n° 12305 | Fiche technique | 11975 caractères | 11975 2096 Temps de lecture estimé : 9 mn |
18/02/08 |
Résumé: "Vous m'attendez en haut des marches, comme prévu. L'on se reconnaît, et... c'est étrange, j'ose à peine vous regarder." Histoire d'une rencontre, un matin d'automne. | ||||
Critères: f fh cérébral noculotte photofilm odeurs entreseins cunnilingu -poésie -mast | ||||
Auteur : Louise Gabriel Envoi mini-message |
Poésie |
Je construis mes histoires avec ma peau, il me faut la vérité d’un instant pour glisser dans le rêve.
L’abandon charnel est un état de grâce.
De la navigation dans l’inconnu d’un monde des plus virtuels, ou je ne perçois qu’à bout de mots, ou je les dépèce pour sentir. Il me faut de l’âme aussi, un corps pour vivre ça ne peut pas être totalement vide, il faut tout le reste, tout ce qui ne se voit pas, ne se dit pas tout à fait.
Mais vous l’avez dit, un peu, et il a suffi de ces si simples, si évidentes paroles, si vraies, cette sorte de cri silencieux, le déclic.
« Envie d’un corps ». Juste celle-ci – et le poème qui a suivi, et sa fin, ce couperet violent – je me suis dit qu’effectivement je pouvais vous offrir mon corps de bonne grâce, parce qu’elle n’attend que ça, ma peau, parce que c’est la seule chose que je puisse vous donner vraiment, au point de vous laisser entrer, glisser sur elle, en elle, parce qu’il me faut le désir de l’autre, sans lui je ne peux rien, je ne peux pas naître dans ce si doux refrain. Alors, il y a la peur qui vient se mêler au débat, je ne me lance pas dans de telles aventures tous les jours non plus, je ne suis pas sûre de moi, surtout pas.
Vais-je lui plaire ou pas ? L’émotion, ça ne se commande pas, c’est fugitif, c’est un instant, un regard, un petit rien, parce que là-dedans, il n’y a plus que la séduction brute et rien d’autre, il n’y a pas la complicité de la connaissance, non, c’est rêche, sans enluminures, ça coule de source ou ça se fracasse d’un coup, d’un seul.
Je me retrouve par un petit matin d’automne à la sortie de métro que vous m’avez indiquée et, bon Dieu ! je pourrais dans l’instant partir en courant, avec ce putain de sentiment de culpabilité chevillé au fond de la cervelle – je ne m’en départis jamais tout à fait, sans doute le prix à payer de mes libertés, ma prise de pouvoir pour l’assouvissement de mes désirs.
Finalement, non, je ne pars pas à toutes jambes, ma curiosité, ma soif d’aventure, ma famine si savamment cultivée, mon excitation, mon envie du plaisir et, cerise sur le gâteau, faire des photos, moi qui déteste ça.
Aussi surprenant que cela puisse vous paraître, je suis timide. J’aurais été capable de boire un verre pour me donner du courage, être un rien plus détendue. Je ne l’ai pas fait, à neuf heures du matin, c’est impossible sous peine d’être malade.
Vous m’attendez en haut des marches, comme prévu. L’on se reconnaît, et… c’est étrange, j’ose à peine vous regarder. Je n’y arrive pas, c’est si subit, tout avance à la vitesse de l’éclair. Et vous fumez, génial, parce que sans cigarette pour m’apaiser cela aurait été encore un peu plus compliqué, enfin, les petits détails finissent gigantesques dans ces cas-là.
Il fait frais, le soleil est magnifique, il est presque rassurant, il garantit la belle lumière pour les photos, pas besoin de flash, ouf ! Parce que les éclairages chirurgicaux, je ne sais pas, mais là c’est effrayant, je n’ai plus vingt ans, bon sang, et je les imagine déjà, mes courbes, pas très accentuées sous les lumières couleurs néon. Affolant !
Le désir et la peur continuent leur bataille acharnée, ils se disputent à l’intérieur de moi. Ils n’arrêtent pas une seconde de me tirailler d’un côté, de l’autre.
Monter les escaliers à la hâte, ne plus s’arrêter, trois étages au pas de course ou presque, ne pas se retourner, enfin à l’intérieur. Il fait chaud dans votre appartement, ça sent la peinture fraîche, le tout neuf, le tout juste rangé, l’installation récente, c’est vivant, je me détends un peu.
