erreurs, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis… Elle se révéla donc particulièrement avisée, après trois mois de confusion et de malaise, quand elle se laissa faire lorsque je pris l’initiative de venir la rejoindre au lit. On passa la nuit ensemble, sans faire l’amour, juste blotties dans les bras l’une de l’autre, cherchant chaleur et réconfort, un ineffable besoin de tendresse et de bien-être. Pour manifester mon amour, je crois aux relations platoniques, au respect et à la noblesse d’esprit, à la complicité féminine qui peut s’instaurer sans être obligatoirement démontrée par le sexe. On peut être bien ensemble sans se sentir obligées de coucher le plus souvent possible.


Issue d’une famille très catholique, j’ai reçu une éducation stricte et austère et, sans approuver tout ce que l’on m’a enseigné, j’en garde des traces profondes qui continuent d’influencer de façon manifeste mon quotidien. Ainsi, après cette nuit magique, ce souvenir me transporta d’un tel bonheur et d’une telle félicité que j’en vins à retourner à l’église pour prier et chanter des louanges. J’étais une femme heureuse et comblée. Le PACS fut par la suite la concrétisation de notre bonheur. Du moins c’est ce que je pensais…


Ce qui aurait dû m’alerter déjà et qui ternissait un peu notre équilibre, c’est cette incompréhension sexuelle. Mélanie, malgré son jeune âge, était possédée d’un feu intérieur qui dénotait une volupté précoce et une curiosité que j’étais incapable de satisfaire ou d’assouvir. Lorsque nous faisions l’amour, une fois par semaine en moyenne, pas plus parce que je n’en ressentais ni l’envie ni le besoin - cela n’entrait vraiment pas dans mes priorités – il y avait en elle une passion et un appétit déroutants. C’était toujours elle qui sollicitait les relations sexuelles, j’y répondais de temps à autre avec plaisir, mais aussi souvent par obligation, un peu comme ces femmes hétérosexuelles qui se plient aux corvées conjugales pour avoir la paix. Et là, lorsque Mélanie m’en demandait un peu trop, cherchant à m’entraîner dans des ébats trop intenses et prolongés, j’y mettais fin un peu hâtivement, tempérant vite ses ardeurs et l’obligeant à adopter une attitude plus sage.


Elle était mon ange, pure et innocente, correspondant à cet idéal féminin que je ne voulais pour rien au monde souiller. Je ne voulais pas la voir autrement, fermant les yeux sur ce qu’elle pouvait être si je cédais à ses envies. Maintenant, je regrette d’être restée hermétique dans ce domaine, c’est sans doute pour cette raison que je viens de la perdre. C’est une jeune femme si jolie, si rayonnante de joie et d’innocence qu’elle illumine chacun des endroits dans lesquels elle se rend, attirant le regard admiratif ou concupiscent des hommes et, plus grave, celui des femmes. Il y avait donc danger à la délaisser, je le réalise trop tard en regardant avec horreur les deux femmes qui s’approchent d’elle, gagnées par un trouble si flagrant et si palpable que je le sens comme si l’air était chargé d’électricité.


Laure semble fiévreuse et impatiente, elle se colle au plus près de Mélanie, caressant son visage de poupée avec des gestes nerveux.



Je crains que Mélanie éclate en sanglots, comme bouleversée par ce compliment. Laure profite de son avantage. Elle dépose ses mains sur les épaules nues de Mélanie qui ne bouge toujours pas, toute raide. Ses bras pendent sur ses flancs comme ceux d’une poupée de chiffon alors que Laure referme sa main droite sur l’un de ses seins, frôlant de sa paume l’extrémité du mamelon. Mélanie réagit brusquement, secouée de frissons voluptueux alors que le bout de ses seins se durcit et augmente de volume, comme à vif. Elle se mord les lèvres, comme prise en faute, totalement déstabilisée. Elle ne s’attendait pas du tout à ce que son corps réagisse de cette façon. Mais sa réaction involontaire n’a pas échappé à Laure qui sourit victorieusement. Elle renouvelle l’expérience, pinçant les bouts durcis des deux mains, les malaxant, tantôt avec douceur tantôt avec brusquerie, selon les exclamations stupéfaites qu’elle provoque.


Quand elle se penche pour mordre la pointe d’un sein avec une tendre sauvagerie, Mélanie ne peut retenir un cri. Elle tremble nerveusement, comme si les ondes de plaisir qui irradient de son mamelon se répandaient à travers tout son corps sans qu’elle puisse les contenir. Pour y échapper, elle tente de s’écarter, mais Laure la retient avec une légère pression des dents. Puis elle la libère pour mieux laisser sa bouche vagabonder sur toute sa poitrine, pétrissant et pinçant la chair de tendres morsures, mouillant et léchant la peau de coups de langue vifs et tenaces. Elle remonte le visage, cherchant maintenant la bouche.