Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 11993Fiche technique35089 caractères35089
Temps de lecture estimé : 20 mn
23/11/07
corrigé 31/05/21
Résumé:  Une femme en quitte une autre, qui en retrouve une autre, qui en retrouve une autre.
Critères:  ff fplusag voyage voiture autostop train vengeance dispute nopéné init portrait -initff -occasion
Auteur : Ortrud  (Dame relativement âgée)      Envoi mini-message
La libertine



Les deux femmes se faisaient face, tendues, avec cet air d’affection qu’empruntent les vrais antagonismes, ce sourire qui ne révèle que les dents. Pour mieux mordre.



La tonalité monte, va crescendo de sweet whispering à fortissimo. La cadence s’accélère et les cheveux s’agitent en faisant des vagues rousses.



La parole devient sifflement, récupérant dans sa modulation venimeuse toutes les petites rancœurs des matins gluants, la présence obligatoire de ce corps tout nu qui réclame, la nécessité d’aller à la fontaine intime, les efforts consentis, et aujourd’hui insupportables, pour les jours difficiles et néanmoins exigeants.


Les odeurs se repoussent et on évoque, avant de les dire, mais le fera-t-on, les petits haut-le-cœur des écouvillons d’oreille, des cheveux sur la brosse ou de la culotte abandonnée sur le bord du lavabo. Elles se voient tout à coup telles qu’elles sont, achetant du papier toilette ou enrhumées. Elles passent de la publicité pour cosmétique à la réalité du tampon périodique.



Il n’est jamais bon de faire sa valise en étant en colère. On a du mal à plier son linge, à se souvenir des pots de crème et à qui appartient le sèche-cheveux. Mariées, pacsées, unies librement, le départ sera toujours un moment de perplexité.



Une porte qui se referme, fermement fermée d’une main ferme comme on enferme l’enfermement dans son passé, une voiture qui démarre un peu vite, et Madame se retrouve là, entre rire et colère, les mains au début d’un geste qui aurait été celui de l’indulgence quand elles se tendent en se retournant, les paumes vers le haut, laissant apparaître la pulpe et non les ongles.


Certes, il va falloir évacuer la présence de Mademoiselle, son parfum, son odeur, ses petits slips et ses chemisiers, ne pas oublier la robe dite « de soirée », ah et puis, son manteau, mais il y en a pour des heures à tout emballer. La fin de ce déménagement sans meubles meublants sera laborieuse, surtout quand on en sera aux épingles à cheveux et à la boîte d’ovules.


Madame sent une émotion la traverser, vite chassée, ce n’est pas le moment encore de penser. Bientôt, il faudra faire revivre le doux ventre rond de Mademoiselle, sa poitrine longue et ce si joli duvet qui garnit son sexe et ses aisselles.


Cette nuit encore, malgré les piaillements annonciateurs de la migration, elles se sont affrontées au déduit. Sur la langue, malgré le thé du matin, elle a encore la saveur de ce petit abricot qui savait si bien s’ouvrir pour dire « viens » et de ce geste charmant qu’elle a pour lui prendre la tête et la caresser en la maintenant entre les jambes.


Oui, elle faisait ça très bien, elle ne se serait jamais déshabillée sans jeter un regard par-dessus son épaule, pour dire avec les yeux avant le corps qu’elle allait être nue bientôt.


Ce n’est pas une raison pour mettre à sac un projet, sans aucune raison ; c’est charmant, l’Italie. D’ailleurs, avant de faire les bagages de Mademoiselle, Madame va finir les siens, ils sentent déjà le départ, les bijoux étrusques, les fresques du Tiepolo et la côte amalfitaine. Quelle sotte, je lui aurais fait connaître des comtesses, authentiques. On aurait dormi à Vicenza, aux Due Mori puis on serait descendues dans le tacco, tout au long de l’Adriatique.


C’est délicieux de jouer en Italie. Très peu d’État, la vie à la fois sauvage et civilisée. Qu’elle était charmante cette comtesse, pauvre, mélancolique qui savait si bien renverser le buste en arrière pour dire qu’elle était prête à tous les outrages, pourvu qu’ils soient féminins. Mais il est indéniable que Mademoiselle avait quelque chose de la Comtesse, la façon de se donner sans se vendre.


