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17/02/08
Résumé:  Une histoire inspirée par l'Astrée, d'Honoré d'Urfé, après la vision de son adaptation par Eric Rohmer... Sylvestre aime Chlorinde, mais la jeune fille n'aime guère les hommes. Il devient femme, mais s'aperçoit vite que tout n'est pas si facile...
Critères:  fh ff forêt campagne amour conte fantastiqu -fantastiq -contes
Auteur : Apollodione            Envoi mini-message
Chlorinde et Sylvestre

Il était en pays de Gaule, du côté de ce massif de montagnes que l’on appelle Morvan, au temps où régnait le grand Saturne, un chasseur qui avait nom Sylvestre. Le jeune homme aimait une jolie bergère, qui s’appelait Chlorinde. Mais, bien mal lui en prenait, car la jeune fille ne se plaisait qu’en compagnie de ses semblables ! Le drôle en était fort marri, et courait les bois, par monts et vaux, cherchant à soigner les meurtrissures de son cœur, par cette cruelle infligées.


Un jour qu’il coursait un cerf, en compagnie de son chien Pellenore, il entendit des rires du côté de la rivière. Lors, se dissimula derrière roseaux et aperçut la blanche nudité de la belle Chlorinde. Elle avait blancs tétins de douces cerises adornés, et son ventre bien arrondi et mignon surplombait le connet joli, plus riche que Toison de Colchide. Comme belles colonnes de marbre de Carrare, ses longues jambes fines recevaient, en guise de fronton, les rondes et lunissantes blancheurs des fesses.


Belles boucles blondes, comme pluie d’or fin, tombaient sur les épaules de cette Danaé ! Mutin visage, ses pommettes presque enfantines dans leur joliesse d’un petit nez s’enorgueillissaient, qu’eût volontiers peint le Titien… De magnifiques yeux d’azur céruléen venaient le tableau parfaire. Bouche gourmande, qui devait avoir goût de fraise, parfois s’ouvrait sur deux jolis rangs de perles, lors que riait la bergère. La jeune fille folâtrait dans l’onde pure de la rivière, en compagnie de deux donzelles de son âge, aussi brunes qu’elle était blonde !


Elles sortirent de l’eau et s’allongèrent sur la tendre mousse, qu’en sa bonté la chaste déesse avait déposée sur la rive, pour sécher aux rayons de Phébus leurs charmants corps de nymphes. C’est ainsi que Sylvestre, derrière roseaux en embuscade, les surprit à se prodiguer moult embrassades et caresses, et cette vision le remplit alors d’une tristesse que même le poète, qui d’Auguste s’attira l’ire, n’eût pu peindre en son art !


Le pauvre homme laissa précautionneusement sa cachette, et s’enfuit vers la cascade, en amont. Il escalada bravement les rochers et, une fois en haut, adressa cette prière aux dieux :



Sur ce, il se précipita dans le vide ! Mais, en cet âge d’or, les dieux étaient encore bienveillants à l’égard des hommes, et la déesse Artémis l’exauça. Il fut emporté par le courant jusqu’à cette plage où jouaient les jeunes filles. Il était comme mort mais il respirait, et la vie se répandait de nouveau en ses veines. Quand il ouvrit les yeux, il distinguait difficilement la lumière, ébloui qu’il était par les flèches acérées que le frère de la Déesse au croissant dardait sur son pauvre crâne meurtri ! Une nymphe le regardait : bientôt, il aperçut les traits tant chéris de la belle Chlorinde !



La jeune fille pouffa de rire :



Par Hercule, pensa-t-il, les dieux m’auraient-ils exaucés ? Quel redoutable présent ! Je me sens bien gauche, en effet, dans ce corps de pucelle ! Chlorinde repassa son chiton et chaussa ses sandales. Ses compagnes l’imitèrent. Seule Sylvia restait aussi nue qu’Aphrodite sortant de l’Onde, car la tunique du chasseur avait été emportée par le courant.