L’invitation à prendre un café, ah, ce n’est pas de refus, bien sûr que j’ai besoin d’un café, et noir, le plus noir possible. Se répandre en banalités, il me semble encore me souvenir, les détails, les fenêtres, enfin pourquoi parler du décor, ça rassure parfois le banal, c’est sûr, bien stable. Et moi qui n’ose toujours pas vous regarder, pas pour de vrai, pas possible encore de planter mes yeux dans les vôtres, si j’y lisais que je ne vous plais guère… Enfin, j’essaie de penser à autre chose, l’œil noyé dans les vitres, l’iris liquide. Et je fume une cigarette puis une autre, j’aurais pu griller le paquet à en saturer mes poumons.
Il faut que cela cesse. Avancer, passer à autre chose, la chose pour laquelle je suis là, la chose pour laquelle vous m’avez invitée chez vous, et j’en meurs d’envie, et j’en ai peur. Ne pas supposer un instant que vous puissiez être un rien angoissé vous-même, ça, non, je ne l’ai pas envisagé, pas une seule seconde ; vous aviez l’air si serein, peut-être vos mains tremblaient-elles un peu, il m’a semblé. Vision fugitive.
Et me voilà debout, on y va, bien sûr qu’on y va, mais pas si facile. Et moi qui vous dis :
Tout devient magique, vos mains parlent à votre place lorsque solidement vous m’enserrez dans vos bras, que vous embrassez ma nuque, que vous remontez ma jupe pour faire le constat de ma totale obéissance. Eh bien oui, je n’ai pas de culotte, je n’en aurai pas mis ce matin-là pour tout l’or du monde, je voulais tant et tant vous plaire, cela m’excitait de me promener la chatte à l’air en plein Paris juste pour vous satisfaire, pour me plier à l’inconnu que vous êtes.
Maintenant, vous pouvez tout vouloir de moi, les photos, mon cul, ma chatte et ma bouche, je ne vous refuserai rien, parce que le refrain de vos mains sur ma peau vous a ouvert les portes, toutes les portes et les ouvertures de mon corps, les barrières de l’angoisse ont volé en éclat, et là, je deviens moi.
Aller dans votre chambre, lieu des prises de vue – c’est vrai, la lumière y était belle ce matin-là. Vous vous attardez sur l’arrondi de mes épaules, jetez dans l’empressement mes vêtements… bon Dieu, qu’elle est bonne, votre urgence, vous n’imaginez pas !
Me voilà nue, vous me basculez sur le lit avec un rien de brusquerie, m’intimant l’ordre de me caresser, évidement que je vais me caresser, cela fait deux jours que je me masturbe dans mon dressing face à un grand miroir en rêvant ce moment, vous face à moi.
Lorsque, accroupi, vous venez écarter mes cuisses, vos solides mains imprimées dans leurs muscles, le suave de votre langue, son côté presque frais sur mes lèvres intimes brûlantes, je pourrais hurler de bonheur ; je ruisselle comme une fontaine, je meurs d’envie de vous toucher, de vous voir nu, aussi nu que moi. Souvenez-vous, j’adore la peau.
Il me faut vous ôter cette foutue chemise, blindée de boutons, la ceinture de votre pantalon, récalcitrante, votre slip, vous voir, et bon Dieu, vous êtes terriblement viril, poilu, c’est doux, massif, solide, charpenté. J’aime la force que vous dégagez, la douceur de votre regard.
Vous m’abandonnez.
Je ne sais plus si à ce moment-là l’on se vouvoie, l’on se tutoie, qu’importe.
Vous me dites de continuer.
Et j’entends le cliquetis de l’appareil photo. Bizarrement je n’ai plus peur de rien, d’être moche, pas belle, je m’en fous. Je m’enfonce, je m’enivre, vous m’offrez l’ivresse, je peux écarter les cuisses autant qu’il vous plaira, glisser mes doigts dans les recoins humides, il n’y a plus de frein à mon impudeur.
Seulement je ne peux pas me contenter de moi et de mes doigts, et de vous à un mètre avec votre appareil, je veux votre queue au creux de ma bouche, sentir votre odeur, vous lécher, vous humer, vous sentir vivant sous mes mains.
Le ballet de nos corps, notre danse chavirante, ce "perdre pied", couler, s’incruster dans l’autre, c’est somptueux, voluptueux.