Il faudra penser à emporter les livres d’histoire, surtout Venise et Napoléon, puis non, le séjour à Venise n’est pas utile, il faudrait pour cela être amoureuse – oh là là, ses seins, comme ils étaient tendres à croquer tout en passant une main légère entre ses jambes pour sentir le relief de ses fesses et mine de rien, pointer un index qui laissait présager d’autres pénétrations…


oooOOOooo


Mademoiselle peste (verbe ou substantif adjectivé ?), se venge sur sa petite auto, comme on le fait quand on est ardente et fâchée.


Tout d’un coup, son emportement lui paraît factice ; prétexte ? Quel autre sens donner à cette foucade de refuser de partir en Italie parce qu’elle aurait voulu répondre à une invitation pour une fin de semaine « grillades ». Sans doute la lassitude du couple et la vigoureuse revendication de la jeunesse.


Il faut maintenant être cohérente ; il faut aller à la cochonnaille, côte d’agneau, brochette-merguez-taboulé-partie. Même seule, en ayant sans doute un peu de mal à se justifier. Madame soigne sa maladie intello, oui, ça peut passer.


Mademoiselle sourit, la nuit a été belle, Madame a été très bonne, elle a usé de toute sa science, oh ce petit bout de langue pointue qui sait se fourrer partout, même… enfin… oui, là, mais comment fait-elle pour aller si loin ? Il faut reconnaître qu’elle est bien faite, et qu’elle sait se rendre attrayante, ah ses doigts, sa façon de frôler la peau, jusqu’à en sentir le frémissement, son habileté à préparer l’exigence, en faisant que le bassin vienne au-devant des désirs et reçoive dans sa coupe secrète les dilatations les plus diverses. L’audace, dans ce domaine, c’est presque le quotidien. Elle a tout fait accueillir à ce jeune ventre, depuis les doigts subtils jusqu’aux plus grossiers jouets de latex. Elle ne recule devant rien. En disant recule, Mademoiselle pense surtout à « cule », elle sent toute l’incongruité et le pouvoir de cette sotte aphérèse. Tout ce qui peut faire penser au corps la tarabuste, presque elle aurait chargé cette grosse fille aux cuisses de leveur de fonte avec son sac à dos, qui a agité la main sur le bord de la route, rien que pour conjurer l‘image tanagra de Madame.


Elle rit.


Non, cette « gonzesse » doit avoir une culotte en coton qui sent la transpiration et la toilette sommaire. Et en plus, elle cachait peut-être un bouc dans le fossé qui se serait montré au dernier moment, avec l’inévitable barbichette et la chemise à carreaux. Et ils auraient fait des plaisanteries idiotes en se vantant de leurs voyages imaginés ou projetés. Foutus d’aller à Katmandou, ces débiles. Pas possible d’être aussi bêtes. Ils ont voté pour qui ? Arlette, c’est sûr.


Ce débridage des idées la met en joie, elle envoie valser Chopin, roussir Vivaldi, et périr d’ennui Wagner. Ces expos ! Madame, ne tenant plus, trépignant comme une fillette pour aller béer chez De Staël ou Mondrian quand ce n’était pas, comment déjà ? Poulet, non, merde, ah oui, Poussin.


Tout ça passe très vite dans une tête folle et on voit encore dans le rétroviseur le geste un peu désespéré mais amical de la grosse fille au sac à dos qui, apparemment, continue de marcher, seule. Un bon mouvement en entraîne un autre et les deux mobiles vont à la rencontre l’un de l’autre, celui d’acier en reculant, celui de toile et de chair en trottinant.


C’est vraiment une grosse fille, avec un sourire de chef scout. Elle trouve que c’est « chic » de s’arrêter et s’inquiète du dérangement. Elle va jusqu’en Avignon, si c’est possible, mais partout avant ça sera aussi bien parce qu’elle est fatiguée et que si elle marche seule c’est qu’elle va rejoindre un groupe de copains qui n’a pas pu l’attendre au départ, elle avait du travail à la clinique, avec l’été, et puis, elle a dû refuser des hommes seuls qui l’auraient bien prise à bord, mais on sait jamais, vous comprenez ?


Mademoiselle s’en fout.


Elle aimerait, rien que pour voir, envoyer sa main entre les jambes de cette chair pas canon. Dans son cerveau compliqué germe cette idée que, si elle pouvait se taper cette nana grassouillette, elle retournerait chez Madame en demandant pardon puis l’embrasserait avec, sur les lèvres et sur les doigts l’odeur de l’autre. Rien que pour l’humilier puis s’enfuir pour de bon en éclatant de rire.