Autrefois, Sylvia avait ouï dire de ce château. Là vivait une communauté de druides. Les quatre jeunes filles se mirent en route, suivies par le chien Pellinore. Bientôt, elles allèrent heurter à l’huis. Sur ce, un druide convers vint leur ouvrir la porte et elles réclamèrent l’hospitalité pour la nuit. Le druide Pelléas entendit l’histoire de Sylvia, ayant manqué de se noyer alors qu’elle se baignait, et perdu tous ses vêtements dans la forêt.


On lui fit porter une robe de lin blanc, dont elle se revêtit aussitôt. Les druides acceptèrent de recevoir les bergères pour la nuit. Ils leur offrirent un repas, et le convers qui les avait accueillies les conduisit dans une chambre de la tour ouest. Il y avait un grand lit, où l’on pouvait dormir à quatre sans se retrouver à l’étroit. Les jeunes filles se déshabillèrent et se couchèrent, après s’être peignées les unes les autres.


Chlorinde démêla la chevelure brune de Sylvia, et lui adressa un petit baiser dans le cou. La brunette sentit l’émotion l’emporter, et son sein, ainsi que mont de Vésuve s’échauffer. Le tétin joli la blonde lui pinça, comme fit autrefois la belle Gabrielle à sa sœur. C’était sensation bien neuve pour elle ! Elle ne savait si elle devait bénir les dieux pour ce don, qui de son corps fit telle métamorphose. À son tour, elle démêla la chevelure dorée de la belle Chlorinde, et l’embrassa sur la joue. Celle-ci se retourna et lui baisa les lèvres sans pudeur aucune. Les jeunes filles soufflèrent les bougies, et se collèrent les unes aux autres pour s’endormir. Mais leur esprit était ainsi disposé, qu’elles se prodiguaient chacune douces caresses, de leurs jolies mains effilées, et leurs bouches assoiffées !


Le lendemain, les rayons dorés de Phébus vinrent les éveiller, en leurs poses alanguies : on ne savait distinguer à qui ce genou joliet, à qui ce sein mignonnet appartenaient. Chlorinde dissipa les brumes de Morphée sur les lèvres vermillonnes de son amante. Elle la baisa avec cœur, mais soudainement Sylvia eut de Sylvestre grande nostalgie, car son amie ne pouvait s’unir aussi bonnement qu’Hercule à Omphale…


Lors, elle se leva et tristement repassa la robe de lin, si navrée qu’elle était par si vibrante découverte en son esprit ! Chlorinde voulut de nouveau à elle l’attirer, mais la brune la repoussa sereinement… Elle lui tint la main mignonnette et la baisa en guise d’adieu. Sylvia passa la porte, laissant son amie toute penaude en sa chambrine, et alla trouver Pelléas le druide. Lors lui narra toute l’affaire, qui de Sylvestre avait fait Sylvia. Il lui dit qu’il n’avait cure de demeurer ainsi sous féminine écorce, lors que son âme était toujours de si virile façon disposée. Sage druide lui fit réponse que si c’était ainsi, il devait prier la déesse en son temple pour nouvellement sa nature changer.


Sylvia acquiesça, et se mit en route. Les druides lui offrirent un himation et des sandales pour le voyage, ainsi qu’une besace garnie de victuailles. Mais le chien Pellinore ne la compaigna point, car ne pouvaient se rendre gens canins en ce temple. Tel était l’interdit qui avait été prononcé depuis qu’autrefois un chien avait égorgé une biche-fée sur l’autel de la Déesse…


Elle marcha six lieues, puis se mit en quête de repos, à l’ombre d’un grand chêne sacré. Celui-ci se dressait en haut d’un talus surplombant la rivière Yonne. Elle s’assit, le dos au tronc noueux de l’arbre géant et sans âge, puis fouilla dedans son sac pour y quérir pitance. Les druides lui avaient fait don de galettes de blé noir et de cervoise de bon froment. Elle reprit des forces, et poursuivit sa route à travers le sentier qui devait la mener au temple de Vercelai.


