n° 11950 | Fiche technique | 10903 caractères | 10903 1955 Temps de lecture estimé : 8 mn |
12/11/07 |
Résumé: That was not the End. | ||||
Critères: #revebebe #nonérotique #policier #fantastique | ||||
Auteur : Pattie (Délires d'initiés) Envoi mini-message |
Épisode précédent | Série : La traque Chapitre 06 / 08 | Épisode suivant |
De toute façon, tout va toujours plus vite que prévu. Ou plus lentement. Différemment, en tout cas. Il vaut mieux ne rien prévoir. Je l’avais bien dit. Mais Forman est tellement carré… Pas le genre à tenter une petite improvisation. Lui, il lui faut un plan. Ah ! il a été bien attrapé, quand je lui ai signalé au téléphone que Revebebe lui avait flingué sa taupe. Il a eu le culot de dire que si j’avais identifié l’espion comme étant le vrai Gufti, on l’aurait pas perdu. Mais j’ai bien senti qu’il était vexé. Enfin, ça l’a pas empêché de nous sortir un autre plan. Je crois que Forman doit faire un plan même quand il va acheter des pâtes au supermarché. Et là, son plan, c’était que j’implante une puce à Gufti en lui suggérant fortement d’aller se livrer à la PAV.
Il faut reconnaître que c’était pas un mauvais plan – dans la mesure où on oublie que faire un plan est une mauvaise idée en soi. Ça marche un peu comme l’hypnose. Au bout d’une semaine, le sujet exécute l’ordre sans la moindre hésitation. Ou bien il devient fou, c’est selon. Très expérimental, comme puce. J’avais longuement hésité, parce que je l’aime bien, moi, Gufti. Mais les ordres sont les ordres. Je n’avais pas trop le choix, j’avais un mois pour qu’enfin la PAV cesse de me surveiller.
Pas un mauvais plan, donc. Il faut reconnaître que ça avait marché du tonnerre. Mais avec quelques imprévus, toutefois. Une semaine d’avance sur le plan, déjà… Et puis les grenades, aussi, c’était pas prévu.
Faut jamais faire de plan.
Enfin, heureusement que j’ai improvisé. J’ai embobiné les autres avec une histoire de planque grillée.
Je les laissai s’imprégner de cette idée.
Ben, c’est-à-dire que… ça m’aurait bien rendu service, qu’on laisse les archives… Comme ça mes petits copains de la PAV auraient pu les ramasser en même temps qu’ils prenaient possession de la Salle des Origines de Revebebe, et il n’y aurait pas eu de risque qu’on les perde en route ! Bon, impossible à expliquer aux autres, ça. Ils n’auraient pas compris. Enfin, si, ils auraient compris, mais ça aurait senti le cramé pour moi, du coup.
On est donc allé chercher les archives. Phil les a mises dans sa poche.
Nous marchâmes en silence.
Personne ne répondit. Phil secoua la tête en enfonçant les mains dans ses poches.
J’avais bien insisté sur ce point : il fallait attendre la nuit. Forman, lui, il aurait voulu prendre livraison de mes colis le plus tôt possible. Sauf que je connaissais bien l’organisation Revebebe, depuis le temps que j’y étais ! Et il valait mieux que personne ne me voit en train de livrer les membres que j’avais pu trouver. J’avais bien eu le temps de voir comment ils traitaient les traîtres. Ça ne me tentait pas. Il y avait un seul moyen que je sorte de ce cauchemar, je tenais à le saisir. Plus qu’un mois à tenir…
« Chez Cath » était ouvert jour et nuit. La PAV ne venait jamais y fourrer son nez. Vu la clientèle, Forman et ses petits copains préféraient ne pas s’en approcher. La seule zone de non-droit du pays. Il fut un temps où l’organisation de Revebebe avait tenté d’y établir ses quartiers. Catherine était ravi de leur offrir l’hospitalité. Mais après moins d’une semaine et la mort de trois hommes et deux femmes, ils avaient finalement décidé que la PAV était moins dangereuse que certains alliés.