Nadine est sereine, elle peut laisser aller son corps, muscles au repos, elle n’est pas fille, elle est chair lasse, depuis les trois jours qu’elle force ses jambes, par défi, par provocation aussi. Se forcer à rattraper les autres, ce n‘était pas nécessaire, elle aurait pu prendre le train, mais elle jubile d’être meilleure que les autres, d’être admirée pour son effort.


Elle n’a d’ailleurs pas demandé à cette voiture de s’arrêter, juste, elle a fait un signe, comme ça, parce qu’une jolie fille qui conduit c’est toujours agréable à regarder. Mais elle a accepté de tricher un peu, par égard pour ses propres pieds.



Silence, le temps de se déchausser.



Nadine se tasse un peu, son esprit se brouille, l’allusion est claire, le geste est possible, le fantasme prend corps, le retrait se dilue. Elle sait ce qu’elle est, une fille, ni moche ni belle, treize à la douzaine, elle connaît la résignation après l’aventure manquée avec un collègue, les bafouillis, les promesses et les plaisirs moyens.



Mademoiselle a parlé sans réfléchir, spontanément, mais elle sait que cette idée elle la doit à Madame. Nadine l’a ressentie comme un cadeau. Elle n’a jamais eu d’idée sur les femmes, sauf par comparaison, et personne ne lui a jamais dit une chose aussi sensible. Cette jolie fille n’est pas une concurrente, elle est une semblable, mais pour ça, il faut être nues. Elle sent la main sur sa cuisse, qui tapote, puis s’arrête et glisse, de haut en bas, de bas en haut, accompagnant des mots rassurants.



Mademoiselle ricane encore un peu, tout en sentant son manège tourner de plus en plus.


« Il ne faudrait pas faire trop de chemin, sinon, Madame sera partie avant que je revienne, oh puis flûte, on verra bien. »

Et les mots de se former, et les doigts de se décrisper. Nadine est presque tremblante.



Mademoiselle est mouchée. Quelques kilomètres défilent en silence, de ces moments que seule une petite voix timide pourrait interrompre, du moins dans la quasi-totalité des cas recensés à ce jour.



Dans le même temps, Nadine se rend compte qu’elle est atteinte par quelque chose d’inconnu, la découverte d’un continent ; elle se fait draguer par une nana, ce qui veut dire qu’il n’y a pas d’obstacle physique entre elles, sauf la répulsion qu’elle aurait pu éprouver et qu’elle ne parvient pas à déceler dans ses sensations.


Sans doute, ce serait différent si la voiture était à l’arrêt, avec un risque immédiat de passage à l’acte : elle refuserait, mais là, sauf ce furtif effleurement de son pantalon de toile et ce regard répété, rapide, malicieux, il n’y a rien de condamnable. Elle n’arrive pas à démêler la crainte de ce qu’il faut bien appeler la tentation. Elle n’a pas eu besoin de corriger les défauts de la nature, de soigner sa tenue ; elle est si démunie dans son armure de randonneuse qui double son armure morale. Elle aurait dû normalement, exiger qu’on s’arrêtât, et sortir, l’air farouche, empoigner… oui mais elle ne l’a pas fait et convient qu’elle serait mal venue de le faire maintenant. Comment peut-on recevoir une invite aussi claire de quelqu’un qu’on ne connaît pas, quand on est attifée comme l’as de pique. Sans doute à cause de cette petite phrase sur les doubles, le mimétisme…


Elle ne compte pas le temps depuis lequel son corps n’a plus frémi, c’est une comptabilité de roman. Elle sait seulement qu’elle n’y pensait plus et que, là, quelque chose s‘est éveillé, volens nolens, elle est soucieuse de son état intime, curieuse et effarouchée sans qu’une seule seconde elle se soit posée la question de savoir si cette fille lui plaît. Alors, pour la première fois, elle tourne la tête vers elle.


oooOOOooo


Madame palpite en bouclant sa valise trolley. Plus un sac pour les nuits en transit, le vanity, les lunettes noires, l’assurance, tout est là. Soudain, la fébrilité la prend ; elle renverra les affaires de Mademoiselle au retour, vite, s’éloigner, retrouver l’autoroute rassurante d’anonymat féroce et métallique pour pouvoir regarder droit devant soi, manger des repas sans intérêt servis par des esclaves consentantes. Elle ne saisit plus le sens de cette déroute intellectuelle, regret ou violence ? Au dernier moment, elle sent le danger de son exaltation qui résonne jusque dans son intimité. Appuyée contre un mur, elle fléchit les jambes, porte la main à son ventre dont elle apaise rapidement l’humidité par une secousse sans plaisir. Changement de programme, le TGV pour Paris, puis le train de nuit, wagon-lit, Venise, arrêt à Vicenza, vite un taxi, elle ne sera plus traçable.


oooOOOooo


Nadine regarde ce profil. Mademoiselle a le visage lisse et fait des grimaces comiques en plissant le nez. Après tout, pourquoi ne pas se laisser aller ? C’est sordide, dans une voiture, mais elle ne court aucun danger, personne ne le saura et elle n’est pas obligée de rendre ce qu’on lui fera. Il n’y a pas de contrat dans une pulsion, et cette fille est jolie, elle n’a pas l’air d’une… d’une… d’une gouine.