Il avait été érigé, avant le déluge, par des Titans sur la colline inspirée, et demeurant céans en parfait état. En chemin, elle rencontra un loup qui lui demanda où elle allait. En cette époque lointaine, humains et animaux se pouvaient entendre, et converser ensemble. Elle répondit qu’elle allait demander à Artémis de lui faire reprendre virile apparence, car de féminine image elle ne pouvait plus souffrir pour chérir sa mie, dût-elle ne plus jamais lui prodiguer si folles caresses !


Le loup lui proposa de l’accompagner jusqu’à la colline, où elle se mêlerait aux pèlerins. Il lui apprit que de gent lovinace il était maître en ces forêts et que d’Ysengrin il avait nom. Se mêla bientôt à icelle compagnie sire goupil au rougeoyant pelage ! Maître Renart était en quête de pitance, car n’avait rien mangé depuis deux jours, ni poule ni oisillon. Sylvia lui fit offrande de galette de blé noir, mais point le rusé goupil n’en voulut, car de viande de belle gallinace était plus friand que de sarrazin…


À l’orée de forêt, on apercevait une ferme. À la vue des volailles qui gambadaient dedans cour, maître Renart en eut l’eau aux babines. Sylvia heurta à l’huis de chaumine. Le fermier vint ouvrir. Clitandre était son nom. Il vivait seul, sans épouse, depuis qu’icelle était partie rejoindre druidesses au temple. Elle lui avait laissé sa fille de quinze printemps, la jolie Phyllis. Sylvia réclama l’hospitalité pour la nuit ainsi que le manger pour ses deux compères.


Le vilain en fut gré, pour peu que ses hôtes lui rendissent quelques menus services… Sylvia s’enquit de la nature d’iceux. Clitandre avait pour désir que le loup gardât son troupeau de brebis pendant la nuit, car le vieux chien n’avait plus tellement l’ouïe fine. Ysengrin accepta. Le fermier demanda à maître Renart de veiller sur le poulailler. Ce dernier en fut gré. Enfin Sylvia s’inquiéta de quel service elle aurait à contenter son hôte. En guise de paiement, celui-ci lui réclama une nuit d’amour, car n’avait point eu commerce de femmes depuis trois ans et de virile puissance sa coupe débordait…


Sylvia n’eut cœur de refuser, quoique l’idée lui en laissait un goût amer en son âme ! Mais elle pensait aussi à son ami Renart, qui tant de chair fraîche était affamé. Clitandre offrit une bonne poule au pot à ses hôtes. Qui lapa l’assiette, qui s’en délecta. Puis, goupil et loup sortirent à nuit tombée prendre leur garde. Quoique Phyllis ne fût point Chlorinde, et bien que brune, elle était belle à cœur, et Sylvia eût préféré dormir en ses bras, qu’en ceux du fermier aux muscles noueux, et à la peau tannée.


Il la fit asseoir sur sa couche, et lui offrit une corne d’hydromel, laquelle un peu la conforta. Caressant les boucles brunes de ses doigts gourds, il fit descendre un pan de tunique pour lui palper le sein. Les mains calleuses griffaient la peau soyeuse de la jeune fille. Elle ferma les yeux, et serra les dents. Mais il lui ouvrit la bouche pour y plaquer son haleine fétide. Elle se détourna de dégoût et toussota. Il la gifla, et arracha l’autre pan de sa chemise, puis, sans ménagement aucun, il la plaqua sur sa couche.


Il lui releva sa tunique, et découvrit le temple de Vénus. Fasciné par féminine nature, de fils de Bacchus il eut bientôt semblance, et sans ménagement aucun, la besogna jusqu’à force de contentement ! Alors, sur son côté retomba, et de sommeil s’effondra. Sylvia, sa nature outragée, pleurait des larmes amères et salées. La jeune Phyllis vint la trouver pour la cajoler. Bien eût voulu la baiser, mais Sylvia se souvint de son amour pour Chlorinde, et déposa gentiment son doigt sur ses lèvres, lui souriant pour la remercier.


