n° 12208 | Fiche technique | 11431 caractères | 11431Temps de lecture estimé : 8 mn | 26/01/08 |
Résumé: Pendant un orage, je vois un étrange spectacle érotique au bord de la falaise. | ||||
Critères: f voir exhib conte | ||||
Auteur : Macapi Envoi mini-message |
Elle marche vers la falaise, superbe dans sa grande cape noire qui la couvre entièrement. Même sa tête est recouverte d’un capuchon. Si j’avais ignoré le sexe de cette créature, le seul balancement de ses hanches à travers le lourd tissu me l’aurait indiqué.
Si jeune, d’apparence virginale, peut-être d’ailleurs est-elle toujours pure. Personne au village ne lui connaît d’amoureux, mais Fenella est si inaccessible qu’aucun pêcheur n’a jamais pu l’approcher. Elle semble parfois venir d’un autre monde. Elle vit seule dans la maison du haut de la colline, entourée de ses chèvres et de son petit potager. Jamais elle ne va au marché, ni aux fêtes des environs.
Ce soir-là, l’orage gronde au loin. Malgré tout, la pleine lune se laisse encore apercevoir au travers des nuages qui commencent à s’accumuler. Les hautes falaises résonnent du bruit des vagues qui se déchaînent déjà. La route se termine et, quelques mètres plus loin, la belle Fenella se dresse contre le vent qui se lève. Un rayon de lune l’enveloppe d’une lumière étrange que sa cape ne semble pas pouvoir capter.
Quelques gouttes commencent à tomber et je me recule un peu plus dans l’amoncèlement de rochers qui me sert d’observatoire. Le hasard a guidé mes pas vers ce lieu souvent désert. J’avais besoin de faire le point après la mort de mon compagnon de toujours, un grand chien qui a vécu pleinement sa vie, courant à loisir à travers ces contrées toujours surprenantes.
C’est maintenant une averse froide et humide qui arrose la terre mêlée d’herbe et de roches. On n’entend que le rythme régulier de l’eau qui tombe. Les vagues sont devenues inaudibles. La lune s’est cachée. Un étranger se serait perdu dans ce pays aux multiples détours et la falaise est un danger bien réel qui a déjà fait plusieurs victimes.
Fenella se tient au bord de cette falaise. Elle connaît le pays, elle sait exactement quels en sont les dangers. Elle devrait pourtant rentrer chez elle avant d’attraper la mort avec ses vêtements trempés. Immobile, elle semble contempler le vide. L’orage n’est pas loin. De sourds grondements résonnent à intervalles irréguliers.
La jeune beauté se dresse encore plus si c’est possible. D’où je suis, elle me paraît si grande. Elle étend les bras de chaque côté et j’ai l’impression de voir une chauve-souris ou un grand papillon noir. Elle est si belle. Je ne vois pas son visage qui reste tourné vers le large, mais je l’imagine fort bien.
Soudain, c’est le silence. Il n’y a plus de bruit, plus d’averse, plus d’orage, plus de vagues. Le temps semble s’être arrêté. Fenella est toujours plantée en haut de la butte qui surplombe le gouffre. Un rayon de lune s’est frayé un passage et l’éclaire alors que tout le reste du paysage demeure sombre et menaçant.
Je ne suis pas très loin de l’endroit où elle se tient, quelques dizaines de mètres tout au plus. Après quelques minutes, j’arrive à discerner un son. On dirait un chant venu de nulle part. Il n’y a personne, sauf Fenella. C’est donc elle qui chante, ou plutôt qui psalmodie des paroles incompréhensibles.
Le vent même s’est arrêté. Toute la nature est en attente. Moi-même je suis fébrile, j’attends quelque chose et je ne sais même pas quoi. L’atmosphère est étrange ce soir sur la falaise. Je n’ai jamais vu une nuit pareille de toute ma vie. L’air se fait lourd, comme si une catastrophe allait se produire. L’odeur même qui flotte dans cet air est chargé de mystère.