La voiture roule doucement sur le bas-côté, emprunte un chemin entre les pins, s’arrête dans un bosquet. Nadine se tasse, fantasmant que c’est un garçon qui est en face d’elle, oui, sans doute, ça arrive qu’on se plaise et qu’on se laisse aller, alors, une fille, après tout, c’est possible, la poésie romantique de Liane de Pougy c’est bon pour les cocottes, pas pour les filles qui marchent sac au dos. Elle laisse Mademoiselle s’approcher, crispée, elle sent des lèvres sur les siennes, glisser lentement sur sa joue, venir mordiller son oreille pendant que des mains s’arrondissent sur ses épaules ; oh que ça se passe et que le souvenir reste comme une carte postale, rien de plus.


Elle devine maintenant, elle peut anticiper les gestes auxquels elle s’identifie, le double, c’est ça, les seins, donc tout va arriver. Une voix imperceptible souffle « Ouvre les yeux » et son regard se perd dans cette crinière rousse qui croule de chaque côté de son visage. « Touche-moi, mets tes mains sur moi », elle les plaque sans grâce sur la taille, pendant que son dos est griffé :



L’ivresse la gagne, la confusion des genres, pendant que la petite dentelle aboutit dans sa main, une main s’est emparée de son ventre, rapidement, on aurait pu imaginer une gradation très lente, mais ni l’une ni l’autre n’a le temps. Chacune a une envie à épancher, la traduit dans le sexe de l’autre. Elles se contentent de se toucher le pipi, comme des lycéennes attardées, fébriles. Nadine sent cette chose étrange, un doigt qui écarte ses lèvres intimes, qui glisse le long de chairs qu’elle devine humides, qui trouve avec une habileté confondante le bourgeon du clitoris, l’effleure, le fait vibrer, la fait vibrer, se positionne à l’entrée du vagin en explorant juste le vestibule, puis se fait accompagner d’un deuxième doigt qui rentre en crochet et va chercher cette zone mythique et bien réelle qui lui fait ouvrir grand les jambes, jusqu’à ce que Mademoiselle plonge entre les cuisses, se soude à la vulve, se gorge de cette odeur de femme grasse et transpirante, s’en macule le visage en le frottant de haut en bas, s’en sature jusqu’à ce qu’un cri libère sa proie qui lui fait pleuvoir dessus la preuve de son plaisir.


Mademoiselle n’a pas besoin de plaisir, elle joue la satisfaction vaniteuse – « C’était bon, très-très ? » – sans avoir de réponse articulée. Nadine ne peut qu’approuver en silence, elle est trempée, respire rapidement, n’ose pas sourire, sent encore son ventre agité de vagues mourantes et laisse s’écouler d’elle ce qui l’a désignée à la malice de Mademoiselle.



Elle ouvre ses jambes, montre sa fente, en y portant deux doigts qui révèlent sa chair intime comme ils ont révélé celle de Nadine qui regarde, complètement en déroute. D’un coup, elle sent cette odeur de femme chaude, comme un aphrodisiaque, elle se rend compte de sa défaite et de sa satisfaction. Presque en hésitant, elle avance la main, la pose sur la cuisse de Mademoiselle et la trouve douce, plus que ce qu’elle a connu, plus que sa propre chair, et repassant sa main au même endroit, elle agrandit le domaine de son contact jusqu’à frôler la petite toison, puis la chair tendre.


Mademoiselle bécote dans le vide, dit des petites choses insignifiantes et décisives. Nadine ferme les yeux et franchit le millimètre décisif en portant ses doigts sur le sexe de sa compagne. Oh, toucher un sexe de femme, elle ne l’aurait jamais imaginé comme ça, la chair cède sous le doigt, pas de dureté, pas d’angles vifs, seulement, cette humidité grasse et odorante. Elle ne sait pas s’y prendre et caresse un peu au hasard, surprise de découvrir le dessin des nymphes leur élasticité, et l’entrée du chemin du plaisir. Elle est surprise de ne sentir qu’une toute petite éminence à la place du clitoris, le cherche presque, et ne comprend qu’elle est au but qu’en sentant une contraction de sa partenaire.