À l’aube, alors que ronflait encore le vilain, Sylvia trouva du fil pour raccommoder sa chemise, et sortit dedans la cour. La jeune Phyllis lui adressa un baiser pour lui signifier son adieu. Elle le lui rendit derechef, appela goupil et lupin, et tous trois se remirent en route.


En chemin, Sylvia voulut se baigner dans l’onde pure de la rivière, pour se purifier des souillures de ce rustaud. Un saumon vint nager entre ses jambes, et il lui annonça que là-bas, à Beuvray, Chlorinde était inconsolable de son départ, et qu’elle parlait aussi de se jeter dedans rivière, si son amie aussitôt ne revenait. Cruel dilemme pour Sylvia, craignant pour la vie de son amie, mais qui, pourtant, devait poursuivre sa route jusqu’au temple de la Déesse, afin de virilité recouvrer…


Elle décida, en ultime ressort, de renoncer à son pèlerinage, la mort dans l’âme, et de revenir au plus tôt auprès de son amie. Cependant, elle préféra dormir dans la forêt, plutôt qu’encore une fois avoir à subir les assauts du vilain ! Au petit matin, maître Renart prit son parti de quitter la troupe, mais le loup encore compaigna la jouvencelle dessus chemin.


En la soirée, ils arrivèrent en vue de la pâture, verdissant au pied du château. La belle Chlorinde s’entraînait à la flûte parmi ses blancs moutons : les mélancoliques notes d’une ancienne complainte, contant les amours malheureuses de Pyrame et Thisbé, pleuraient son amour disparu, et les oiseaux des chants la reprenaient en chœur…


À la vue de sa maîtresse, elle lâcha le roseau et courut vers elle pour la serrer très fort contre son cœur. Sylvia lui fit moult embrassades et caresses, pour la rasséréner. Mais en elle, son âme était triste, car à présent tenue prisonnière en corps de femme !


La nuit venue, les jeunes filles partagèrent la hutte de Chlorinde, située un peu plus loin du château, près de la source de la rivière. Elles s’adorèrent, tout à la joie des retrouvailles ! Mais à l’aube, Sylvia s’habilla en hâte, sortit de la hutte, et alla prier les nymphes des sources, pour qu’elles l’aidassent à reprendre virile apparence… Les déesses des eaux l’exaucèrent, et Sylvestre sentit de nouveau avec délice ses attributs lui caresser l’aine, tandis que sa poitrine était de nouveau plate !


Toutefois, il se résolut à continuer de porter ses habits de fille, pour duper Chlorinde, qu’il aimait et ne se pouvait résoudre à perdre. Redevenu lui-même, le chasseur marcha vers la chaumine. Il retrouva son aimée, au milieu de son troupeau de brebis. Elle lui prit la main, et l’entraîna au pied d’un tilleul, lequel ombrageait la prairie.


Croyant que Sylvestre était toujours Sylvia, elle continua de lui prodiguer ses caresses, sans méfiance aucune. Mais elle fut fort étonnée, quand elle découvrit l’absence de sein ! Surprise, elle le repoussa. Aussitôt, il la rattrapa par le bras, lui mandant pourquoi elle haïssait ainsi Sylvestre, alors qu’elle sacrifiait hier au culte de Sylvia ?


Elle en fut troublée, le contempla de ses yeux d’azur céruléen, et dans le velours sombre du regard du jeune homme, elle vit l’image de celle qu’elle aimait… Alors, elle tomba en pâmoison ! Sylvestre la retint dans ses bras, et la porta jusqu’au logis.


Lors, il la déposa sur sa couche, et la ranima d’un baiser. Elle s’éveilla, lui sourit, et se jeta dans ses bras, lui jurant son amour éternel. Le chasseur continua de prodiguer ses caresses à sa mie, et tous deux se retrouvèrent bientôt nu à nu. Dans les bras de Sylvestre, Chlorinde devint femme. Leurs noces furent célébrées à Beltane. Ils vécurent heureux et eurent de nombreux enfants.