La cape de Fenella tombe soudain par terre. Sans doute l’a-t-elle elle-même enlevée, mais rien n’est moins certain. Je ne l’ai pas vue bouger, j’ai seulement vu sa cape tomber, révélant au passage ce dont je ne me serais jamais douté. Elle était nue sous ce simple vêtement, chose inimaginable dans ce village si attaché aux traditions.
Le souffle me manque à cette vue. Si quelques détails m’échappent à cause de la distance, mon imagination plus que fertile compense amplement. Son corps parfait s’offre maintenant à la nuit. Seul un filet de lumière subsiste sur son dos aux courbes amples qui se termine sur un derrière sublime et généreux. Si jeune et si belle, comment est-ce possible ? La plénitude de la femme transparaît dans ce corps qui pourtant n’appartient qu’à une jeune fille au visage délicat. Ses cheveux noirs de jais descendent dans son dos, sans réussir à cacher sa peau blanche. Ses bras prolongent gracieusement son corps. J’imagine le devant de son corps, parfait, féminin, voluptueux. C’est assurément un corps fait pour l’amour que j’aperçois tout en haut.
Je profite de l’accalmie de l’averse et du fait que la belle Fenella ne semble pas se soucier du monde extérieur pour me faufiler à travers les rochers et trouver un meilleur endroit pour regarder ce spectacle magnifique. Cette beauté est presque surnaturelle et n’a rien de vulgaire. La regarder ne peut pas être mal, et si je suis là cette nuit dans ce tableau incongru c’est que je dois y avoir ma place.
Le chant cesse, les bras retombent. La belle baisse la tête, comme en signe de soumission. La lune se cache à nouveau derrière les nuages. Les vagues se font à nouveau entendre, l’orage reprend de la force et s’approche à grand pas. Le vent, presque violent, se lève. Les cheveux noirs flottent de manière irréelle autour de sa tête. Elle est au milieu d’un tourbillon de vent et ne frissonne pas le moins du monde au contact froid qui doit pourtant se saisir d’elle.
Un ballet superbe se déroule à quelques pas de moi. J’ai réussi à trouver un coin un peu en retrait avec une vue superbe. À la lueur d’un éclair providentiel, je peux même voir sa poitrine ronde se pointer sans complexe en direction de la mer qui rugit. Elle ne bouge pas, elle regarde au loin, c’est la plus magnifique des femmes que j’ai pu voir dans ma vie.
Une goutte d’eau tombe, puis une autre, lentement. Les éléments ne semblent pas se décider à se déchaîner réellement. L’air est toujours aussi oppressant. J’attends. Je ne sais pas ce que j’attends, mais je ne peux pas faire autrement, comme si un envoûtement me maintenait en cet endroit, comme si je devais être témoin de quelque événement important.
En regardant plus attentivement, je m’aperçois que Fenella sursaute légèrement. Je finis par conclure que les gouttes d’eau lui font cet effet. C’est compréhensible puisqu’elle est nue et que l’eau est froide. Après un moment, je me rends compte qu’elle oscille aussi au gré du vent. Autant elle était tout à l’heure immuable, ancrée au sol, autant elle se laisse maintenant porter par le souffle. Elle balance d’un côté puis de l’autre, sans paraître en déséquilibre, comme si le vent jouait avec elle, et c’est avec confiance qu’elle s’abandonne à ce jeu devant mes yeux étonnés.
Le vent la caresse, la bouscule, la rattrape, l’enveloppe, joue avec ses cheveux, la soulève à demi du sol. Je n’ai jamais eu affaire à de tels tourbillons, comment appeler autrement ce phénomène ? Fenella est belle lorsqu’elle ondule ainsi au rythme capricieux, mais déterminé, de cet élément naturel. Elle se laisse faire avec une confiance absolue. Jamais elle ne tente de s’échapper.