Elle suit les instructions dites à mi-voix. N’arrive pas à comprendre que ce sont ses doigts qui disparaissent dans le sexe de Mademoiselle, puis réapparaissent dans une alternance qu’elle ne se souvient pas avoir créée. Elle branle une fille, elle la baise.


Des petits bruits liquides achèvent de la fasciner. Ses doigts libres sentent la fente des fesses et se posent sur une ouverture défendue. Elle laisse faire et se prend à vouloir faire jouir. Alors, elle se laisse choir sur le plancher et remonte son visage vers le sexe toujours investi, où ses doigts cèdent la place à sa bouche pendant qu’ils s’insèrent entre les fesses pour chatouiller la rosette soudain autorisée.


Mademoiselle est sur le point de perdre son contrôle ; cette fille, qui devait être l’exutoire de sa colère devient une redoutable amante. Elle se laisse aller pour sentir monter les spasmes, modestes, qui la secouent. Un plaisir de rencontre, un déjeuner de soleil.



Nadine est déjà dehors, à remonter sa culotte, reboucler son pantalon et prendre son sac, tout en vacillant. Elle a tiré un coup, avec une fille. « C’est fini, laisse-moi ».


oooOOOooo


Madame a du retard, elle presse l’allure. Madame descend de son taxi, paie, passe au guichet retirer sa réservation téléphonique, s’engouffre dans le TGV.


À Paris-Lyon, elle ne fait que changer de quai, elle monte in extremis dans le rapide un peu antique, maintenant, et soupire d’aise dans le compartiment que lui désigne l’employé.


oooOOOooo


Mademoiselle pile devant la maison, la voiture est dans le jardin, donc Madame est encore là, elle sonne, re-sonne, sonne encore, les volets sont fermés, le portail verrouillé. Elle est partie où, cette vieille vache ? Qu’est ce que je fais, je l’attends ? Et mes affaires ? Zut, la nana, elle a gardé ma culotte, elle m’a pissé son plaisir dessus et ça sert à rien. Bon, reste plus qu’à rentrer chez papa-maman


oooOOOooo


Nadine marche encore un peu, rêvasse et décide de s’arrêter pour dormir dans un petit hôtel sans luxe. Elle occupe une chambrette et sourit en se déshabillant, après tout c’était un bon moment, peut-être un peu rapide. Dans sa poche de pantalon, un contact mousseux, la culotte de Mademoiselle, tiens, au fait comment s’appelait-elle ? Sans réfléchir, elle plonge son nez dans le sous-vêtement et le trouve… agréable.


oooOOOooo


Madame se déshabille lentement, pendant que la cadence de roulage augmente, avec le balancement indispensable des grands voyages. La paix de la solitude provisoire descend en elle. En kimono, elle se glisse dans les draps, ferme les yeux et glousse :



Ce qui suffit à la rendre sereine. Elle n’a pas de théorie sur les femmes, elle revendique seulement de les détailler, de les consommer, et de les garder tant qu’elles ne lui opposent pas un système. Madame est une libertine, et cet adjectif lui convient parfaitement jusqu’au premier arrêt du train.


Un coup à la porte qui s’ouvre tout de suite, et laisse passer une jeune femme qui rougit :



Protestations, amabilités, on est entre personnes de bonne compagnie. Coralie est une jeune mariée qui va rejoindre son époux ingénieur en Italie, oui, savez-vous, il travaille sur les marées de Venise, mais comme c’est intéressant, ah oui, sauver cette merveille, quelle motivation.


Les yeux de Madame pétillent, elle veut tout savoir, elle demande, s’enquiert, exige des détails et englue du même coup la jeune femme dans son personnage.


Ce n’est que plus tard après mille fils lancés entre les deux femmes par notre libertine que la jeune épouse doit se résoudre à se dévêtir pour se coucher.



Coralie rougit, pouffe, elles rient ensemble et Madame, pendant que la jeune femme se déshabille, laisse glisser un pan de son kimono, découvrant sa jambe jusqu’à l’aine.