Il fallait crier : trop de musique, trop de bruit. Il y avait foule, ce soir, comme tous les autres soirs. Quand on est une zone de non-droit, dans un pays de trop-de-devoirs, ça attire.
Nous attendîmes les banquises sans un mot. On était un peu sonné par le brouhaha, après tant de jours de silence et de chuchotements, de bruits feutrés et de secrets.
Stan vint nous apporter nos commandes. Phil se pencha vers lui et hurla, le plus discrètement possible :
Stan se moqua gentiment.
Phil baissa la tête. Ça m’avait toujours fascinée, l’aptitude des hommes à chercher les ennuis.
Il se tourna vers Stan.
Stan éclata de rire.
Les deux types qui nous servirent de gardes du corps avaient l’air normaux. Enfin, sauf celui qui s’est gratté le sourcil avec un tentacule. Ils nous accompagnèrent jusqu’à une chambre, ouvrirent la porte, et celui qui n’avait pas de tentacule expliqua :
Celui au tentacule rigola.
Nous entrâmes dans la chambre. Un lit, un fauteuil, une table, une chaise. On s’est vautré, un peu partout. D’ici, on n’entendait presque plus la musique. De temps en temps un peu de bruit. Du verre cassé, des grognements. Et puis le grincement du lit de la chambre d’à côté.
Petit à petit, la conversation prit le pas sur le silence. J’en profitais. C’était la dernière fois. Cette nuit, je passais officiellement de l’autre côté. Cette nuit, ils ne seraient plus résistants mais prisonniers. Demain, peut-être, morts. Ils allaient me manquer. Mais je n’avais pas trop le choix.
Il y eut un silence. Phil me regarda. Lui, il s’était étalé longuement sur les libertés individuelles. Ah ! les andouilles ! Ça ne leur suffisait pas, ma réponse. J’oubliais qu’entre « frères d’armes », on devait se confier. Je n’en avais pas très envie. J’avais passé de très bons moments avec eux. Avant toute cette histoire de police virtuelle. Et même après, quand la PAV m’avait obligée à m’infiltrer. Avant ce soir, quoi. Avant que je me rende compte que ce n’était pas seulement des mots. Que j’allais vraiment devoir les livrer. Ça ne me faisait pas le même effet que pour Gufti Shank. Lui, je savais qu’il était bien trop précieux, pour Forman. Gufti is the Key. Toute la PAV le savait. Le seul à avoir pénétré l’antre du mal et à savoir, pour Catalina… Là, il était certainement détenu dans les sous-sols de la PAV, Forman testait probablement sur lui une de ces puces expérimentales pour lui faire dire ce qu’il savait, mais il ne prendrait pas le risque de le tuer. Alors que Favasso, Phil, Julien… À peine attrapés, ils seraient interrogés puis éliminés.
Favasso me sourit, en mettant une main sur mon épaule.
Je lui jetai un regard de reconnaissance. Et mes yeux s’emplirent de larmes.
Je n’avais pas le choix. Ils voulaient tous lutter pour sortir de ce cauchemar. Moi, je pouvais en sortir. Dans un mois, ce serait Noël. Le Père Noël reviendrait. Il m’emmènerait. Ou bien les hommes en blanc, si tout ça n’était qu’un rêve – mais j’avais encore le goût de la peinture noire sur mes lèvres. Forman avait promis de me laisser tranquille la nuit de Noël. Il ne croyait pas une seconde à mon Père Noël, mais il avait promis, à condition que je m’infiltre dans l’organisation et que je lui livre tout ce que je pouvais lui livrer. Gufti Shank, tout le noyau, Revebebe lui-même, la cave où était né le site, dans les temps anciens… Et demain, ces trois-là, avec les archives. J’avais rempli ma part du contrat. J’avais droit à ma nuit sans surveillance, où le Père Noël, qui ne se montre jamais en présence d’une personne éveillée, pourrait enfin venir me chercher. Le Pôle Nord, ce serait parfait comme exil. Le froid, ça doit paralyser le remords.
Merci à Catherine de m’avoir laissée jouer avec ses personnages. (Relire les numéros 5046, 5154, 5470… et les autres !)
Thanx to Gufti (Flemmard Hors Catégorie).