Chaque goutte qui s’écrase sur sa peau nue l’électrise et elle frissonne. On pourrait croire qu’elle a froid, mais je commence à comprendre qu’elle frissonne de plaisir ou de désir. Le vent la caresse comme cent mains d’hommes, tandis qu’autant de baisers mouillés la butinent. C’est comme si elle faisait l’amour avec un nombre infini d’amants très attentionnés.
La bouche de Fenella est ouverte comme pour une plainte sans fin. Ses yeux se sont fermés, ses cheveux trempés ont cessé de battre la cadence sur ses épaules pour finalement se plaquer à elle comme un filet protecteur. Tout son corps ondule sensuellement à un rythme qu’elle apprend au fur et à mesure. Je peux voir son bassin s’élancer en avant dans le vide, à la recherche d’une plénitude qu’elle ne trouvera certainement pas ici.
Est-ce qu’elle savait ce qui l’attendait en venant ici ce soir ? Est-ce réellement la première fois, ou a-t-elle maintes fois dansé l’amour avec le vent et la pluie ? Je ne sais pas et je crois que je ne le saurai jamais. Tant de questions qui me parcourent l’esprit alors que je regarde ce spectacle incongru. Mon excitation grandit au fur et à mesure que je comprends la portée de la chorégraphie qui se déroule presque à portée de main. Car je voudrais maintenant toucher cette peau rendue si sensible. Je voudrais embrasser cette bouche ouverte. Je voudrais parcourir ces courbes offertes, impudiques. C’est si beau.
Un éclair, le tonnerre, et j’ai la vision merveilleuse de cette femme, fragile et forte, arquée par le plaisir et solidement ancrée au sol, le visage déformé par l’orgasme et pourtant si grave. Je n’ai aucune certitude, mais je crois que quelque chose vient de pénétrer son intimité. Est-ce le vent qui s’est rassemblé en mini-tourbillon ascendant ? Est-ce la pluie qui s’est faite geyser ? Est-ce une force invisible dont je n’ai même pas connaissance ? Toujours est-il que Fenella est bel et bien en train de faire l’amour, debout au bord de la falaise, soutenue par cent mains, aimée, comblée par cent bouches, et peut-être honorée par plusieurs trous. J’ai l’impression de rêver tellement c’est beau et incroyable tout à la fois.
Un cri profond, rauque, bestial, incontrôlé, couvre un instant tous les bruits de la nature. C’est Fenella qui vient de jouir, sauvagement, instinctivement. Son corps fume de vapeur d’eau, tellement la chaleur l’envahit. Une sorte de lumière émane de chaque pore de sa peau.
On peut dire que le beau temps est revenu par son corps d’abord et s’est étendu très vite aux alentours, comme s’il n’y avait jamais eu d’orage, comme s’il n’y avait jamais eu de nuit. C’est le matin. Il fait beau. Combien de temps s’est écoulé ? Tout ceci était-il réel ? Mes yeux clignent quelques fois pour m’en assurer. Et je la vois, Fenella, dans toute sa beauté, dans sa féminité exprimée, étendue par terre, recouverte de sa cape noire.
Je l’ai crue morte. J’ai pleuré. Parce qu’elle était belle, parce que jamais je ne retrouverai femme aussi belle. Et c’est là qu’au son des oiseaux qui gazouillent et du ressac discret des vagues, elle se réveille, se retourne et me sourit. Je lui tends la main pour la relever et c’est tout simplement que nous retournons ensemble au village.
Je ne saurai jamais si ce que j’ai vu cette nuit-là était réel ou non. Mais je sais que, lorsqu’elle crie pendant l’amour, j’ai des visions de rayons de lune sur un corps parfait. Parfois aussi, lorsque je suis vraiment très heureux, je pleure à chaudes larmes sur son corps, je souffle dans son cou et c’est ainsi que nous jouissons dans une harmonie irréelle.