La voyageuse cligne des yeux, la vision la repousse d’autant moins que les yeux fermés de Madame lui permettent un regard aussi curieux que discret. Elle voit le ventre lisse, nu et ralentit son effeuillage, sans autre idée que de profiter de cette impudeur involontaire et charmante sauf que Madame sait filtrer son regard entre les cils juste pour confirmer la justesse de sa manœuvre. Elle décroise rapidement les jambes, puis les recroise assez lentement pour que sa coturne puisse bien voir son abricot et vite elle ramène les pans de son kimono.


Ça va marcher, ou non ? Elle est bien, cette petite, mais, enfin, bon, elle n’a peut-être pas envie de compromettre une existence confortable. Ah là là ! toujours le conformisme qui l’emporte.


Coralie sait maintenant qu’une nuit, dans un train, elle a regardé un ventre de femme autrement que par accident. Un jour, peut-être… Car, enfin, on ne couche pas comme ça. Mais si, justement, on couche comme ça. C’est aimer qui est différent. Baiser, c’est autre chose, ça ne demande qu’une seconde d’inattention.


Coralie sent bon la bourgeoisie confortable et porte encore en elle les recommandations de sa maman qui l’a accompagnée jusque sur le quai.


Elle va rejoindre un mari au moins versatile qui retarde depuis un mois son retour d’Italie. Le travail, mon cœur, jour et nuit, sept jours sur sept. Elle arrive sans prévenir, comme l’a dit maman, au moins, elle saura pourquoi son charmant mari, si plein de fantaisie, se tue à la tâche. Ça la navre de devoir dormir seule. Ça l’irrite de devoir reprendre des habitudes de collégienne et d‘ouvrir les jambes pour ses jolis doigts fuselés.


Il y a bien eu cette soirée Rotary où un jeune militaire de l’École de l’Air l’a serrée de près pendant plusieurs danses, respectueux mais hussard quand même. Il lui a même semblé, dans un tango qu’il bandait très fort et qu’il avait une grosse…, enfin, qu’il en avait une grosse. Elle a brisé là, il sentait une eau de toilette de grande surface.


Madame soupire :



Et elle le fait, bien sûr, pour découvrir un corps rose, potelé qui lâche un petit « non, » tout fluet, alors qu’un rire presque enfantin lui fait suite.



Après tout Coralie est presque nue. Les femmes rient ensemble. Madame se dresse savamment sur son lit et laisse s’écarter les pans de son kimono. Échange de regards et rire de nouveau.



Coralie dose ses gestes, elle les analyse. Doit-elle enlever sa culotte bleu ciel ou mettre d’abord sa chemise de nuit ? L’enlever ensuite ou la garder pour la nuit ? La dame est visiblement nue sous son kimono. Alors, elle se décide à retirer son petit voile.



Mais un cahot perfide la déséquilibre et elle tombe à la renverse sur son lit, une jambe empêtrée dans sa culotte et Madame a tout le temps de voir la jolie fente dans le désordre de la chute.



Les deux femmes ont dépouillé ce qui les séparait pour regarder mieux ce qui les rapproche, l’état de nature, soigneusement parfumée et poncée. Coralie n’aurait jamais pensé que regarder un corps de femme l’aurait à ce point ravie ni, a fortiori que de se savoir regardée au plus secret l’aurait à ce point émoustillée.


Madame n’ose pas faire le geste que la situation n’impose pas : retirer son kimono, le faire c’est dire « Me voilà, toute nue, pour vous ». C’est une invite directe, alors que la jeune femme l’a fait par nécessité. Elle se résout au badinage.



Coralie pouffe.



Les deux femmes perlent ce rire qui détend les traits, rosit les joues et fait briller les yeux.



Coralie reste pensive une seconde, puis, comme à regret, enfile sa chemise de nuit.



Après bien des ouiiiiiii, nooooooon, comme ça, là ! retournez-vous ! mais c’est formidable !, Coralie se demandait pourquoi elle n’avait pas fait ça avant.


« Quelle subtilité dans la caresse, où donc avais-je la tête ? Bien, précisément, là, dans la fourche des cuisses de Madame et je trouve aussi étrange que délicieux de titiller du bout de ma langue un petit bouton de chair qu’on nomme clitoris. Mais que c’est bon d’agacer un clitoris !

En plus, elle me fait des tas de petits liquides sur le menton, ça sent bon. Et si je lui mettais un doigt, là, en bas, ça fait déjà des petits bruits. Génial !


Madame est descendue à Vicenza, Coralie à Venise. L’une comme l’autre très satisfaite d’avoir fait l’amour avec une libertine.


oooOOOooo


Mademoiselle rentre joyeusement chez papa-maman.