Putain que c’est bon, mes fesses offertes, tendues comme les cordes d’un violon, vos mains, toujours vos mains, votre bouche, votre langue, votre bite, votre parfum d’homme. Je me damnerais pour l’éternité entière pour cette volupté-là. Je ne me lasserai jamais de cette magie de la chair, de ce plaisir profond, aussi profond que la glissade de vos doigts indécents dans l’intérieur dévorant de mes moiteurs intimes, la saveur goûteuse de votre queue dans l’onctueux de ma bouche, cette mélodie sinueuse, cette valse ensorceleuse qui me titille le corps entier, qui me fait voir les étoiles d’une nuit sans lune même par un jour de grand soleil.
Je ne peux rien renier, je ne le veux pas, je trouve ces moments d’extase charnelle trop beaux pour supposer m’en priver une seule seconde, ils me rendent immensément vivante. Quand la peau vibre et scintille de cet éclat-là, nous sommes tous beaux, et vous l’étiez de façon si évidente, vous étiez magnifique de désir…
Il n’y avait pas de musique non plus, un détail, pas tout à fait, nous étions seuls, tout seuls à meubler l’espace de notre chant charnel. Je ne l’entendais même plus, le silence, j’étais bouleversée, chavirée. Les airs tendus de la chair se suffisaient à eux-mêmes, sans problème. C’était si bien qu’il n’y ait qu’eux comme refrain, cela laissait toute la place, rien, vraiment rien pour se distraire, se sauver ne serait-ce qu’une seconde sur les rythmes de quoi que ce soit d’autre. Votre masculin charpenté n’en était que plus criant, pas une note ne venait arrondir les angles, adoucir les formes. Non c’était bien brut, carré, palpable, granitique, et quelle magie d’y promener mes doigts, m’apercevoir que c’était chaud, vivant, palpitant, vibrant !
Quand le désir, se disputant avec l’angoisse, finit par prendre le monopole de la situation, cette fraction de seconde où tout bascule, où tout éclate, où les murs de votre chambre ne suffisent plus à contenir ma volupté, je suis sur une île déserte, en plein paradis tropical, et je me gave sans jamais être rassasiée de fruits exotiques, du goût juteux de votre queue, de la saveur rebondie de vos fesses, de l’odeur musquée de votre masculin, et c’est terriblement bon.
Ce parfum psychotrope, sa mélopée olfactive ondulant dans mes narines, la pulpe de mes doigts irradiée de vos frissons… Eh oui, je suis un être de perceptions, j’aiguise mes sens, pour ne rien perdre, ne rien oublier…
J’entraîne ma mémoire, je ne veux pas qu’elle me trahisse, je veux perpétuer à l’infini la sensation de votre bouche sur la fleur grande ouverte de mon sexe, repasser en boucle dans mon cerveau ce film d’une seconde et demi, qu’il finisse par me faire onduler du bassin, m’oblige à fermer les yeux, qu’il me contraigne à écarter les cuisses, que mon clitoris tendu comme la corde d’un arc devienne douloureux. Je pourrais presque me faire jouir sans me toucher, j’attends et j’attends encore, à rendre la perception exaspérante, insupportable, je cultive le vide, ce gouffre qui à chaque soupir devient un peu plus profond. Je sais que lorsque enfin je me toucherai, je serai dégoulinante, que mes lèvres intimes seront gluantes, luisantes, consumantes, qu’elles baveront d’envie devant votre langue rêvée, que mes doigts sauront me satisfaire parce qu’ils seront habités du souvenir de votre saveur.
Je ne sais pas si la prochaine fois je serai plus capable de vous regarder, de vous laisser voir mon regard, le photographier, je n’en sais vraiment rien. Mais je suis sûre d’une chose, cette ondulation, au creux de moi, qui empêche la totale concentration sur mon travail du moment, ne m’a guère quittée. Je la chasse de temps à autre, il me faut vraiment travailler, et je m’acharne à éloigner la sensation trop dévorante. Mais ce qu’elle peut être mesquine, elle me câline doucement le bas des reins, comme si de rien n’était, elle se fait discrète, pas trop envahissante, elle butine lentement le long de ma colonne vertébrale, elle finit par s’attarder un peu trop longuement sur ma nuque, bien trop longtemps, elle me contraint à plier, à courber, à incliner ma tête, elle met fin, elle décapite sans remords mes dernières réticences à mes envies de jouissance, et je n’arrive plus à rester sereine face à ces bon Dieu de chiffres qui ne m’inspirent rien. Je m’avoue vaincue, je me caresse, je me touche doucement, puis plus fort, que mon corps exulte, qu’il retrouve la paix, après la tempête déclenchée au seul souvenir de vos indécentes promenades…
Les photos étaient si belles !